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Classiques Garnier

Foreword

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AVANT-PROPOS

En 2022 et 2023, Le Soulier de satin a été mis au programme du baccalauréat pour lenseignement « spécialité théâtre » en classe de terminale. La chance était grande pour notre Bulletin de saisir lécho de la réception de cette œuvre par enseignants et lycéens, de découvrir comment ils ont avancé dans la compréhension de la pièce puis sa mise en scène avec lassistance de professionnels du théâtre. Quils aient pu ainsi approfondir la connaissance de Claudel, un auteur malheureusement jamais étudié dans le secondaire, mérite toute notre attention. Tout au long de ces deux années ont fleuri sur la toile différents sites. Ils visaient à faciliter lapproche et à échanger des pistes de travail (Eduthèque, Canopé, Eduscol, Néoprofs…), à faire circuler résultats et captations du Soulier dans les académies et les lycées. Nous sommes très reconnaissantes à Isabelle Lalisban professeur agrégé au lycée Vaugelas de Chambéry et à Antoine Guillot, lartiste intervenant à ses côtés, ainsi quà Géraldine Tellène, professeur au lycée Mistral et au lycée Aubanel à Avignon, davoir bien voulu nous confier leurs réflexions et dévoiler un peu de leurs méthodes de travail. La chance a voulu que deux élèves du Lycée Vaugelas de Chambéry, Coralie Chambe et Nora Voisine, acceptent de donner en publication les synthèses de leurs travaux, et que plusieurs élèves du lycée Mistral et du lycée Aubanel veuillent bien livrer un aperçu de la manière dont ils ont reçu la pièce de Claudel. Chacun appréciera, sous la spontanéité de leur discours, le sérieux de leur approche, leur disponibilité desprit et la générosité de leur regard sur un auteur sans doute jusque-là très éloigné de leur univers. La lecture de cet ensemble de travaux ne peut que réconforter sur le devenir de Claudel parmi les jeunes générations. Il nous incite en outre à développer notre site internet dans le sens dune meilleure réponse aux besoins de ce public.

Mettre en scène relève dune transmission croisée, la preuve en est ce dialogue que Christian Schiaretti, son auteur, nous a donné à entendre in extenso lors des dernières Rencontres de Brangues et dont nous publions un extrait. Le texte issu de lexpérience très concrète de sa mise en scène de LÉchange, à la fois léger et sérieux, fait ressortir à loreille les subtiles 14difficultés liées à la profération de la phrase claudélienne : cadence, coupes et suspens, articulation, jeux sonores, e muet… Proférer un texte est un accouchement à deux où le metteur en scène et donneur dordre se retrouve être lélève de son actrice. Fort expérimentée, Francine Bergé (dans le rôle de Lechy Elbernon) se révèle être le maître dune diction sans cesse remise sur le métier.

Claudel nest pas tendre avec les professeurs, on connaît ses critiques sévères contre les enseignants et les universités, enclins à ses yeux à couper les cheveux en quatre au lieu de laisser parler leur cœur, trop imprégnés quils sont dune esthétique classique qui a fait des ravages dans lesprit du public. Le rejet du mélange des genres et de la bouffonnerie, une de ses tristes conséquences, expliquerait les réticences ou incompréhensions des spectateurs face à son propre théâtre. Jean-François Poisson-Gueffier pointe cependant les contradictions dun auteur qui doit sans doute plus quil ne le prétend à ses premiers maîtres ; et Nina Hellerstein dévoile le travail en trompe-lœil – en double énonciation comme il arrive au théâtre – dun Claudel qui, sous laspect dun Père, engage un dialogue fictif avec sa Fille, jouant ainsi à son tour et non sans humour le rôle de transmetteur.

Sans épuiser le sujet (là nest pas sa vocation), ce Bulletin évolue de Claudel transmis à Claudel transmetteur dans une boucle qui rapproche metteurs en scène et acteurs, enseignants et chercheurs autour de la figure de lexégète de lApocalypse.

Catherine Mayaux
et Marie-Victoire Nantet