AVANT-PROPOS

Le projet initial de ce Bulletin était de travailler sur Claudel et la guerre de 40-45. Le matériau prolifique nous a conduites à recentrer le sujet sur la période de l’Occupation. Le dossier s’achève donc, en point d’orgue, sur les échanges épistolaires, à la fin de la guerre, entre Claudel et de Gaulle.

Plusieurs enquêtes mériteront d’être poursuivies dans un autre Bulletin sur la fin de la guerre et la Libération, ainsi que sur les lourdes répercussions du conflit, dont témoigne le journal de Claudel. La réponse d’Isaïe Schwartz, Grand Rabbin de France, reçue par Claudel au début de 1942 en retour à sa lettre de Noël 1941, aura peut-être été enfin retrouvée grâce à de nouvelles pistes – du moins nous l’espérons. L’examen du dossier de la déposition de Claudel contre Maurras y trouvera aussi sa place, ainsi qu’une étude d’« Adieu Japon », signe émouvant d’empathie de Claudel âgé pour le Japon.

Source majeure, le journal de Claudel de ces années noires vécues à Brangues fournit une ample matière sur laquelle se penchent en historiens Jacques Julliard qui rappelle clairement les positions politiques de Claudel, et Gil Emprin qui situe sa vie dans le contexte isérois de l’Occupation et de la Résistance. Yehuda Moraly explore les suites de la lettre de Claudel au Grand Rabbin qui la fit circuler auprès des milieux juifs, non sans risque pour l’écrivain désormais surveillé par la police de Vichy. Jeanyves Guérin et Michel Lioure montrent combien, en dépit des difficultés de la vie culturelle et des lois antijuives, Claudel continue de soutenir sans se renier les efforts de mise en scène de ses pièces, et de publier textes et poèmes qu’accueille Le Figaro. Claude-Pierre Pérez édite pour la première fois la totalité des lettres échangées entre de Gaulle et Claudel, entre 1944 et 1954, avec quelques incursions dans ses brouillons, les lettres de Claudel à l’homme du 18 juin étant restées à ce jour quasiment toutes inédites. Deux notes complètent ce dossier : d’une part l’étude de Dominique Millet-Gérard revient sur la relation de Claudel avec les jésuites et son intérêt pour la spiritualité et l’esthétique de cet ordre ouvert au monde, rappelant aussi que Claudel 46rendit plusieurs fois visite aux jésuites de Lyon pendant la guerre. D’autre part des extraits de l’ouvrage de Christelle Brun, présentés par Monique Dubar, décrivent quelques-unes des opinions de Claudel sur le peuple et la culture allemands et les positions qui en découlent.

Catherine Mayaux
et Marie-Victoire Nantet