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Classiques Garnier

En marge des livres

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Chronologie de Paul Claudel au Japon, sous la direction de Shinobu Chujo, Paris, Honoré Champion, 2012.

J’ai eu l’occasion de saluer dans un récent numéro du Bulletin la parution en japonais (Éditions Kress, Tokyo 2010) de l’importante chronologie de la période japonaise de Claudel, dont Madame Yumiko Nakamura rendait compte dans la dernière livraison en date de L’Oiseau Noir. Cet ouvrage considérable, publié sous la direction de Shinobu Chujo, vient de paraître en version française, agrémenté d’une introduction de Jacques Houriez, ainsi que d’une postface de Shinobu Chujo qui amalgame sous une forme légèrement ramassée les éléments de plusieurs textes d’accompagnement produits par l’auteur dans la version japonaise du livre. On se référera donc ici à cette version japonaise, plus explicite, pour préciser l’intention qui a présidé à cet énorme travail, et la manière dont il a été mené à bien au terme d’une aventure éditoriale de quelque quinze années.

C’est en effet en 1996, et à l’appel de Shinobu Chujo, que les membres du Cercle d’études claudéliennes au Japon, prenant acte de la contribution fondatrice de Claudel aux relations bilatérales entre la France et le Japon, de l’importance des œuvres issues de son affectation japonaise ainsi que de la constance avec laquelle le poète a continué à s’intéresser au Japon et à se préoccuper de son sort après l’avoir quitté, décident de constituer une base de données aisément consultable sur les trois séjours (mai-juin 1898, novembre 1921-janvier 1925 et février 1926-février 1927) que Claudel a effectués dans le pays. Ils réunissent à cet effet un groupe d’une dizaine de spécialistes de Claudel et de l’histoire des relations franco-japonaises qui, bénéficiant d’une allocation de recherches spécifique du Ministère japonais de l’Éducation, vont se partager le travail de collecte et d’analyse des documents disponibles, ainsi que la première ébauche de rédaction. In fine, quatre collaborateurs assumeront la responsabilité du texte destiné à la publication : Noritaka Shinonaga pour les documents relevant des archives diplomatiques françaises, Tetsuro Negishi pour leurs homologues japonaises ainsi que pour les pages du Journal, Shinobu Chujo pour la correspondance non diplomatique et Atsushi Ode pour les publications japonaises relatives à Claudel, périodiques ou non. Les auteurs bénéficieront par ailleurs de l’expertise de Michio Kurimura

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pour les aspects catholiques, du concours du regretté Père Bésineau pour la rédaction du premier jet de la version française, et de celui de Jacques Houriez pour la relecture de l’état final de cette même version.

L’unité temporelle qui sert de base au travail est la journée, lorsque la date en est avérée. Lorsque ce n’est pas le cas, on considère l’intervalle des deux dates avérées les plus proches de l’information à signaler. Si le mois seul est avéré, l’indication est portée en tête de la rubrique consacrée au mois en question. Si enfin, cas au demeurant extrêmement rare, seule l’année peut en l’occurrence être déterminée, l’indication sera portée en tête du chapitre consacré à l’année considérée.

Dans ce cadre temporel, les informations sont invariablement rapportées selon les catégories et l’ordre suivants :

1. toutes publications au Japon (ouvrages en volume ou revues périodiques) comportant des textes de Claudel, des traductions de ses œuvres ou des textes et documents le concernant. Ceci intervient sous forme d’une liste de publications placée en début de rubrique mensuelle.

2. la recension des activités de Claudel (y compris les articles de la presse quotidienne qui en rendent compte).

3. ses réflexions et notes dans le Journal.

4. sa correspondance, tant diplomatique que privée.

5. tous autres articles et photographies le concernant dans la presse quotidienne japonaise.

L’emploi du temps est décrit de façon aussi détaillée que les informations disponibles le permettent. En revanche, les trois dernières catégories (Journal, correspondance et presse quotidienne) se présentent le plus souvent sous la forme d’un bref résumé du texte considéré, les auteurs ayant été à l’évidence, pour reprendre les termes de Jacques Houriez, « contraints aux choix dans la masse énorme des documents ». C’est la principale difficulté du livre, mais elle lui était en quelque sorte consubstantielle : pour ne parler en effet que de la correspondance diplomatique, il est certain que résumer en quelques lignes l’argumentation d’une dépêche subtile de plusieurs pages ne va pas sans sacrifices ni schématisation, d’autant plus que l’art que Claudel y a éventuellement déployé pour persuader ses interlocuteurs du Quai, voire la valeur intrinsèquement littéraire du texte, échappent bien entendu à la sécheresse du résumé analytique. Il ne faut donc pas demander à cette chronologie plus qu’elle ne peut ni ne prétend donner, et il convient bien au contraire de la prendre

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comme une base de données précieuse, un encouragement à retourner au texte claudélien lorsqu’il est disponible (les œuvres, le Journal, celles des dépêches qui ont été publiées autrefois par Lucile Garbagnati dans sa Correspondance diplomatique, Tokyo 1921-1927, Gallimard, 1995), et comme une vue synoptique extrêmement suggestive de cette période spécifique, féconde, et à n’en pas douter l’une des plus profondément heureuses de l’expérience claudélienne.

Michel Wasserman