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Classiques Garnier

Montaigne ou les contradictions de l’éthique bourgeoise

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2020 – 2, n° 72
    . Saveur du savoir Mélanges Alain Legros
  • Auteur : Desan (Philippe)
  • Résumé : Il s’agit de montrer ici que l’éthique de Montaigne, alors qu’il revendique des valeurs aristocratiques, relève de l’éthique de la bourgeoisie montante de la fin du XVIe siècle.
  • Pages : 165 à 180
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406113560
  • ISBN : 978-2-406-11356-0
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11356-0.p.0165
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/01/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : sociologie, éthique, capitalisme, bourgeoisie, aristocratie
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Montaigne ou les contradictions
de léthique bourgeoise

Bien avant que les études dites « matérielles » deviennent un champ de recherches à part entière dans les humanités, en 2000, Alain Legros publia un livre qui fit date et influença mes propres travaux. Son étude sur la « librairie » de Montaigne, sa tour et ses célèbres poutres, permit de contextualiser lœuvre de papier de lécrivain gascon. En 2010, ce premier travail connut un prolongement logique dans Montaigne manuscrit. Les nombreuses études dAlain Legros sur la bibliothèque de Montaigne, cest-à-dire ses propres ouvrages, les livres de sa bibliothèque et ceux de La Boétie, ses notes de lecture et annotations diverses (en français, en latin et en grec), sans oublier les poutres de son cabinet de travail et les fresques qui décoraient diverses pièces de sa tour, ont permis de dresser un portrait de lessayiste au travail. Cette approche qui sintéresse à la pratique des livres permit de redécouvrir un Montaigne existentiel. Depuis presque un quart de siècle, je continue de suivre avec enthousiasme les publications dAlain Legros qui apportent toutes, à chaque fois, du nouveau. Au fil des ans, les Montaigne Studies ont accueilli une douzaine darticles (presque tous avec des reproductions de documents à lappui dune argumentation toujours précise et convaincante) dAlain Legros, la plupart du temps dans la partie « varia » de la revue dédiée à ce que lon pourrait appeler les « trouvailles » (dans le sens positif et matériel du terme) sur Montaigne.

Loin de nous sont les années 1960 et 1970, cest-à-dire le règne de la nouvelle critique et de la théorie pour le plaisir de la théorie. Les études montaignistes avaient bien besoin de revenir à la réalité matérielle dun Montaigne plus « existentiel » et un peu moins « essentiel ». Cest à ce tournant décisif du début des années 1980 que lœuvre dAlain Legros – à la suite des recherches matérielles fondatrices de Michel Simonin, Jean Balsamo, John OBrien et George Hoffmann – a permis un virage 166empirique qui apporta de nouveaux éléments matériels nécessaires non seulement à linterprétation des Essais, mais aussi à la compréhension de son environnement immédiat, cest-à-dire ses livres, sa bibliothèque, sa tour, son château, et le milieu bordelais dans lequel il évolua. Cest dans cette même voie dun « Montaigne contextualisé » que jaimerais reprendre ici à frais nouveaux, et en hommage à Alain Legros, quelques réflexions plus anciennes sur ce que jappelle les contradictions de léthique bourgeoise dans lœuvre et la vie de Montaigne.

Dans sa célèbre étude sur LÉthique protestante et lesprit du capitalisme, Max Weber définit laction économique capitaliste comme « lespoir dun profit par lexploitation des possibilités déchange, cest-à-dire sur des chances (formellement) pacifiques de profit1 ». Cest en effet la notion déchange qui est fondamentale dans lesprit du capitalisme ; pourtant, ce principe doit à mon avis être pris dans une acception plus large du terme et inclure une composante sociale. Car le capitalisme marchand tel quil se met en place à la Renaissance est accompagné dune sociabilité complexe – fondée sur léchange culturel, politique et économique – qui produit une éthique nouvelle que lon peut qualifier de « bourgeoise ». Avec le temps, cette éthique bourgeoise sest transformée en idéologie dominante et sest imposée comme un fait accompli qui, par nature (cest du moins le mythe que cette idéologie véhicule), se présente à nous comme anhistorique et universelle. Loin dêtre homogène, cette idéologie sadapte à la réalité du terrain et sexprime souvent dans ses propres contradictions. Ce sont précisément les contradictions de léthique bourgeoise que jaimerais ici aborder à partir de lexemple de Montaigne.

Le développement du capitalisme marchand durant la Renaissance permit à une nouvelle mentalité de faire son apparition et de simposer en moins de deux siècles. Cette mentalité, comme le remarque Max Weber, privilégie la multiplication des interactions humaines, car cest bien sur le plan quantitatif des échanges et des rapports sociaux que le capitalisme simposa historiquement. La pensée dogmatique et qualitative fut lentement remplacée par une pensée sceptique, comparative et quantitative. Ces interactions répétées (on peut aussi les appeler « expériences ») nont pourtant pas pour finalité lélargissement du champ social, mais bien laccroissement des échanges économiques. Au 167xvie siècle, les échanges sociaux se mettent au service dune finalité qui, elle, est dordre commercial. On peut dire que le social se met alors au service de léconomique pour permettre une multiplication toujours plus grande des échanges potentiels. On constate de plus quil ny a pas de capitalisme possible sans une redéfinition des rapports sociaux qui sinscrivent à leur tour dans une logique économique fondée sur les notions dutilité et de profit. Au xvie siècle, le social et le politique sont lentement réinterprétés par la pratique économique dominante imposée par une nouvelle classe marchande senrichissant grâce au commerce à grande échelle.

Léthique protestante, telle quelle est définie par Max Weber, sidentifie à une nouvelle éthique bourgeoise et marchande. Il serait pourtant erroné de limiter lapparition dune éthique marchande aux seules sociétés où simposa lÉglise réformée, comme le fait Weber. En effet, lapparition du capitalisme marchand fut loin dêtre un phénomène circonscrit à quelques pays qui embrassèrent les thèses de Luther et de Calvin – même sil est vrai que son essor fut plus rapide dans les pays européens où la cause réformée se propagea rapidement. En 1916, Werner Sombart a proposé, dans Les Origines du capitalisme moderne, lidée dun éthos spécifique au capitalisme qui, contrairement à la thèse de Weber, na pas pour cause principale lacceptation dune nouvelle idéologie religieuse (le protestantisme). Cest cet éthos bourgeois étudié par Sombart qui, à mon avis, marque profondément le contexte de la rédaction des Essais.

Je ne reviendrai pas sur les thèses qui appréhendent le capitalisme soit comme une cause, soit comme un effet, de lessor dun nouveau dogme chrétien plus permissif envers des pratiques économiques traditionnellement condamnées par lÉglise romaine. Peu importe de savoir si le mode dorganisation capitaliste est le résultat dun changement idéologique profond – thèse de Max Weber –, ou encore si, comme le soutient Sombart (et Marx, bien entendu), léthique protestante ne fait que refléter le mode de production capitaliste naissant. Ce type de débat reviendrait à sinterroger sur la précellence de lœuf ou de la poule. Il est préférable de considérer les notions de superstructure et dinfrastructure – pour reprendre les termes de la critique marxiste – comme complémentaires sans nous préoccuper dun quelconque déterminisme causal. Malgré leurs divergences dinterprétation, les deux sociologues (Weber et Sombart) saccordent à voir dans la Renaissance 168la période clé dune nouvelle éthique marchande. Cette constatation a fait lobjet de nombreuses études2. Le discours économique envahit littéralement la pensée – politique, religieuse, philosophique – de lépoque et influence largement la production littéraire et philosophique3.

Léthique marchande se retrouve ainsi en filigrane dans beaucoup de textes du xvie siècle. Montaigne néchappe pas à cette influence et subit les pressions idéologiques exercées par cette nouvelle éthique bourgeoise, même sil la critique à maintes reprises. Léthique marchande, telle quelle se manifeste vers la fin du xvie siècle, nest certes pas totalement établie comme idéologie dominante dans les esprits ; elle est encore en compétition avec léthique cicéronienne toujours représentée et défendue dans la haute culture par le biais dune intelligentsia qui a tendance à se mettre du côté des Anciens et à poursuivre le chemin quils avaient tracé. Les intellectuels de la Renaissance se sont presque tous rangés du côté des « Anciens ». Les « Modernes » quant à eux sont les bourgeois et riches marchands qui ne se posent pas de questions sur leur histoire et sont indifférents à la coutume. Leur pensée se veut utile et universelle, car elle se donne le monde comme limite ; elle est également atemporelle, car ils ne sembarrassent guère des modèles antiques. Le quotidien détermine leur modus operandi. Montaigne est à la fois un Ancien et un Moderne. On pourrait même dire que les Essais expriment une « querelle » entre ces deux aspects contradictoires de sa pensée. Paradoxes et contradictions définissent pour cette raison le genre de lessai.

Léthique bourgeoise représente bien plus quune simple morale, cest un mode de vie, une façon dêtre et de voir le monde, un sens devenu « commun » puisquil se situe en dehors de lhistoire et se réclame universel. Cette éthique nouvelle se veut également pragmatique, pacifique, non discriminatoire, informée par les pratiques locales et adaptée au temps et à lespace qui la régit. Elle a pour principe vital la multiplication des interactions humaines, sans arrière-pensée politique ou religieuse. Plus le « marché social » sagrandit, plus les échanges économiques 169peuvent se multiplier. Nous sommes bien dans une logique quantitative du social et de léconomique, tout comme les Essais (en tant que livre dans sa matérialité) est un objet qui croît en fonction déchanges et dexpériences répétées, tant quil y aura de lencre et du papier au monde. Les échanges (ou commerces) sont le principe même de cet accroissement sans fin du livre consubstantiel à son auteur (du moins jusquà sa mort). Montaigne considère également son œuvre comme un espace de liberté, un lieu daffranchissement envers les contraintes sociales, politiques et culturelles de son temps. On a ainsi vu en lui – à mon avis de façon problématique – le précurseur du libéralisme qui affranchit lhomme des doctrines et des idéologies.

Il est vrai que la nouvelle éthique bourgeoise qui saffirme à la Renaissance défend aussi la liberté individuelle, y compris la liberté de penser différemment. Le droit à la « différence » fait même partie intégrante de léthique bourgeoise qui a appris à reconnaître et accepter la diversité des peuples afin de mieux pouvoir commercer avec eux. Sa logique quantitative visant à maximaliser les échanges (économiques et sociaux) la rend implicitement plus permissive ; elle privilégie lacceptation des différences et rejette les dogmes et les extrêmes. La capacité à accepter la différence des autres et à multiplier les échanges est bien entendu intéressée, car lidée dun profit détermine utilement cette ouverture vers laltérité et la diversité. Mais là nest pas le problème, car une critique fondée sur lefficacité et la fonctionnalité de cette éthique ne serait guère productive. On peut très bien saccommoder dune idéologie sans pour autant comprendre le profit quelle apporte à certains. Pour faire des affaires, il est nécessaire davoir lesprit ouvert. Une fois que lon a fait ce geste douverture, on nest évidemment pas obligé de faire des affaires, pourrait-on dire. Cest un peu la position de Montaigne. Un bénéfice sans profit, en quelque sorte. On voit logiquement poindre à lhorizon lesprit du libéralisme moderne, mais je naborderai pas ici ce chemin sinueux du « libéralisme » de Montaigne, préférant mintéresser aux contradictions montaigniennes de léthique bourgeoise (elle-même fondée sur un principe de contradictions).

Sans faire de Montaigne le porte-parole de la nouvelle « classe montante » que représente la bourgeoisie au xvie siècle à Bordeaux, il est cependant symptomatique que lauteur des Essais publie en 1580 un livre dun genre nouveau où la plupart de ces qualités douverture et déchange 170(le terme choisi par Montaigne est « commerce ») sont réunies. Parce quil se considère lui-même comme un homme « moyen » (et possédant un sens commun), tout étant en contact direct avec le milieu marchand local lors de ses deux mandats (1581-1585) à la mairie de Bordeaux, Montaigne soffre comme personnage idéal pour vérifier lapparition de cette éthique bourgeoise à la fin du xvie siècle. Les bourgeois de la ville de Bordeaux – membres de la jurade au même titre que les nobles et les robins – ne se trompèrent dailleurs pas dallié en soutenant la réélection de Montaigne à la mairie en 1583, alors que lauteur des Essais avait une partie importante de la noblesse contre lui4. Certes, on ne fait pas toujours les alliances que lon souhaite, mais cette association contre nature entre un représentant de la petite noblesse et les riches familles marchandes bordelaises a de quoi surprendre. Jai argué ailleurs (dans ma biographie de Montaigne) quen fait la modernité de Montaigne était peut-être plus tournée vers les pratiques bourgeoises que vers les idéaux nobiliaires, des idéaux certes défendus – par principe – par notre essayiste, mais souvent sans grande conviction.

Bien quouvertement du côté de la noblesse par ses affinités politiques et ses prétentions nobiliaires, Montaigne affiche néanmoins une mentalité complexe et contradictoire qui, dun côté, soutient les valeurs de la noblesse (culture chevaleresque, honneur, loyauté, constance, gloire, magnanimité5) au niveau politique, mais, de lautre côté, les met souvent en cause au niveau idéologique et nhésite pas à douter de leur pertinence à la fin du xvie siècle. Bien entendu, Montaigne défend la stricte hiérarchie entre les trois ordres, mais il plaide aussi pour le droit à la différence culturelle et se livre à une attaque en règle contre toute forme dautorité. Le texte des Essais nest pas sans équivoques et il est clair que Montaigne a poussé très loin les contradictions – peut-être malgré lui. On a même parlé dun « Montaigne paradoxal6 » pour expliquer les nombreuses antinomies présentes dans les Essais, faisant 171même du paradoxe une des composantes essentielles de la forme de lessai. Ce nest pourtant pas Montaigne mais bien lépoque durant laquelle il écrit qui est paradoxale. Cest pourquoi il faut sur ce point placer Montaigne dans son époque et contextualiser son œuvre. Ainsi, lambiguïté idéologique des Essais semble dériver dune opposition fondamentale entre deux systèmes de valeurs qui sont antinomiques et sopposent ouvertement de son temps.

À lorigine de beaucoup de ces contradictions, on peut déceler une ambiguïté économique chez Montaigne. Cette ambiguïté résulte dune double perception des phénomènes économiques dans les Essais : l« économique » est nié dans son contenu, mais présent par sa forme, une forme qui définit également le genre de lessai. De façon inconsciente, Montaigne pose dans toute son ambivalence le problème de léconomique comme valeur dominante qui modifie les rapports sociaux par le biais du langage quotidien. Car cest bien dans le langage – la somme des performances verbales individuelles – que se révèle la nouvelle éthique marchande. Ce langage « nouveau » est facilement repérable dans les Essais. Les rapports humains sont désormais perçus et décrits daprès un modèle économique où léchange, le profit, lemprunt et les pertes redéfinissent le social.

Au niveau conscient, Montaigne affirme à plusieurs reprises quil abhorre le commerce et tout ce qui se rapporte à la « mercadence » et la « trafique », des termes péjoratifs dans les Essais. Le marchand est pour cette raison presque toujours associé à la classe vulgaire : « comme Sire, cest un tiltre qui se donne à la plus eslevée personne de nostre estat, qui est le Roy, et se donne aussi au vulgaire, comme aux marchans » (I, 54, 311)7 écrit Montaigne. Ce dernier exprime souvent son dégoût pour le marchandage : « Il nest rien que je haisse comme à marchander » (I, 14, 63). Toute activité marchande le met mal à laise : « Jexcepte les payements où il faut venir à marchander et conter, car si je ne trouve à qui en commettre la charge, je les esloingne honteusement et injurieusement tant que je puis » (ibid.). Montaigne affirme ne pas sintéresser à léconomie domestique. Cest du moins ce quil aimerait nous faire croire. Il existe bien entendu un décalage entre les déclarations de lauteur et la réalité. Jai sur ce point souvent affirmé quil fallait se méfier des 172déclarations tonitruantes présentes dans les Essais et aller vérifier celles-ci dans les pratiques sociales et politiques de leur auteur.

Prenons par exemple le cas du « marchandage » qui est pour Montaigne « un pur commerce de trichoterie et dimpudence » (ibid.), une activité où lon abandonne sa parole pour peu de gain ; et là où la parole ne compte guère, Montaigne ne peut que refuser léchange. Il naccepte dailleurs pas la contestation : « Jay rompu plusieurs marchez qui mestoyent utiles, par limpertinence de la contestation de ceux avec qui je marchandois » (III, 8, 928). À ses yeux, le marchandage représente une nouvelle forme de sociabilité pernicieuse. Notre auteur nest donc jamais prêt à jouer le jeu de léchange. Les négociations matérielles ne sont pas pour lui, et il ne supporte pas les débats et discussions qui interviennent entre vendeurs et acheteurs. Il dit par exemple être incapable dadopter le pragmatisme du commerçant, cette profession qui dévalue la parole donnée et transforme les mots en contrats. Toutes ces déclarations sont pourtant en contradiction flagrante avec son passage au parlement de Bordeaux et son rôle dintermédiaire politique et de négociateur entre Henri III et Henri de Navarre. On pourrait même dire que Montaigne est fier davoir pu « marchander » entre les deux rois. Le moins que lon puisse dire est que la théorie et la pratique du marchandage sont contradictoires.

Prenons un autre exemple. Dans le chapitre « Des récompenses dhonneur », Montaigne exalte les récompenses gratuites décernées par le prince. À plusieurs reprises, lauteur des Essais se révolte contre la vente des titres de noblesse et laisse éclater son indignation contre ceux qui monnaient lhonneur. Comme on le sait, gloire et honneur forment les deux valeurs les plus désirables pour Montaigne. Cependant, bien que les titres soient censés échapper au commerce, ils sont malgré tout dépendant d« échanges politiques » et subissent les mêmes lois que toute autre marchandise à la Renaissance. La vente des offices publics à cette époque a pour effet de redéfinir la notion même de « récompense dhonneur ». Lhonneur a ainsi intégré le modèle économique qui règle non seulement les activités humaines, mais aussi les idées, les sentiments et les principes moraux. Tout sachète et tout se monnaie.

Parce quils symbolisent la meilleure marque de distinction sociale, les titres de noblesse représentent les valeurs suprêmes de lidéal nobiliaire auquel aspire Montaigne. Sil prend la défense des titres de noblesse, 173cest pour mieux critiquer la façon dont ils sont attribués. Nouvelle contradiction. On peut en effet se poser des questions sur les titres nobiliaires obtenus par Montaigne à partir de 1573 – titres quil ne manque pas de faire apparaître sur les pages de titre de ses deux premières éditions des Essais (1580 et 1582). Si Montaigne na pas acheté ses titres, il est pourtant probable quil les obtint en contrepartie de services politiques rendus, ou du moins comme des « avances » pour défendre les intérêts de la famille de Foix dans sa région. Le champ de bataille (lieu où lon obtient ces titres durant le Moyen Âge) est remplacé par un nouvel espace politique, la cour, elle-même fortement liée aux banquiers et aux riches représentants du nouveau pouvoir économique à cette époque.

Du temps de Montaigne tout séchange pour une somme dargent, même les charges publiques8. Dans « De la coustume de ne changer aisément une loy recüe », notre essayiste commente de quelle façon le commerce est passé maître dans tous les domaines :

Quest-il plus farouche que de voir une nation, où par legitime coustume la charge de juger se vende, et les jugements soyent payez à purs deniers contans, et où legitimement la justice soit refusée à qui na dequoy la payer, et aye cette marchandise si grand credit, quil se face en une police un quatriesme estat, de gens maniants les procés, pour le joindre aux trois anciens, de lEglise, de la Noblesse et du Peuple ; lequel estat, ayant la charge des loix et souveraine authorité des biens et des vies, face au corps à part de celuy de la noblesse : doù il avienne quil y ayt doubles loix, celles de lhonneur, et celles de la justice. (I, 23, 117-118)

Le « quatriesme estat » auquel Montaigne fait allusion renvoie à la nouvelle classe des robins quil a lui-même rejetée, mais qui constitue une force politique impossible dignorer – la jurade de Bordeaux durant la mairie de Montaigne offre un exemple concret de ce pouvoir nouveau. Le pouvoir de largent simpose sur les modèles traditionnels de lautorité sociale. Lopposition honneur/justice présage une séparation définitive entre deux éthiques. Lappareil législatif représenté par les parlements se transforme en justice de classe influencée par largent : on achète un jugement comme on achète un tonneau de vin. Le nouvel ordre économique, visible jusque dans 174la façon dont les procès se déroulent, est en train de redéfinir la hiérarchie sociale. Cest en ce sens que la confrontation de deux systèmes de valeurs incompatibles provoque une série de paradoxes et de contradictions qui dénotent lambiguïté idéologique du discours montaignien et lapparition dune éthique fondée sur le nouvel ordre économique.

Devant la montée de cette éthique marchande qui influence désormais la justice, la noblesse tenta bien de créer quelques garde-fous. Ainsi, à lépoque de Montaigne, la dérogeance avait pour fonction de séparer ces deux éthiques (marchande et noble) qui se côtoyaient. Travail et oisiveté symbolisent les deux pôles de la vie morale ; ces deux activités (loisiveté peut être considérée comme une « activité noble ») sont alors mises en opposition pour louer ou condamner tantôt la noblesse, tantôt la bourgeoisie. Au xvie siècle, la dérogeance signale non seulement une activité commerçante, mais aussi une mentalité marchande. Penser en bourgeois, du moins pour Montaigne, cest aussi déroger. Cette accusation, si elle est prouvée, suffit à faire perdre son titre de noblesse. Ainsi, une des grandes questions débattues à lépoque consiste précisément à savoir si un noble peut commercer sans déroger. Il nexiste sur ce sujet aucune loi précise. Il est par exemple permis aux nobles de vendre le produit de leurs vignobles en gros, mais formellement interdit douvrir des tavernes ou des débits de boissons. Comme le note une ordonnance royale de lépoque, les nobles « ne vendront ou pourront vendre de vin ne autres breuvages en détail, soit de leur creu ou autrement ». Cette pratique pourtant assez courante est considérée un « vil mestier », car dans ce cas le noble sabaisse au niveau des marchands et risque ainsi de raisonner en bourgeois. Cest une affaire de moralité. On sait sur ce point précis de la vente du vin que Montaigne fut dénoncé par la noblesse pour avoir entreposé du vin provenant de ses terres à lintérieur des murs de la ville de Bordeaux. Cette dérogeance aux strictes règles à la fois imposées par la bourgeoisie bordelaise (nul vin ne pouvait passer les portes de la ville sil nétait pas un cru dit bourgeois) et par la noblesse (interdiction de débiter du vin pour un noble) mit Montaigne dans lembarras (il fut réprimandé par le roi). Le maire fut à la fois condamné par la noblesse et par la bourgeoisie.

Sur la question du travail et de la noblesse, Montaigne embrasse les idées du juriste André Tiraqueau (1488-1558)9, longtemps conseiller 175au Parlement de Bordeaux. Pour Tiraqueau il ny a aucune hésitation possible : toute activité commerciale est considérée vile (Genus esse sordidissimum)10 car elle encourage le mensonge et conduit au parjure : « Nobiles prohiberentur exercere mercimonia, cum passim, mentiantur, parjerent, furentur, important11 ». La position de Montaigne est identique quand il sagit de définir la noblesse : cest le mode de vie qui fait le gentilhomme, et ce mode de vie se situe résolument en dehors de tout commerce. La situation se complique pourtant quand il sagit de considérer la fonction de juge ou de conseiller. Doit-on interpréter ces charges comme un véritable travail ? Cest en fait toute la noblesse de robe longue qui est placée au banc des accusés par cette question.

Selon un autre juriste de lépoque, Charles Loyseau, les nobles qui occupent la fonction de juge ou davocat ne dérogent pas, car leurs revenus ont une origine intellectuelle et non pas manuelle12. La noblesse de robe est ainsi à labri de la dérogeance. Par contre, selon Loyseau, si les avocats sont absous de tout soupçon, les procureurs et les notaires néchappent pas à la dérogeance par le caractère bas de leur occupation. La même logique se retrouve chez Tiraqueau, quoiquexprimée différemment. À la lumière de ce débat juridique sur la dérogeance de noblesse à la Renaissance, on comprend mieux la situation difficile de Montaigne qui, il ny a pas si longtemps, occupait une charge de conseiller au parlement de Bordeaux. On peut ainsi sinterroger sur labandon par Montaigne de sa carrière parlementaire. En effet, après la vente de sa charge de magistrat en juillet 1570, Montaigne se mit à vivre noblement sur ses terres ; un mode de vie en accord avec son nouveau rang de gentilhomme et ses titres récemment acquis. Il est clair que labandon de son emploi de conseiller doit être analysé en rapport avec le débat juridique autour du problème de la dérogeance et son souci constant de ne pas être associé à une activité marchande quelconque. Même si la charge davocat et de conseiller nest pas une preuve légale de dérogeance, dans le doute il est toujours préférable de sabstenir. On comprend aussi pourquoi Montaigne admet lutilité des charges publiques uniquement si celles-ci sont gratuites et ne rapportent 176rien. Cest de cette façon quil rejoint le camp plus noble de lhonnête, mais, comme on le voit, ce choix affiché nest pas sans contradictions.

Lhonnête – en tant que valeur nobiliaire – ne semble plus correspondre à la réalité vérifiable chaque jour dans les actions politiques. Lidéologie bourgeoise se préoccupe dailleurs peu de lhonnêteté dans la mesure où celle-ci ne peut être définie que par rapport à la tradition. Les échanges se situent toujours dans le présent et sont fondés sur une utilité réciproque qui repousse à larrière-plan la notion dhonnêteté qui, sur le plan de son « utilité », est devenue obsolète. Léthique marchande évacue lhistoire et la tradition qui napportent rien à la pratique des échanges économiques. La valeur déchange ne peut pas avoir dhistoire, car elle est constamment redéfinie en fonction des forces en présence sur le marché à un moment précis. Léchange commercial nexiste que dans le présent. Il en va de même dans le domaine du politique durant la seconde moitié du xvie siècle. Cette redéfinition de la temporalité qui désormais met laccent sur le présent et le quotidien a pour conséquence de privilégier une vision plus pragmatique des rapports sociaux.

À maintes reprises, Montaigne démontre comment le discours de lutile renvoie au domaine public et est implicitement lié à un raisonnement de type marchand, cest-à-dire sans règle morale fixe ; un discours adapté à des situations particulières, mais qui ne repose pas pour autant sur des positions arrêtées par avance. Léthique du marchand, tout comme celle du politique en cette fin de la Renaissance, est toujours relative par rapport aux autres acteurs économiques. Montaigne rejette lidée de commerce et déchange, mais il ne peut sempêcher dexprimer ce refus par un langage qui est lui-même profondément utilitariste et échangiste : « Tout ce mien proceder est un peu bien dissonant à nos formes ; ce ne seroit pas pour produire grands effets ; ny pour y durer : linnocence mesme ne sçauroit ny negotier entre nous sans dissimulation, ny marchander sans manterie » (III, 1, 795). Sur ce point, les contradictions inhérentes à lopposition utile/honnête occupent une place essentielle dans le dernier « allongeail » des Essais13.

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Montaigne constate limpossibilité de réconcilier dun côté lutile, cest-à-dire le politique, la vie publique, et plus particulièrement toute activité économique – cela bien avant la théorisation de lutilité et du mercantilisme par les économistes du xviie siècle (Sully, Montchrestien, Laffemas, Colbert) –, et, de lautre côté, le concept dhonnêteté tel quil faut lentendre à la fin de la Renaissance, cest-à-dire un terme qui annonce déjà lhonnête homme, dilettante, oisif, et défenseur des valeurs et idéaux nobiliaires qui sont lentement en train de se dégrader. Léthique marchande déprécie les valeurs nobiliaires en les qualifiant doisives et inutiles ; elle les présente comme nuisibles au progrès social qui passe inévitablement par le travail. Montaigne ne senferme pas pour autant dans une vision réactionnaire qui tendrait à rejeter tous les échanges économiques ; il reconnaît même le succès de la nouvelle éthique marchande. Grâce à Machiavel notamment, il comprend bien quà la Renaissance le politique fonctionne désormais à partir dune vision du pouvoir où se confondent les lopins du lion et du renard. La realpolitik se développe en harmonie avec les nouvelles pratiques marchandes.

Un dernier point qui me semble important concerne lexubérance de la parole, linflation et la corruption des discours (dont Montaigne se plaint à plusieurs reprises) à la fin de la Renaissance. Ces bouleversements du langage marquent également un tournant idéologique important qui est caractérisé par une véritable crise du discours. Les échanges économiques servent dorénavant de repère fondamental pour tout discours politique ou social. La langue de la Renaissance se met à son tour au service dune idéologie dominante qui impose sa vision du monde ; une vision résolument utilitariste et échangiste qui forme la base dune nouvelle éthique. Puisque la parole donnée est de moins en moins suivie, on assiste à une expansion discursive produite par une perte de confiance dans un langage stable et durable. Cest de cette façon que la dichotomie entre utilité et honneur met en scène deux idéologies contradictoires et irréconciliables. Montaigne condamne et vante tour à tour lutilité et lhonnêteté, certes pour des raisons différentes, et finit par reléguer lhonnêteté dans la sphère de la vie privée, tandis quil préconise lutilité dans le domaine public. La séparation, tardivement théorisée par Montaigne, entre vie privée et vie publique peut ainsi être perçue comme un moyen de fonctionner à partir de deux idéologies contradictoires : noblesse et bourgeoisie. Noble dans sa vie privée et 178empreint de lidéologie bourgeoise dans sa vie publique, Montaigne apprend à vivre avec ses contradictions, des contradictions qui reflètent la réalité sociale de son époque. Ces systèmes de valeurs ne renvoient pas seulement à des modes de production distincts (féodalisme et capitalisme) au niveau de linfrastructure économique de la société, mais ils sont également visibles au niveau des idées produites, consciemment ou inconsciemment, aussi bien par les acteurs sociaux des guerres de religion que par lauteur des Essais. Ces idées constituent la somme des représentations dans lesquelles les hommes vivent leurs rapports à leur condition dexistence. Les croyances, la loi, léducation, la culture (y compris la production littéraire) et les modes de vie sinscrivent forcément dans une idéologie qui façonne et détermine nos comportements.

Comme je lai avancé, linfrastructure économique de la Renaissance connaît des bouleversements qui ne sont plus à démontrer. Le développement du commerce sur une grande échelle a libéré un monde précédemment enclavé et fermé sur lui-même. Les villes représentent désormais les nouveaux centres de pouvoir économique et politique, et le fief médiéval – en tant quunité de production économique – est en déclin constant tout au long des xve et xvie siècles. On commence à se poser la question de savoir si la noblesse est « utile14 ». Sur ce point, Montaigne se présente comme un cas décole. Bien que gentilhomme campagnard – du moins après 1570 –, il occupa toute sa vie des fonctions administratives et politiques importantes à Bordeaux et en Guyenne : dabord comme parlementaire dans les années 1560, ensuite comme maire et gouverneur de Bordeaux au début des années 1580, et finalement comme négociateur entre Henri de Navarre et le roi de France. De fait, lactivité politique de Montaigne ne peut être dissociée de sa carrière littéraire ou philosophique : dans un premier temps comme traducteur de Raymond Sebond (1569), ensuite comme éditeur des œuvres dÉtienne de La Boétie (1570) et finalement comme auteur des Essais (1580-1592). Lidéologie ne saurait être reléguée à une seule activité humaine, quelle soit publique ou privée, car elle transcende la division arbitraire entre vie privée et vie publique. Par contre, la séparation effectuée par Montaigne entre vie privée et vie publique résulte précisément dune conjoncture idéologique qui tend à isoler le sujet hors 179de la vie publique en lui donnant la possibilité dexprimer et de vivre une nouvelle forme de liberté au niveau individuel, sans que celle-ci ne débouche pour autant sur de véritables bouleversements politiques ou sociaux. Cette liberté se retrouve dans les Essais, lieu par excellence daffranchissement envers les dogmes et les idées reçues.

Depuis plus de vingt ans, jai essayé daborder lœuvre de Montaigne à partir dune approche sociologique en arguant que les actions humaines résultent dune constante négociation entre, dun côté, la normativité des institutions et, de lautre, notre capacité à dévier de la norme pour bénéficier dun avancement ou dune reconnaissance au sein de ces institutions. La norme doit être respectée dans son ensemble, mais subvertie dans les actions individuelles. Les Essais représentent une telle négociation entre normalité (norme) et idiosyncrasie (individualité). Montaigne agit souvent dans le cadre des institutions quil embrasse (parlement, administration de la ville, corps diplomatique), adaptant son discours aux manières de faire (habitus) de ces institutions. En conséquence, les Essais marquent un déplacement significatif de lhistoire (contenu) vers lessai (forme). Lessai – tel quil est inventé par Montaigne – nécessite la négation dun contenu historique stable et un repli dans le quotidien et linstant présent. Les Essais brouillent ainsi toute chronologie ou historicité. Les contradictions éthiques que jai tenté ici de présenter illustrent assez bien (certes inconsciemment) lidéologie bourgeoise qui simpose à la fin de la Renaissance. Ce nest plus la chose rapportée qui est jugée primordiale par Montaigne, mais plutôt la façon dont elle est révélée, indépendamment de son contenu. La forme se suffit à elle-même, où, comme lavoue Montaigne, « Par long usage cette forme mest passée en substance » (III, 10, 1011). La forme, cest ce qui se révèle à nous dabord, dans linstant présent, en dehors de toute histoire. Cette forme est malléable, car elle permet ainsi dintégrer des contradictions sans que celles-ci nuisent pour autant au genre de lessai. La forme plastique de lécriture montaignienne, redéfinie par lopinion, le doute, la morale, léthique, finit par devenir la matière de ses Essais15. Elle se suffit à elle-même, hors de lhistoire et dans une temporalité nouvelle qui est censée objectiver lêtre dans ce que Montaigne appelle l« humaine condition », une condition médiocre et implicitement bourgeoise.

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Chez Montaigne, léthique bourgeoise fonctionne à partir dexpériences individuelles qui sont ensuite réifiées en histoires et soffrent comme modèles au sein dune idéologie qui met en avant lhomme moyen. On trouve pour cette raison un éloge de la médiocrité et de la modération dans les Essais : « Ma fortune le veut ainsi. Je suis nay dune famille qui a coulé sans esclat et sans tumulte, et de longue memoire particulierement ambitieuse de preudhommie. Nos hommes sont si formez à lagitation et ostentation que la bonté, la moderation, lequabilité, la constance et telles qualitez quietes et obscures ne se sentent plus » (ibid., 1021). Lhomme moyen pourra toujours mieux sadapter que lhomme trop engagé qui a tendance à se rapprocher des extrêmes. Ladaptation préconisée par Montaigne pourrait être perçue comme contradictoire, mais il a appris à déconstruire les contradictions dans son livre. Lessai accepte implicitement la transformation et laccommodation pragmatique issue de contradictions idéologiques afin de sadapter aux situations rencontrées. Sur ce point Montaigne est clair :

Il faut accommoder mon histoire à lheure. Je pourray tantost changer, non de fortune seulement, mais aussi dintention. Cest un contrerolle de divers et muables accidens et dimaginations irresoluës et, quand il y eschet, contraires ; soit que je sois autre moymesme, soit que je saisisse les subjects par autres circonstances et considerations. Tant y a que je me contredits bien à ladventure, mais la vérité, comme disoit Demades, je ne la contredy point (III, 2, 805).

Philippe Desan

University of Chicago

1 Max Weber, LÉthique protestante et lesprit du capitalisme, trad. Jacques Chavy, Paris, Plon, 1964, p. 15.

2 Citons notamment Emmanuel Wallerstein, Le Système du monde du xve siècle à nos jours, t. 1, Capitalisme et économie-monde 1450-1640, Paris, Flammarion, 1980 ; et Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à lépoque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949.

3 Voir nos livres, Les Commerces de Montaigne : le discours économique des Essais, Paris, A.-G. Nizet, 1992 ; et LImaginaire économique de la Renaissance, Paris & Fasano, Presses de lUniversité de Paris Sorbonne & Schena Editore, 2002.

4 Jai analysé en détail cette réélection dans Montaigne. Une biographie politique, Paris, Odile Jacob, 2014, p. 427-437.

5 Pour une présentation des valeurs nobiliaires à lépoque de Montaigne, voir Nicolas Le Roux, Le crépuscule de la chevalerie. Noblesse et guerre au siècle de la Renaissance, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015 ; Benjamin Deruelle, De papier, de fer et de sang. Chevaliers et chevalerie à lépreuve de la modernité (ca 1460 – ca 1620), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015 ; et Nicolas Le Roux et Martin Wrede (dir.), Noblesse oblige. Identités et engagements aristocratiques à lépoque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

6 Alfred Glauser, Montaigne paradoxal, Paris, A.-G. Nizet, 1972.

7 Je cite Montaigne dans lédition Villey-Saulnier publiée par les Presses Universitaires de France.

8 Voir Roland Mousnier, La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII (Rouen, Éditions Maugard, 1945), plus particulièrement le deuxième chapitre : « Les temps modernes : le xvie siècle ».

9 Sur la vie et lœuvre de Tiraqueau, voir J. Brejon, André Tiraqueau (1488-1558), thèse de Droit, Poitiers, 1935.

10 André Tiraqueau, De Nobilitate, Caput sextum, Lyon, 1569, p. 492.

11 Ibid.

12 Charles Loyseau, Cinq Livres du droict des Offices, suivis du Traitez des Seigneuries et de celui des Ordres, Paris, Abel LAngelier, 1610.

13 Jai plus longuement analysé le chapitre « De lutile et de lhonnête » dans « De lutile, de lhonnête et de lexpérience : le cadre idéologique du troisième livre des Essais », dans Daniel Martin (dir.), The Order of Montaignes Essays, Amherst, Hestia Press, 1989, p. 200-220 ; et « Montaigne “métis” : “De lutile et de lhonnête” (III, 1) », dans Philippe Desan (dir.), Lectures du Troisième Livre des Essais de Montaigne, Paris, H. Champion, 2016, p. 59-84.

14 Arlette Jouanna, « Les controverses sur lutilité de la noblesse », dans Théorie et pratique politiques à la Renaissance, Paris, Vrin, 1977, p. 287-300.

15 Sur ce point, voir mon livre : Montaigne : les formes du monde et de lesprit, Paris, Presses de lUniversité Paris-Sorbonne, 2008.