Introduction Dans le jardin italien de Montaigne : livres, fleurs et oignons de Constantinople. Les études montaignistes en Italie aujourd'hui, entre philosophie et littérature
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2018 – 2, n° 68. varia - Auteurs : Cavallini (Concetta), Panichi (Nicola)
- Pages : 23 à 31
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406090854
- ISBN : 978-2-406-09085-4
- ISSN : 2261-897X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09085-4.p.0023
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/03/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
Introduction
Dans le jardin italien de Montaigne :
livres, fleurs et oignons de Constantinople.
Les études montaignistes en Italie aujourd’hui,
entre philosophie et littérature
Dans son Journal de voyage, Montaigne inaugure une sorte de catalogue involontaire de villes parallèles, italiennes et françaises, qui présentent, par moments, des similitudes plutôt que des différences. C’est le cas pour Milan et Paris, Padoue et Bordeaux… dans une annotation tardive (composée d’ailleurs en deux temps) de De l’institution des enfans, il lie les deux nations dans un jugement analogue (« que la France et l’Italie recognoist pour le meilleur orateur du temps »). Les Essais aussi resteront imprégnés de curiositas anthropologique et de culture philosophique et littéraire italiennes, déclinées sur un axe spatio-temporel précis et dilaté ; cet axe permettra à Montaigne d’exorciser le risque continu de la myopie du regard de la loy municipalle avec la constance de la profondeur – comparable à ce mouvement plus languissant, évident dans Du repentir.
Journal et Essais, chacun à sa manière, évoquent sujets et sources d’auteur, migrations entre passé et présent, et attestent, dans leur intertextualité, de la migration/circulation d’hommes et de livres typique de l’Europe de la Renaissance – Europe philosophica et literata, dans une unité/diversité de discours, méditée, et parfois laborieuse à cause de la « mirable varietas » de méthodes et de résultats, pas toujours dans l’esprit de la concordia discors. Vue sous cet angle, la réflexion montaignienne joue un rôle capital en prenant des chemins qui croisent tous les domaines, philosophique, littéraire, politique et moral de la Renaissance, dans un horizon qui se projette au-delà de son temps, vers l’idée embryonnaire d’un nouvel humanisme. Des sujets qui fondent le débat philosophique et littéraire contemporain – âme, monde, Dieu, naturalisme, scepticisme, amour, liberté, nécessité, infini, théologie rationnelle, vérité, 24erreur, justice, hérésie, éducation, cosmopolitisme, loi et droit, langue et langage, bellum iustum, violence – finissent par construire le lexique d’un incessant parcours commun d’intellectuels itinérants, alimenté par l’esprit de conference, sur des sentiers jamais interrompus.
Montaigne et l’Italie : si ce sujet rappelle quasi en miroir l’idée de Montaigne en Italie, de toute évidence ne l’épuise pas. Le lecteur suffisant en reçoit non seulement l’esprit critique, mais aussi la générosité d’une expérience intellectuelle presque unique. Un héritage important qui continue d’alimenter des domaines de recherche solides, aptes à faire émerger, au cours de saisons différentes, une sorte de cosmopolitisme transnational et transeuropéen.
Dans le débat international contemporain des études montaignistes, l’Italie joue un rôle qui n’est en rien secondaire, avec des spécialistes de formation et de génération différentes, dont les recherches convergent et font dialoguer des études issues des domaines philosophique et littéraire, engagés dans la construction d’une trame herméneutique complexe, toujours orientée vers une compréhension plus profonde des Essais, de ses prodromes et de son « histoire des effets », de ses paradigmes et de ses catégories.
Maintenant plus que jamais, ces études, dont nous présentons ici un échantillon significatif, tendent à se concentrer, tout en gardant la spécificité de leurs approches respectives, sur les sources (même problématiques) et sur la réception européennes, dans un binôme qui justifie des méthodologies multiples, les exige même, comme garantes des paradigmes évoqués et de l’apparat catégoriel qui les supporte.
Dans le panorama des spécialistes italiens, l’approche de spécialité (sources, réception, élaboration théorique) introduit des réflexions de mérite et de méthode sur l’ensemble de l’œuvre montaignienne. Elle fait émerger sans équivoque le fait que l’héritage intellectuel, tout en conservant toujours son excédent théorique, ne se laisse pas entièrement absorber par l’« histoire des effets », et n’élimine pas les impulsions et les expérimentations de la censure dont l’écho, en dehors du Sacré Palais, imprègne, parmi d’autres œuvres, les traductions italiennes de Naselli et de Canini.
Montaigne devient l’emblème de la conference européenne – intellectuelle, politique et émotive – de l’homo viator dans un espace philosophique 25et littéraire polyglotte et partagé où, comme Castiglione l’écrit dans son Courtisan, les paroles voyagent désormais comme les marchandises. Si l’altérité des langues et du discours a ramené le philosophe de Bordeaux à l’acceptation de la diversité des mœurs, témoignage aussi de l’écriture bilingue du Journal (assaggiamo di parlare un poco questa altra lingua), Italie, Suisse, Allemagne, Grèce, Pologne, Nouveau Monde, île de Cea, etc. dessinent les limites d’une géographie émotionnelle – qui trouve place dans l’oxymoron originaire de la peinture du passage – lieux de mémoires, comme les guides d’Europe en latin et les cosmographies universelles, qui se composent dans la methodus apodemica de Zwinger, fondée sur les principes de la mnémotechnique.
Tout en réclamant le statut de liber singularis, les Essais se nourrissent de sources européennes (surtout italiennes, pas toujours indiquées par l’écrivain de Bordeaux) et à leur tour ont une influence sur le tissu européen : Portugal (Osorio et André de Gouveia), Espagne (Lopez de Gomara, Las Casas, Francesco Sanchez, Vivès, Diego de Cisneros, Baltazar de Zuniga, influencé par Juste Lipse, à qui revient en grande partie le mérite de la fortune européenne des Essais, Martin del Rio, Quevedo), Belgique (Juste Lipse), Pays Bas (Coornhert, Spiegel, Hooft), Angleterre (Florio et Jacques Ier Stuart, Georges Buchanan maître commun de Montaigne et de Peter Young), Allemagne.
L’attraction intellectuelle pour le cercle de Bâle n’est que la pointe de l’iceberg du continent intellectuel relié à la conversation cosmopolite qui est construit par Montaigne dans son infatigable curiositas. Si Bâle ouvre sur plusieurs directions (centre de la liberté et de la tolérance religieuse mais aussi de l’imprimerie), le Journal de voyage rapporte la rencontre avec Johann Jacob Grynaeus et Felix Platter (Platerius), à qui Montaigne, dans le sillage de Lucrèce, semble devoir la métaphore de la philosophie naturaliste. Les événements sont connus : il rencontre aussi à Bâle Hotman et Zwinger, neveu de l’imprimeur Oporino et beau-fils de Lychostènes, auteur également de ce Theatrum vitae humanae, qui non seulement deviendra pour Bacon le point de vue classificateur des sciences, mais sera lu et utilisé par Comoenius (qui connaissait très bien Sebond) et Leibniz.
Une question, paradoxalement inexprimée, demeure au centre des recherches partagées qui sont présentées ici : la question lancinante sur 26la nature humaine enregistrée dans les Essais à la latitude ontologique et herméneutique de la condition et, en même temps, dans la conscience de l’impossibilité d’une définition univoque. Ce n’est pas un hasard si la première occurrence du lemme apparaît – dans une couche originaire de l’Apologie de Raymond Sebond – dans un contexte déjà lié à la valorisation du concept polysémique de diversité. « Nature humaine » (d’ailleurs un apax) dans les quatorze occurrences suivantes se mue morphologiquement dans le chiasme parfait « humaine nature », et se maintient dans cette forme jusqu’au dernier chapitre. Il faut ajouter au glossaire les six occurrences de « humaine condition » et une de « condition humaine ». Un nombre exigu, tout compte fait, mais qui se superpose vite à la notion d’estre, qui n’est pas entendue comme (être) permanent et substantiel, mais comme être en mouvement, sujet à passages, déclinations et vicissitudes – métamorphoses.
Cependant, la thèse corrosive de Montaigne sur la négation de la différence spécifique entre homme et animal avait trouvé son antécédent conceptuel et philosophique dans la natura naturans elle-même ; elle est multiplication et vicissitude de formes infinies méconnues de l’homme, mais pas de celle qui l’avait créé. Dans leur être, forme de la nature, elles acquièrent et gardent une dignité égale, y compris monstra et mirabilia. La dignité de la nature humaine ne coïncide pas avec l’indignité de la bête. Circé, la magicienne, médiatrice entre le ciel et la terre, Vénus des animaux et des métamorphoses, métaphore incarnée de l’éros et de la vie, a fait comprendre aux hommes transformés en animaux que la condition de la bête n’est pas inférieure à celle de l’homme.
La racine de la nature humaine est donc diversité et ressemblance : sur le plan naturel/culturel, diversité des mœurs et de l’ethos des peuples, sur le plan ontologique, nature humaine et animale. C’est le chemin par lequel Montaigne arrivera à élaborer et à intégrer les bases philosophiques de son héraclitéisme, combiné avec le matérialisme de Lucrèce : par approximation et avec l’exercice du doute, pour un nouveau livre de la nature, désacralisé et sécularisé. La seule manière de pouvoir légitimement conférer un sens au concept de « nature humaine », son passepartout.
Par une déformation de perspective, l’homme est conçu et entendu en tant qu’image du divin sur la terre ; et l’hypostase du souverain, le sujet politique par excellence, représenté comme la conception théologique du pouvoir, sa théologie politique. Son erreur consiste dans le fait qu’il veut mesurer Dieu avec une mesure humaine, même si elle coïncide avec l’idée 27même de perfection. Mais la perfection, que peut-elle avoir d’humain ? « Ce qui commence à naistre ne parvient jamais jusqu’à la perfection d’estre » (II, 12, 602A). L’erreur elle-même présente sa pédagogie.
La nature humaine, elle-même une des formes de l’univers, doit être acceptée dans cette acception de misère et de nouvelle dignité. Si l’erreur de perspective rencontre le concept de nécessité, l’idée de nécessité n’affaiblit pas la responsabilité morale du sujet, mais révèle une éthique rigoureuse et exigeante. De là la centralité du projet éducatif : même si la naissance d’un homme nouveau, tel Pyrrha et Cadmée, n’est pas possible, la tentative d’en réformer la difformité sera toujours possible.
Transversis itineribus, et sous des formes variées, les contributions de ce recueil, se mesurent avec la prise de conscience de Montaigne : accepter la nécessité ne signifie pas renoncer au perfectionnement moral. Paradoxalement, Montaigne se fait garant de cela avec l’erreur et se réconcilie avec lui. Les contributions n’éludent non plus l’irrésolution spécifique de Montaigne, qui accepte la fragilité de la nature humaine tout en accueillant l’imperfection d’estre avec le désir d’agir pour l’améliorer, rendant quasi charnel l’art de vivre longuement invoqué. C’est justement l’intuition d’un monde incompréhensible, car infiniment riche et profond, qui empêche Montaigne de rester prisonnier d’une profondeur morte et muette, métaphore de la tentation du nihilisme, et de prendre position comme une Méduse paralysante, image négative du scepticisme ancien, déjà combattue par Plutarque.
Si les spécialistes d’histoire de l’historiographie philosophique signalent l’Apologie de Raymond Sebond comme une des premières tentatives (après Aristote, Diogène Laërce, Jean-François Pic de la Mirandole) de composer une histoire de la philosophe (essai d’histoire des sectes), les très récentes pensées de La Boétie avaient rappelé à Montaigne « la vraye prattique de nos estudez, et de la philosophie ». Persuadé de la fonction poétique de la culture philosophique, le Sarladais s’était fait l’herméneute de l’engagement de son propre chef d’œuvre (« Et puis, mon frere, par aventure n’estois-je point né si inutil, que je neusse moyen de faire service à la chose publicque »)1. Non seulement par son action (son activité au Parlement de Bordeaux), mais aussi par sa plume. Montaigne revendiquera dans 28De l’utile et de l’honneste le rôle de l’intellectuel qui doit prendre parti à travers son écriture (« c’est assez de tramper nos plumes en ancre, sans les tramper en sang » : 802B) et dans De mesnager sa volonté parfois par l’action (“Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les parolles, et la sueur et le sang au besoing” : III, 10, 1007B).
Pour reprendre la métaphore du début, si les destins ne se croisent pas, tels les chemins, ils s’égarent. Mais Italie et France ne se sont pas égarées avec Montaigne et La Boétie et ont continué à croiser destins et ouvrages sur des chemins internationaux et cosmopolites, comme l’idée d’un nouvel humanisme vers lequel Montaigne ne se lasse jamais de regarder et auquel l’Italie ne cesse de fournir une nouvelle lymphe – car elle a souligné depuis longtemps les échos de Montaigne (et La Boétie) plausibles et non négligeables, que l’on trouve dans le programme universel de réforme morale et politique du Spaccio et dans la redéfinition pratique et opérative du projet philosophique que Bruno confie au De vinculis. Ici les destins semblent étroitement liés, encore davantage à cause de la présence d’acteurs qui interagissent, transversis itineribus et temporibus : La Boétie, Montaigne, Bruno, Jacopo Corbinelli, Henri de Mesmes, Piero Del Bene, François Hotman et Gian Vincenzo Pinelli, bibliophile très érudit qui peut se prévaloir de nombreuses fréquentations européennes. Des acteurs et des étapes de grande importance, dans une même géographie culturelle entre Italie (Paul et Alde Manuce, Fulvio Orsini, Latino Latini, le matématicien Giuseppe Moleti, Galilée qui lui succède à la chaire de Padoue, et le jeune Paolo Aicardo), France (Claude Dupuy, Henri de Mesmes, Marc-Antoine Muret, Henri Estienne, Joseph-Juste Scaliger, Pierre et François Pithou, Nicolas Fabri de Peiresc), Pays Bas (le médecin et botaniste très célèbre Charles de l’Escluse [Carolus Clusius], le juriste Hubert Van Giffen [Giphanius] « Le Cujas de l’Allemagne », Juste Lipse), Espagne (Antonio Augustino, homme de lettres, et Pedro Chacón, mathématicien et théologien), Allemagne (Nicaise Van Elleboode, Melchior Wieland [Guilandinus], botaniste, Friedrich Sylburg, classiciste) et Angleterre (Henry Savile, homme de lettres et secrétaire d’Elisabeth Ire, un des savants chargés de la rédaction de la Bible par le roi Jacques, et son jeune frère Thomas)2…
29Dans l’extraordinaire bibliothèque de Pinelli (une des plus importantes d’Europe), se croisent et se rencontrent théologie, philosophie, histoire, rhétorique, poétique, médecine, botanique (histoire naturelle) et mathématiques. Un camée représentant toute bibliothèque humaniste qui se respecte. Le premier décembre 1570, depuis Padoue, l’infatigable chasseur de manuscrits et de livres écrit à Dupuy : « Di più la supplico a dirmi di qualche libro, che fusse costà a mio proposito, di quelli ch’ella sape, che mi mancano. Perché volentieri vorrei non aspettarli di Francia o di Germania3 ».
Avec les années, aux listes des livres (demandés et reçus) suivront les listes de fleurs et de bulbes. Des livres aux fleurs, ou mieux livres et fleurs. À Henri de Mesmes aussi, passionné de jardinage, Pinelli envoie graines et bulbes, cipole di Costantinopoli, oignons de Constantinople… Tout comme à Dupuy qui le presse (« Je vous supplie de m’envoier des graines de fleurs rares ou des simples qui portent belle fleur comme je sçai qu’il y en a en quelques jardins de Padoue ; et faire escrire au dessus de chacune, en quelle saison il les faut semer. je me delecte a present du jardinage ; il faut que ceste humeur se passe4 »). Dans la lettre du 31 juillet 1586, la liste de livres coutumière envoyée de Paris se clôt par la nouvelle de la mort de Ronsard (« Ronsard est mort depuis quelque mois ») ; avec la même froideur de nomenclature, suit la liste des fleurs demandées (“muschi grechi, corone imperali, pennacchi persiani, dulipani di più colori, narcissi gialli doppi, gigli turchini fiori del tutto novi, hiacinthi di bella sorte dal fior turchino, gigli di color giallo, gigli chiamati turcheschi5. »)
Corbinelli, avec Dupuy, est le plus important correspondant français de Pinelli. Et Dupuy informe le padouan de la nouvelle destination de Corbinelli (la Pologne) en tant que précepteur de langue latine et 30italienne du roi. Il prend soin d’ajouter une autre nouvelle : « Bodin aussi doit y aller6 ». Ce Bodin, dont il souligne plus tard la difficulté dans la traduction de la République en latin7. Dans une liste successive de livres, (8 octobre 1585) apparaît aussi un exemplaire du De immortalitate animae de Pomponazzi (Pomponatius de immortalitate animae, Bononiae)8.
Quelques mois seulement après l’Advertissement de Montaigne à la traduction de La Boétie de l’Économique de Xénophon, le 4 novembre 1570, Corbinelli écrit depuis Paris la célèbre lettre au bibliophile padouan – qui l’avait chargé, comme dans d’autres cas, de le tenir à jour sur les nouveautés politico-culturelles françaises et de lui procurer livres et manuscrits – sur le fait qu’il avait eu sous les yeux une scrittura de la Servitude volontaire. Une copie manuscrite arrive dans la bibliothèque de Pinelli, comme en témoigne sa découverte dans le fonds Pinelli à l’Ambrosiana9. Nous ne savons pas par quel intermédiaire (via Corbinelli o Dupuy ?). Du reste, un manuscrit de la Servitude volontaire était aussi dans les mains de Dupuy.
Dans la lettre écrite depuis Paris à Pinelli (25 mars 1575), Dupuy indique dans la liste des livres envoyés (Livres bailléz à Denis Du-val pour Francfort) l’édition parisienne des œuvres de La Boétie éditées par Montaigne chez Morel : « La Mesnagerie de Xenophon ; et Deux opuscules de Plutarque, traduit en François par Estienne de la Boëtie : ensemble quelque vers Latins et François ci de son invention. 8o ». Et immédiatement après il synthétise : « C’estoit un gentil personnage et qui promettoit beaucoup de soi10 ». La fin de la liste est une sorte d’épitaphe 31personnelle. Pinelli reçoit par Montaigne, les Essais de 1580 (Bordeaux, Millanges)11, in-4o, comme l’annonce la liste rédigée par Dupuy dans la lettre parisienne du 15 septembre 158412. Dupuy confie au libraire de l’Université de Paris (Nivelle) un paquet de livres, où il insère une lettre qui est « une mémoire », « pour vous faire tenir par l’adresse de Ms. Francesco Ziletti Marchand libraire Venitien, lequel lon ma dict frequenter maintenant les foires de Francfort13 ».
Concetta Cavallini
Università di Bari Aldo Moro
Nicola Panichi
Scuola Normale Superiore, Pisa
1 Nous renvoyons à l’édition d’A. Frigo, M. de Montaigne, Lettere, con testo originale e traduzione a fronte, Le Monnier, Firenze 2010, p. 74 et p. 70.
2 Voir. A. M. Raugei, Introduction, a Gian Vincenzo Pinelli et Claude Dupuy, Une correspondance entre deux humanistes, éditée avec Introduction, Notes et Index [par A.M.Raugei], 2 voll., Olsckhi, Firenze 2001, p. xxii.
3 A Dupuy, in Une correspondance…, cit., I, p. 5. « De plus, je vous supplie de me dire de quelques livres qui soit ici pour mon propos, de ceux que vous savez, qui me manquent. Car volontiers je voudrais ne pas les attendre de France ou d’Allemagne ». Notre traduction.
4 A Pinelli, Paris, le 1ier août 1585, in Une correspondance…, cit., I, p. 324. La demande de bulbes et de semences devient quasi constante et obsédante dans toutes les lettres suivantes. En particulier, la lettre du 22 octobre 1585, écrite de Balizy, où la liste des livres est suivie de celle des fleurs et d’une liste supplémentaire des bulbes.
5 In Une correspondance…, cit., I, p. 345-347. « Mousses grècques, couronnes impériales, plumes persanes, tulipes de plusieurs couleurs, narcisses jaunes épais, lis bleu fleurs tout neufs, jacinthes très beaux à la fleur bleu, lis de clouleur jaune, lis appelés turquesques ». Notre traduction.
6 A Pinelli, Paris, le 28 septembre 1573, in Une correspondance…, cit., I, p. 78.
7 A Pinelli, Paris, le 12 décembre 1579, in Une correspondance…, cit., I, p. 276 : « Ne croiéz pas que Bodin s’amuse à traduire sa Republique en Latin. Je vous ai autrefois mandé que l’impression de Genève in 8o avait esté faite sur la premiere de Paris ; mais je m’abusois. car ils lont chastrée en plusieurs endroits, malo more ; et l’auteur s’en est plaint en la derniere edition de ce livre. La Table de droit, de laquelle vous dites qu’il faut mention en sa Methode de l’histoire, est sortie en lumiere depuis un an en-ça ; c’est fort peu de chose à mon jugement. il fait imprimer un gros livre des Sorciers, id est, de sortilegis et veneficis ». Il s’agit de l’ouvrage très discuté Demonomanie des sorciers.
8 In Une correspondance…, cit., I, p. 332.
9 Trattato di un anonimo in franzese intitolato de la Servitude Volontaire, BAM A 70 Inf in folio. Sur cet exemplaire voir : J.-E Girot, Une version inconnue de la Servitude volontaire de La Boétie, BHR, LXIII, 2001, 3, p. 551-565 ; mais surtout R. Ragghianti, Rétablir un texte, Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, « Quaderni di Rinascimento », 48, 2010.
10 In Une correspondance…, cit., I, p. 164.
11 Pour l’exemplaire dans la BP : M. 5v. 27 et A, 139r 15.
12 Livres envoiez à la foire de Septembre 1581. En deux pacquets, l’un par Sebastien Nivelle, et l’autre par Denis du Val, in Une correspondance entre deux humanistes, cit., I, p. 311.
13 Ibid., p. 309-310.