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Classiques Garnier

Sur le doublet lexical chose/cause chez Montaigne

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2018 – 1, n° 67
    . varia
  • Auteur : Pouey-Mounou (Anne-Pascale)
  • Résumé : Bien connu par le chapitre « Des boyteux », le jeu sur le doublet lexical chose / cause conjugue la critique du discours sur les causes à l’exercice du jugement pris en ses différentes acceptions. L’article étudie la complémentarité des occurrences de ces deux termes, leur articulation syntaxique, et quelques scènes de plaidoyer, pour envisager la dynamique de l’essai, la déconstruction des discours et la focalisation sur l’homme qui sont en jeu dans leur interaction.
  • Pages : 125 à 141
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083986
  • ISBN : 978-2-406-08398-6
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08398-6.p.0125
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 27/07/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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SUR LE DOUBLET LEXICAL
CHOSE/CAUSE CHEZ MONTAIGNE

« Ils laissent là les choses, et samusent à traiter les causes. Plaisants causeurs » (III, 11, 1026B-C1). La célèbre formule du chapitre « Des boyteux » va au-delà de la paronomase, de la polysémie et de la figure de dérivation : ce qui la rend remarquable, cest, à la fois, que les deux lexèmes chose et cause procèdent du même étymon (causa), et que le substantif causeur dérive, non pas directement du verbe obtenu par conversion à partir du substantif cause, mais dune forme verbale homonyme ayant la même racine (causari). De là, la forte impression de décrochage sémantique que produit, dans la proposition averbale ajoutée, lenchaînement des causes aux causeurs. Une remotivation sensuit : les causeurs ne sont plus simplement ceux qui causent, mais ceux qui discutent des causes ; la discussion sur les causes nest que causerie. Mais pourtant, en vertu de la polysémie de la cause, causer, cest déjà plaider : la judiciarisation du débat nest pas loin ; et cest ainsi que lessai sélève des questions oiseuses aux procès où farceurs, imposteurs et sorcières « courent hazard de leur vie » (III, 11, 1031B).

Parmi les figures de répétition qui constituent lun des modes privilégiés du déploiement de la pensée montaignienne2, le doublet lexical 126chose / cause mérite une place à part. Il cristallise en effet les grandes questions qui se nouent dans les Essais et que concentre, tout particulièrement, le chapitre « Des boyteux » : la réflexion sur lemballement des paroles déconnectées des choses, la méconnaissance humaine des causes, et lexercice du jugement pris en ses différentes acceptions, de la capacité de juger aux cas juridiques qui émaillent les Essais. Dans larticulation de ces deux termes se joue lambition même des Essais : sexercer à bien juger3. Je tenterai ici denvisager leurs interactions, en mattachant successivement à la complémentarité de leurs occurrences au sein de certains chapitres, aux modalités syntaxiques de leurs cooccurrences, et à la reformulation de lactivité de jugement quoffrent quelques scènes de plaidoyer.

DES CHOSES AUX CAUSES :
UNE DYNAMIQUE DE L
ESSAI ?

La récurrence des mots chose et cause nest pas pour étonner dans un ouvrage dont lorientation généralisante se traduit volontiers par des exemplifications et des enchaînements anaphorisants larges (en telles choses, pour/à telle cause) ; elle frappe en revanche lorsque ces termes, pris dans leur sens plein, se concentrent dans certains passages-clés des chapitres où tantôt ils donnent lieu à des développements complémentaires, tantôt ils sentremêlent pour contribuer à des effets de sens. Il arrive ainsi que la réflexion parte de lun de ces deux termes, pour se cristalliser ensuite autour du second. Ce peut être dabord pour illustrer lemballement des passions : le chapitre « De mesnager sa volonté », inauguré par lassertion

Au pris du commun des hommes, peu de choses me touchent, ou, pour mieux dire, me tiennent ; car cest raison quelles touchent, pourveu quelles ne nous possedent. [] Jespouse, et me passionne par consequant, de peu de choses. (III, 10, 1003B)

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finit par dénoncer la tentation de prendre fait et cause pour les charges qui nous sont confiées, en un passage dominé par le mot cause4, qui suit le développement sur les « vacations [] farcesques ». Et de fait, les figures de correction, de gradation et dantithèse autour du verbe toucher (vs. tenir et posséder), la métaphore des épousailles, et le renversement qui affecte le syntagme « peu de choses », de sujet devenu régime du verbe, annoncent les antithèses de la métaphore théâtrale, où limplication dans les charges passe par les images corporelles5. La gradation des petites choses aux grandes dans une manière indue de sattacher aux choses est ici critiquée, comme dans le chapitre « Des boyteux », à travers les structures comparatives :

Voyez les gens apris à se laisser emporter et saisir, ils le font par tout, aux petites choses comme aux grandes, à ce qui ne les touche point comme à ce qui les touche []. (III, 10, 1004B)

Et y a plus loing de rien à la plus petite chose du monde, quil ny a de celle là jusques à la plus grande []. (III, 11, 1027B).

Inversement, le chapitre « De lutile et de lhonneste » part de lattachement aux causes (au sens de motif dengagement, dintérêt6) pour en venir, par lobservation de ses conséquences factuelles, à la distinction « entre les choses utiles et les honnestes » (III, 1, 796B). Lintroduction du nom générique choses au cœur des notions constitutives du titre du chapitre na rien danodin : cest par un mouvement dexemplification que la réflexion abstraite, annoncée par les adjectifs substantivés, trouve dans la considération des choses la possibilité de les qualifier ; et son point daboutissement est atteint dans lexemplum de Timoléon, libérateur fratricide de son peuple, qui rendit par ses actes « sa cause plus claire » (III, 1, 800C).

Un second cas est constitué par la dynamique dapprofondissement qui régit, dans le chapitre « Des coches », une relativisation dabord intellectuelle, qui sattache aux causes du mal des transports – le mot étant pris cette fois dans son acception de « principe explicatif » –, puis 128morale, qui conteste par le discours rapporté des réducteurs de têtes le prix accordé par les conquistadors à certaines choses, comme lor :

Dor, ils en avoient peu, et que cestoit chose quils mettoient en nulle estime, dautant quelle estoit inutile au service de leur vie []. (III, 6, 911B)

Au fil de ce chapitre, sont interrogés le regard jeté sur les choses, et la séduction quon leur prête. Ici les causes évoquées, « pourveu quelles ayent quelque invention et beauté » (III, 6, 898-899B), sont au fond des choses comme les autres, arguties verbales, parade somptuaire, tandis que peu à peu la considération brute des exactions perpétrées au Nouveau Monde amène à reconsidérer la valeur des choses et des intentions qui recouvrent les choses vues en Amérique. Cest une structure de spectacle que sert la succession de plusieurs séries doccurrences du mot chose, dénotant, tour à tour, les « belle[s] chose[s] à voir » quétaient les spectacles antiques (III, 6, 905B), la beauté des civilisations amérindiennes et le spectacle, « chose si estrange », du supplice du roi du Pérou (III, 6, 912B). Par là le chapitre se fait réquisitoire, constituant les choses vues en témoignages.

Un troisième cas est enfin constitué par lavènement du plaidoyer au cœur du discours sur les choses. Le « plaidoyer pour le membre » du chapitre « De la force de limagination » en est une illustration. Dans ce chapitre où trois occurrences du mot cause surgissent soudain des anecdotes rassemblées autour de « telles choses » sexuelles et pathologiques7 – deux dans lacception juridique du terme, qui introduisent et concluent le plaidoyer, et une qui poursuit en son sein la réflexion sur une incontrôlable causalité physique –, le plaidoyer produit leffet dune irruption du verbe dans leuphémisation qui sattache « és choses qui consistent en fantasie » (I, 21, 101C) ; il met en scène crûment le fait « quil ne se parle dautre chose » (I, 21, 99A, à propos du nouement daiguillettes), et il en parle, confirmant au passage que Montaigne prétendument « ignorant au-delà dun enfant des frases et vocables qui servent aux choses plus communes », dit fort bien ce quil « sça[it] dire » (I, 21, 106C). La polysémie du mot cause, point culminant de la réflexion sur les effets dune capacité de lâme qui nest que « force » et 129qui simpose par son seul pouvoir effectuel sur les choses, consacre ainsi une forme de judiciarisation de lessai.

De tels rapprochements peuvent être confirmés par des passages plus ponctuels où se concentrent des occurrences des deux termes. Le discours sur les passions trouve ainsi une illustration exemplaire dans le chapitre « Sur des vers de Virgile », à propos de la jalousie féminine, lorsque la réflexion sur les causes (motifs) de lamour et de la haine, redéployée dans un ajout sur les choses (occasions) qui alimentent ou guérissent la jalousie, débouche sur lidentification dune cause judiciaire dans les récriminations des jalouses, ou sur un mode mineur, dans une page du chapitre « De la vanité » sur les soucis domestiques, où la vigilance excessive à légard de « toutes choses » et notamment « des choses qui vont mal », opposée à la fragilité de la vie qui est « chose tendre », justifie déviter le désagrément quoccasionne toute « sotte cause » de ce genre :

les mesmes causes qui servoient de fondement à la bienvueillance servent de fondement à la hayne capitale. [C] Cest des maladies desprit celle à qui plus de choses servent dalimant, et moins de choses de remede. [B] [] Cest une agitation enragée, qui les rejecte à une extremité du tout contraire à sa cause. (III, 5, 865B-C)

Vous esclairez toutes choses de trop pres []. Je me desrobe aux occasions de me fascher, et me destourne de la connoissance des choses qui vont mal [] Cest chose tendre que la vie et aysée à troubler. Depuis que jay le visage tourné vers le chagrin [], pour sotte cause qui my aye porté, jirrite lhumeur de ce costé là… (III, 9, 950B)

La proximité étroite entre les deux termes repose sur une exemplification qui fait conclure de linsignifiance des choses non seulement à la fragilité des causes, mais à leurs conséquences importantes dans la vie (cause perdue ou « chose tendre »). On voit ici que le lien posé entre eux par Montaigne est avant tout énonciatif : il sert le va-et-vient de la pensée entre cas concrets et généralisations, de façon souvent dialogique, et signale la cristallisation de la réflexion en un point dacmé, le plus souvent par la précision sémantique apportée par le mot cause. Que celui-ci dénote le motif par lequel on se prend aux choses ou son assomption en cause personnelle, il représente, à légard de lhyperonyme concret choses, le mouvement dun retour à soi où la nécessité du discernement ne peut être éludée.

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Le mot cause, pris dans son acception judiciaire, remplit ainsi nettement cette fonction dans le chapitre « Du pedantisme », où lincapacité du pédant à concevoir « le neud de la cause » sert de critère pour distinguer « la theorique de toutes choses », déconnectée de toute pratique, davec la vraie « intelligence des choses » dont sont capables les esprits supérieurs (I, 25, respectivement 139A et 135A), et plus encore dans le chapitre « De linstitution des enfans », où la liberté de sassigner une cause est conditionnée par la pratique des choses : « Il nest engagé à aucune cause, que par ce quil lappreuve » (I, 26, 155A). Inversement, « léloquence fait injure aux choses, qui nous destourne à soy » (I, 26, 172C). Et cest, ainsi, lorsque la « conférence » échoue à faire de « la cause de la verité » la « cause commune » (III, 8, 924B) que se perd le rapport aux choses, daprès « lart de conferer » :

quand la dispute est trouble et des-reglée, je quitte la chose et mattache à la forme avec despit et indiscretion, et me jette à une façon de debattre testue, malicieuse et imperieuse, dequoy jay à rougir apres. (III, 8, 925B)

Cest en ce sens à une redécouverte du sens plein des choses et des liens de motivation et dengagement en vertu desquels on se définit par elles quinvitent ces variations sur les choses et les causes. Voyons à présent de plus près les modalités de leur articulation syntaxique.

COOCCURRENCES : LA DÉCONSTRUCTION SYNTAXIQUE
DU DISCOURS SUR LES CAUSES

La considération des enjeux sémantiques et énonciatifs des enchaînements discursifs nous a fait précédemment ramener les occurrences du terme cause dans son acception causale à lexamen des motivations par lesquels se définit une cause, et à rejoindre, par là, lacception judiciaire du mot. Lanalyse syntaxique conduit inversement à privilégier son interprétation causale, dans une perspective sceptique. Toutefois cest justement par là que se précise lexigence du discernement, la déconstruction syntaxique du discours rationnel sur les causes questionnant les motifs personnels dimplication dans une cause au sens judiciaire.

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Une première série de manipulations exploite la transitivité à lintérieur des syntagmes nominaux et verbaux, la question étant de décider ce qui cause / est la cause de telle chose8. Elle repose, autrement dit, sur le complément déterminatif les causes des choses. Celui-ci est ainsi décliné dans lApologie, en position de régime du verbe (« Platon estime quil y ayt quelque vice dimpieté à trop curieusement senquerir [] des causes premieres des choses », II, 12, 499C) et dattribut (« quest-il plus vain que de faire linanité mesme cause de la production des choses ? », « cause et origine des choses qui sont », à propos dAristote, II, 12, respectivement 512A et 540A), dans des syntagmes où chaque fois une détermination intermédiaire (adjectif épithète, compléments déterminatifs ou binôme synonymique recteur) mime la remontée vers les premiers « principes des choses naturelles ». Il est également redéployé, à travers une série de retouches lexicales et syntaxiques, dans lanecdote de Démocrite et de ses figues qui sentaient le miel (II, 12, 510-511A-C). Au syntagme implicite la cause de la chose se substitue, dans lenquête du philosophe, une interrogation portant sur le lieu (« doù leur venoit cette douceur inusitée »), qui conduit à lopposition de deux lieux, celui, originel et objectivé, de la production des figues (« lassiete du lieu où ces figues avoyent esté cueillies ») et celui, artificiel et circonstanciel, invoqué par la chambrière (« en un vaisseau où il y avoit eu du miel ») : seule détentrice dun discours sur les causes, elle qui identifie à la fois « la cause de ce remuement » du philosophe et celle de laltération des figues (« cestoit quelle les avoit mises… ») invalide linvestigation sur les principes. La cause des choses, rendue à une chaîne causale purement circonstancielle, subit à partir de là deux reformulations, qui ne disent plus rien des choses, mais tout des motivations humaines : dabord dans deux syntagmes parallèles, « loccasion de cette recherche » et « matiere à sa curiosité », où le rapport de causalité se déplace dun cran sur la chaîne des référents – la chose devenant motif et objet de lactivité du philosophe –, puis dans le syntagme conclusif ajouté « quelque raison vraye dun effect faux et supposé » où les déterminations adjectivales antithétiques sont ironiques. Mais dans lintervalle est intervenue la formulation absurde du philosophe, « je ne lairray pourtant den chercher la cause comme si elle estoit naturelle » : sa lucidité, sensible dans la déconstruction permise par le pronom adverbial (qui relègue la chose pronominalisée dans loubli) 132et la comparative hypothétique (où la prédication attributive perturbe linterprétation de la cause comme principe), consacre le besoin dêtre en recherche comme le véritable objet de la réflexion philosophique.

À cette dernière formule fait écho la conclusion des variations sur les « causeurs » au chapitre « Des boyteux » : « Suyvant cet usage, nous sçavons les fondemens et les causes de mille choses qui ne furent onques » (III, 11, 1027B), linférence étant cette fois contestée par la mise en doute des choses, grandes oubliées dun raisonnement qui, tourné tantôt vers les causes, tantôt vers les conséquences, ou encore vers les fins, les court-circuite. La déconstruction du syntagme la cause des choses par la relative déterminative, qui inverse le sens du complément du nom, est ici un jalon dans une démarche qui, assignant à lhomme la seule connaissance des choses, finit par refermer sur lui comme un couvercle la seule causalité sur laquelle il ait prise, celle des interactions humaines :

Ainsin est-il advenu en lescole de la philosophie : la fierté de ceux qui attribuoyent à lesprit humain la capacité de toutes choses causa en dautres, par despit et par emulation, cette opinion quil nest capable daucune chose. (III, 11, 1035B)

La conversion ultime du substantif cause en verbe, et la relégation du substantif chose au statut de complément adjectival, resserre la réflexion sur lhomme et ses motivations ; elle la fait redescendre du dogmatisme à lempirisme, justifiant de qualifier lhomme, sans le définir, par son rapport aux choses. Dans un passage ajouté à la critique des « causeurs », cette mise en doute est dailleurs annoncée par une refonte du syntagme implicite les causes des choses : « La cognoissance des causes appartient seulement à celuy qui a la conduite des choses9 » (III, 11, 1026C). Montaigne y assigne en effet au mot causes la fonction non plus de recteur, mais de régime, complément objectif au sein dun syntagme nominal dont le nom-tête dénote la maîtrise, ce qui fait des causes les choses de Dieu, et érige cette maîtrise en trait définitoire de la divinité. Or cest précisément la prétention de lhomme à comprendre les causes dans la « capacité de toutes choses » que conteste la fin du chapitre. Les énoncés déductibles de ces formules sont une belle illustration du principe de récursivité, qui remet lhomme à sa place : Dieu seul a la connaissance des causes des choses, lhomme na que la connaissance des choses ; lopinion davoir 133la connaissance [des causes] des choses est la cause de lopinion inverse de navoir la connaissance [des causes] daucune chose… La seule maîtrise des causes que Montaigne concède à lhomme fonde en ce sens une responsabilité.

Tel est bien le sens de deux manipulations effectuées dans les chapitres « De mesnager sa volonté » et « De la phisionomie ». Dans le premier cas, Montaigne déconstruit un discours dautojustification rétrospectif qui se berce dillusions, faisant retour de lénoncé factuel des choses à lexigence de remonter par elles non seulement à leurs causes, révolues, mais à leur principe permanent, qui réside dans les motivations des locuteurs :

Ceux qui disent avoir raison de leur passion vindicative ou de quelquautre espece de passion penible, disent souvent vray comme les choses sont, mais non pas comme elles furent. Ils parlent à nous lorsque les causes de leur erreur sont nourries et avancées par eux mesmes. Mais reculez plus arriere, rappelez ces causes à leur principe : là, vous les prendrez sans vert. (III, 10, 1016C)

Cette démonstration en trois phrases, reliées entre elles par des compléments explicites (de leur erreur, reformulation des choses) ou implicites (par le déterminant possessif du substantif principe), illustre la responsabilisation quapporte le rétablissement dune chaîne récursive dans le domaine des actions humaines. Dans le second cas, plus grave, où il traite des guerres civiles, Montaigne exploite la contradiction entre un discours fanatique sur les moyens et les fins, et les inférences causales qui sen déduisent dans lordre des mots comme dans celui des choses. Il sagit dun ajout, inséré avant le constat quil nest « pire visage des choses » que celui où la « meschanceté » se drape du « manteau de la vertu », et qui complète lobservation des choses par une réflexion sur les causes :

Je doubte souvent si, entre tant de gens qui se meslent de telle besoigne, nul sest rencontré dentendement si imbecille, à qui on aye en bon escient persuadé quil alloit vers la reformation par la derniere des difformations, quil tiroit vers son salut par les plus expresses causes que nous ayons de trescertaine damnation [] (III, 12, 1043C)

La contestation du discours sur les moyens et les fins passe par un jeu sur les prépositions par et de, par linsertion dun complément déterminatif objectif ayant pour nom-tête le substantif causes à lintérieur du complément circonstanciel de moyen ; le paradoxe, qui est ici interne au discours dautojustification, peut de là gagner lordre des choses, pour 134suggérer quun tel discours est la cause des malheurs des temps, à travers lantithèse du « visage des choses » et du « manteau de la vertu » au cœur dune relative indéfinie de lieu. Cest ici linsertion des compléments déterminatifs unis par lécho des causes et des choses, respectivement recteur et régime, dans des circonstants, qui invite à aller au-delà des discours pour discerner, dans leur concomitance avec les troubles, une causalité sous-jacente.

Venons-en de là à notre seconde série dinteractions syntaxiques qui affecte, cette fois, les circonstants, par le biais des locutions conjonctive et prépositive à cause que / de. La contestation qui est portée par la locution conjonctive, apte à re-hiérarchiser les rapports de subordination entre propositions, concerne les failles dun raisonnement sur les causes qui se méprend sur lordre des inférences. Ainsi à propos du fatum dans le chapitre « De la vertu » :

À quoy nos maistres respondent que le voir que quelque chose advienne, comme nous faisons, et Dieu de même [], ce nest pas la forcer dadvenir : voire, nous voyons à cause que les choses adviennent, et les choses nadviennent pas à cause que nous voyons. Ladvenement faict la science, non la science ladvenement. (II, 29, 708-709A)

Celle qui passe par la locution prépositive touche davantage aux motivations subjectives dun prédicat porté sur les choses et sert pour cette raison, dans le chapitre « De lart de conferer », à la critique des autorités. Ainsi dans la « rude reprimende » dApelle à Mégabyse,

Tant que tu as gardé silence, tu semblois quelque grande chose à cause de tes cheines et de ta pompe ; mais maintenant quon ta ouy parler, il nest pas jusques aux garsons de ma boutique qui ne te mesprisent. (III, 8, 932B)

La juxtaposition des lexèmes chose et cause amène ici à les entendre dans leur sens plein : la phrase fait entendre le dégonflement dune appréciation portée sur lêtre du tyran et dévoile ses motivations subjectives ; la mise au jour dune motivation erronée, centrée sur des groupes nominaux reliés au sujet sur le mode de lavoir (par les déterminants possessifs), inverse la prédication attributive qui mimait, par le verbe à montée du sujet, le quantifiant indéfini et lobjectivation par lattribut nominal qualifiant (préféré à ladjectif grand), une approche essentialisante. Mais de lêtre on revient à lavoir : du tyran on ne saurait dire quil est quelque 135grande chose, mais simplement quil a de grandes choses. La même logique est à lœuvre, sans cette locution prépositive, à propos des dignitaires déchus dont on jugeait « selon la prerogative de [leur] rang » :

Que la chanse tourne aussi, quil retombe et se remesle à la presse, chacun senquiert avec admiration de la cause qui lavoit guindé si haut. Est-ce luy ? faict on ; ny sçavoit il autre chose quand il y estoit ? les Princes se contentent ils de si peu ? nous estions vrayment en bonnes mains ! Cest chose que jay vu souvant de mon temps. (III, 8, 935B)

Ici le conflit entre la cause subjective de cette élévation et le peu de chose qui la motivait dans les faits se retourne contre le prince, contesté dans ses motivations ; du questionnement dont, faute de réponse préalable, la cause était le sujet (par le pronom relatif sujet), linterrogation se déplace ainsi de lobservation des faits, où la chose recherchée, et non trouvée, est objet, à la mise au jour dun nouvel actant sujet, le prince, sont la subjectivité passe au premier plan.

Aussi les emplois locutionnels du mot cause méritent-ils parfois dêtre pris au sérieux. Dans le chapitre « Des boyteux », la locution prépositive à cause de entre ainsi dans les élucubrations finales sur les boiteuses qui justifient le titre :

[la philosophie ancienne] dict que, les jambes et cuisses des boiteuses ne recevant, à cause de leur imperfection, laliment qui leur est deu, il en advient que les parties genitales, qui sont au dessus, sont plus plaines, plus nourries et vigoureuses. Ou bien que, ce defaut empeschant lexercice, ceux qui en sont entachez dissipent moins leurs forces et en viennent plus entiers aux jeux de Venus. Qui est aussi la raison pourquoy les Grecs descrioient les tisserandes destre plus chaudes que les autres femmes : à cause du mestier sedentaire quelles font, sans grand exercice du corps []. (III, 11, 1033-1034B)

Variations prolongées par un emploi plénier du mot cause :

Torquato Tasso, en la comparaison quil faict de la France à lItalie, dict avoir remarqué cela, que nous avons les jambes plus greles que les gentils-hommes Italiens, et en attribue la cause à ce que nous sommes continuellement à cheval ; qui est celle-mesmes de laquelle Suetone tire une toute contraire conclusion… (III, 11, 1034B)

Les choses dont on discute ici les causes étant sujettes à caution, le lien avec la formule sur les causeurs est net. Ce discret rappel lexical boucle 136la réflexion, en annonçant la clausule ultime du chapitre que constitue lemploi du verbe causer précédemment analysé. Dun point de vue argumentatif, le jeu sur les emplois pleins et subduits du mot cause resitue ainsi le bavardage dans son enjeu juridique : le chapitre va dune causerie sur ce qui cause une réalité sujette à caution, au sens spécialisé de procès dont on ne maîtrise ni les causes, ni les moyens, comme dans les procès de sorcellerie, avant de faire retour avec légèreté au sens de motif, raison, sous la forme la plus lexicalisée qui soit. Cet encadrement dune réflexion grave par une question accessoire, qui a donné son titre au chapitre, est caractéristique de la manière de Montaigne. Mais dun point de vue métadiscursif, il illustre aussi par son propre exemple son argument sur le cours dune réflexion qui part dun rien – ou plutôt dune chose qui savère nêtre rien : causeries ou, comme Montaigne lécrivait au début de ce chapitre, « ravasse[ries]10 ».

LA CAUSE, LA CHOSE ET LHOMME :
CAS JURIDIQUES

Cette gravité sous-jacente explique enfin que dans certains exempla juridiques, la préoccupation pour les choses déplace le sens du jugement, et fasse passer au premier plan la question de lhomme. Cest bien sûr le cas des procès de sorcellerie dans le chapitre « Des boyteux ». En quelques pages encadrées par linterrogation sur les causes et les moyens (au sens logique), et centrées sur lexemple des Aréopagites ajournant une cause insoluble (au sens juridique11), les variations sur les choses12 137introduisent le doute quant au fait, mais aussi la focalisation sur lhomme, sujet de droit13. Montaigne sattache ainsi à dégager le sème /homme/ de laccusation dhomicide, pour lappliquer aux termes désignant ses différents actants (III, 11, 1031-1032B) : cest dabord le parasynonyme gens qui dénote les inculpés (tuer les gens, ces gens icy), puis homme, pris au sens générique dêtre humain, dont lapplication se renverse de linculpé qui saccuse lui-même aux témoins qui laccusent, puis dont le sens sinfléchit, à propos des témoins, du sens dindividu à celui de simple mortel opposable à lomniscience divine ; et cela ramène à leurs limites, à la fois linculpé (incapable de réaliser les actions dont on laccuse), les témoins (capables de mensonge) et les juges (qui ne sont pas infaillibles), conformément à la formule pléonastique célèbre « quun homme [] soit creu de ce qui est humain » (III, 11, 1031B). Parallèlement, tandis que le procès est recentré sur le sort de linculpé en tant quêtre humain, lhomicide est nié, dans le cas des accusés, par la restriction de lemploi de ce mot aux empoisonnements, ce qui met laccent sur la réalité des actes et non sur lintention maléfique, ramenant la cause à une question de droit pénal14, comme pour ceux qui saccusent « davoir tué des personnes quon trouvoit saines et vivantes », la relative déterminative inversant le sens du verbe tuer selon le même schéma syntaxique que dans la formule sur « les causes de mille choses qui ne furent onques » (III, 11, 1027B). Pour finir, par le syntagme verbal « faire cuire un homme tout vif », cest bien la mort dun homme qui est opposée aux « conjectures » des « honnestes hommes » (III, 11, 1032B) – des causeurs, derechef, ce syntagme ne pouvant être pris que dans le sens ironique de ce que lon appellerait aujourdhui la bien-pensance –, et la façon de le tuer, spécifiée par la périphrase verbale actantielle et par lattribut de lobjet, se donne comme le mode opératoire de ce qui pourrait bien être un homicide juridique.

Lexemplum du procès inique que relate le chapitre « De lexperience » (III, 13, 1070-1071) évoque lui aussi le récit dun homicide légal. Cette fois, les occurrences du mot homme sont rares, mais Montaigne oppose deux syntagmes verbaux, condamner à la mort et condamner un homme – le premier à la voix passive, avec sujet indéfini (certains), ce qui efface la 138réalité dhommes de tous les actants, et le second qui rétablit cette réalité, mais sans lenjeu de la mort (puisquil sagit dune simple amende). Il joue, par ailleurs, sur divers substituts du mot homme, qui modalisent lénoncé tout en suggérant une déshumanisation légale : par la substantivation de deux formes adjectives (innocents / condamné), soulignant le double paradoxe de la mort des innocents et de lindemnisation du condamné, puis par le pronom possessif les miens ; et par le syntagme métaphorique pauvres diables qui, par-delà sa valeur affective lexicalisée, résonne avec le double paradoxe dune accusation qui diabolise à tort les inculpés, et dune exécution qui les rend pitoyables. Cest dans ce cadre quest posée lantithèse de la raison de la cause et de la raison des formes judiciaires, où le mot cause a le sens daffaire judiciaire, et prolonge le mot fait, révélateur de limportance accordée aux choses, qui réfère à laffaire. Sur cette opposition de la cause, qui doit être du côté des choses, et de la forme, se développe une riche isotopie de la justice et du jugement, dont ressort, dans le heurt des adverbes juridiquement et iniquement, la possibilité dun jugement inique « sans la coulpe des juges », mais « crimineu[x] » dans les faits.

Un dernier renversement, exemplaire, est celui quopère le plaidoyer de Socrate. Dans la prosopopée du chapitre « De la phisionomie » (III, 12, 1052-1054), laccusé sattache si bien aux faits quil inclut sa propre cause elle-même parmi les choses dont il est judicieux de douter. Ce passage qui recompose le mouvement de lApologie de Socrate tend, notamment, à privilégier sur les chefs daccusation historiques avancés contre Socrate, un seul grief explicite inspiré du début de lApologie, celui de faire lentendu15 ; il substitue la réflexion sur la mort, qui intervenait dans la discussion de lApologie sur les peines encourues puis dans lallocution aux juges qui avaient absout le philosophe, au rappel de loracle de Delphes qui avait déclaré Socrate le plus sage de tous16, par lequel Socrate défendait son enseignement, pour en faire une illustration en acte du fameux je 139sais que je ne sais rien, en une leçon sceptique ; et il dédouble lévocation des dieux, dune manière qui à la fois répond à laccusation dimpiété, et réorchestre la fin de lApologie, dans un dispositif énonciatif différent qui constitue le procès en spectacle, sous le regard des dieux et de la postérité. Dans ses différentes strates, ce discours suit un double mouvement régi par lisotopie de la crainte, de laffirmation liminaire « Jay peur », fausse captatio benevolentiae, à labsence de crainte transcendante aux deux fins successives du plaidoyer (« je ne les sçauroy craindre », « Les gens de bien [] nont aucunement à se craindre des Dieus »). Ce double bouclage correspond à une double prétérition : jai peur de faire un discours de justification… mais je dis que vous devriez me loger au Prytanée ; je pourrais argumenter… mais je ne veux pas avoir lair de vous accuser dinjustice. Lessentiel de ce renversement ironique tient au choix dévaluer la juste valeur des choses, au lieu de plaider sa cause – ce qui, par la prétérition, revient à la plaider quand même. Ainsi la digression sur la mort, et de là sur la valeur des choses, fait suite à lénoncé du reproche de « fai[re] plus lentendu que les autres, comme ayant quelque cognoissance plus cachée des choses qui sont au dessus et au dessous de nous ». Jouant sur les emplois pleins et subduits des verbes savoir, être et faire, sur les prédications attributives qualifiantes et classifiantes et sur limbrication, le locuteur exploite en particulier des syntagmes ayant pour noyau nominal le mot chose :

Je sçay que je nay ny frequenté ny recogneu la mort, ny nay veu personne qui ayt essayé ses qualitez pour men instruire. Ceux qui la craingnent presupposent la cognoistre. Quant à moy, je ne sçay ny quelle elle est, ny quel il faict en lautre monde. A lavanture est la mort chose indifferente, à lavanture desirable. [C] (Il est à croire pourtant, si cest une transmigration dune place à autre, quil y a de lamendement daller vivre avec tant de grands personnages trespassez, et destre exempt davoir plus à faire à juges iniques et corrompus. Si cest un aneantissement de nostre estre, cest encore amendement dentrer en une longue et paisible nuit. [] [B] Les choses que je sçay estre mauvaises, comme doffencer son prochain et desobeir au superieur, soit Dieu soit homme, je les evite songneusement. Celles desquelles je ne sçay si elles sont bonnes ou mauvaises, je ne les sçauroy craindre. (III, 12, 1053)

Tandis que le jeu sur la prédication attributive bat son plein – combinant en fonction dattribut un adjectif interrogatif (quelle), puis en réponse à cette question, divers syntagmes nominaux qualifiants et classifiants dont les premiers ont pour noyau le nom chose (chose indifferente / desirable), 140un groupe adjectival satirique (estre exempt davoir plus à faire…) et des adjectifs évaluatifs attributs des pronoms représentants du substantif choses (mauvaises / bonnes ou mauvaises) – limbrication des relatives ayant pour antécédent le nom choses, avec une complétive conjonctive puis une interrogative indirecte, résout la question par lindifférence à légard de lissue de la cause (« je ne les sçauroy craindre »), doublée dune condamnation de liniquité du procès lui-même, déduite de lattention éthique portée aux choses : moralité de Socrate, corruption de ses juges. Cest cette riposte à double détente quillustre le glissement qui se fait ensuite du scepticisme à légard de la mort (lissue de la cause), vers lidée dun aveuglement des juges dans la cause,

Mais, selon ma façon de conseiller les choses justes et utiles, je dy bien que, pour vostre conscience, vous ferez mieux de meslargir, si vous ne voyez plus avant que moy en ma cause []. (III, 12, 1053C)

tandis que Socrate sépanouit dans lordre des choses ; il finira par refuser ironiquement de « convie[r] à choses laydes » des juges censément incorruptibles, par dinutiles supplications, relevant par là-même la laideur de la cause. Le primat accordé aux choses sur les causes est atteint ici à la profondeur dun choix philosophique autant quargumentatif.

Par-delà la banalité des lexèmes chose et cause, la façon dont Montaigne exploite leur parenté phonique et étymologique, leurs interactions syntaxiques et leur potentiel rhétorique, va donc dans le sens dun travail récurrent sur ces deux termes, où se discernent les grandes options philosophiques des Essais. Le rôle matriciel de ce doublet, sensible aussi bien dans damples enchaînements discursifs quà loccasion daffleurements ponctuels, pourrait même engager léconomie de certains chapitres : il sert une dynamique de lessai, car il mime tantôt lemballement des passions (où les choses deviennent indûment des causes), tantôt celui des paroles (où les causes font écran aux choses), et favorise le travail du discernement (qui transmue la pratique des choses en causes mûrement pesées), tandis que le glissement des causes logiques aux choses concrètes et aux causes dengagement tend à judiciariser lessai. Parallèlement à ce travail énonciatif et sémantique de remotivation, où le retour au sens plein des termes met au jour des motivations qui font que lon tient aux choses, Montaigne opère un travail syntaxique de déconstruction : 141de façon parfois structurante à léchelle des chapitres, il exploite la transitivité intrasyntagmatique et les circonstants, explore sous les failles du raisonnement logique leurs motivations subjectives, et ouvre sur une responsabilisation. Sur le plan rhétorique, enfin, cest encore une déconstruction que mettent en scène les cas juridiques envisagés. Chaque fois, lexercice de la justice est repensé à travers celui du jugement : quil sagisse de voir les choses, et non des causes transcendantes ou des formes institutionnelles, pour recentrer la cause juridique sur lhomme, dans les procès, ou dinclure comme Socrate la cause juridique parmi les choses à propos desquelles un examen dépassionné simpose, au rebours des motivations de ses accusateurs, lexamen des choses conditionne lattitude à légard des causes, abstraites – et donc hors de portée – ou juridiques – et donc à examiner. Cette connexion philosophique des différentes acceptions du mot cause et du mot chose peut ainsi éclairer le mélange de gravité et de légèreté qui caractérise la démarche des Essais : si discuter des causes cest causer, toute causerie est déjà plaidoirie en puissance, alors même que lessai dit nêtre que causerie.

Anne-Pascale Pouey-Mounou

Université Paris-Sorbonne / IUF

1 Montaigne, Essais, édition Villey-Saulnier.

2 Voir D. Ménager, « Montaigne et lart du distingo », Montaigne et la rhétorique, dir. J. OBrien, M. Quainton et J. Supple, Paris, Champion, 1995, p. 149-159 ; M.-L. Demonet, À plaisir. Sémiotique et scepticisme chez Montaigne, Orléans, Paradigme, 2002, notamment chap. 8, « Lanaphore », p. 163-170, chap. 10, « Car je ne vois le tout de rien : le style simple des Essais », p. 181-198, et chap. 11, « Des mots voyageurs. Étude de la polysémie dans les Essais », p. 199-217 ; M. Magnien, « Montaigne et le sublime dans les Essais », Montaigne et la rhétorique, p. 27-48, et « Tel … faict des Essais qui ne sçauroit faire des effaicts : la paronomase dans Les Essais », MS, 27, p. 113-126, notamment p. 123 sur le passage cité du chapitre « Des boyteux » ; D. Knop et R. Menini « Lart du provignement dans le livre III des Essais », Montaigne Le livre III des Essais, dir. R. Cappellen et D. Knop, Fabula, Colloques en ligne, 2017, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4264.php.

3 Voir, pour une mise en perspective, Ph. Desan, « Montaigne et le doute judiciaire », LÉcriture du scepticisme chez Montaigne, dir. M.-L. Demonet et A. Legros, Genève, Tours, 2004, p. 179-187, ainsi que la plupart des articles rassemblés ibid.

4 III, 10, 1012-1013 : plaider contre ma cause (1012C), cause particuliere (1012B), cause en commun (1012C), conforte[r] leur cause (1013B).

5 III, 10, 1011-1012B-C : peau / chemise, visage / poictrine, etc.

6 III, 1, 792-793 : « La cause generale et juste ne mattache non plus que moderéement et sans fiévre » (792B) ; « la cause des loix et defence de lancien estat » (793B) ; « ce nest pas la cause qui les eschauffe, cest leur interest » (793B).

7 I, 21, 102-103C : « plaider sa cause », « cette mesme cause qui anime ce membre », « sa cause estant inseparablement conjointe à un consort et indistinctement ». On trouve de part et dautre deux occurrences du groupe prépositionnel « en telles choses », à propos de lanecdote de Marie Germain (99B) et de la guérison des écrouelles (103A).

8 Jexclus de mon relevé la phrase dannonce « Deux choses en furent cause » (I, 26, 174A).

9 Voir M. Magnien, « Tel … faict des Essais qui ne sçauroit faire des effaicts… », art. cité, p. 123.

10 III, 11, 1026B : « Je ravassois presentement, comme je faicts souvant, sur ce, combien lhumaine raison est un instrument libre et vague. »

11 III, 11, 1030B : « Recevons quelque forme darrest qui die : La court ny entend rien, plus librement et ingenuement que ne firent les Areopagites, lesquels, se trouvans pressez dune cause quilz ne pouvoient desveloper, ordonnerent que les parties en viendroient à cent ans. »

12 III, 11, 1030-1032 : « en plusieurs choses de pareille qualité, surpassant nostre connoissance » ; « Nous parlons de toutes choses par precepte et resolution » ; « On me faict hayr les choses vray-semblables quand on me les plante pour infallibles » ; « et ne me souvient aussi dautre chose » (1030B) ; « les exemples que la divine parolle nous offre de telles choses » (1031B) ; « és choses de difficile preuve et dangereuse creance » (1032B).

13 Voir N. Jacques-Lefèvre, « Entre rationalité juridique et fiction : le sorcier “sujet de droit” ? », Littératures Classiques, 40, 2000, p. 327-345.

14 Voir encore N. Jacques-Lefèvre, art. cité.

15 Platon, Apologie de Socrate, éd.-trad. M. Croiset, Paris, Belles Lettres, 1953, notice p. 124, ainsi que 19b, p. 142, qui fournit la matière du grief exprimé par Socrate dans les Essais, et 24b-c, p. 149 (accusation de corrompre la jeunesse, de ne pas croire aux dieux auxquels croit la cité et dintroduire de nouvelles divinités).

16 Ibid., 20b-23c, p. 144-148, pour lallusion à loracle de Delphes, et 37b-c, p. 166-167, pour la première discussion sur la mort, qui suit, dans lApologie, le refus de supplier les juges (34b-35d, p. 163-165), puis 40b-41d, p. 171-173, pour le développement sur la mort qui a founi la matière du passage cité et suit, de nouveau, une justification du refus de supplier adressé aux juges qui ont voté la sentence de mort (38d-39b, p. 168-169).