Aller au contenu

Classiques Garnier

Le style du « parler simple et naïf » des Essais

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2018 – 1, n° 67
    . varia
  • Auteur : Milhe Poutingon (Gérard)
  • Résumé : L’étude porte sur la recherche d’un langage visant la réalité, « tel sur le papier qu’à la bouche ». Montaigne élabore une poétique centrée sur l’imitation des mouvements de la pensée par le style. Il semble également réfléchir sur la possibilité d’impliquer la perception concrète dans l’acte de lecture.
  • Pages : 175 à 190
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406083986
  • ISBN : 978-2-406-08398-6
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08398-6.p.0175
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 27/07/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
175

LE STYLE DU « PARLER SIMPLE ET NAÏF »
DES ESSAIS

Il est bien connu que Montaigne multiplie les observations sur son propre langage. Lune des plus fréquentes porte sur la réduction de lécart entre manière de dire et manière de vivre. Cet idéal apparaît dès lavis au lecteur :

Si ceust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me presanterois en une marche estudiée. Je veus quon my voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car cest moy que je peins. Mes defauts sy liront au vif, et ma forme naifve, autant que la reverence publique me la permis. (I, « Au lecteur », 31).

Pour réaliser cette « peinture » et se « représenter vivement », il est nécessaire dadopter « un parler simple et naif, tel sur le papier quà la bouche », un langage au près du « naturel ». Il faut « naturaliser lart » :

Si jestois du mestier, je naturaliserais lart autant comme ils artialisent la nature. Laissons là Bembo et Equicola. Quand jescris, je me passe bien de la compaignie et souvenance des livres, de peur quils ninterrompent ma forme. Aussi que, à la verité, les bons autheurs mabattent par trop, et rompent le courage. Je fais volontiers le tour de ce peintre, lequel, ayant miserablement representé des coqs, deffendoit à ses garçons quils ne laissassent venir en sa boutique aucun coq naturel []. Mais je me puis plus malaiséement deffaire de Plutarque. [] je ne le puis si peu racointer que je nen tire cuisse ou aile. (III, 5, 874-875)

Aussitôt après cette déclaration, Montaigne explique que, composant « inadvertamment » un ouvrage dont la « fin principale et perfection, cest destre exactement [s]ien », il lui est nécessaire « descrire chez [lui], en pays sauvage », loin de tout « homme qui entende le latin de son patenostre », à lécoute des « frases qui susent emmy les rues 176françoises ». Le « coq naturel » emprunté à Plutarque2 désigne les « bons autheurs ». Mais il est possible dy voir aussi une allusion à l« art naturalisé » vers lequel il sagit de tendre. Si Montaigne dit sen éloigner par dépit, il nen tire pas moins « cuisse ou aile » chez Plutarque, notamment son art de la variation « nonchalante3 ». Dans le De vulgari eloquentia, Dante traquait la panthère fabuleuse, allégorie du vulgaire illustre. Par boutade, on pourrait dire que Montaigne se met lui aussi en quête dun animal allégorique, mais nettement plus banal. Alors que la panthère de Dante ne résidait nulle part, le coq de Montaigne peut se rencontrer « emmy les rues ». « Je parle au papier comme je parle au premier que je rencontre » (III, 1, 790). Au moyen du vulgaire, Montaigne élabore une rhétorique de la négligence visant « un certain laisser-aller qui donnera au destinataire lillusion du naturel4 ». Toutefois, comme nous allons le constater, on peut aussi déceler dans ces déclarations lidée que le langage des Essais est le reflet du monde quotidien et expérientiel, qui soffre à nous « dans sa forme naifve ».

Le langage de la pensée

Pour Montaigne, « toute cognoissance sachemine en nous par les sens » (II, 12, 587-588), car « notre condition est merveilleusement corporelle » (III, 8, 930). Sappuyant sur ce constat, il décrit le style au moyen dun imaginaire concrétisant impliquant le corps5. Par exemple, 177Cicéron est affligé dun corps « gras » et dune « mollesse » desprit (II, 10, 415). Son discours est, par conséquent, « trainant », « estouffé par ses longueries dapprets », rempli de « vent », « languissant autour du pot » (II, 10, 413-414. Voir aussi II, 31, 716). Inversement, le langage ayant les faveurs de Montaigne est « serré », « sec » : « Je me tiens, en mes discours, contraint, sec et resserré » (II, 17, 650). Cet imaginaire sexprime à plusieurs reprises :

Le parler que jayme, cest un parler simple et naif, tel sur le papier quà la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant delicat et peigné comme vehement et brusque. (I, 26, 171-172)

Il y a bien au dessus de nous, vers les montaignes, un Gascon, que je treuve singulierement beau, sec, bref, signifiant, et à la verité un langage masle et militaire plus quautre que jentende ; autant nerveux, puissant et pertinent. (II, 17, 639)

Un tel langage émane dun esprit et dun corps. Ceux, en loccurrence, du vertueux Sénèque, dont les veines étaient « reserrées tant par la vieillesse que par son abstinence » (II, 35, 748). Ces veines « serrées » par des dispositions physiologiques et morales manifestent au plan corporel le langage « simple et pertinent » du sage. Elles sont lantithèse du corps gras de Cicéron, producteur dun discours bavard et boursouflé. Lobservable et le quotidien sont donc des moyens pour penser le langage, car de tels corps se rencontrent et se constatent « emmy les rues ».

Comme chez Cicéron et Sénèque, le langage des Essais reproduit le Moi de Montaigne par sa capacité à mimer à la fois son corps et le mouvement de ses idées. Pour ce qui est du corps spécifique de notre auteur, je me contenterai de signaler que limitation seffectue au moyen du thème vestimentaire, Montaigne shabillant de façon aussi « nonchallante de lart » quil écrit (I, 26, 172)6. Quant à lanalogie entre le discours et la pensée, elle se déduit de déclarations valorisant une expression simple, non docte, néanmoins capable de nous mener au cœur dune manière de raisonner :

178

Quand je vois ces braves formes de sexpliquer [sexprimer], si vives, si profondes, je ne dis pas que cest bien dire, je dis que cest bien penser (III, 5, 873).

Le meilleur exemple de ladéquation recherchée par Montaigne entre les mouvements du discours et ceux de sa pensée se trouve sans doute dans « De la diversion ». Ayant « autresfois esté emploié à consoler une dame vraiement affligée », Montaigne explique comment il a pu « plastrer le mal » de cette dame. Le stratagème a consisté à détourner lentement, étape par étape, les pensées de son interlocutrice : 

Apres que je me fus appliqué un temps à son tourment, je nessayai pas de le guarir par fortes et vives raisons, par ce que jen ay faute, ou que je pensois autrement faire mieux mon effect ; ny nallay choisissant les diverses manieres que la philosophie prescrit à consoler [], mais, declinant tout mollement noz propos et les gauchissant peu à peu aus subjects plus voisins, et puis un peu plus esloingnez, selon quelle se prestoit plus à moy, je luy desrobay imperceptiblement cette pensée doulereuse, et la tins en bonne contenance et du tout rapaisée autant que jy fus. Jusay de diversion. Ceux qui me suyvirent à ce mesme service ny trouverent aucun amendement, car je navois pas porté la coignée aux racines. (III, 4, 831)

Le substantif diversion fait lobjet dun jeu de mots par syllepse. Montaigne entremêle lacception psychologique7 et le sens originel de « digression ». La première acception fait lobjet de lessai. La seconde est suggérée par le contexte. Quand Montaigne se décrit « declinant tout mollement noz propos et les gauchissant peu à peu aus subjects plus voisins, et puis un peu plus esloingnez », on reconnaît en effet une stratégie typiquement digressionniste, ainsi que des termes traditionnels (« declinare a proposito ») employés dans les Essais pour désigner des digressions : « Mais je men vois à gauche de mon theme » (II, 17, 699), « Quo diversus abis ? » (III, 9, 994). En outre, Montaigne explique que, pour parvenir au but, il a agi envers la dame et son entourage avec ruse : « Moi, qui ne desirois principalement que de piper lassistance qui avoit les yeux sur moy… ». Plus bas, il mentionne, comme exemple de diversion, un « ingenieux destour » imaginé par un seigneur. Lorsque Montaigne est en proie à une « aigre imagination », il sadonne lui aussi à la « diversion » rusée : « je fourvoie, je ruse, muant de lieu… » (III, 4, 836). Or le digressionniste 179est traditionnellement vu comme un rusé8. Montaigne le voit même comme un voleur : « Desrobons icy la place dun compte », annonce-t-il en guise de préambule à une courte digression (I, 23, 111). Il en dit autant de la diversion psychologique : « je luy desrobay imperceptiblement cette pensée doulereuse ». Le fait que cette diversion seffectue « imperceptiblement », « dune facile et insensible inclination », rappelle une méthode courante, pratiquée par Montaigne, consistant à estomper les limites conventionnelles de lexcursus9. En outre, Montaigne cite, aussitôt après cette anecdote, le récit de la course dAtalante, qui sème des pommes derrière lui pour ralentir sa rivale. Florence Klein a montré que ce mythe est transformé par Ovide en une allégorie de la digression, le retard étant une transposition de la notion de mora10. Montaigne semble avoir retenu la leçon, car le lexique de la diversion psychologique est réutilisé dans la description du détournement de la trajectoire de la course :

La fille, amusée de sa beauté, ne faut point de se destourner pour lamasser,

Obstupuit virgo, nitidique cupidine pomi

Declinat cursus, aurumque volubile tollit.

[« La jeune fille est saisie détonnement, et, séduite par le fruit brillant, elle détourne sa course et ramasse lor qui roule », Ovide, Métamorphoses, X, 666]

Autant en fit [Hippomène], à son poinct, et de la seconde et de la tierce, jusques à ce que, par ce fourvoyement et divertissement, ladvantage de la course luy demeura. (III, 4, 832)

Notons enfin que le succès de la diversion tient au fait que Montaigne na « pas porté la coignée aux racines ». Il na pas tenté dimposer brutalement une pensée adverse à celles que nourrissait son interlocutrice. On retrouve ici une métaphore fameuse employée par Quintilien : la digression inconvenante est semblable au « coin » du bûcheron, elle brise lunité dun tout11. Dans limplicite de cette anecdote, Montaigne parle donc de son style, auquel il donne une vérité dordre psychologique, en suggérant que son discours est en adéquation avec les mouvements de sa pensée.

180

Cette adéquation se manifeste aussi dans des constructions syntaxiques. Montaigne expérimente de façon remarquable toutes sortes de formes linguistiques capables dimiter ce qui est dit. Cest le cas, par exemple, des phrases averbales, où labsence du verbe, qui est « le lien, ou nerf du devis12 », est en conformité avec les idées de privation et de négation exprimées dans ces phrases :

Je réservais en son entier, ce peu de sens et de discrétion, que nature ma donné, pour leur service et pour le mien : Un peu démotion, mais point de rêverie. Ma conscience sy engageait aussi, jusques à la débauche et dissolution. Mais jusques à lingratitude, trahison, malignité, et cruauté, non. (I, 26, 157)

Dans une étude antérieure13, jai essayé de montrer que les thématisations (ou « dislocations ») des relatives indéfinies ont souvent pour rôle dimiter des idées développées dans le texte. La thématisation est en effet une structure emphatique redondante, où le thème est répété (par annonce ou reprise). Or Montaigne lemploie généralement lorsque lidée quantitative ou qualitative de Plus figure en abondance au sein du contexte. Dans « Qui craint de souffrir, il souffre desjà de ce quil craint » (III, 13, 1095), Montaigne dit quon redoute une douleur lorsquelle est forte. Cette idée est renforcée par une isotopie du Plus bien développée dans le contexte, notamment juste avant cette déclaration : « Je seray assez à temps à sentir le mal, sans lalonger par le mal de la peur. » La redondance syntaxique, qui est une forme du Plus, signifie elle aussi lidée centrale du passage, mais sans y référer explicitement.

Lorsquil sagit de penser laccroissement, lexpansion, l« alongeail », le haut degré, etc., la phrase de Montaigne tend ainsi à adopter une construction grammaticale symbolisant ces notions. Les relatives indéfinies ne sont pas les seules tournures impliquées dans cette poétique symbolique. Voici encore une dislocation mimant lidée quantitative et qualitative de Plus, où le thème est cette fois un nom (Dieu… il) :

Dieu, qui est en soy toute plenitude et le comble de toute perfection, il ne peut saugmenter et accroistre au-dedans ; mais son nom se peut augmenter et accroistre par la benediction et louange que nous donnons à ses ouvrages exterieurs. (II, 16, 618)

181

À linverse, Montaigne privilégie la structure simple et homogène quand le contexte est dominé par lisotopie du Moins14, cest-à-dire lorsque sy trouve développée une thématique dominante construite sur les idées déquilibre, de restriction, de privation… :

Chacun est discret en la confession, on le devroit estre en laction : la hardiesse de faillir est aucunement compensée et bridée par la hardiesse de le confesser. Qui sobligeroit à tout dire, sobligeroit à ne rien faire de ce quon est contraint de taire. (III, 5, 845)

Dans lexemple suivant, une relative indéfinie homogène figure dans un ensemble où les deux isotopies coexistent ; mais cest bien celle du Moins (la faiblesse face à la peur) qui constitue le thème principal :

Je ne me sens pas assez fort pour soustenir le coup et limpetuosité de cette passion de la peur, ny dautre vehemente. Si jen estois un coup vaincu et atterré, je ne men releverois jamais bien entier. Qui auroit fait perdre pied à mon ame, ne la remettroit jamais droicte en sa place. (III, 6, 900)

Même phénomène dans ce passage :

Il faut estendre la joye mais retrencher autant quon peut la tristesse. Qui se faict plaindre sans raison est homme pour nestre pas a plaint quand la raison y sera. Cest pour nestre jamais plaint que se plaindre tousjours, faisant si souvent le piteux quon ne soit pitoyable à personne. Qui se faict mort vivant est subject destre tenu pour vif mourant. (III, 9, 979)

Sont mis en concurrence le Plus (le fait de trop se plaindre) et le Moins (le fait de rester discret). Cest toutefois cette dernière idée qui est valorisée par Montaigne.

La thématisation des relatives indéfinies semble en outre se mettre au service dune écriture sceptique. Il est fréquent en effet de trouver des indéfinies en cascade dans les Essais. Dans ce cas, la même structure est 182conservée : que la première relative soit simple ou disloquée, les suivantes obéiront toujours à ce modèle. Montaigne utilise ces suites de relatives soit pour créer une opposition entre deux ou plusieurs postulats au sein desquels il opère une sélection (« Celuy qui na pas remply sa force, il vous laisse deviner sil a encore de la force au delà, [] ; celuy qui succombe à sa charge, il descouvre sa mesure et la foiblesse de ses espaules15 », III, 8, 931), soit pour établir une analogie (« Qui narreste le partir na garde darrester la course. Qui ne sçait leur fermer la porte ne les chassera pas entrées. Qui ne peut venir à bout du commencement ne viendra pas à bout de la fin », III, 10, 1017), soit pour marquer une progression (« Qui auroit à faire son faict, verroit que sa premiere leçon, cest cognoistre ce quil est et ce qui luy est propre. Et qui se cognoist, ne prend plus lestranger faict pour le sien : sayme et se cultive avant toute autre chose : refuse les occupations superflues et les pensées et propositions inutiles », I, 3, 15). Beaucoup plus rarement, la succession de relatives repose sur une alternance entre structure simple et structure disloquée. Cette alternance est toujours binaire. Cest elle qui semble être un procédé décriture sceptique. Voici les seules occurrences que jaie pu relever dans les Essais :

Celle qui meurt à huict heures du matin, elle meurt en jeunesse ; celle qui meurt à cinq heures du soir, meurt en sa decrepitude. (I, 20, 92)

Quiconque attent la peine, il la souffre ; et quiconque la meritée, lattend. (II, 5, 367)

Celuy qui dict tout, il nous saoule et nous desgouste ; celuy qui craint à sexprimer nous achemine à en penser plus quil nen y a. (III, 5, 880)

On voit que lalternance met chaque fois en valeur une opposition. Cette opposition nest toutefois que de surface car, dans ces trois énoncés, Montaigne ne choisit jamais une proposition au profit dune autre. Il établit en réalité des équivalences : la première phrase montre que, quel que soit le moment de la mort, cest « tout un » (« le long temps vivre et le peu de temps vivre est rendu tout un par la mort ») ; la seconde est circulaire ; dans la troisième phrase, la seconde postulation est jugée aussi sévèrement que la première (il y a en effet « de la trahison en cette sorte de modestie »). Lalternance, exceptionnelle dans les Essais, entre tour simple 183et tour disloqué a donc une fonction spécifique : elle sert à créer des tours faussement oppositifs, « ne lun ne lautre » et « tous les deux ensemblement » comme dit Trouillogan, le philosophe sceptique de Rabelais16.

La dislocation syntaxique a manifestement un intérêt particulier aux yeux de Montaigne. On peut de fait la considérer comme la marque dun discours philosophique « par ailleurs », qui va – du moins Montaigne le présente-t-il ainsi – « à pieces descousues ». Ce discours consiste à poser un thème puis à le « reprendre » après lavoir provisoirement abandonné : « Vous me donnez bien congé de reprendre le fil de mon propos, duquel je mestoy destourné pour vous entretenir » (II, 37, 785). Le discours « à gambades » consiste aussi à annoncer une idée mais sans la traiter immédiatement, toutes sortes de retards et de brouillages repoussant le propos : « Les noms de mes chapitres nen embrassent pas tousjours la matiere ; souvent ils la denotent seulement par quelque marque » (III, 9, 994). Montaigne lavoue, « [son] entendement ne va pas toujours avant, il va à reculons aussi » (III, 9, 964). Ses « fantasies » « se suyvent, mais par fois cest de loing, et se regardent, mais dune veuë oblique » (III, 9, 964). Dans la mesure où elle consiste à reprendre ou annoncer un segment thématique détaché, la dislocation serait un fait de style symbolique, une traduction syntaxique du langage « desréglé », « descousu » et « naturel », quadoptent les pensées de Montaigne.

Son intérêt pour cette construction tient peut-être à son oralité. Cest du moins ainsi quest décrite la thématisation en français moderne. Il est certes moins facile de conclure à une influence de loral au xvie siècle, les textes étant alors souvent dans la continuité de la période antérieure, où la thématisation avait un rôle purement informatif. À larticulation des xvie et xviie siècles, les dislocations sont en outre abondantes17. On peut néanmoins remarquer que Rabelais les utilise de façon privilégiée dans des énoncés censés transcrire loral. Ainsi, dans Gargantua : « Boyre à si petit gué cest pour rompre son poictral », « Là ! là ! là ! Cest morfiaillé, cela », « Ha (dist elle) tant vous parlez à votre aize, vous aultres hommes », « Vous ne lavez pas telle, vous aultres paillards de plat pays », « Escoutez, Messieurs, vous aultres qui aymez le vin », « Dont este vous, vous aultres pauvres hayres18 ? ». Est-il significatif que Montaigne 184emploie la dislocation précisément au moment daffirmer linfluence de loral, de la situation concrète de communication, sur son langage ? « Le parler que jayme, cest un parler simple et naif, tel sur le papier quà la bouche », déclare-t-il. « Ce que je ne puis exprimer, je le montre au doigt » (III, 9, 983). On peut faire lhypothèse quil identifie dans cette construction une forme de relâchement « naif ».

Liconicité des Essais

Il y a iconicité (ou figurativité) quand un fait de langue est déterminé par lextralinguistique et entretient avec ce dernier un rapport disomorphisme. Cette notion sémiotique désigne une propriété expressive du langage, qui peut formuler des significations analogues à celles de nos expériences19. Par exemple, lordre sujet-verbe-objet, même sil ny réfère pas explicitement, restitue un rapport élémentaire, observable dans le monde, où un agent préexiste nécessairement à une action, laquelle va ensuite sexercer sur un patient : « forme syntaxique primitive liant deux entités distinctes par un verbe daction », cet ordre « évoque spontanément la relation transitive la plus simple à concevoir, la plus saillante, celle où les actants sont clairement agent et patient20 ». Le xvie siècle connaît cette propriété imitative de la langue. Dans son entreprise de normalisation du français, il pose les bases dune analogie, qui aura une grande fortune jusquau xviiie siècle, selon laquelle la « nayveté » française obéit à un ordre observable dans le monde : 

Car les Latins préposent communément le sous-posé au verbe, lui donnant ensuite le sur-posé. Par ce moyen le passif qui par lordre de nature dût être le dernier en clause et le premier en prolation : et le sur-posé le dernier, qui par raison dût être le premier : dautant que lagent est par raison précédant laction, et passion, comme duquel est le commencement du mouvement21.

185

La langue française se distingue du latin en ce quelle repose sur un ordre assertif canonique où lagent précède laction. Cet ordre est celui « que nature tient en ses œuvres ». Lidée simpose que « le parler de France convient entierement à nature22 ». Certes, le mot nature est très ambigu. Il est malgré tout patent que, pour concevoir les faits de langage, lépoque sait utiliser comme paradigme notre milieu dexistence, avec ses caractéristiques observables. Dans son analyse de lordre des mots français, Meigret ajoute que, si « nous narrons les faits en premier lieu, puis nous venons aux causes » alors que celles-ci sont, en toute logique, premières, les « effets » sont néanmoins bel et bien « premiers aux sens de lhomme ». Dans lavant-propos de sa Grammère, il déclare que lécrit sert à suppléer labsence dune personne, à créer une « presence ». Il pense en outre lorthographe sur le modèle de la peinture, cest-à-dire daprès « ce qui se voit au vif ». Cest bien la réalité sensible qui lui sert de référence.

Les faits diconicité, non plus de langue mais de style, contrôlés par lauteur, sont nombreux dans les Essais. Lorsque Montaigne déclare quil « montre au doigt » ce quil ne peut exprimer, on peut prendre cette formule au sérieux. Les jeux sur le rythme, notamment, jouent un rôle majeur dans ce mimétisme stylistique. Par exemple, la déclaration citée supra sur la grandeur de Dieu, décrite à laide dun réseau lexical fondé sur la notion de Plus, contraste avec une formule brève sur la vacuité de lhomme située deux phrases plus bas : 

Dieu, qui est en soy toute plenitude et le comble de toute perfection, il ne peut saugmenter et accroistre au-dedans ; mais son nom se peut augmenter et accroistre par la benediction et louange que nous donnons à ses ouvrages exterieurs []. Nous sommes tous creux et vuides.

La longueur de la première phrase imite lexpérience de la « plenitude », alors que la brièveté de la seconde imite celle du « creux ». Là encore, il sagit de reproduire une pensée par le langage. Mais cette imitation seffectue au moyen de la perception : lorganisation concrète, observable, du discours est chargée de signifier une opposition ontologique. Nous sommes ainsi à la fois lecteurs et sujets dun acte perceptif.

Les Essais regorgent de ces phrases concises qui contrastent avec des contextes dominés par une esthétique de la longueur. Pour Margaret 186M. McGowan23, cette concision a un rôle argumentatif. Elle permet demporter ladhésion du lecteur. Mais nous voyons quelle peut aussi être un procédé privilégié au sein dune poétique visant à imiter le dit par les propriétés concrètes du dire. Dans le chapitre « Sur des vers de Virgile », où il sagit de naturaliser lart, on trouve plusieurs énoncés brefs, parfois de simples mots, serrés entre de longues phrases. Ces énoncés réfèrent toujours à lidée de degré. Or, dans la très grande majorité des cas, ce degré est exprimé par le Moins, au moyen de notions telles que linterruption (« Qui minterrompt marrête », III, 5, 13724 ; « Suffit », III, 5, 135, « Laissons là Bembo et Equicola », III, 5, 134), la déception (« Elle le trahirait », III, 5, 132), le presque-rien (« Je les prends sur une mouche », III, 5, 137), le rien (« Et si il ny entend rien », III, 5, 134), etc. Chaque fois, la concision imite matériellement lexpérience du Moins signifiée dans le propos.

On peut toutefois relever dans ce chapitre de très rares cas où les énoncés concis expriment a contrario le degré élevé, quantitativement (« Tout y sert », III, 5, 164) ou qualitativement (« Il disait vrai », III, 5, 158). On peut se demander si Montaigne ne se livre pas là à une variante du jeu iconique mis en œuvre dans tout ce chapitre : la concision phrastique imiterait encore le dit, mais cette fois par antiphrase. On retrouve ce jeu paradoxal dans le chapitre sur la « diversion ». Jusay de diversion est une « phrase exceptionnellement brève, pour introduire le mot-thème du chapitre25 ». Nous sommes confrontés à un énoncé remarquable. Doté de cette propriété plastique quest la petitesse, il a pour originalité dimiter par antiphrase ce dont il parle, puisque le détour est traditionnellement considéré comme une longueur26. La course dAtalante, donnée ensuite par Montaigne comme exemple de diversion, est dailleurs centrée sur la question de la mora, la jeune fille étant retardée par les pommes dHippomène. La longueur discursive étant exposée dans une phrase « exceptionnellement brève », nous avons affaire à un écrit qui offre une représentation visuelle inversée de la digression.

187

Ce procédé de figuration antithétique du dit par le dire fait penser à un détail du tableau de Benvenuto da Garofalo, LImmaculée conception (1530). Sur cette toile, une petite touche blanche ponctue le miroir sans tache de la Vierge – « Speculum sine macula », ainsi que la écrit lui-même le peintre sur son tableau. Or cette touche est justement une tache, « la tache blanche du miroitement » comme le dit Daniel Arasse, destinée paradoxalement à représenter la pureté du miroir dont la surface nest pas souillée :

Pour manifester le concept de pureté sans tache, le peintre na dautre solution que de le maculer par une coulure informe de peinture27.

Puisquelle permet de montrer limmaculé au moyen dune tache, cette coulure représente un concept par son contraire. Elle fonctionne donc de la même façon que notre phrase brève. On sait combien cette manière dexposer une notion pour mieux signifier son opposé est courante au xvie siècle. La technique, héritage de la scolastique, est notamment typique du milieu juridique auquel appartient Montaigne :

Les Philosophes et Jurisconsultes ont cela assez familier, de descrire lun contraire par lautre, en baillant par iceluy plus seure et solide congnoissance que silz laissoyent lombre diceluy pour de prime face traiter leur supposé subjet : comme, quand ilz veulent proprement deschiffrer Vertu, ilz peignent Vice de toutes ses couleurs28.

Elle a la faveur du siècle pour ses fonctions heuristiques : « Les Vices aisément se connaissent par lopposite des Vertus29 », « opposita iuxta se posita magis elucescunt30 », « mieux se monstrent les semblables choses ou contraires approchées lune de lautre en un mesme obget31 »… La phrase Jusay de diversion exprime lidée de mora, puisque faire diversion nécessite du temps. Mais cette idée est contredite par lorganisation 188formelle de cette phrase. Le procédé permet de transposer lexpérience du détour dans la matérialité de lécrit, contraignant le lecteur à effectuer une expérience perceptive32.

Pour Montaigne, la perception visuelle est un instrument du jugement. Na-t-il pas fait inscrire des sentences sur les travées de sa bibliothèque de façon à les avoir constamment présentes à lœil ? Outre les dimensions concrètes et signifiantes de Jusay de diversion, on peut relever dautres faits de visualisation appliqués au langage des Essais :

Je me donne loy dy attacher (comme ce nest quune marqueterie mal jointe) quelque embleme supernumeraire. (III, 9, 964)

La parenthèse rompt le lien syntaxique entre le verbe attacher et son complément, de façon à concrétiser la métaphore de lélément mal fixé (la « marqueterie mal jointe »), matérialisant ainsi sur le papier le principe de rupture discursive. En outre, lorsque le voir est abstrait, Montaigne le pousse souvent en direction du concret, comme dans cette déclaration sur le langage des Essais où lacte de « quicter » fait naître limage mentale dun observateur prenant du recul : « On ne faict poinct tort au subject, quand on le quicte pour voir du moyen de le traicter » (III, 8, 926). Lesthétique de la « nonchalance » naturelle fait ainsi lobjet dune sorte de visualisation. Des jeux de mots permettent aussi dimpliquer la perception visuelle dans la construction de la pensée et du discours : 

Lordre qui se voit tous les jours aux altercations des bergers et des enfans de boutique, jamais entre nous. Sils se detraquent, cest en incivilité ; si faisons nous bien. Mais leur tumulte et impatiance ne les devoye pas de leur theme : leur propos suit son cours. (III, 8, 925)

Une paronomase réunit de façon symbolique « voit » et « devoye », le voir et le langage naturel parlé dans « les rues françoises ». 

La paronomase est un procédé très fréquent dans les Essais33 : « je parle au papier comme je parle au premier » (III, 1, 790), « cest là mon siège. Jessaie à men rendre la domination pure » (III, 3, 828), « et qui 189en lui insistant lincitât » (III, 5, 872), « et une rage qui se ronge » (III, 5, 865), « et par fuite que par suite » (III, 8, 922), « ou feintes ou peintes » (II, 11, 430), « ils nont pas seulement leur retraict pour retraitte » (III, 3, 828-829), etc. François Rigolot observe que ces jeux de mots sont en contradiction avec le projet de Montaigne :

Se pose le problème dune contradiction apparente entre les prétentions de Montaigne à dire vrai et le fait quanalogies formelles et sonores tiennent une place importante dans lécriture du texte34.

La contradiction est dans le fait que « les signes ne renvoient plus seulement à une réalité extérieure non sémiotique [] ; ils entrent eux-mêmes dans un système auto-générateur de sens35 ». Le langage vaut pour lui seul. Mais cette difficulté se résout si lon voit les Essais comme un « lieu où saffrontent des théories contradictoires de lécriture, cautionnées par la pratique textuelle qui les actualise ». François Rigolot y lit linfluence de « ces jeux verbaux, que recommandaient déjà les arts poétiques du Moyen Âge sous le nom de paronomasia ou dannominatio », ou encore de la « poësie populaire et purement naturelle » à laquelle Montaigne trouve « des naïvetez et graces par où elle se compare à la principale beauté de la poësie parfaitte selon lart ». (I, 54, 313)

Néanmoins, une lecture contraire est possible. Certes, la généralisation de la paronomase dans un texte implique, en principe, que le signifiant sy impose au détriment de la référence. En opérant des rapprochements inattendus, cette figure crée des effets de surprise, voire de comique. Par sa nature répétitive, elle peut aussi servir à structurer un énoncé. Considérons toutefois ces jeux pour ce quils sont chez Montaigne, cest-à-dire des procédés de véridiction. Un jeu de mots a toujours la possibilité détablir une relation prédicative sous-jacente entre deux termes. Dans « et une rage qui se ronge », la mise en perspective des signifiants permet daffirmer de lindividu atteint de cette « rage » quest la jalousie quil « se ronge » ; le rapprochement entre « mon siege », en loccurrence la « librairie » de Montaigne, et « jessaie » souligne combien la justesse individuelle vécue dans la bibliothèque, lêtre-à-soi, doit faire lobjet dun « essai36 », etc. On ne peut certes pas exclure que 190Montaigne ait voulu créer des effets rhétoriques frappants au moyen de traits desprit. Mais la grande fréquence de la paronomase chez un écrivain réfléchissant à la manière de dire la vérité à laide dun langage « naturel » a nécessairement dautres enjeux.

Montaigne valorise « le lustre dune verité simple et naifve » (I, 26, 169) exprimée par le langage de la rue, dans « les propos des paysans », quil trouve « communéement plus ordonnez selon la prescription de la vraie philosophie, que ne sont ceux de nos philosophes » (II, 12, 600). Si la paronomase trouve sa source dans la « poesie populaire », ce nest donc pas en tant que simple jeu de langage, mais bien plutôt, a contrario, comme un refus de la verbalisation : au lieu de recourir à un discours propositionnel, prédicatif, qui explicite les notions et rationnalise le propos selon les règles de « lart », Montaigne pose des vérités qui sexpriment par de simples rapports visuels et phoniques. Ces procédés font passer linterprétation au second plan. Sans être certes annulé, le sens des mots prend une importance moindre. Confronté à une répétition ostensible de signifiants, le lecteur puise ses références dans lextralinguistique, le monde tel quil se vit, où vue et ouïe sont constamment sollicitées. De ce point de vue, la paronomase participe elle aussi dune réflexion sur la possibilité de réduire la distance entre dire et vivre.

Le langage « naturel » des Essais est informé par une réflexion sur les rapports danalogie entre le dit et le dire. Montaigne ancre son discours dans l« expérience ». Le monde concret dans lequel, en tant quindividu, il est, pour parler comme Merleau-Ponty, situé37, semble lui servir de modèle. Cest à partir de son point dexistence quil élabore certains procédés stylistiques.

Gérard Milhe Poutingon

Université de Rouen – CEREdI

1 Nous renvoyons à lédition Villey-Saulnier.

2 « Comment on pourra discerner le flatteur davec lami », Œuvres morales, trad. Amyot, Paris, Vascosan, 1572, XXIV, 65C, f. 49. Lami frivole écarte les amis authentiques comme le mauvais peintre chasse les vrais coqs.

3 « Il est des ouvrages en Plutarque où il oublie son theme, où le propos de son argument ne se trouve que par incident, tout estouffé en matiere estrangere [] : voyez ses alleures au Daemon de Socrates. O Dieu, que ces gaillardes escapades, que cette variation a de beauté, et plus lors que plus elle retire au nonchalant » (III, 9, p. 994).

4 M. Magnien, « Montaigne et le sublime dans les Essais » in Montaigne et la rhétorique, dir. J. OBrien, M. Quainton, J. Supple, Paris, Champion, 1995. Sur la question du style naturel chez Montaigne, voir D. Knop, La Cryptique chez Montaigne, doctorat Université Grenoble Alpes, décembre 2012 (disponible sur HAL).

5 Voir G. Milhe Poutingon, Poétique du digressif, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 518 sq.

6 Voir ibid., p. 527. Le corps de Montaigne nest que lune des projections dans lordre du sensible de ses conceptions sur le langage. Sa bibliothèque en est une autre (cf. G. Milhe Poutingon, « La bibliothèque symbolique de Montaigne », LInformation grammaticale, 151, 2016, p. 4-9).

7 « Divertir aucun », cest « le destourner de son propos ou entreprinse » (Nicot, Thresor de la Langue Françoise tant ancienne que moderne, [1606], Paris, Picard, 1960, p. 209).

8 Voir Poétique du digressif, op. cit., p. 408 sq.

9 Ibid., p. 208 sq.

10 F. Klein, « La mora et la poétique ovidienne de la brièveté », Dyctinna, 2, 2005, p. 135-164.

11 « Javoue que les digressions contribuent beaucoup à embellir et orner le discours, mais pourvu quil y ait cohésion et suite, et non pas si on les fait entrer de force, à la manière dun coin, en séparant ce qui est naturellement joint [sed, si cohæret et sequitur ; non, si per vim cuneatur, et, quæ natura juncta erant, distrahit] » (Institution oratoire, IV, 3, 4).

12 J. Bosquet, Elemens ou institutions de la langue françoise [1586], éd. C. Demaizière, Paris, Champion, 2005, p. 85.

13 « Sur la dislocation des relatives indéfinies dans les Essais de Montaigne », dir. F. Giacone, La Langue de RabelaisLa Langue de Montaigne, Genève, Droz, 2009, p. 423-435.

14 Au xviie siècle, la reprise du relatif par il sera jugée redondante et superflue (voir F. Brunot, Histoire de la langue française, Paris, Armand Colin, 1966, IV, p. 1099). Les grammairiens du xvie siècle ne décrivent pas la dislocation, mais ils notent néanmoins la possibilité dajouter en fin de phrase le pronom moi, ou sa forme renforcée moi-même, que Meigret, notamment, juge inutile mais néanmoins expressif (voir M. Blasco-Dulbecco, Les Dislocations en français contemporain, Paris, Champion, 1999, p. 25). On en déduit que, dans les consciences de lépoque, la construction homogène pouvait être marquée par le principe déconomie, et non simplement neutre.

15 Montaigne montre une préférence pour la seconde postulation où, au moins, il ny a pas « piperie ».

16 Tiers Livre, XXXV-XXXVI.

17 Voir N. Fournier, Grammaire du français classique, Paris, Belin, 1998, p. 131 sq.

18 Gargantua, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, « Folio Classique », 2007, p. 71, 75, 79, 163, 265, 403.

19 Voir D. Bertrand, Précis de sémiotique littéraire, Paris, Nathan Université, 2000, p. 97.

20 P. Cotte, « Ces mouvements qui font signe. Motivation et syntaxe », Faits de langue, 1, 1993, p. 131.

21 L. Meigret, Grammere françoèze [1550], Genève, Slatkine Reprint, 1972, p. 143 (je modernise lorthographe).

22 A. Matthieu, cit. M.-L. Demonet, Les Voix du signe, Paris, Champion, 1992, p. 528.

23 Montaignes Deceits. The Art of Persuasion in the Essais, London UP, 1974, p. 31-33.

24 Jutilise pour cette série dexemples lédition Folio (Essais, éd. E. Naya, D. Reguig, A. Tarrête, Paris, Gallimard, « Folio », 2012), qui respecte la ponctuation et les majuscules, rendant ainsi lisibles les énoncés concis.

25 Essais, éd. D. Bjaï et alii, Paris, Librairie générale française, 2002, p. 1298.

26 « Mais je crains dêtre trop long. Pour reprendre notre propos [] » (Peletier du Mans, Dialogue de lOrtografe e Prononciation Françoese [1550], éd. L. C. Porter, Genève, Droz, 1966, p. 20, je modernise lorthographe)

27 Le Détail, Paris, Flammarion, 1996, p. 294.

28 N. Du Fail, Propos rustiques [1547], éd. G.-A. Pérouse et R. Dubuis, Genève, Droz, 1994, p. 38.

29 J. Peletier du Mans, Art poétique, in Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance [1555], éd. F. Goyet, Paris, Livre de Poche, 1990, p. 279.

30 F. Rabelais, Œuvres complètes, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1994, p. 476.

31 G. Corrozet, « Aux gentishommes françois », in Claude de Seyssel, Histoire singulière du roy Louis XII, Paris, Corrozet, 1558, n. p.

32 Ces analyses figurent dans Poétique du digressif, op. cit. Montaigne nest pas le seul, au xvie siècle, à proposer des images du style digressif.

33 Voir P. Bonnet, « Jeux phoniques et jeux de mots dans les Essais », BSAM, 16, 1960, p. 3-29 et F. Rigolot, « Le langage des Essais : référentiel ou mimologique ? », CAIEF, 33, 1981, p. 19-34.

34 Ibid., p. 23.

35 Ibid.

36 Voir G. Milhe Poutingon, « La bibliothèque symbolique de Montaigne », art. cité.

37 « Nous sommes des êtres situés, définis par un certain type de relation avec les hommes et avec le monde, par une certaine activité, une certaine manière de traiter autrui et la nature » (Humanisme et terreur, Paris, Gallimard, 1947, p. 212).