Résumés/Abstracts

Michaël Boulet, « Le plasma du discours dans le chapitre ii, 12 des Essais de Montaigne. L’Apologie de Raimond Sebond »

Après avoir précisé la notion de « plasma » appliquée aux textes de la Renaissance, cet article présente l’organisation argumentative de l’« Apologie de Raymond Sebond ». Sa complexité, ses circonlocutions, voire ses contradictions, rappellent certaines déclamations antérieures avec lesquelles le texte orchestre tout un réseau d’échos thématiques et stylistiques. Si l’hypothèse plasmatique est raisonnable, alors les thèses soutenues sont moins importantes que le processus d’enquête qui finit par les dissoudre toutes.

After having specified the notion of “plasma” applied to the texts of the Renaissance, this article explains the argumentative organization of the Apologie of Raymond Sebond. Its complexity, its circumlocutions, and even contradictions, are not unlike some previous Declamations with which text orchestrates a network of thematic and stylistic echoes. If the plasma is here pertinent, defended thesis are less important than the investigative process that eventually dissolve them all.

Blandine Perona, « Autour de la prosopopée. Remarques sur l’usage du masque dans les Essais »

Reprenant, prolongeant ou nuançant les analyses du livre Prosopopée et persona à la Renaissance, cette contribution se concentre sur les emplois métaphoriques du masque dans les Essais. Montaigne, en exhibant des « objets-simulacres », exhibe aussi les mécanismes herméneutiques des Essais qui doivent l’aider non à se connaître, mais à se transformer en se conformant aux objets qu’il invente.

In order to extend the analysis of Prosopopée et persona à la Renaissance, this article studies the metaphor of the mask in the Essays. Montaigne shows off fictional images and by the way presents the hermeneutic movement of the text: masks help Montaigne less to know himself than to transform himself.

Alice Vintenon, « Plasma et imagination chez Montaigne. Philosopher aux frontières de la fiction »

Cet article s’intéresse aux valeurs philosophiques que Montaigne prête aux anecdotes incertaines, notamment dans l’essai « De la force de l’imagination ». Comme en témoigne la comparaison avec ses sources possibles, Montaigne privilégie les cas les plus extraordinaires, car ils incitent à réfléchir aux limites de l’« humaine capacité ». En outre, à l’instar de la notion de plasma, telle que la définit Sextus Empiricus, ils interrogent la capacité de l’esprit à départager le vrai du faux.

This paper questions the philosophical values Montaigne gives to uncertain anecdotes, especially in the chapter about the power of imagination. If we compare this chapter with its probable sources, it appears that Montaigne chooses the most unlikely cases, because they incite to think about the limits of the “human ability”. Furthermore, in the manner of the concept of plasma, such as defined by Sextus Empiricus, they question to what extent truth can be distinguished from false.

André Comte-Sponville, « Montaigne et le temps »

Montaigne, philosophe du devenir, n’a pourtant que peu écrit sur le temps. Cet article vise à reconstituer la conception qu’il s’en fait. Le temps n’est ni un être ni une illusion : il n’existe pas par lui-même, mais il existe bien ; il est une dimension non substantielle mais objective de la nature, dans son perpétuel « passage », c’est-à-dire dans sa perdurable et toujours actuelle impermanence.

Montaigne, the philosopher of change, nevertheless wrote little about time. This article aims at reconstructing Montaigne’s conception. Time is neither a being nor an illusion: it does not exist by itself, but it really exists; it is a non-substantial but objective dimension of nature, in its perpetual “passage”, that is to say, in its perdurable and always present impermanence.

François-Xavier de Peretti, « Descartes lecteur de Montaigne ? Quelques remarques sur l’usage de l’exemple de la jaunisse chez Montaigne et Descartes »

Est récemment apparue la thèse que Descartes n’aurait pas lu les Essais. Cet article compare l’usage de l’exemple de la jaunisse commun à Montaigne et Descartes et tente de déterminer si Descartes, sans lire Montaigne, a pu 189disposer d’une source commune ou ayant alimenté celles de Montaigne, ou si l’on est en droit de soutenir une très probable lecture de Montaigne par Descartes pour expliquer qu’ils ont recours au même exemple dans un même but.

The thesis recently appeared that Descartes would not have read the Essais. This paper compares the use of the example of the jaundice common to Montaigne and Descartes, and tries to see if Descartes, without reading Montaigne, could have a common source, or a previous source having fed Montaigne’s quotations, or if we can support that Montaigne has almost certainly read Montaigne to explain that they use the same example in the same purpose to support a criticism of our sensitive knowledge.

Isabelle Krier, « Montaigne : une autorité émancipatrice »

Cet article montre que, dans le chapitre « De l’affection des pères aux enfants », Montaigne propose une satire sceptique de la domination familiale, en s’attaquant à la culture ancienne et majoritaire, qui se prolonge dans la philosophie morale et politique de la Renaissance. Une telle dénonciation est probablement liée à une expérience vécue de la domination. En contrepartie, Montaigne donne à penser une relation parentale à la fois structurante et libératrice.

This article shows that, in the chapter “Of the affection of fathers to children,” Montaigne offers a skeptical satire of family domination by attacking the ancient and majority culture, which extends into the moral and political philosophy Renaissance. Such a denunciation is probably linked to an actual experience of domination. In return, Montaigne evokes a parental relationship that is both structuring and liberating.

Laurent Hutinet, « Situer Montaigne en psychanalyse »

Dans une optique lacanienne, ce texte propose une synthèse du mémoire « Montaigne en psychanalyse » au titre de l’autoanalyse menée dans les Essais par leur auteur. Il décrypte l’effort déployé par l’écriture de Montaigne pour faire face à son symptôme. Pour en rendre compte, le mémoire aborde les Essais selon les registres imaginaire, symbolique et réel. Il marque aussi les fruits thérapeutiques d’une démarche qui a réordonné de fond en comble le rapport du sujet à la représentation.

From a lacanian perspective, this article purposes a synthesis of the memoir “Montaigne en psychanalyse”, focusing on his self-analysis aspects of Montaigne’s 190work in the Essais. It decrypts how Montaigne faces his symptom through his effort of writing. For this purpose, the article suggests an Essais lecture using the imaginary, symbolic and real orders. It also points the therapeutic fruits of an approach which has completely reorganized the relationship between subject and representation.

Olivier Delporte-Fontaine, « Que mourir, c’est apprendre à vivre ? “De l’exercitation d’une mort imminente” »

Dans l’essai « De l’exercitation » du livre deux, chapitre six des Essais, Montaigne raconte avoir approché la mort après un accident de cheval. Tout en se corrélant avec la recherche contemporaine sur l’expérience de mort imminente, laquelle est en pleine essor, cet article, avec Montaigne à travers son exercitation de « mort imminente », développe l’idée que l’on peut « passer » d’un « Que philosopher, c’est apprendre à mourir » à un « Que mourir, c’est apprendre à vivre ».

In the essay on the “De l’exercitation” of Book Two, Chapter Six of the Essais, Montaigne relates that he approached death after a horse accident. While correlating with contemporary research on the near death experience, which is in full swing, this paper with Montaigne by his near death “exercitation”, develops the idea that one “pass” one that “To philosophize, is to learn to die” to a “To die, is to learn to live”.

Fanny Rouet, « Montaigne et l’hédonisme antique à la fin de la Renaissance. Discours et pensée du plaisir »

Ce travail traite de la pensée du plaisir à la fin de la Renaissance et particulièrement dans les Essais de Montaigne, au regard des philosophies hédonistes antiques, cyrénaïsme et épicurisme. Contrairement à la pensée commune qui déforme souvent les propos et les vies des théoriciens du plaisir, Montaigne se distingue en interrogeant le rapport du plaisir à la morale et en examinant l’expérience du plaisir comme une expérience de soi.

This work deals with the reflection about pleasure in late French Renaissance, especially in Montaigne’s Essais, considering the ancient Hedonistic schools of philosophy, i.e. Cyrenaics and Epicureanism. In contrast with the common view, often distorting the discourses and the lives of the theorists of pleasure, Montaigne distinguishes himself by questioning the link of pleasure in relation to morals and examining the experience of pleasure as an experience of the self.