Skip to content

Classiques Garnier

Titres et commencements

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2017 – 1, n° 65
    . varia
  • Author: Legros (Alain)
  • Abstract: The titles of Book III of the Essais record the “fantasie” that gave rise to each chapter, even if the text, often lengthened, sometimes exceeds the original project. The reiteration of the words of the title in the text itself makes it possible to glimpse what may have been the first editorial draft of each of these “galops d’essai”, or even “la mouche” “de rencontre” that served them as argument. This attention to the “commencements” should not, however, make us forget the revisions which result of them.
  • Pages: 133 to 149
  • Journal: Bulletin for the International Society of Friends of Montaigne
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406069072
  • ISBN: 978-2-406-06907-2
  • ISSN: 2261-897X
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06907-2.p.0133
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 03-02-2017
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
133

Titres et commencements

Lintitulé de ma communication, « Titres et commencements », doit sans doute quelque chose à celui dun film que javais aimé, mais dont il ne me reste plus en mémoire que le souvenir têtu dune affiche et le nom (« Cris et chuchotements »).

De façon plus consciente, je souhaite reprendre ici un travail que javais esquissé lorsque Montaigne était au programme de lagrégation de philosophie, en 2006, dans un article intitulé « Genèse dun philosophe1 ». Ma thèse était la suivante : lordre des chapitres des Essais est celui dans lequel le premier jet rédactionnel de chacun deux a été pourvu dun titre, dune façon analogue à celle qui nous fait, sur nos ordinateurs, nommer un dossier ou un fichier avant même davoir réuni toutes les pièces appelées à sy loger. Seule exception, au Livre I, linsertion tardive du chapitre « De linstitution des enfants », qui allonge à la demande celui « Du pédantisme », a obligé lauteur à réunir en un seul les chapitres « De la coutume » et « De ne changer aisément une loi reçue » sous un titre syntaxiquement bancal, afin de conserver le principe dun nombre impair de chapitres où un texte de La Boétie pût continuer à occuper la place numériquement centrale.

La raison principale dun tel dispositif a priori chronologique – mais dune chronologie que les additions successives allaient brouiller, et cela bien avant les interventions autographes sur lExemplaire de Bordeaux (EB) –, lauteur lui-même nous la révèle au dernier chapitre de ses Essais de 1580 : « Je veux représenter le progrès de mes humeurs, et quon voie chaque pièce en sa naissance. Je prendrais plaisir [] à reconnaître le train de mes mutations2. » Il dit de même, huit ans plus tard : « De 134toutes choses les naissances sont faibles et tendres. Pourtant faut-il avoir les yeux ouverts aux commencements3. »

Être attentif aux commencements4, cest ce que je souhaite faire ici en me limitant au « troisième al(l)ongeail5 », sans oublier toutefois quen huit ans le dessein primitif peut avoir été modifié, car lexpérimentateur qui continue décrire pour sessayer est aussi désormais lauteur dun livre, livre unique et « toujours un » quil aime à voir grandir et sétoffer, mais quil aime dabord, par intermittence, à retrouver et relire, pour ainsi dire fichier par fichier, titre par titre, dun regard en somme analogue à celui qui le fait, quoique assez tard, écrire un commentaire global à la fin des ouvrages quil a lus : « jai pris en coutume depuis quelque temps, dajouter au bout de chaque livre [] le temps auquel jai achevé de le lire, et le jugement que jen ai retiré en gros : afin que cela me représente au moins lair et idée générale que javais conçus de lauteur en le lisant6. » Cest dabord pour lui-même, pour mieux se connaître en ses permanences et ses variations, que Montaigne laisse des traces de ce quil fut. Ainsi en est-il, selon moi, des titres de chapitre de ses Essais, dont les mots mêmes se retrouvent dans le corps du texte, indiquant par là ce qua pu être lentrée en écriture de chaque chapitre, le lieu où il a pris naissance et en quelle circonstance, voire son tout premier incipit.

Le plan de mon exposé sera des plus simples : dabord lanalyse des titres, puis la recherche des commencements. Lappariement ou le groupement de certains chapitres en première partie et limpasse faite sur dautres dans la seconde me permettront, je pense, de respecter lhoraire en men tenant à lessentiel, réservant la totalité du propos et des notes plus fournies pour la version écrite.

135

Analyse des titres

Au seuil de cette première partie, je souhaite placer deux citations empruntées à « De la vanité ». La première permet de comprendre pourquoi le Livre III ne contient que 13 chapitres, tous longs à lexception du septième, quand les deux premiers en réunissaient respectivement 57 et 37 : « Parce que la coupure si fréquente des chapitres, de quoi jusais au commencement, ma semblé rompre lattention avant quelle soit née : et la dissoudre, dédaignant sy coucher pour si peu, et se recueillir : je me suis mis à les faire plus longs, qui requièrent de la proposition et du loisir assigné7. » Plus ajustée à notre propos, la seconde prolonge, à sa manière et comme souvent, lavis liminaire au lecteur : « Les noms de mes chapitres nen embrassent pas toujours la matière : souvent ils la dénotent seulement, par quelque marque8 ». À la suite de ce constat, lauteur cite ensuite, parmi dautres exemples dœuvres anciennes, deux comédies de Térence ayant pour titre le nom dun personnage éphémère, tel lEunuque, ou même seulement mentionné, telle lAndrie ou Andrienne, qui est pour ainsi dire la Cantatrice chauve du théâtre latin. La comparaison des tables des matières de 1580, 1582 et 1588 pour les Livre I et II montre quà une coquille près aucun titre na été modifié dune édition à lautre. Si chacun deux est pour ainsi dire ne varietur, cest quil sert de témoin, de repère ou de balise à lauteur relecteur de lui-même, soucieux de fixer la « fantaisie », idée ou image fortuite qui avait donné le branle à chacun de ses galops dessai.

Chapitre 1, « De lutile et de lhonnête », et Chapitre 2, « Du repentir ». Sur le mode latin du De senectute ou du De amicitia, la préposition, réitérée dans le premier titre, annonce ce dont il va être question dans chacun de ces deux chapitres. 74 des 107 chapitres qui constituent les Essais sont intitulés de la sorte. La proportion atteint presque 100 % dans le Livre III où 12 des 13 chapitres se conforment à ce patron. Le plus souvent la question est ouverte et le titre ne préjuge pas de la réponse donnée par lauteur à la délibération quil engage, mais nous verrons quil y a quelques exceptions.

136

Si japparie ces deux premiers titres, cest en raison de leurs probables modèles grecs, ladjectif substantivé et linfinitif substantivé, avec emploi de larticle défini. De même que le grec associe jusquà les confondre en une même expression to kalon, le beau, et to agathon, le bon, Montaigne place côte à côte « lutile » et « lhonnête », mais pour les distinguer soigneusement. Les deux catégories dont ce chapitre se propose détudier la relation sont à la frontière de léthique et du politique. Elles ont été lune et lautre, comme on sait, élaborées par une longue tradition philosophique, depuis Cicéron9 jusquà Bodin en passant par Machiavel. Les questions implicitement contenues dans ce titre sont au moins au nombre de deux : lutile et lhonnête sont-ils toujours compatibles ? quand ils ne le sont pas, lequel des deux doit-on choisir ? Je nentre pas ici dans ce débat, qui nest dailleurs pas que philosophique pour un contemporain des guerres de religion. Je me contenterai seulement de constater la permanence du titre originel du chapitre i dans toutes les éditions posthumes assumées par Marie de Gournay jusquen 1635. Après cette date, il arrive que léditeur substitue aux adjectifs deux noms abstraits, « De lutilité et de lhonnêteté », qui tirent le titre vers la conceptualisation. Tel est le cas de lédition rouennaise de Jean Berthelin en 1641 ou, en 1652, de lédition parisienne dEdme Cousterot dont Rousseau a annoté brièvement un exemplaire en sa possession.

Chez Montaigne, la catégorie morphologique de « repentir » oscille, quant à elle, entre verbe et nom. Labsence de pronominal réfléchi incline à voir ici un nom, mais la correction apportée par lauteur lui-même sur EB, au fo 355, tend plutôt à le considérer comme verbe : « Et le repentir ne touche pas proprement les choses qui ne sont pas en notre force, oui bien le regreter10. » On lisait « regret » en 1588 et ce mot partiellement biffé sur EB réapparaîtra en 1595. Lhésitation sautorise au reste de lusage fréquent que Montaigne fait de linfinitif substantivé, préférant par exemple « le philosopher » inchoatif à « la philosophie » constituée, « le penser » actif et tâtonnant à « la pensée » plus ou moins arrêtée. Trois titres des Essais empruntaient déjà ce tour : « Du parler prompt ou tardif » (I, 10), « Du dormir » (I, 44) et « Du démentir » (II, 18).

137

Chapitre 4, « De la diversion » et Chapitre 12, « De la Physionomie ». Si toutefois on préfère voir dans « repentir » un nom, on pourra lassocier avec deux autres chapitres qui paraissent avoir surtout pour but de définir deux notions dusage peu commun, lune à partir du latin, di-vertere, détourner lattention, faire diversion, lautre à partir du grec, physio-gnomonia, cest-à-dire la connaissance quon peut avoir du caractère dune personne en observant les traits de son visage. En dautres termes, le dessein est moins de dire des choses nouvelles, originales ou communes sur ces « arguments » que de définir, à laide dexemples concrets, les mots inscrits dans le titre à la façon dune entrée de dictionnaire, comme pour « Des destriers » ou pour « Des cannibales ». La question implicite du titre nest pas « Quel est le sujet abordé ? », mais – ou dabord – « Quel est le sens de ce mot ? ». Et Montaigne répond dans les trois cas : ce quon appelle « repentir » nen est pas un ; voici ce que jappelle « diversion » ; voilà ce quon peut dire de la « physionomie » sans en faire un « traité », comme le signale lui-même lauteur, qui se montre souvent attentif à nommer ce quil fait, par exemple quand il précise que III, 5 est un « commentaire », II, 12 une « apologie », II, 32 une « defense », II, 34 une simple « observation », I, 40 une « considération », tel chapitre un « article », et lensemble des Essais un « registre » ou un « rôle », autrement dit un rotulus, un rouleau où lister ses « fantaisies » successives.

On pourrait joindre à cet ensemble les titres des chapitres 9 et 13, « De la vanité » et « De lexpérience », mais les notions sont cette fois bien connues, au-delà même du monde des théologiens, des moralistes et des médecins. Si la comparaison avec un dictionnaire reste valable, lentrée annonce un libre développement didées propres à enrichir un débat philosophique issu, entre autres, de la Bible et dAristote, les enseignements limités dune expérience bien conduite de soi et du monde suffisant à surnager tant bien que mal dans un océan de vanités auxquelles les sciences et la raison néchappent pas ou si peu.

Chapitre 5, « Sur des vers de Virgile ». Usant par exception de la préposition « Sur », autre façon de traduire le De latin, ce titre se signale aussi par la présence dun nom propre, celui dun auteur dont le chapitre va présenter un libre commentaire, global ou partiel : ici Virgile, ailleurs Cicéron, César, Sénèque, Plutarque ou Sebond. On pense par exemple à « Dun mot de Caesar » (I, 53), ou bien, sur le même modèle, à « Considération sur Cicéron » (I, 40). Sans trop anticiper sur la recherche 138des commencements, on peut remarquer la place que prend et garde ici Virgile, alors même que le chapitre montrera, dans le cas précis de la description des amours de Vénus, une certaine préférence pour Lucrèce, jugé plus opportun. Lu ou relu le premier, le poète mantouan impose sa marque à un chapitre qui va mener lauteur plus loin quil ne pensait, en confiant au lecteur, à la faveur de son émotion poétique, plusieurs détails intimes de son anatomie et de sa sexualité.

Quon me permette ici de suggérer aux éditeurs des Essais une note qui permettrait de signaler une phrase importante que lauteur a écrite, puis biffée au bas du fo 390 dEB. Elle renvoie explicitement à la page liminaire « Au Lecteur » où il disait sa tentation de se peindre, tel un cannibale, « tout entier et tout nu » : « Ma préface, avait-il dabord écrit de sa main, montre que je nespérais pas tant oser11. » Une addition manuscrite à « De la vanité » confirme cette impression : « La faveur publique ma donné un peu plus de hardiesse que je nespérais12 ». Riches de cette réception, les Essais de 1588, même là où le texte est inchangé, ne sont plus tout à fait les mêmes que les Essais de 1580 et de 1582.

Chapitre 3, « De trois commerces ». Analogue, par lusage du chiffre « trois », à « De trois bonnes femmes » (II, 35), ce titre a de surcroît lopportunité de se trouver bien à sa place, au Livre III, Chapitre 3. Tout dailleurs est bien à sa place dans ce chapitre, qui dit le plaisir varié que lauteur trouve dans trois sortes de compagnies : celle des « honnêtes et habiles hommes », celle des « belles et honnêtes femmes », et enfin celle des livres. Dans les trois cas, il use du mot « commerce », un vocable quon trouve une soixantaine de fois dans les Essais. Lexplicit limite toutefois la portée de ces évocations en précisant quil nest question ici que de sa vie privée, et quil peut trouver aussi dans sa vie publique dautres sujets de satisfaction. Par un souci manifeste dhygiène mentale, Montaigne ne manque pas de dire comment des goûts comme ceux dont il fait ici état peuvent devenir des addictions si lon sy adonne sans modération13.

Chapitre 7, « De lincommodité de la grandeur », Chapitre 8, « De lart de conférer », et Chapitre 10, « De ménager sa volonté ». La plupart 139du temps, le titre présente l« argument » du chapitre dune manière pour ainsi dire neutre. Dans trois cas cependant, lauteur se montre assertif : « De lincommodité de la grandeur », autrement dit « La grandeur est incommode » (cest un constat) ; « De ménager sa volonté », quon peut entendre comme un conseil, et même comme une prescription : « Il faut ménager sa volonté ». Quant au titre du chapitre 8, il dit explicitement que la « conférence » est un art et que par conséquent les plaisirs de la fréquentation et de la conversation des « honnêtes et habiles hommes » dont il a déjà été question ne sont pas à la portée de tous. Le scepticisme dont on crédite souvent Montaigne fait bon ménage avec lassertion. On relève en effet dans les Essais précédents et sous dautres formes pas moins de 21 titres assertifs, dont 15 dans le Livre I. Chapitres 6, « Des coches », et Chapitre 11, « Des boiteux ». Jai gardé pour la fin de mon analyse ces deux titres quune certaine doxa critique considère bien souvent comme des titres-écrans destinés à déjouer une éventuelle et peu vigilante censure : ils auraient été placés après coup pour donner une apparence anodine à des propos subversifs sur la conquête et la colonisation du Nouveau Monde dune part, sur la chasse aux sorciers et sorcières en Europe dautre part. Il sagit plus simplement, je pense, de deux portes étroites et basses dentrée en écriture ou, pour le dire avec des mots de spéléologue, de deux boyaux donnant accès à des salles volumineuses. En usant de la métaphore appropriée dont use Montaigne, on pourrait aussi dire quil sagit de « mouches ». Tel est lobjet de cette seconde partie.

À la recherche des commencements

Si lanalyse des titres ou, comme le dit Montaigne, des « noms » de chapitre repose sur des données textuelles manifestes, la recherche des commencements est plus aléatoire, qui prétend dire doù, de quelle circonstance sourd en quelque sorte le chapitre, et même déceler ce qui a pu être lincipit dun premier jet rédactionnel qui aurait laissé son empreinte en un lieu du texte où se retrouvent les mots du titre, puisque telle est et reste ma thèse. Comme précédemment, je souhaite 140placer au seuil de cette seconde partie une citation, tirée cette fois de « Sur des vers de Virgile », là où lauteur parle de lélection, ou plutôt de laccueil de ses « arguments » ou sujets fortuitement rencontrés : « à écrire, jaccepte plus envis [moins volontiers] les arguments battus, de peur que je les traite aux dépens dautrui. Tout argument mest également fertile. Je les prends sur une mouche [] Que je commence par celle quil me plaira, car les matières se tiennent toutes enchaînées les unes aux autres14. » Il sagit bien de commencement, de naissance, pour ainsi dire de déclic. Il me faut maintenant chercher dans le corps du texte quelle mouche a piqué Montaigne, avec cette conviction quelle na pu senvoler sans laisser, au début, au milieu ou à la fin du chapitre ainsi élancé, quelque trace de sa stimulante venue.

Au Chapitre 1, une fois passé un court prologue qui vaut pour lensemble des Essais, les deux adjectifs substantivés du titre sont présents dès la première page du texte, à loccasion dun bref commentaire de Montaigne sur tel passage des Annales (II, 88) où Tacite rapporte la magnifique réponse du pourtant détestable Tibère à celui qui lui proposait dempoisonner Arminius, son principal ennemi, ce quil refusa. Montaigne acquiesce à cette décision en distinguant bien les deux qualités : « Il quitta lutile pour lhonnête15. » Jamais auparavant il navait usé de ces notions pour juger dune action. Le chapitre met en œuvre à sa façon cet art logique du distinguo que Montaigne dit cultiver particulièrement. Si lon trouve déjà ces mots au Livre II, cest dans une addition dEB au chapitre « De laffection des pères aux enfants », donc après 1588 : « Qui bien fait, exerce une action belle et honnête : qui reçoit, lexerce utile seulement. Or lutile est de beaucoup moins aimable que lhonnête. Lhonnête est stable et permanent, fournissant à celui qui la fait, une gratification constante. Lutile se perd et échappe facilement, et nen est la mémoire ni si fraîche ni si douce16. »

Au Chapitre 2, il faut attendre trois pages pour quapparaisse, en relation avec le titre mais sous une forme conjuguée à la première personne, la phrase que je pense inaugurale : « Excusons ici, ce que je dis souvent, que je me repens rarement17 ». Rarement, et non pas jamais comme on le dit parfois… La distinction qui suit entre repentir et 141regretter ou regret naît de cette volonté de sexpliquer pour sexcuser, pour se mettre hors de cause en dissipant un malentendu. Sans doute a-t-on accusé Montaigne de froideur, dinsensibilité, ou bien, plus religieusement, dune absence de repentance ou de contrition sans laquelle il nest pas, pour un catholique rigoriste, dabsolution, sauf à se contenter de lattrition, autrement dit du simple regret, ce à quoi lÉglise consent malgré tout, mais non Montaigne, semble-t-il. La mouche qui a lancé ce chapitre est despèce agressive. Il nest pas rare que lauteur soit ainsi sur la défensive et que ce quil couche sur le papier prenne la suite dune conversation ou objection à caractère privé, peut-être même domestique : « Quant de fois, étant marri de quelque action que la civilité et la raison me prohibaient de reprendre à découvert, men suis-je ici dégorgé, non sans dessein de publique instruction [] Zon dessus lœil, zon sur le groin, Zon sur le dos du Sagouin18. »

Le point de départ du Chapitre iii est triple, comme il convient à un tressage à trois brins. Le premier napparaît quaprès un long et sans doute tardif prologue : « Les hommes, de la société et familiarité desquels je suis en quête, sont ceux quon appelle honnêtes et habiles hommes [] La fin de ce commerce, cest simplement la privauté, fréquentation et conférence : Lexercice des âmes, sans autre fruit19. » Le deuxième se montre à son heure : « Cest aussi pour moi, un doux commerce, que celui des belles et honnêtes femmes20. » Le troisième de même : « Ces deux commerces sont fortuits, et dépendants dautrui. [] Celui des livres, qui est le troisième, est bien plus sûr et plus à nous21. » Un, deux, trois commerces : le compte y est. Rarement un chapitre des Essais nest structuré avec une telle netteté. Hommes, femmes et livres assurent ce quil faut bien appeler un confort, et cest ce sentiment qui les convoque ensemble dans ce chapitre où lauteur se plaît à décrire sa chère « librairie » de forme ronde. Ce nest pas un hasard. Là est sans doute le lieu où il écrit, le « giron » (cest son mot) doù procède ce sentiment de bien-être dont le chapitre témoigne.

Le mot « diversion » que le Chapitre 4 entreprend de décrire se rencontre déjà au Livre II, mais dans une addition manuscrite dEB, au verso du fo 163, donc après 1588 : « Je me sauve de telles trahisons 142en mon propre giron, non par une inquiète et tumultuaire curiosité, mais par diversion plutôt, et résolution22. » Lentrée est narrative : « Jai autrefois été employé à consoler une dame vraiment affligée. » Suit le récit de cet entretien, et de la manière dont Montaigne procéda, par déplacements successifs de lattention vers des sujets voisins : « je lui dérobai imperceptiblement cette pensée douloureuse : et la tins en bonne contenance et du tout rapaisée autant que jy fus. Jusai de diversion23. » La dame ne fut pas guérie, seulement soulagée, ce qui nest déjà pas si mal au jugement du médecin de lâme.

Le lecteur du chapitre 5 doit attendre quelques pages pour trouver les huit vers de Virgile dont on lui a annoncé le commentaire. Il découvrira plus loin leur pendant, en lespèce huit vers de Lucrèce que Montaigne commente à leur tour avec délectation, et même prédilection. Sur son exemplaire du De rerum natura, en page 5, il a marqué ces vers dune accolade, et inscrit dans la marge cette manchette : « Amours de mars & Venus24 ». Dans le cabinet adjacent à sa « librairie », il avait fait peindre sur un mur ces amours adultères parmi dautres scènes dédiées à la déesse dont limage hante tout le chapitre. La vue de cette scène suggestive a pu faire jaillir le « flux de caquet » auquel lauteur reconnaît, à terme, sêtre laissé entraîner à la faveur dun « commentaire25 ». Grand est le pouvoir de Vénus, cette « si douce sainte26 »…

« Des coches » il nest question, dans le chapitre 6, quau début, mais après quelques pages de prologue, ainsi quà lextrême fin. Au début, pour cette confidence négligemment raccordée au propos : « Or je ne puis souffrir longtemps (et les souffrais plus difficilement en jeunesse) ni coche, ni litière, ni bateau. Et hais toute autre voiture que de cheval, et en la ville, et aux champs27 ». Puis pour dire la tentation décrire un livre dhistoire sur les coches de guerre, ancêtres de nos chars dassaut, tentation analogue à celles, quon trouve ailleurs, dun livre sur les récits de mort ou sur la comparaison des armes : « Si jen avais la mémoire 143suffisamment informée, je ne plaindrais mon temps à dire ici linfinie variété que les histoires nous présentent de lusage des coches au service de la guerre28. » À la fin, après avoir fait retour au thème abandonné (mais toujours présent dans le titre), pour raconter comment le dernier « roi du Pérou » a été brutalement « avalé par terre » en dépit de la farouche résistance de ceux qui le portaient sur sa « chaise dor ». Tout autant quun texte, une gravure bien connue a pu inspirer à la fois ce récit terminal, le chapitre et son titre. « Retombons à nos coches29 sonne comme une invitation à se reculer, à rentrer dans le rang, à revenir au titre contractuel dont on sétait depuis bien longtemps éloigné. Le pronominal indique quelle sadresse à la fois à lauteur et à son lecteur, emportés tous deux dans la chute de lInca.

LInca est un bon exemple de « Lincommodité de la grandeur », court et central chapitre 7 qui semble allonger le précédent et qui a pu naître de la même source iconique. Cest du moins ce que suggère une correction effectuée sur EB au fo 402 dans la dernière phrase du chapitre 6 où « avala par terre » a été substitué à « porta par terre », comme pour mieux faire le lien avec ce qui est dit plus bas, au début du chapitre 7, à propos de la grandeur : « En général, elle a cet évident avantage, quelle se ravale quand il lui plaît, et quà peu près, elle a le choix, de lune et lautre condition. Car on ne tombe pas de toute hauteur, il en est plus, desquelles on peut descendre, sans tomber30 ».

Le chapitre 8 était, comme on sait, très apprécié de Pascal. La phrase de lancement pourrait avoir été la suivante : « Le plus fructueux et naturel exercice de notre esprit, cest à mon gré la conférence31. » Puis une première addition a laissé pour ainsi dire sa trace dans le renvoi explicite au « titre », et ce mot vient tout droit du latin titulus, cette pancarte qui, dans les bibliothèques médiévales, assignait aux livres une place daprès des catégories préétablies : « Pouvons-nous pas mêler au titre de la conférence et communication, les devis pointus et coupés que lallégresse et la privauté introduit entre les amis, gaussants et gaudissants plaisamment et vivement les uns les autres ? Exercice auquel ma gaieté naturelle me rend assez propre32. » Pas de bonne « conférence » 144sans franche, amicale et bruyante gaieté. Nous parlions de Pascal, mais Rabelais nest pas loin.

Grâce à lanaphorique, comme dans lincipit de « De trois bonnes femmes » (II, 35), on entre directement et sans apprêt dans le propos « De la vanité », chapitre 9 : « Il nen est à laventure aucune plus expresse, que den écrire si vainement33. » La phrase suivante, où le « vain » fait place au « divin », la « vanité » à la « divinité », révèle peut-être ce qui a été le déclic de ce long discours de 54 vaines pages qui se clôt, comme on sait, par la copie intégrale dune bulle dont le nom résonne aux oreilles du lecteur des Adages dÉrasme : « Homo Bulla » (lhomme est une bulle, un ballon gonflé dair). Mais ici, la référence est biblique : « Ce que la divinité nous en a si divinement exprimé, devrait être soigneusement et continuellement médité par les gens dentendement34. » « Tout est vanité », proclame en effet lEcclésiaste, et cette fameuse sentence, Montaigne lavait en ligne de mire lorsquil sasseyait à sa table, dans la deuxième travée de sa « librairie », où il lavait fait peindre sur la solive qui surplombait les étagères de sa bibliothèque, mais en ajoutant une préposition, comme pour lui donner plus dextension et de poids et embrasser lensemble des livres ainsi exposés : « Per omnia vanitas35 ». « Mais quoi, nous sommes partout vent », diront en écho les Essais. Ou plutôt « par tout vent », en trois mots, comme lécrit Montaigne au verso du fo 500, ce qui est sans doute la meilleure traduction de la sentence peinte, dont elle reprend exactement les trois termes tout en faisant assonner « vent » et « vanitas ». Mais, poursuit Montaigne, « le vent encore plus sagement que nous saime à bruire36. » Le discours « De la vanité » tourne ainsi à léloge paradoxal.

Montaigne le père savait « ménager », autrement dit bien gérer sa maison, mais non sa volonté. Son souvenir (un souvenir à double fond) inspire, par réaction, le chapitre 10 sur lequel nous ne nous attarderons pas : « Messieurs de Bordeaux mélurent maire de leur ville [] 145Et parce que la connaissance de feu mon père les avait seule incités à cela, et lhonneur de sa mémoire : je leur ajoutai bien clairement, que je serais très marri que chose quelconque fît autant dimpression en ma volonté, comme avaient fait autrefois en la sienne, leurs affaires, et leur ville, pendant quil lavait en gouvernement, en ce lieu même auquel ils mavaient appelé37. » Souvent surgit ainsi, dans les Essais, au détour dune phrase la figure de ce père bien aimé, mais pour sen démarquer : « Mon père [] rechercha avec grand soin et dépense laccointance des hommes doctes, les recevant chez lui comme personnes saintes [] Moi je les aime bien, mais je ne les adore pas38 » ; « Mon père haïssait toute sorte de sauces, je les aime toutes39. »

Le mot « boiteux » ou plutôt « boiteuse », au féminin, ne se rencontre quà la fin du chapitre 11, dans ce qui apparaît à première vue comme une sorte de rallonge ou de pièce rapportée, fort mal jointe et, qui plus est, avec une désinvolture affichée, plus encore que dans « Retombons à nos coches » : « À propos, ou hors de propos, il nimporte. On dit en Italie en commun proverbe, que celui-là ne connaît pas Venus en sa parfaite douceur, qui na couché avec la boiteuse40. » À cet adage fait aussitôt écho la réplique, en grec, de la reine des Amazones au Scythe qui, dit joliment Montaigne, « la conviait à lamour » : « arista cholos oiphei, le boiteux le fait le mieux41 », traduction discrète dun autre adage, tiré dÉrasme, pour dire la supériorité sexuelle des boiteux par rapport aux autres hommes, ce dont lAmazone parle par expérience. Le pluriel du titre englobe lun et lautre, féminin et masculin, mais cest surtout dune « boiteuse » que lauteur va ensuite entretenir son lecteur, en évoquant une expérience personnelle qui lui a fait augmenter, par limagination, le plaisir quil pensait avoir eu avec lune dentre elles : « par la seule autorité de lusage ancien, et public de ce mot : je me suis autrefois fait accroire, avoir reçu plus de plaisir dune femme, de ce quelle nétait pas droite42. » Les quatre occurrences du mot, les seules du livre III, napparaissent que dans ces quelques lignes qui, selon toute vraisemblance, constituaient le premier jet rédactionnel de ce chapitre, 146ladage tirant derrière lui ladhésion crédule et immédiate à ce qui se dit, sans distance critique. Le titre a gardé la trace de ce départ, qui accroche au souvenir de deux ou trois proverbes celui dune expérience personnelle. Un constat plus philosophique a été cependant associé à ces réminiscences : « Je rêvassais présentement, comme je fais souvent, sur ce, combien lhumaine raison est un instrument libre et vague43. » La boiterie nest pas seulement physique, elle affecte lesprit humain dans toutes ses productions, celles des sorciers et sorcières comme celles de leurs juges, celles aussi de Montaigne qui senhardit à juger ici des uns et des autres, et ne sait sil fait bien.

« De la physionomie », chapitre 12. Ce vocable savant se rencontre dès 1580, dans « De la cruauté » : « Socrates avouait à ceux qui reconnaissaient en sa physionomie quelque inclination au vice, que cétait à la vérité sa propension naturelle, mais quil avait corrigée par discipline44. » Ainsi la figure du sage athénien, dont le présent chapitre offre un éloge appuyé, est-elle intimement liée à ce concept, ou plutôt à cette méthode dobservation, à cette façon de lire un caractère sur les traits dun visage. Celui de Socrate, comme celui des Silènes, était laid. Celui de La Boétie aussi, à sa manière. Un vrai scandale pour Montaigne qui rêve, tel un Grec, dune parfaite correspondance entre beauté et bonté. La nature est parfois injuste, déclarait déjà lauteur de « Sur des vers de Virgile », via les Priapées, à propos des dimensions de son pénis. En revanche, son propre visage a attiré la confiance en deux circonstances périlleuses dont il fait le récit détaillé et dont le souvenir, par contraste avec le visage présumé de Socrate, a pu servir damorce à III, 12. « Il y a des physionomies favorables », dit-il vers la fin du chapitre45. Parmi elles, assurément, la sienne, si on en juge par les effets quelle a produits sur ses agresseurs. Lautre emploi du vocable considéré montre un peu 147plus haut que lauteur a détourné au profit de lessai ce qui aurait pu être la matière dun traité : « Sans peine et sans suffisance, ayant mille volumes de livres, autour de moi, en ce lieu où jécris, jemprunterai présentement sil me plaît, dune douzaine de tels ravaudeurs, gens que je ne feuillette guère, de quoi émailler le traité de la physionomie46. » Vade retro, tractatus ! Les singuliers Essais sont sans doute nés de cette résistance à la tentation du livre savant.

Quon me permette ici une nouvelle fois de compléter dune note lédition de référence : léloge dapparence paradoxale que Montaigne fait de la « naïveté » et de l« enfance » de Socrate, et qui sadresse aussi aux paysans de son voisinage, embrasse aussi les Jésuates, ces religieux quon appelait « frères ignorantins » et dont il avait visité par trois fois les couvents en Italie, à Venise, à Vérone et à Rome : « Jai pris plaisir de voir en quelque lieu, des hommes par dévotion, faire vœu dignorance, comme de chasteté, de pauvreté, de pénitence [] Et est richement accomplir le vœu de pauvreté dy joindre encore celle de lesprit47. »

« De lexpérience » enfin, chapitre 13. Bien ajusté à ce riche chapitre où il est question de santé, de médecine et dart de vivre, le titre pourrait embrasser les Essais tout entiers. Le mot clef, ici, ne se fait pas attendre, sous légide dAristote quil nous faut deviner : « Il nest désir plus naturel que le désir de connaissance. Nous essayons tous les moyens qui nous y peuvent mener. Quand la raison nous faut, nous y employons lexpérience48. » Il est probable que le départ de ce chapitre est à chercher du côté de lexpérience personnelle que Montaigne a acquise des maladies et de la vieillesse : « quant a la santé corporelle, personne ne peut fournir dexpérience plus utile que moi, qui la présente pure, nullement corrompue et altérée par art, et par opination. Lexpérience est proprement sur son fumier au sujet de la médecine, où la raison lui quitte toute la place49. » On lit un peu plus loin : « Lexpérience ma 148encore appris ceci, que nous nous perdons dimpatience. Les maux ont leur vie, et leurs bornes50. » Et encore, sur EB : « comme quelque nouveau symptôme survient à mon mal, je lécris. Doù il advient que, asteure, étant quasi passé par toute sorte dexemples, si quelque étonnement me menace, feuilletant ces petits brevets décousus, comme des feuilles Sibyllines, je ne faux plus de trouver où me consoler de quelque pronostic favorable en mon expérience passée51. » Cest peut-être la considération de ces « brevets » thérapeutiques, que les contemporains attachaient à leur cou52, qui a lancé lultime chapitre des Essais. Ces feuilles volantes sur lesquelles Montaigne notait les péripéties et aléas de sa santé navaient pas vocation à lui survivre, mais il est possible davoir quelque idée de leur contenu en lisant son Journal de voyage, en particulier aux pages où il parle de son expérience des eaux thermales, dont il dit finalement, en expert, quelles sont en gros inefficaces. On peut à toute extrémité se confier aux soins de la médecine, mais pour la vie courante, les petits et les gros bobos, le mieux est encore dêtre à soi-même son propre médecin, son propre « empiricos » ou expérimentateur, à lenseigne de Sextus, le pyrrhonien dont le gentilhomme avait fait reproduire les « voix » ou mantras au plafond de sa bibliothèque.

Il nest pas facile dattraper des mouches. Je ne sais si jai pu saisir toutes celles que jai traquées dans le texte des 13 chapitres du Livre III en maidant de leurs titres. Elles sont multiples et variées, en grosseur comme en apparence. Certaines sont des textes lus ou entendus, savants, poétiques ou populaires, dautres sont des images de rencontre ou des mots peu communs, des souvenirs personnels, des conversations familières, des éléments décoratifs du lieu même où Montaigne écrit.

Une fois le branle donné, le texte va son train, par des voies parfois accidentées, mais sans jamais vraiment perdre de vue son point de départ : « Cest lindiligent lecteur qui perd mon sujet : non pas moi : il sen trouvera toujours en un coin quelque mot qui ne laisse pas dêtre bastant, quoi quil soit serré53. » Le titre a fixé ce moment inaugural et, dans une certaine mesure, on peut à partir de lui conjecturer ce qui fut le premier jet rédactionnel dun chapitre sur lequel lauteur peut 149avoir travaillé durant vingt ans, car les Essais sont, selon son mot, un « registre de durée ». Comme les Mémoires dOutre-Tombe…

Est-ce là pur artifice rhétorique ? Pour ma part, je ne le crois pas et je pense, comme lauteur, quon fait parfois « [s]a finesse trop fine54 ». Il me semble que soupçonner chez lui une nonchalance affectée serait en contradiction avec le projet philosophique et moral quil sest donné, à la suite des grands Anciens, de tester ses opinions et de veiller sur sa santé, bref de se découvrir peu à peu lui-même, stable et instable à la fois, comme tout homme « ondoyant et divers » (autrement dit contradictoire), toujours plus ou moins « de passage », par lentremise dune écriture dessai qui se rêvait déjà cinématographique et qui eût apprécié les ressources de limagerie médicale et les explorations des sciences cognitives, sans pour autant méconnaître celles dune psychananlyse pas encore obsolète.

Mon attention aux commencements part de cette conviction. Comme elle na rien, du moins je pense, dune obsession, tout au plus dune inclination, elle ne me fait pas oublier pour autant que ce qui compte aussi et surtout, pour les lecteurs et interprètes de Montaigne, ce sont les développements postérieurs, jusque dans lédition posthume, dont ces commencements ont ouvert, plus ou moins grandes, les vannes.

Alain Legros

CESR

Université François-Rabelais de Tours

1 A. Legros, « Genèse dun philosophe », Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, 41-42, 2006, p. 49-77.

2 Montaigne, Essais, éds. Emmanuel Naya, Delphine-Reguig-Naya et Alexandre Tarrête, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2009, II, 37, p. 620.

3 III, 10, 340.

4 Dans le sillage de Daniel Ménager, « Montaigne et la question du commencement », Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, 29-30, 2003, p. 11-21.

5 III, 9, 260.

6 II, 10, 134-135.

7 III, 9, 306 (EB).

8 III, 9, 304-305.

9 Alléguant Cicéron, Montaigne écrira plus tard cette addition dEB (II, 12, 261), où le verbe « divertir » à un sens dépréciatif, donc inverse de celui qua ici le mot « diversion » : « Cicero reprend aucuns de ses amis davoir accoutumé de mettre à lastrologie, au droit, à la dialectique, et à la géométrie, plus de temps, que ne méritaient ces arts : et que cela les divertissait des devoirs de la vie, plus utiles et honnêtes. »

10 Cf. III, 2, 47.

11 A. Legros, « Ma préface montre que je nespérais pas tant oser, avait écrit Montaigne », Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, 60-61, 2014-2015, p. 83-91.

12 III, 9, 262.

13 Voir A. Legros, « Amis, femmes et livres : trois compagnies pour Montaigne (III, 3), dans Lectures du troisième Livre des Essais de Montaigne, dir. P. Desan, Paris, Champion Classiques, 2016, p. 115-144.

14 III, 5, 136-137.

15 III, 1, 13.

16 II, 8, 87.

17 III, 2, 36.

18 II, 18, 486 (EB).

19 III, 3, 63.

20 III, 3, 64.

21 III, 3, 68.

22 II, 8, 100.

23 III, 4, 72-73.

24 Voir le fac-similé intégral de cet exemplaire et la transcription des annotations autographes sur le site des Bibliothèques virtuelles humanistes (BVH, Université François-Rabelais, Tours), projet ANR « Montaigne à lœuvre » (menu « Documents »).

25 III, 5, 165 : « Pour finir ce notable commentaire, qui mest eschappé dun flux de caquet : flux impetueux par fois et nuisible [] »

26 III, 7, 197 : « Venus fut blessée [], une si douce sainte, et si délicate ».

27 III, 6, 170.

28 III, 6, 171 (EB).

29 III, 6, 192.

30 III, 7, 193.

31 III, 8, 202-203.

32 III, 8, 226-227.

33 III, 9, 235. La phrase sapplique à lévidence au chapitre à venir, mais on pourrait aussi y voir une allusion à Cornelius Agrippa, auteur du De incertitudine et vanitate omnium scientiarum et artium (1530 ; traduction française 1582).

34 Ibid.

35 Voir A. Legros, Essais sur poutres. Peintures et inscriptions chez Montaigne, Paris, Klincksieck, 2000, p. 365-366. Deux sentences peintes au plafond de la « librairie » ont servi dincipit à deux chapitres des Essais : « Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de lopinion que nous en avons » (I, 14) et « De lincertitude de notre jugement » (I, 47).

36 III, 13, 468.

37 III, 10, 318-319.

38 II, 12, 160-161.

39 III, 13, 461.

40 III, 11, 359.

41 Ibid.

42 III, 11, 360.

43 III, 11, 348. Ladverbe « présentement » est un indice précieux pour lexamen qui nous occupe ici. Cf. I, 21, 250 : « tout ce caprice mest tombé présentement en main, sur le conte que me faisait un domestique apothiquaire de feu mon père. » ; I, 26, 313 : « sil madvient, comme il fait souvent, de rencontrer de fortune dans les bons auteurs ces mêmes lieux, que jai entrepris de traiter, comme je viens de faire chez Plutarque tout présentement, son discours de la force de limagination » ; I, 54, 540 : « Nous venons présentement de nous jouer chez moi, à qui pourrait trouver plus de choses qui se tiennent par les deux bouts extrêmes » ; I, 56, 548 : « Javais présentement en la pensée, doù nous venait cette erreur, de recourir à Dieu en tous nos desseins et entreprises ».

44 II, 11, 149.

45 III, 12, 394.

46 III, 12, 390.

47 III, 12, 366. Voir A. Legros : « Jésuites ou Jésuates ? Montaigne entre science et ignorance », Montaigne Studies, vol. 15, p. 131-146. Il conviendrait de même de signaler lallusion aux Feuillants dans cette addition dEB à III, 3, 70-71 : « Je nai rien jugé de si rude en laustérité de vie, que nos religieux affectent, que ce que je vois en quelquune de leurs compagnies. Avoir pour règle une perpétuelle société de lieu : et assistance nombreuse, entre eux, en quelque action que ce soit. Et trouve aucunement plus supportable dêtre toujours seul, que ne le pouvoir jamais être. »

48 III, 13, 402.

49 III, 13, 424.

50 III, 13, 438-439.

51 III, 13, 445.

52 Je remercie Marie-Luce Demonet pour cette information.

53 III, 9, 305 (EB).

54 III, 1, 21-22 : « Ceux qui disent communément contre ma profession, que ce que jappelle franchise, simplesse, et naïveté, en mes mœurs : cest art et finesse : Et plutôt prudence, que bonté. Industrie, que nature : Bon sens, que bonheur [bon heur] : me font plus dhonneur quils ne men ôtent. Mais certes ils font ma finesse trop fine ».