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Classiques Garnier

Les « belles imaginations » de Sebond Le fidéisme et le scepticisme de l’Apologie

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2016 – 2, n° 64
    . varia
  • Auteur : Cardoso (Sérgio)
  • Résumé : Ce texte interroge, en survol, trois compréhensions, aiguës et originales, de la trame de l’« Apologie de Raimond Sebond », revenant sur le problème de la compatibilité de la suspension pyrrhonienne avec la foi chrétienne, la question du « fidéisme sceptique » attribué spécialement à ce chapitre des Essais. L’inspection des justifications possibles de la formule suggère des considérations – dubitatives et irrésolues – sur le statut de cet écrit de Montaigne.
  • Pages : 21 à 36
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406066323
  • ISBN : 978-2-406-06632-3
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06632-3.p.0021
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/12/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les « belles imaginations »
de Sebond

Le fidéisme et le scepticisme de lApologie

Prendre l« Apologie de Raimond Sebond1 » pour thème de nos considérations et réflexions serait, aujourdhui, presque certainement, se vouer davance à la réitération des chemins bien explorés par la critique et se voir contraint au choix entre des perspectives interprétatives attestées et consolidées par la fortune critique de ce texte tout au long du xxe siècle. Pourtant, ayant lu ce chapitre exceptionnel des Essais, on ne peut pas sempêcher de se laisser entraîner, encore une fois, dans linterrogation de son sens philosophique (et pratique), de se laisser emporter par lattrait de ce que maints lecteurs qui nous ont précédé ont désigné comme son énigme. Puisque, nous le savons, ce texte extraordinaire – dont limportance pour la reprise du scepticisme ancien et la naissance des philosophies modernes est décisive – a été incessamment qualifié comme paradoxal et énigmatique en raison, tout dabord, de ce qui apparaît comme son déroutant dessein dentreprendre une apologie de lœuvre de Sebond.

Le paradoxe et lénigme viennent, certainement, de la question – triviale sagissant de ce texte, mais qui nest pas sans importance pour la qualification de son scepticisme – formulée par Tournon de façon très concise : « par quelle logique déconcertante un plaidoyer peut-il être un réquisitoire2 ? ». Comme Villey3, Friedrich4, le même Tournon et tant dautres nous permettent dobserver, la démarche fondamentale de ce texte est habituellement présentée comme celle dune apologie qui se 22développe en réfutation du projet et des arguments du théologien et, après tout, par les mêmes motifs allégués par ses détracteurs, contre lesquels la pièce apologétique serait supposée les défendre. Effectivement, il semble incontestable que Montaigne admet (non sans réserves) les allégations des objecteurs « fidéistes » (avant la lettre) du théologien (« cest la foy seule qui embrasse vivement et certainement les hauts mystères de nostre religion5 » – et aussi quil accueille les reproches des « nouveaux docteurs » calvinistes sur la fragilité de la démarche rationnelle de Sebond, précisant toutefois que cette fragilité nadvient pas de lincapacité de lauteur (« un homme très suffisant et ayant plusieurs belles parties ») – ou même de larticulation de lœuvre (« la contexture de son ouvrage est bien suivie6 ») –, mais quelle procède de limbécillité de notre raison, de lincapacité humaine darriver à quelque vérité qui soit. Il blâme, donc, les adversaires de Sebond qui se croient capables de proposer des discours meilleurs que le sien et assume le risque – la « témérité7 » – de frapper celui quil défend quand il se dresse contre ses adversaires muni darmes et de tactiques redoutables du pyrrhonisme.

Ce script qui serait celui de l« Apologie », Frédéric Brahami lannonce en termes bien précis : « Lapologie de Raymond Sebond est une énigme : ce qui se présente comme un plaidoyer en faveur dun auteur attaqué se renverse en un réquisitoire impitoyable. Le projet de Sebond sy trouve invalidé dans son principe. Sa théologie dénoncée comme un quasi-athéisme, sa méthode niée, ses exemples et le détail textuel de ses arguments employés à contresens8 ». Et il nous rappelle linterrogation formulée par Donald Frame – « Did Montaigne betray Sebond ? » –, pour conclure : « Cest à une véritable trahison de Sebond que Montaigne se livre ici9 ».

Mais, après tout, comme lestiment sans hésitation Villey10, Friedrich11 et dautres (à la différence de Frédéric Brahami), Montaigne, dans ce texte, serait moins intéressé à Sebond et à son œuvre (un prétexte pour son entreprise) quà lattaque des maux du rationalisme religieux – les 23disputes théologiques qui alimentent les guerres de religion –, quil entend soumettre au pouvoir purgatif et curatif du scepticisme. Ainsi, plus que le chemin dune apologie de Sebond (sil y en a une), le chapitre prendrait lallure dune puissante invective contre les docteurs de la théologie calviniste. Finalement, son engagement auprès des dames de la Navarre pour défendre « leur théologien » sobscurcit ; il se proposerait avant tout daffronter les désastres provoqués par les rationalismes religieux, faisant appel à Sextus Empiricus et mobilisant une conception « fidéiste » des fondements de la foi chrétienne – démarche que, à la suite de Friedrich et dautres, nous désignons aujourdhui par la formule « fidéisme sceptique12 ». Il est vrai que les significations attribuées à lexpression (adressée surtout à l« Apologie ») sont diverses et que les tentatives de lui conférer un sens spéculativement consistant (et en consonance avec sa revendication philosophique du pyrrhonisme) se heurtent à des obstacles non négligeables. Ainsi, il semble inévitable que le lecteur contemporain se trouve, à chaque fois, mis en demeure de réexaminer son sens et de faire face au défi de proposer à cette expression une signification consistante, « excusable ».

La remarquable étude de Richard Popkin13, nous le savons, est venue attester et conforter cette expression en lui procurant un enracinement dans lhistoire de lappropriation de lœuvre de Sextus Empiricus (redécouverte en Italie à la fin du xve siècle) par lapologétique antirationaliste de la religion chrétienne, cultivée à Florence dans le cercle de Savonarole, en opposition aux projets daffirmation de la vérité du christianisme par la vérification de son accord avec les productions de la raison naturelle recueillies par la philosophie et les anciennes théologies (le platonisme et la « prisca theologia », selon Ficcino). Les savonaroliens, comme lon sait, découvrent dans la philosophie de Sextus un instrument utile à leur propos religieux, vérifiant quelle contribue à abattre lorgueil de la raison humaine et sapplique à lhumiliation de la philosophie elle-même. La diaphonie, la critique du pouvoir dappréhension des sens, limpossibilité datteindre un critère sûr de reconnaissance de la vérité sont ainsi mobilisées pour dénoncer tout savoir humain comme « vanité inconsistante » et pour témoigner de la faiblesse de la raison, 24sans toucher à la fermeté de la foi, qui ne relèverait pas des capacités et des forces de lhomme. Il y a des passages de lExamen Vanitatis de Gianfrancesco Pico della Mirandola qui semblent sorties de la plume de Montaigne, soit par lorientation apologétique (apologie, chez Pic, de la religion chrétienne), soit par lutilisation attentive et précise de lœuvre de Sextus exposant lorientation du pyrrhonisme. Popkin veut justement nous montrer que cest en grande partie par cette voie ouverte de manière originale par le disciple de Savonarole que vient sengager la défense du dogme catholique au moment de la crise de la Réforme.

Or, en inscrivant Montaigne dans cette « crise intellectuelle de la Réforme », Popkin le voit comme lagent – certainement le principal – du débordement de la crise religieuse de son temps dans une crise sceptique totale, atteignant les repères des savoirs de lhumanisme, la connaissance scientifique et, à la fin, toute prétention de connaissance14, entraînant des ruptures allant de la théologie à la philosophie15. Et il nous fait considérer que, chez Montaigne, il ny a plus un usage instrumental du pyrrhonisme, comme dans le cas des apologistes « sceptiques » précédents, nommément Gianfrancesco Pico, vu que son « Apologie de Raymond Sebond », dit Popkin, est « le résultat extraordinaire dune crise pyrrhonienne personnelle16 », celle que lon date, daprès Villey, de 1576, le moment de son contact avec lœuvre de Sextus Empiricus et celui des inscriptions de sa bibliothèque, telle celle de la devise « Que sais-je ? ». De cette manière, dans la composition de l« Apologie », un peu plus tard (autour de 1578), le pyrrhonisme simpose et, dit Popkin, il suggère à Montaigne, en ce qui concerne le christianisme, « une thématique fidéiste [] une théorie du christianisme basée exclusivement dans la foi17 ». Or ce « complet fidéisme18 », leitmotiv de son texte19, semblerait sassocier parfaitement au scepticisme de Montaigne, étant donné que la foi pure, dinitiative divine, se bénéficierait de lhumiliation de la raison mise en œuvre par le pyrrhonisme, lequel, vidant lhomme de toute prétention au savoir, le rendrait capable de recevoir la grâce divine. Néanmoins, selon la perspective de Popkin – ce qui a déjà été remarqué par ses lecteurs – lexistence de cette 25foi, chez Montaigne, serait une possibilité « presque théorique ». Sil est vrai que le pyrrhonisme « présente lhomme nu et vide [], préparé à recevoir du haut la connaissance divine », le plus certain est que cette preparatio evangelica rend lhomme « humble, obéissant, disciplinable, studieux, ennemi juré dhaeresie, et sexemptant par consequant des vaines et irreligieuses opinions introduites par les fauces sectes20 ». Le pyrrhonisme, par ses dispositions pratiques, mène lhomme à la soumission aux coutumes, lois et religions établies, ce qui signifie, dans les circonstances dalors, quil supportera le catholicisme21. Voilà donc « la meilleure défense contre la Réforme22 », remarque Popkin, nous assurant du statut coutumier de la religion de Montaigne, et de son conservatisme.

Or cette lecture fondamentalement historique du « fidéisme sceptique » de Montaigne, plus focalisée sur son pyrrhonisme et sur les préceptes de son orientation pratique quintéressée par la nature et les effets moraux de la foi sur le chrétien, narrive pas à satisfaire le lecteur rendu attentif à la teneur spéculative de la formule « fidéisme sceptique », à la question de la compatibilité de la foi chrétienne et de lépochè (la vie sans croyances) professée par le philosophe pyrrhonien23. Une telle question simpose nettement si lon assume, avec Popkin, que « Montaigne a fait de la foi pure la pierre de voûte de la religion24 », et que son scepticisme se définit par une orientation philosophique précise, le pyrrhonisme. Et noublions pas que le pyrrhonisme nest plus mobilisé ici par lhomme de foi comme un simple outil critique, à peine utile (et jetable ensuite) pour lapologie de son Christianisme.

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Il faut considérer que le scepticisme réclamé par Montaigne ne se limite pas à laccusation de lorgueil et de la vanité de lhomme ou au procès de la Raison ; il ne peut pas être réduit au motif chrétien de la miseria hominis. Il se présente, au contraire, comme la forme rationnelle la plus élevée de la sagesse et propose sa visée dune « vie sans croyances » comme la perfection de la vie intellectuelle et morale de lhomme25. Dautre part, la foi chrétienne peut certes se présenter comme la croyance dogmatique par excellence, le jugement dernier, puisque divin, sur la Vérité. Nous devons nous rappeler que la doctrine luthérienne nous apprenait déjà que la foi véritable ne comporte pas dincertitudes relatives aux dogmes révélés ; elle procure au croyant une parfaite adhésion de sa conscience et de sa volonté aux vérités de la religion, ce qui la rend difficilement conciliable avec lidée dune vie adoxastos (associée à une adhésion à peine coutumière aux commandements de la foi), difficilement conciliable avec le pyrrhonisme. Et, tout compte fait, on aura du mal à rapprocher le profil moral du chrétien de celui du pyrrhonien dont le signe premier est le détachement, moral et affectif, et lindifférence qui mènent à la metriophatia et à lataraxia. En conséquence, la question de la cohérence de la formule du « fidéisme sceptique » se révèle incontournable : il faut examiner et évaluer cette difficile union entre le doute total du pyrrhonien et les certitudes du chrétien, ce « mariage de la croix du Christ avec le doute de Pyrrhon26 » célébré par Popkin.

Terence Penelhum27, on le sait, signale cette incompatibilité de manière ferme. Il lui paraît immédiatement impossible dassocier la certitude et le compromis exigés par la foi avec la suspension et le détachement 27supposés par le pyrrhonisme. Luther laurait mieux compris que tous : il y a de la part du chrétien la confession dune foi et la profession de ses doctrines fondamentales ; et le compromis quelles réclament ne peut se dissocier de la certitude. En conséquence, on serait là aux antipodes du scepticisme. Même si lon pense, comme Érasme, que le pathos, le sentiment de la foi est plus important que les assertions doctrinaires, il y aurait encore un compromis (commitment), incompatible avec la modération et le détachement moral apporté par le scepticisme. Même si Montaigne avait fait appel à une interprétation très atténuée de la foi – la comprenant comme renonciation à la recherche humaine de la vérité et un abandon docile à la providence divine –, Penelhum considère que cette religion impliquerait encore une croyance et serait incohérente avec lobservance pyrrhonienne des traditions, des lois locales et coutumes humaines. Et que pourrait-on conclure dune inconsistance si manifeste ? Le commentateur suggère lhypothèse quelle pourrait même se destiner à signaler de façon oblique des convictions irréligieuses de la part de lessayiste28.

Il est vrai que, parmi les lecteurs de Montaigne, il y en a qui pensent, comme moi-même, quil est possible de restituer une cohérence spéculative à lexpression « fidéisme sceptique » dans le cadre de l« Apologie », gardant strictement la voie proposée par la tradition pyrrhonienne. Ainsi, je propose dexaminer brièvement trois chemins divers dans lesquels la formule est assumée et sa légitimité assurée. Je les ai choisis pour évoquer les études du scepticisme menées au Brésil et aussi pour prolonger des propos soutenus par moi-même en une autre occasion29.

Je commence par un auteur de deux ouvrages très vigoureux sur le scepticisme de Montaigne. Luiz Antônio Alves Eva30 réaffirme lincompatibilité entre le pyrrhonisme et le dogmatisme qui serait 28intrinsèque à la foi, en écartant cependant la supposition de Penelhum dun subterfuge ou dune inadvertance (« lack of awareness ») de la part de lessayiste quant à lincongruité de lassociation entre ces termes. En rappelant la définition du pyrrhonisme par sa « dynamis antithetike », par sa capacité de produire des antithèses, Eva nous invite à voir dans laffirmation fidéiste de la foi – pensée comme lillumination de lhomme chrétien par la vérité divine –, lantithèse que Montaigne opposerait à sa propre profession suspensive, lantithèse capable de « dialectiser » et de relativiser lepokhe elle-même, observant la prescription ordonnée par Sextus comme traitement purgatif capable déliminer les résidus dogmatiques pouvant résister à lopération suspensive.

Tout se passe ici comme si Montaigne, assuré de lorigine coutumière de la foi des chrétiens (« nous sommes Chrestiens a mesme titre que nous sommes ou Perigordins ou Alemans31 »), nhésitait pas à prendre lallégation de lillumination divine simplement en tant quantithèse dogmatique au service de la réitération de lepokhe et de lapprofondissement de son pyrrhonisme. Toutefois, même là – étant donné son rôle instrumental dans lopération –, laffirmation de la foi, opposée à égal poids au raisonnement (logos) du pyrrhonien, bénéficie de la suspension, qui, annulant son avancement dogmatique, lui confère le statut de « possible » (« subjectivement » possible32. Et il faut également observer que cette opération de lisostheneia na quune portée épistémologique dinhibition de linclination dogmatique des prétendues vérités dorigine divine ; mais cette suspension nannulerait pas, bien évidemment, la manifestation (possible) de la Grâce et ses effets33, le phénomène de lintervention divine (possible) dans lâme du chrétien et le sentiment de certitude absolue quelle lui procurerait. Lexpérimentation de ce rayon de divinité produirait en lui leffet miraculeux de ladhésion pleine (« avec une forte inclination ») aux articles du credo de sa religion – après tout, on ne peut pas oublier que les sceptiques ne rejettent pas les phénomènes mais ce qui se dit à leur propos, les assertions sur les phénomènes. Or 29cette réduction de la foi à une manifestation phénoménale du divin, qui apporterait la lumière de la vérité à lâme des élus, ne nous ferait-elle pas revenir, dans le registre pratique, aux objections formulées par Penelhum sur incompatibilité des convictions de cet homme de foi avec le détachement qui constitue le profil moral du pyrrhonien ? Sa conviction inébranlable dêtre dans la vérité ne sapprocherait-elle pas davantage des passions qui saffrontent dans les « escrimes » théologiques que de lhumour nonchalant prôné par lessayiste ?

La deuxième voie dinterprétation que je voudrais rappeler est celle qui nous est ouverte par Maia Neto, un érudit et aigu chercheur de la tradition du scepticisme. Dans un texte précieux, « Epokhé as Perfection », il signale que la considération de lexercice de lepokhe comme « perfection de lhomme » – un thème que Montaigne doit à Cicéron34 – défie directement la plausibilité de la formule « fidéisme sceptique ». Néanmoins, si les effets moraux et anthropologiques de la foi compromettent certainement les bénéfices de lepokhe – la modération, la tolérance, la tranquillité –, dans le registre logique, lexpression serait cependant soutenable. Maia Neto pose directement la question : « La foi pourrait-elle être épistémiquement justifiée dans le contexte du scepticisme de Montaigne ? », pour la répondre demblée par laffirmative : « Je pense que oui, et, sans surprise, cest Charron [] qui souligne cette possibilité. Le point étant que la révélation authentique demeure en dehors de lescope (de la portée) de lepokhe35 ». Pour le montrer, il sadresse aux tropes logiques du pyrrhonisme, les modes dAgrippa, observant que ces dispositifs de production de suspension – surtout de lisotheneia entre hypothèses, selon le quatrième trope – ne peuvent pas sappliquer au cas de lhypothèse des vérités révélées par Dieu, lesquelles, investies dune certitude absolue, ne pourraient pas être opposées en égalité de conditions (de poids) aux hypothèses relatives produites par lhomme.

Sans entrer dans les détails de largument, il est important dobserver que son développement par Maia Neto nous amène à une conception 30de la religion non seulement personnelle et intime, mais entièrement confinée à une instance ineffable de lesprit. Or cette compréhension du fidéisme de l« Apologie », qui lapproche de la mystique chrétienne, non seulement, à mon avis, se révèle difficile à cerner doctrinairement (comme lavoue le commentateur lui même, divisant là, pourtant, une certaine affinité avec le Molinisme), mais elle est aussi difficilement conciliable avec les traits accordés par Montaigne à la figure du vrai chrétien. Il est nécessaire de considérer que par la compréhension de la foi proposée dans cet essai, le vocabulaire utilisé de lillumination ne paraît pas sincliner dans la direction de la tradition mystique mais plutôt, il me semble, dans celle de la doctrine calviniste – largement répandue et professée à lépoque – de la « double illumination » : la Grâce divine donne aux élus les Écritures comme règle de la foi (elle les entraîne – compellit – à chercher cette Parole divine), leur octroyant ensuite les moyens nécessaires pour en discerner les vérités. Autrement dit : la Grâce divine amène lélu à la certitude des Écritures comme le livre de la Vérité et lui donne les moyens dy reconnaître les énoncés de cette Vérité. Cest la Parole divine de la Bible qui en dessine les contours et qui confère à la foi sa « matière » et ses liens humains et sociaux. Ainsi il ne sagit pas ici dune foi ineffable et dune religion purement intérieure ; elle inscrit le chrétien dans une communauté de croyants, de fidèles lecteurs des Écritures, attachés à ses commandements et enseignements. La foi, finalement, nentraînerait-elle pas ladhésion du chrétien à des énoncés de vérité qui seraient dogmatiques, même sils ne sont pas tous redevables de la dogmatique théologique ? Serait-ce ainsi possible de garder la foi éloignée des compromis dogmatiques ? Nous revenons donc à la question formulée par Maia Neto : « La foi pourrait-elle être épistémiquement justifiée dans le contexte du scepticisme de Montaigne36 ? ». Les observations proposées ne nous paraissent pas suffisamment soutenir une réponse positive.

Passons, finalement, à la troisième voie dinterprétation de lexpression « scepticisme fidéiste » que je voudrais présenter. Je pense à la lecture fine et novatrice de lœuvre de Montaigne entreprise par Frédéric Brahami. Elle est assez connue et je peux me dispenser de lexposer longuement.

Brahami, dans le sillage de Friedrich, attribue à Montaigne un fidéisme radical, produit par lidée, qui simposerait dans l« Apologie », dune 31totale transcendance et inaccessibilité de Dieu (le Dieu vérace). Et, de fait, lessai propose cette idée expressément : « De toutes les opinions humaines et anciennes touchant la religion, celle-là me semble avoir eu plus de vray-semblance et plus dexcuse, qui reconnoissoit Dieu comme une puissance incomprehensible37 ». Or la représentation de cette altérité radicale dun Dieu non appréhensible, insaisissable par la raison humaine – « lautre » de notre condition mortelle, non-subsistante, contingente, plongée dans une insurmontable relativité –, supprimerait toute possibilité daccès à lÊtre véritable, éloignerait lhomme de toute vérité. Elle interdirait, finalement, à la raison humaine tout accès à la réalité, « la déliant de tout référent objectif38 ». Ses jugements ne seraient même plus d« opinions », dit le commentateur, de desseins datteindre la vérité, ils deviendraient de simples imaginations, des fantaisies39.

Cette « théologie négative » (de léloignement de Dieu) ainsi associée à un « négativisme épistémologique » (de léloignement de la vérité), ferait dérailler le pyrrhonisme revendiqué par Montaigne. Le pyrrhonien est zététique ; il cherche, il examine les vérités supposées, revendiquées, et ne manque pas dadmettre le poids persuasif des « phainomena et logoi », des phénomènes et discours quil cherche à neutraliser par opposition à dautres énoncés ou à dimpressions intellectuelles sensibles. Or la position dune transcendance radicale de la vérité viendrait ruiner sa confiance à la raison et, ainsi, sa zetesis ; étant donnée lannulation radicale de la teneur persuasive de tout énoncé, il ne peut plus déclarer lisostheneia et, par conséquent, arriver à lepokhe. De ce pyrrhonisme éclaté surgirait donc la nouvelle figure du scepticisme moderne – le scepticisme qui, par la destitution de la raison, retrouve son élément dans le domaine (autonomisé) de la croyance. Ainsi, chez Brahami, la formule du « fidéisme sceptique » de Montaigne maintient sa consistance, nonobstant le sacrifice des « discours » de lancien pyrrhonisme. Léloignement absolu de Dieu, la radicalisation du fidéisme, amène également la radicalisation du scepticisme.

Or quand lessayiste évoque la représentation de Dieu comme absolument impensable, inimaginable (« pour dignement les imaginer, 32il faut les imaginer inimaginables40 », il la mobilise, le dit-il expressément, comme une « opinion vraysamblable », une représentation intellectuelle (ce que le pyrrhonien appelle « logike phantasia », ou « noumenon », en prenant ce mot dans le sens ancien daffection intellectuelle). Cet énoncé, en tant que tel, nest pas une assertion ; il nest pas certainement « assumé », il désigne justement une « représentation » (une « idée », accueillie passivement par lintellect), lune des propositions existantes rencontrées par notre philosophe pyrrhonien dans larsenal des opinions réputées relatives à Dieu – celle qui lui apparaît comme la plus consistante, comme la plus « excusable41 ». Or, pour un pyrrhonien, il sagirait certainement de soumettre cette représentation intellectuelle (comme nimporte quelle autre ou nimporte quelle impression sensible, phainomenon), à lopération de lantithèse. Il sait quil doit lopposer à une autre représentation de force persuasive équivalente pour obtenir lepokhe – la suspension de sa teneur dogmatique –, pour inhiber son penchant à un avancement assertif. Toutefois, Brahami paraît conférer immédiatement à cette représentation, à cette idée, une valeur assertive, en la tenant pour une affirmation sur linsurmontable transcendance divine – laffirmation qui, assumée par le philosophe, amènerait des effets épistémologiques venant ruiner son pyrrhonisme.

Mais il est difficile dimaginer que cet auteur, si épris (du moins au moment de la composition de l« Apologie ») des principes et procédés typifiés par lécole pyrrhonienne, si conscient des dangers du dogmatisme et du besoin de combattre à outrance ses manifestations les plus insidieuses et plus malines, nait pas su trouver lantithèse capable de « dialectiser » les possibles scintillements dogmatiques de laffirmation de linaccessibilité divine. Et, en fait, on sait bien quà côté de la proclamation la plus éclatante relative à léloignement de Dieu et au confinement de lhomme dans un monde inconstant et non-subsistant – si éloquemment prononcée par le philosophe païen42 – lauteur vient aussitôt placer lhypothèse de lillumination divine (« si Dieu lui étend extraordinairement sa main … »), la figuration de la foi chrétienne comme une affection involontaire, dentière initiative divine et, de ce 33fait, un phénomène43 (allégué par les chrétiens) capable de réitérer la suspension, préservant le caractère douteux soit de la proposition de la non-communication de lhomme avec la Vérité divine, soit de lénoncé relatif à la communication de cette Vérité par lintervention de la Grâce. Le pyrrhonien ne relâche jamais sa discipline, sa « dynamis antithetike », la capacité dopposer des phainomena et noumena, « de quelque manière que ce soit », comme remarque Sextus Empiricus44. Or Montaigne, ici, certainement produit lisostheneia, restituant pleine consistance à son pyrrhonisme.

Ces considérations interrogatives, « irrésolues », sur les interprétations diverses de lexpression qui manifesterait la trame de l« Apologie », permettent peut-être de constater que la légitimité de la formule « fidéisme sceptique » est attachée à la compréhension de la nature de la foi et même de son existence possible en tant quillumination divine (mise en cause dans la perspective dun « fidéisme » radical qui interdit toute possibilité daccès à la Vérité divine). Nous pensons, et lavons déjà suggéré, que lhypothèse dune foi véritable (comme impression passive de lillumination qui se produirait dans lâme du croyant par laction divine) est bien certainement mobilisée par notre philosophe pyrrhonien45, en observant que le statut de cette foi pour lessayiste serait celui dun pur phénomène qui, en tant que tel, est alogon, littéralement 34irrationnel. De cette façon la foi deviendrait une manifestation moralement sûre (comme sont sûres les affections sensibles ou intellectuelles qui nous conduisent nécessairement à lassentiment46), mais intime, personnelle et incommunicable – nétant pas, toutefois, proprement « mystique » si lon considère que la Lumière divine ramène le chrétien à une Parole, celle de la Bible (elle, communicable), quil professe sans pouvoir, pour autant, lassumer intellectuellement et dogmatiquement. La foi chrétienne et ses énoncés seraient ainsi purgés de toute prétention dogmatique et des déploiements de cette prétention, les disputes théologiques et les guerres de religion auxquelles Montaigne veux justement apporter le traitement du pyrrhonisme (qui, certes, sert beaucoup plus à la foi que laffirmation de la foi ne sert à lépuration de sa teneur antidogmatique).

La raison ne peut pas assumer et soutenir la « Parole révélée », qui figure humainement, « corporellement », les vérités incompréhensibles de la foi ; elle ne peut pas la faire avancer à des assertions dogmatiques. Et les discours humains ne peuvent que « saccommoder » à cette foi, que « laccompagner », en lui procurant des substituts « corporels » qui se révèlent « lourds et stériles » lorsque éloignés de lillumination de la Grâce. Montaigne, sadressant aux lecteurs chrétiens de son Apologie de Sebond, les avertit :

nous ne nous contentons point de servir Dieu desprit et dame ; nous luy devons encore et rendons une reverence corporelle ; nous appliquons nos membres mesmes et nos mouvements et les choses externes à lhonorer. Il en faut faire de mesme et accompaigner nostre foy de toute la raison qui est en nous, mais toujours avec cette reservation de nestimer pas que ce soit de nous quelle dépende, ny que nos efforts et arguments puissent atteindre à une si supernaturelle et divine science47.

Dans un autre passage, il lexplicite encore ainsi : « son adoration sexprime par offices et paroles sensibles : car cest lhomme qui croid et qui prie48 ».

Or, comme nous pouvons lobserver, cest exactement ce genre de discours que lapologiste attribue à Sebond. Avec ses arguments « rationnels » précaires, avec ses analogies pénibles, il met la chétive 35raison humaine au service de sa fidélité à la Révélation. Sebond construit un savoir humain parallèle aux vérités des Écritures, en les prenant pour guide de sa lecture du Livre des Créatures. Il sagit, selon Montaigne, dun discours qui « saccommode » aux vérités de la foi, qui les « accompagne », en essayant de lexprimer et de doubler avec des raisonnements humains ses mystères. De ce fait, il peut paraître excessif de prétendre que Montaigne réserve à Sebond la même hostilité que celle quil adresse aux « nouveaux docteurs », et quil attribue à cet auteur dont il estime le dessein être « plein de piété », la présomption dun rationalisme encore plus extrême que le leur, prétendant à un savoir qui viendrait se substituer à la foi et la dissoudre, la rendant dispensable. En somme, Montaigne namalgame pas cette théologie naturelle de Sebond aux discours dogmatiques des docteurs et doctrinaires qui la méprisent ; il ne la prend que comme support humain, discursif et imaginatif, pour les mystères de la foi chrétienne professée par celui quil défend et par les pieuses dames à qui il dédie son apologie de « leur » théologien.

Il nous semble donc possible de penser que, soit la compréhension montaignienne de la foi chrétienne, soit le discours de la « Théologie Naturelle » (apprécié à partir de cette perspective), se montrent entièrement compatibles avec lhumour non-assertif et antidogmatique du philosophe pyrrhonien. Et sans entrer dans le débat relatif à larticulation du chapitre ii, 12 avec lensemble de lœuvre (sans discuter sil représente, comme le veut Villey, une attitude philosophique passagère de Montaigne), il est assurément possible destimer comme consistante pour cet essai lexpression « fidéisme sceptique », pyrrhonien, ou même « scepticisme fidéiste » (pour ne pas attribuer à aucun des termes de lexpression une fonction proprement adjective). En ce qui concerne ce texte on peut alors, je le pense, rendre à Montaigne, en toute sa plénitude philosophique, son « pyrrhonisme » (« Il na rien en linvention humaine où il y ait tant de vraisemblance et dutilité49 … »), de même que la conception « fidéiste » (avant la lettre) de la nature de la foi chrétienne comme la plus plausible – une compréhension de la foi chrétienne comme illumination référée à une Parole révélée (« une inspiration particuliere de la grace divine50 » qui associe les illuminés autour dun discours) que lintelligence humaine ne 36peut pas « embrasser51 », laissant à limagination du chrétien de « viser par tous ses estudes et pensemens à embellir, estandre et amplifier la verité de sa creance52 ». Léloge des « belles imaginations » de Sebond, certes, ne compromet pas cette compréhension « fidéiste » de la foi, que Montaigne associe, à part entière, à son pyrrhonisme.

Sérgio Cardoso

Université de São Paulo, Brésil

1 In Montaigne, Les Essais de Montaigne, ed. et notes Pierre Villey, Paris, Presses Universitaires de France, 1978.

2 André Tournon, Montaigne, la glose et lessai, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1983, p. 228.

3 Pierre Villey, Introduction et notes, in Montaigne, op. cit., p. 436.

4 Hugo Friedrich, Montaigne, trad. Robert Rovini, Paris, Gallimard, 1968, p. 116.

5 Montaigne, op. cit., p. 441.

6 Ibid., p. 440.

7 Ibid., p. 558.

8 Frédéric Brahami, Le Scepticisme de Montaigne, Paris, PUF, 1997, p. 13.

9 Ibid., p. 50.

10 Villey, Introduction et notes, in Montaigne, op. cit., p. 436.

11 Friedrich, op. cit. p. 117.

12 Ibid., p. 127.

13 Richard H. Popkin, The History of Scepticim, from Savonarola to Bayle, Oxford, Oxford University Press, 2003.

14 Popkin, op. cit., p. 55.

15 Ibid., p. 16.

16 Ibid., p. 47.

17 Ibid.

18 Ibid., p. 49.

19 Ibid., p. 52.

20 Montaigne, op. cit., p. 506.

21 Popkin, op. cit., p. 51.

22 Popkin, loc. cit.

23 Il faut dire au passage quil sagit là dune question qui ne hante pas non plus le travail de Hugo Friedrich, étant donné que son interprétation affaiblit le mordant de la formule « fidéisme sceptique », puisquelle dissout le sens spécifiquement pyrrhonien du scepticisme de Montaigne (cf. Friedrich, op. cit., p. 141 et suivantes) et rejette clairement la « foi pure » à une pure idéalité : « La référence à la foi nest plus une foi – dit-il – mais un acte méthodique ayant pour fin la connaissance des limites de la nature humaine » (ibid., p. 125). La Révélation qui serait accordée à lhomme serait « reçue dans létroitesse des facultés humaines qui ne peuvent tirer de labsolu que du relatif » (ibid., p. 115). Tout se réduit donc pour Friedrich à cette conversion à la relativité humaine (« labsolu possible de la foi sefface sous les preuves quotidiennes de la relativité humaine » – loc. cit.), et à un « conservatisme dordre général » (p. 128) qui amène Montaigne à une soumission formelle au catholicisme.

24 Popkin, op. cit., p. 48.

25 « Those who are familiar with Montaignes Essais may find implausible that the immobility of épochè would be for Montaigne the natural and most favorable human mental state. But it must be remarked that the immobility of épochè is that of the faculty of assenting, that is, holding something as true or false, not of the faculty of reasoning. On the contrary, the mobility of reason is crucial in Montaignes view of the sceptics and of the perfection (in the Aristotelian sense afore mentioned) of reason. “Ils se servent de leur raison pour enquerir et pour debatre, mais non pas pour arrester et choisir” (II, 12, 520). For the reasons indicated above, the faculty of judging (not in the sense of asserting the truth but in the sense of considering and examining) is made perfect by épochè. » (J. R. Maia Neto, « Epoche as Perfection », in J. R. Maia Neto and Richard Popkin, eds., Skepticism in Renaissance and Post-Renaissance Thought, New York, Prometheus Books, 2004, p. 13-42).

26 Popkin, op. cit., p. 51.

27 Terence Penelhum, God and Scepticism, Dordrecht, Kluver, 1983. Terence Penelhum, « Skepticism and Fideism », in Myles Burnyeat, ed, The Skeptical Tradition, Berkeley, Univ of California Press, 1983.

28 « The two morals are patently inconsistent with each other, and is tempting to read Montaigne as though he were hinting at a non-religious meaning by leaving their inconsistency on the very surface of his work » (Penelhum, God and Scepticism, p. 24). « A religion modelled on classical skepticism could only be a very irreligious religion » (Ibid., p. 34).

29 Sérgio Cardoso, « On Skeptical Fideism in Montaignes Apology », in J. R. Maia Neto ; G Paganini ; J. C. Laurson, Skepticism in Modern Age : Building on the Work of Richard Popkin, Leiden, Brill, 2009.

30 Luiz Antônio Alves Eva, Montaigne contra a Vaidade, São Paulo, Humanitas, 2004. Luiz Antônio Alves Eva, A Figura do Filósofo, Ceticismo e Subjetividade em Montaigne, São Paulo, Loyola, 2007.

31 Montaigne, op. cit., p. 445.

32 Cf. André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la Philosophie, Paris, PUF, 1947, p. 776-777.

33 « … car le sceptique donne son assentiment aux affects qui simposent à lui à travers une impression ; par exemple il ne dira pas, alors quil a chaud ou quil a froid, “il me semble que je nai pas froid” » (Sextus Empiricus, Esquisses Pyrrhoniennes, trad. Pierre Pellegrin, Paris, Éditions du Seuil, 1997).

34 Les sceptiques haussent les facultés humaines à sa perfection. La suspension installe un état mental qui, interdisant à lactivité du jugement la précipitation, lassentiment prématuré, lui permet lexamen détaché et désintéressé des doctrines et apporte plein développement et entière liberté à lintellect (voir note 2, p. 4, ci-dessus). Montaigne évoque Cicéron : « hoc liberiores et solutiores quod integra illis est judicandi potestas » (dautant plus libres et plus indépendants quils possèdent entier leur pouvoir de juger) (Montaigne, op. cit., p. 504).

35 Maia Neto, J. R., op. cit. p. 32.

36 Maia Neto. op. cit., p. 32.

37 Montaigne, op. cit., p. 513.

38 Frédéric Brahami, Le Travail du scepticisme. Montaigne, Bayle, Hume, Paris, PUF, 2001, p. 36.

39 Frédéric Brahami, Le Scepticisme de Montaigne, p. 68 (parmi dautres passages).

40 Montaigne, op. cit., p. 518.

41 Montaigne, op. cit., p. 513.

42 Montaigne, op. cit., p. 603.

43 Le mot phénomène doit certainement être pris dans le sens plus large d« apparaître », soit sensible, soit intellectuel, sans écarter même le terme « sentiment », en sagissant dune affection personnelle, un pathos, comme explique Sextus : « … ce que nous met en mouvement en nous affectant et nous conduit nécessairement à lassentiment » (Sextus Empiricus, op. cit., p. 161). Voir également les éclairantes précisions de Roberto Bolzani Filho, Acadêmicos versus Pirrônicos, São Paulo Alameda, 2013, p. 231.

44 « En effet, puisque nous opposons de manière variée – opposant soit des choses qui apparaissent à des choses qui apparaissent, soit des choses pensées à des choses pensées, soit les unes aux autres –, de manière à embrasser toutes les oppositions, nous disons “de quelque manière que ce soit”. Ou “de quelque manière que ce soit” peut être rattaché à “les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées”, si nous ne recherchons pas comment apparaissent les choses qui apparaissent ou comment sont pensées les choses qui sont pensées, mais si nous le prenons simplement » (Sextus Empiricus, op. cit., p. 57)

45 « La participation que nous avons à la connaissance de la vérité, quelle quelle soit, ce nest pas par nos propres forces que nous lavons acquise. Dieu nous a assez appris cela par les témoins quil a choisi du vulgaire, simples et ignorants, pour nous instruire de ses admirables secrets ; notre foy ce nest pas notre acquest, cest un pure present de la liberalité dautruy. Ce nest pas par discours ou par nostre entendement que nous avons receu nostre religion, cest par authorité et par commandement estranger » (Montaigne, op. cit., p. 500).

46 Voir ci-dessus note 6, p. 5.

47 Montaigne, op. cit., p. 441.

48 Montaigne, op. cit., p. 514.

49 Montaigne, op. cit., p. 506.

50 Montaigne, op. cit., p. 440.

51 « [] nostre parole le dict, mais nostre intelligence ne lapprehende point », dit Montaigne (op. cit., p. 528).

52 Montaigne, op. cit., p. 441.