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Classiques Garnier

L’Indien dans les Essais Une figure du relativisme ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2016 – 2, n° 64
    . varia
  • Auteur : Veiga França (Maria Célia)
  • Résumé : La comparaison entre le barbare dessiné dans la Germanie de Tacite et le barbare peint par les Essais nous montrent deux conditions d’homme en vérité très distinctes ; et nous offre, dans le premier cas, un état négatif devant être surpassé, dans le deuxième, un état que nous interpréterons presque comme un idéal humain. Constatation qui, ajoutée à certaines critiques lancées à la religion ou aux chrétiens, nous permet d’esquisser un homme que son scepticisme ne le laisse pas définir.
  • Pages : 143 à 158
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406066323
  • ISBN : 978-2-406-06632-3
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06632-3.p.0143
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/12/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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LIndien dans les Essais

Une figure du relativisme ?

Parler de la nature humaine chez Montaigne pose des problèmes considérables, voire insurmontables. Nous voulons cependant aborder ici quelques questions qui nous paraissent fécondes. Dans notre texte, « Le portrait de lIndien dans les récits de la conquête américaine1 », sur les divers moyens par lesquels les auteurs du seizième siècle établissaient lhumanité ou linhumanité des Américains, nous avons eu loccasion détudier de plus près lun des principaux aspects de lidée dhumanité chez Montaigne. Dans « lApologie » et dans plusieurs autres chapitres, celui-ci démontre limpossibilité daccéder à la connaissance de la nature humaine. À travers son portrait de lIndien, il réfute plus spécifiquement la définition aristotélicienne de la nature humaine par la raison et la sociabilité. Il attribue sans hésiter lhumanité aux Américains, et reconnaît chez eux une rationalité et une sociabilité, même si ce nest pas par sur ces caractéristiques quil se fonde pour affirmer leur humanité.

Pour mieux comprendre la figure de lhomme indigène, nous devons passer par lanalyse du barbare telle que nous trouvons en particulier dans les chapitres « Des Cannibales » et « Des Coches ». Pierre Villey suggérait que, pour Montaigne, toute civilisation, en tant que produit de la raison et de lartifice, était condamnable : ladmiration de Montaigne pour les sauvages relèverait ainsi dune forme de paradoxe visant à exalter lidée de nature, par opposition à lart et à la raison. Il nous paraît cependant que la nature nest pas, chez Montaigne, définie par simple opposition à la civilisation ; et que lestime quil manifeste pour les Indiens ne découle de la seule exaltation de lidée de nature par opposition à lartifice et à la raison, lesquels ne sont pas condamnables en tant que tels, mais relativement à lusage que lon en fait. Ainsi, dans 144le chapitre « Des Coches », les Mexicains et Péruviens font preuve dune civilisation, dune raison et dune technique supérieure.

Selon Villey encore, Montaigne aurait reproduit, avec le cannibale, lidéalisation que lon trouvait déjà dans la Germanie de Tacite, ignorant par là même la spécificité des Américains. Sans dénier la présence de lethnocentrisme dans les Essais, il nous faut prendre en compte les grandes disparités entre les deux types de barbares, afin de faire ressortir la singularité du texte de Montaigne. Tacite cite une ou deux fois les vertus, le courage et la fidélité des Germains, mais cela ne lui suffit pas pour dépasser son regard inflexible sur la rusticité et bestialité de ce peuple. Enfin, Tacite ne fait pas des Germains un modèle, et ses quelques mouvements de sympathie envers eux portent le plus souvent sur de beaux animaux possédant de nobles instincts.

Commençons par la nature comprise comme environnement. Contrairement au continent américain qui, dans les toutes premières années de la conquête, fut souvent confondu avec le paradis terrestre, la Germanie était une terre sans attrait : son paysage ne présentait ni séduction ni grâce, et son climat était rude. Il sagissait dun pays sinistre à habiter et même à regarder2. Si nous nous rappelons quau xvie siècle, la théorie de linfluence du climat sur la nature et sur le caractère des humains était encore dactualité, nous comprenons que la nature exubérante, fertile et féconde ait pu stimuler, au début de la conquête en tout cas, une vision globalement positive du continent américain et notamment de la nature des hommes qui y vivaient. Si nous transposons cette même idée au territoire conquis par les Romains, il est clair que la terre pauvre et froide de la Germanie ne pouvait pas produire des hommes vertueux.

Venons-en aux hommes. Relevons dabord quelques rares passages dans lesquels les Germains sont loués de Tacite. En xviii. i, leur mariage est décrit comme rigide et strict, et ils sont présentés comme les seuls barbares qui se contentent dune seule femme, à lexception dun tout petit nombre qui échappe à la règle en raison de sa noblesse : « Aucun autre aspect de leurs mœurs, suggère Tacite, ne saurait être loué davantage ». Ils nosent pas non plus rire des vices et la corruption nest pas tolérée dans leur société : « Corrompre et être corrompu ne sappelle pas 145être de son temps3 ». Le caractère ironique de cette remarque pourrait inciter à penser que les propos des écrivains sur les Germains ne sont quun prétexte pour critiquer leur propre société. Mais si cette critique est présente, on ne saurait en déduire labsence de vice des Germains ; et ce nest pas non plus dans ce but quelle a été faite. Tacite allègue que : « Là-bas, les bonnes mœurs ont plus de puissance quailleurs les bonnes lois4 ». Plus loin5, Tacite met laccent sur la générosité de leurs réceptions à table et leur hospitalité, qui surpassent celles pratiquées par toute autre race. Sur ce point, dailleurs, le discours de Montaigne à propos des Indigènes se rapproche assez du sien. Une fois ces trois points présentés, offrant une vision assez positive des barbares européens, Tacite poursuit son récit, identifiant labsence dastuce et dhabilité, qui semble se rapporter à un défaut de jugement, surtout si nous regardons la suite qui dit que « cette race a le corps plus dur, les membres plus solides, le visage menaçant et un courage particulièrement vigoureux. Beaucoup, pour des Germains, de calcul et dhabileté6 ». Rien ne reste plus éloigné du dessein de Montaigne qui, tout en mettant en exergue la simplicité des Indiens, souligne la présence chez eux de toutes les facultés intellectuelles qui concourent au développement et la dignité de lhomme, et avant tout à la présence de lentendement :

Et, afin quon ne pense point que tout ceci se fasse par une simple et servile obligation à leur usance et par limpression de lautorité de leur ancienne coutume, sans discours et sans jugement, et pour avoir lâme si stupide qui de ne pouvoir prendre autre parti, il faut alléguer quelques traits de leur suffisance (I, 31, 213)7.

Comme nous venons de le dire, il semble impropre de parler, dans la Germanie, dun tableau idyllique. Même sil en était un, il serait très loin de ressembler à celui des Essais. Pour terminer sur cette peinture « idéale », qui nen est pas vraiment une, du barbare de la Germanie, Tacite souligne8 lignorance du prêt à intérêt et de laugmentation du capital par lusure, que 146lon pourra rapprocher du manque dintérêt des Indiens pour les richesses, démontré par labsence de propriété privée. Or Tacite ne semble pas louer, comme le fait Montaigne, ce manque dintérêt, ni reprocher lavidité de ses contemporains. En ce qui concerne les métaux, tout comme les Indiens dans « Des Cannibales », les Germains nen possédaient pas non plus, ne leur attribuaient pas de valeur ni ne faisaient defforts pour les obtenir. Citons Tacite : « Nous pouvons retrouver, entre les Germains, certains vases en argent offerts en cadeau aux ambassadeurs et notables de leur peuple. Toutefois, ils ne leur attribuaient pas plus de valeur quà ceux quils fabriquaient avec de la terre9 ». Montaigne écrira à son tour : « Dor, ils en avoient peu, et que cestoit chose quils mettoient en nulle estime, dautant quelle estoit inutile au service de leur vie » (III, 6, 911). Cest peut-être là le point qui rapproche le plus ces Germains de nos Indiens, mais nous ne trouvons pas, dans la Germanie, la condamnation de la convoitise des métaux si présente dans les Essais. Ce trait, tout comme lhospitalité, est jusquà un certain point commun à la peinture du cannibale et celle du Germain, mais la réaction des auteurs face à eux nest pas du tout la même.

Un autre parallèle intéressant entre ces peuples concerne la question du courage à la guerre. Dans le cas des Germains, contrairement aux Indiens, cette question est elle aussi intimement liée à celle des richesses. Les deux peuples sont présentés comme très belliqueux ; dans les deux cas aussi, la démonstration du courage est essentielle à létablissement de la valeur et de lhonneur de chaque individu. Mais la lecture de ces deux auteurs montre une différence fondamentale pour ce qui est de lacquisition des biens des vaincus à la guerre. Montaigne célèbre le fait que lacquisition des biens du vaincu ne fasse pas partie des motivations de la guerre indigène, dans la mesure où ces nations abandonnent ces biens là où ils les trouvent. Il nen va pas de même dans le cas des Germains pour qui, selon Tacite, le pillage constitue un mobile essentiel de la guerre :

Nous ne pourrions pas les persuader de travailler la terre ou dattendre la récolte aussi facilement que de provoquer lennemi ou de se blesser à la bataille. Il leur semble quobtenir par la sueur ce quon peut obtenir par le sang est un signe de paresse ou de lâcheté10.

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Labsence dagriculture mentionnée dans le passage cité ci-dessus nous mène à un autre point de divergence entre les deux auteurs, celui de loisiveté. Tacite commente avec un certain mépris le fait que les Germains dédient très peu de temps à la chasse quand ils ne sont pas en guerre, et restent la plupart du temps oisifs : « Tout le temps quils ne passent pas à faire la guerre, ils le consacrent, un peu à la chasse, mais davantage à rester oisifs, à manger et à dormir11 ». Loisiveté germanique na pas dans ce discours les mêmes raisons que celle des Indiens décrits par Montaigne. Ils ne comptent pas, comme ces derniers, sur la bonté et labondance de la nature qui pourvoit à tous leurs besoins essentiels, mais espèrent obtenir le nécessaire grâce à la prodigalité des autres, ce qui déçoit énormément Tacite. Montaigne, quant à lui, présente les cannibales comme des gens qui comptent sur la bonté et labondance de la mère nature, pourvoyeuse de tous les biens essentiels pour ses créatures. Tandis que les Américains sont présentés comme confiants en leur mère nature pour subvenir à leurs besoins, les Germains étaient décrits comme des êtres paresseux qui, tout en négligeant et méprisant les biens, dépensaient ceux des autres grâce à lassistance desquels ils survivent. Rien, dans le texte de Tacite, napproche léloge nuancé de labsence de propriété et du communautarisme indien chez Montaigne. Chez Tacite, labsence de dintérêt des Indiens pour les biens matériels ne sexplique pas par une forme de détachement face aux biens matériels, mais par leur primitivisme et leur condition rudimentaire, comme le montre leur coutume simple et ancienne de ne recourir quau troc des marchandises12. Montaigne fait léloge de ces hommes qui « jouissent encore de cette liberté naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires » et qui « sont encore dans cet heureux point de ne désirer quautant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent » (I, 31, 208). Ici, sont « vives et vigoureuses les vraies, et les plus utiles et naturelles vertus et propriétés » (I, 31, 205). Dans le cas de Tacite, la lecture est différente, puisque les Germains considèrent leur vie actuelle plus heureuse que celle qui consisterait à travailler dans les champs et construire des maisons, et préfèrent « alterner espérance et crainte pour leurs biens et ceux des autres ; en sûreté du côté des hommes, en sûreté du côté des dieux, ils sont parvenus à un état bien difficile, ne pas même avoir besoin de rien souhaiter13 ». Les 148Germains sont enfin « très féroces, abominablement pauvres et très sales, leurs chefs sont engourdis, ils ne possèdent darmes ni de chevaux, leur alimentation est composée de plantes sauvages, leurs vêtements sont les peaux des animaux et leur lit la terre14 ».

Un autre aspect qui sépare les deux textes, est la nudité. Celle des cannibales est une démonstration dinnocence, quelque fois même comparée à celle dAdam. La nudité des Germains nest ni associée à linnocence ni regardée positivement, mais mentionnée de façon très rapide et indifférente juste après une remarque quant à la pauvreté de leurs habits15. Dans le cas des enfants germains, elle est encore immédiatement mise en relation à leur saleté16, caractéristique que Montaigne nattribue jamais aux Américains. Il associe au contraire indirectement la nudité indigène à la propreté : si les Indiens aiment rester nus, cest entre autres parce quils aiment se baigner plusieurs fois dans la journée (nous ne parlons ici que de Montaigne, car bien dautres auteurs diront que les Américains sont eux aussi des êtres immondes).

La référence à lhabitation du Germain participe, elle aussi, dune vision assez rudimentaire de ces nations, surtout si nous avons à lesprit lidée dAristote selon laquelle la maison et, plus encore, la vie en société sont les marques premières de lhumanité. La mention par Tacite du domicile des Germains présente, elle aussi, ce peuple comme éloigné dune plénitude de lhumanité, dont les marques principales sont, comme pour Aristote, la ville et la vie en société. Citons Tacite :

Que les peuples germains nhabitent pas de villes est suffisamment connu, et quils ne supportent même pas des maisons contiguës ; ils ont des demeures séparées, isolées, selon quils ont été séduits par une source, une plaine, un bosquet. Ils arrangent leurs bourgs non pas, comme nous le faisons, en plaçant les maisons côte à côte et tenant lune à lautre : chacun entoure sa maison dun espace vide, soit pour se protéger contre les risques dincendie, soit par ignorance de lart de construire17.

Les Germains nont donc pas de maison18. Pire encore : leurs « demeures » sont éloignées les unes des autres, car ils fuient le contact 149humain, ne regardant que le bienfait de la nature du lieu quils choisissent. Ils fuient tout contact humain, au contraire des cannibales de Montaigne, qui vivent dans une sociabilité intense.

Tous les deux peuples sont dits « sans roi, sans loi, sans blé et sans métal ». Or, chez les barbares européens, cette absence se fait inhumaine, ce qui les rapproche du barbare mentionné par Aristote. Mentionnons encore la présence du sacrifice humain : « Ils regardent comme légitime doffrir même des victimes humaines19 ». Les barbares américains qui, pour les uns (Mexicas…), faisaient aussi des sacrifices humains, pour les autres (Tupinambas…), mangeaient leurs prisonniers de guerre, Montaigne atténue les deux traditions, tournant son regard réprobateur vers les Européens qui torturent leurs victimes avant de les tuer :

Je pense quil y a plus de barbarie à manger un homme vivant quà le manger mort, à deschirer, par tourmens et par geénes, un corps encore plein de sentiment, le faire rostir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous lavons, non seulement leu, mais veu de fresche memoire [] entre des voisins et citoyens, et, qui pis est, sous pretexte de piété et de religion), que de le rostir et manger apres quil est trespassé (I, 31, 209).

La soi-disant absence de roi constitue aussi un thème récurrent chez Tacite, puisque la nation des Gothons qui, elle, a un roi, est digne dêtre mentionnée20. Un dernier élément qui témoigne de leur barbarie est labsence dagriculture, indiquée en même temps que labsence de maison21. Tacite signale tout de même une exception dans ce cas, évoquant une certaine nation qui cultive le blé et quelques autres produits « avec plus de persévérance que ne comporte la paresse habituelle des Germains ». Si cela peut passer pour un éloge, la suite du texte nous détrompe assez vite. Tacite prend lexemple de lambre jaune qui nétait ni connu, ni utilisé, donc ni valorisé par les Germains, pour illustrer leur ignorance (ignorance quil na rien dune ignorance socratique), ainsi que leur manque dattention et de réflexion : « Quelle en est la nature, quest-ce qui le produit, ils ne se le demandent pas, et ne lont pas découvert – ce qui est naturel de la part de barbares ; bien plus, longtemps il restait sur le rivage, parmi tout ce que rejette la mer, jusquau moment où notre 150amour pour le luxe a fait son renom22 ». Pour finir, essayons de mieux comprendre lintéressante description que Tacite fait des Fennes. À la fin de cette citation, il fait une observation qui dans un autre contexte ou sous une autre plume pourrait être interprétée comme un éloge :

Mais ils trouvent cette vie plus heureuse que de peiner sur les champs, travailler à construire des maisons, alterner espérance et crainte pour leurs biens et ceux des autres ; en sûreté du coté des hommes, en sûreté du coté des dieux, ils sont parvenus à un état bien difficile, ne pas même avoir besoin de rien souhaiter23.

Cette dernière phrase semble en effet assez proche de celle qui figure dans « Des Cannibales » où Montaigne souligne quils sont encore en cet heureux point, de ne désirer quautant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent, tout ce qui est au-delà leur paraissant superflu. Cette impression de proximité des textes nest possible que si lon lit directement la fin du passage de Tacite, comme nous lavons fait, car si nous lisons le début nous ne pouvons pas nous tromper sur je jugement de lauteur :

Les Fennes sont extraordinairement féroces, abominablement pauvres ; tous sont sales, les chefs engourdis ; ni armes ni chevaux ni domicile fixe ; comme nourriture, des plantes sauvages, pour vêtement des peaux de bêtes, pour lit, la terre. Ils se fient entièrement à leurs flèches, que, par manque de fer, ils munissent dune pointe dos24.

Dans lintroduction du chapitre « Des Cannibales », Villey soutient lidée selon laquelle Montaigne reprend, dans ce texte, la caractérisation des Germains par Tacite pour ladapter aux Indiens. Quelques auteurs vont même plus loin en disant que Montaigne ne va pas au-delà de cet emprunt, que sa description ignore absolument la réalité indigène et que, par ailleurs, en tant quethnocentriste, il na aucun intérêt à la comprendre et nentreprend pas de faire. Revenons à la lecture de Villey : Montaigne procéderait à une idéalisation du sauvage à la manière de la Germanie de Tacite, sinscrivant dans une ancienne tradition chère aux moralistes. Selon lui, cette tradition ne serait que peu représentée 151au xvie siècle, mais persisterait dans un courant continu dœuvres va de Montaigne à Rousseau. Comme pour le promeneur solitaire, Villey souligne que pour Montaigne, la civilisation tout entière, en tant quartifice produit de la raison, est condamnable. Il justifie cette interprétation en faisant valoir que ladmiration de Montaigne pour les sauvages est la forme paradoxale que prend lexaltation de lidée de nature par opposition aux idées dart et de raison. Nous ne pouvons ici nous attarder sur le rapprochement intéressant entre notre auteur et Rousseau, et devrons nous limiter à lévoquer dans la mesure où il peut nous aider à éclairer la pensée de Montaigne. Si linfluence du texte de Montaigne sur Rousseau, notamment pour ce qui est de lélaboration de son « bon sauvage », est indéniable, cela ne veut pas dire quil y ait un accord sur le contenu des deux concepts (le bon sauvage rousseauiste et lIndien montainien). La nature chez Montaigne nest pas lopposé dune civilisation condamnable parce que produit de la raison et de lartifice, la raison et lartifice nétant pas condamnables en tant que tels. Ladmiration pour les sauvages ne relève pas dune exaltation de lidée de nature par opposition aux idées dart et de raison ; cela apparaît encore plus vrai si nous prenons en compte la reprise de ces thématiques dans le chapitre « Des Coches », où nous retrouvons une construction de lIndien. Il y a chez Rousseau deux figures de lhomme de la nature : Émile et lhomme sauvage. Lhomme sauvage de Rousseau nest pas lIndien de Montaigne, et létat de nature dans lequel ils vivent diffère également. Létat de nature chez Rousseau est un principe, un moment zéro servant de point de départ aux hommes, alors que pour Montaigne il est proche dun certain idéal dhumanité. Nous voyons lécart entre les deux, puisque lhomme de nature dans le cas de Rousseau est défini par le manque, alors que dans le cas de Montaigne, il lest par la plénitude. Compris dans cette perspective, lhomme de létat de nature ne peut pas recouvrir la même réalité chez ces deux auteurs.

Revenons au parallèle avec Tacite, qui nous intéresse davantage dans ce passage. Lindien serait la reproduction de la caractérisation des Germains. Selon nous, cette interprétation est inexacte. Nous avons pu voir précédemment, lors de la caractérisation détaillée des Indiens de Montaigne, quil construit un personnage noble et louable, ou même vertueux. En outre, son but principal nest pas de faire un portrait généreux des Indiens dans le but de critiquer sa propre société et den manifester 152la corruption. Cela se produit bien entendu dans les Essais, mais cest à nos yeux une conséquence et non le dessein principal de louvrage. Or ceux qui proposent de voir dans les Indiens de Montaigne une réplique des Germains de Tacite se fondent sur ce point. Les modernes percevaient en Tacite un moraliste qui censurait les mœurs de ses contemporains, et exaltait la conservation dans ces nations dun état de nature antérieur à la corruption moderne.

Nous suivrons sur ce point Pierre Grimal qui, dans sa notice introductive25, affirme que, sil est exact que Tacite insiste une ou deux fois sur les vertus, le courage ou la fidélité de ces peuples, cela ne suffit pas à surmonter lintransigeant regard quil porte sur la rudesse ou la bestialité de ces gens :

Ce qui est, avec le même vocabulaire, lidéal du sage stoïcien et, naturellement, celui du cynique. Poussée à la limite, lascèse des philosophes conduit à une totale bestialité. Ou plutôt, celle-ci a pour effet ultime de reproduire lenseignement des philosophes. On sait que Tacite naime guère ceux-ci. Il nest donc pas possible de soutenir que Tacite donne les Germains en exemple. Les mouvements de sympathie que lon croit discerner chez lui vont, pourrait-on dire, à ces beaux animaux, riches des instincts les plus nobles, que sont les guerriers germains à ses yeux.

Comme nous venons de le dire, il semble impropre de parler ici dun tableau idyllique ; même sil en est un, il est très loin de ressembler à celui des Essais. Passons aux métaux : de même que les Indiens dans « Des Cannibales », ils nen possèdent pas ; de même que les Indiens de toute lAmérique, ils ne leur attribuent aucune valeur et ne se préoccupent pas den acquérir : « On peut voir chez eux des vases dargent, offerts en présent à des ambassadeurs et des notables de leur peuple, mais auxquels ils nattribuent pas plus de valeur quà ceux que lon fabrique avec de la terre26 ». Cest peut-être là le point qui rapproche le plus ces Germains de nos Indiens : mais nous ne trouvons pas en contrepoint, dans la Germanie, la censure de la convoitise des métaux, qui est si présente dans les Essais. Un autre aspect intéressant est la question du courage à la guerre, les Germains, comme les Indiens, étant présentés comme des peuples très guerriers : dans les deux cas la démonstration du courage est fondamentale pour établir la valeur de chaque homme.

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Nous nous sommes limités à ces quelques exemples significatifs pour tenter desquisser le portrait du Germain. Sil est vrai que les deux auteurs font léloge de certains traits des barbares en vue de critiquer la société dans laquelle ils vivent, dans le cas du Bordelais, cette critique ne nous semble pas constituer le but premier de lauteur. Sil a, comme nous le pensons, considéré les Germains comme des hommes sauvages (au sens où Rousseau construit son sauvage), Montaigne sen éloigne encore plus. Nous ne pouvons dès lors dire que lIndien de Montaigne descend du Germain de Tacite, même si le texte de ce dernier ait pu avoir une certaine influence sur sa pensée.

Il est vrai que nous retrouvons chez ces deux auteurs les mêmes thématiques, comme on les trouverait chez presque tous les auteurs qui décrivent des nations considérées comme barbares. Mais, en nous penchant sur les deux textes, nous remarquons quau-delà des termes, il ny a aucune proximité entre les propos et les intentions. Contrairement à Tacite, qui fait léloge de deux ou trois traits de la vie des Germains (qui restent de façon générale des barbares paresseux, négligents, rudes et féroces), le « barbare » de Montaigne comprend plusieurs caractéristiques quil considère comme essentielles à la plénitude humaine telle quil la comprend. Un parallèle sur ce point avec la morale chrétienne primitive pourrait se révéler fécond : Montaigne refuse la conquête telle quelle a eu lieu (nous ne parlons pas de sa position sur la colonisation prise en elle-même) ; il refuse par ailleurs lévangélisation des Indiens – or, les deux prétextes utilisés par les conquérants pour justifier la colonisation de lAmérique étaient quil fallait apporter la civilisation et la vraie religion aux barbares.

Si le portrait de lIndien dans « Des Cannibales » et « Des Coches » ne se réfère pas à une nature de lhomme, il propose cependant un modèle louable, faisant appel à des valeurs à la fois différentes de et supérieures à celles des Européens. En ce qui concerne la civilisation européenne, Montaigne montre que les Indiens nen avaient nullement besoin, les Européens ayant surtout apporté avec elle une infinité de vices. Examinons ce point de plus près. Encore commandée par les lois naturelles dans une pureté et simplicité merveilleuses, leur société était maintenue avec peu de soudure humaine et permettait aux individus davoir une condition heureuse (I, 31, p. 206). Se contentant des moyens fournis par leur mère nourricière, les cannibales vivaient en labsence de 154richesses et de biens matériels, dans une vie communautaire qui ne laissait pas de place à la cupidité. Labsence de science scolastique, pouvant être la source de la plus grande hybris, les maintenait dans lhumilité, et ils vivaient avec simplicité, bonté, loyauté et fraternité27, sans connaître le mensonge, la trahison, la dissimulation, lavarice, lenvie, la médisance et loffense. Que dire alors de la magnificence des Mexicains et des Péruviens ? Ceux-ci, en plus dune excellente industrie, de la dévotion et lobservance des lois, avaient la même insouciance pour les richesses, la même clarté desprit naturelle, la même libéralité, franchise, courage et constance que les premiers. Aux yeux de Montaigne, la différence essentielle entre Tupinambas, Incas et Mexicas concernait la technique. Pour ce qui était des valeurs, elles leur étaient communes.

La civilisation ne leur manquait donc pas. En revanche, on pourrait dire que labsence de la religion chrétienne leur était néfaste, puisque sans elle, ils ne pouvaient obtenir le salut. Pour ce qui est de lévangélisation, Montaigne ne la mentionne pas. Dans un autre contexte, peut-être aurait-il souhaité que les Indiens la reçoivent : de fait, il ne lenvisage pas, quoique ce ne soit pas à cause de la barbarie des Indiens, et que rien nindique quil partageait lavis de ceux qui les considéraient incapables de recevoir la foi. Lobstacle réside pour lui plutôt dans le fait que les chrétiens nétaient pas assez vertueux pour la leur apporter. La critique par Montaigne de la vie corrompue menée par les chrétiens peut nous faire conclure qui ne pouvaient pas servir dexemple de vertu chrétienne aux païens. À commencer par les conquérants espagnols, dont la finalité navait rien de pieuse28 – et, la foi sans les œuvres est stérile29.

Nous retrouvons la critique faite aux chrétiens (et non à la religion chrétienne) dans le chapitre « Des Prières ». Lerreur des chrétiens est précisément de ne pas accompagner la foi quils professent par des actions qui la démontrent. Montaigne sindigne face au recours à Dieu en tout dessein et en tout besoin, sans la moindre considération de la justice ou injustice de loccasion, et à linvocation de son nom et de sa puissance dans nimporte quel état ou pour appuyer nimporte quelle action vicieuse, souhaitant que lon sadresse à Dieu avec révérence et 155respect30. La justice et la puissance sont inséparables, nous dit-il (en forçant peut-être lorthodoxie), et cest en vain que nous implorons sa force en une mauvaise cause. Plus encore, il faut avoir lâme nette et déchargée des passions vicieuses, au moins au moment auquel nous le prions31.

Passons à « lApologie », dans la défense de Sebond contre la première objection, qui blâme certains chrétiens de vouloir appuyer leur croyance sur des raisons, alors quelle devrait être conçue par foi et inspiration particulière de la grâce. Quoi que ce soit une entreprise très honorable daccommoder au service de la foi toutes les facultés naturelles que Dieu a donné à lhomme, et donc daccompagner la foi de toute la raison qui est en lui, il ne faut jamais, répond Montaigne en substance, croire que cette foi dépend de lhomme et que les efforts humains puissent atteindre une science si divine. La foi na toute sa dignité que lorsquelle entre par une infusion extraordinaire : elle est alors soutenue avec une fermeté inflexible et immobile32, et la personne est illuminée dune noble clarté dans ses paroles et plus encore dans ses actions. Or, dans la pratique, cest tout le contraire qui se passe33. Les chrétiens devraient être les plus vertueux des hommes : en ce cas, ils seraient peut-être légitimés à évangéliser les Indiens. Le problème est quils ne le sont pas, et que, au contraire, ils se montrent remplis de vices34. Ils nincarnent donc pas lexemple de vertu qui serait nécessaire pour attirer les païens à leur croyance : ils ne sont donc pas les brebis au milieu des loups.

Si la marque céleste de la foi infusée de façon extraordinaire quest la vertu ne se trouve pas chez les chrétiens, cela montre quelle est reçue par liaison humaine. Montaigne ne sintéresse pas de la grâce, qui nest pas de sa compétence35 – ce qui nimplique nullement quil ait une vision relativiste de la religion catholique. Si la grâce na pas été infusée de façon divine chez tous les individus qui professent cette foi, cela regarde la divinité, non les individus qui ne peuvent comprendre cela. La foi nen est pas moins vraie. Et Montaigne ne se montre pas relativiste parce que, malgré le fait que les religions soient dans la 156plupart des cas adoptées par lobservation de lusage du lieu où lon est, il nadmet pas léquivalence des valeurs et des règles morales36 des unes et des autres. Le fait quil montre du respect ou de la révérence face aux pratiques religieuses ancestrales, par exemple, ne veut pas dire quil accepte quelles aient le même fondement que la parole divine. Les sacrifices humains accomplis dans la plus grande dévotion par les Mexicas ne seront jamais mis sur un pied dégalité avec les pratiques catholiques. Ce qui ne veut pas dire que toute pratique et coutume non chrétiennes soient blâmables.

Les chrétiens, qui devraient suivre les lois et les commandements divins – alors même quils ne peuvent les comprendre – pour accomplir leur humanité, ne sont pas capables de les pratiquer et agissent de façon contraire à la morale chrétienne. Les lois naturelles, dont lexistence semble être acceptée de Montaigne37, en particulier dans l« Apologie », ne sont cependant pas accessibles à lhomme, en partie à cause de sa raison allongeable et ployable et de son esprit sans bornes. Les lois humaines, quoiquaccessibles, sont désignées dans plusieurs chapitres, dont le chapitre « De lexperience », comme fausses et injustes38. Si, pour Montaigne, lhomme ne trouve ni dans les lois divines, ni dans les lois naturelles, ni dans les lois humaines une définition claire et certaine de sa nature ou un guide sûr pour sa conduite : que doit-il faire pour saccomplir en tant quhomme ? Comment définir les limites de son humanité ? Nous est-il alors défendu de parler de lhomme dans les Essais ? Nous ne le croyons pas : Montaigne défend vivement certaines valeurs, qui nous laissent entrevoir un chemin pouvant mener à un idéal de lhomme.

Sil est vrai que la pensée pyrrhonienne est présente chez Montaigne, qui préconise une suspension du jugement lorsquil sagit de lordre de la connaissance, nous ne croyons pas la retrouver lorsquil sagit de lordre de la conduite. Resterait loption de suivre une lecture académicienne de son scepticisme, selon laquelle il adopterait les valeurs qui lui sembleraient avoir plus dapparence de vérité que les autres. Aussi séduisante que soit cette lecture, nous ne voyons pas non plus Montaigne défendre ces « vertus » en tant que représentations plus vraisemblables et faire du probable un critère daction. Reste que la seule vérité que Montaigne pourrait accepter 157en tant que telle est la parole divine offerte par le livre sacré. La parole des hommes, aussi sages soient-ils, doit toujours être mise en doute, mais la parole divine, au contraire, ne devrait jamais être mise en doute. Lorsque Montaigne entend, par exemple, des stoïciens quil faut rechercher la constance, même si cela lui paraît vraisemblable, il ne pourra affirmer la vérité de cette valeur, sous peine de priver son jugement du droit de prononcer ses propres arrêts, en suivant la mobilité de ses opinions39. Si, en revanche, la Bible lui enseigne que la constance fait partie des vertus chrétiennes et quil faut sefforcer de latteindre, il ne le met pas en doute.

Dun évangile à lautre, certaines formules de conduite se trouvent inlassablement réitérées, par les évangélistes eux-mêmes ou par le Christ, telles par exemple la communauté des biens40, lhumilité41, la simplicité42, la bonté, la charité43, la loyauté44 et la constance45. Or ces éléments correspondent fidèlement aux traits que Montaigne retrouve et loue chez les Américains. Nous pensons pouvoir parler ici dun ensemble de valeurs qui mènent au perfectionnement de lhomme, et qui, par là même, construisent sa nature.

Ce modèle établi et donné par Dieu nous met face à deux problèmes distincts. Le premier, amplement discuté par Montaigne, réside dans le fait que la majorité des chrétiens naient pas la grâce infuse et ne suive pas ce modèle, ni ne puisse travailler à la construction cette nature humaine perfectionnée. Les Essais répondent ici de façon nette : il nest pas en notre pouvoir de connaître les raisons divines46. Nous ne devons pas nous enquérir des mystères de Dieu, qui doivent rester tels. Lhomme ne peut pas avoir accès à la nature des choses, ni encore à la sienne, et il ne peut pas non plus connaître la raison divine. Or il doit se contenter de mener sa vie dhomme dans limperfection, dans le doute, mais en sefforçant tout de même de se conduire de la meilleure façon possible ; ce qui ne veut pas dire quil doit vivre de façon béatifique, mais de préférence en ne faisant pas tort à autrui.

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Le deuxième point, que Montaigne ne nomme pas, et qui pourrait difficilement être résolu sans aller au-delà des limites de lorthodoxie, réside dans le fait que de trop nombreux païens, en différents lieux et en différents temps, aient suivi ce modèle ordonné par un Dieu quils ne connaissaient pas. Sil est vrai que le problème nest pas posé de façon explicite dans les Essais, et sil est aussi vrai que Montaigne ne dit pas que ces hommes vertueux quil présente tout au long des chapitres tiennent ce modèle de la raison ou de la nature, il faut cependant admettre quil ouvre la voie aux auteurs qui sinspireront de lui pour retrouver ce modèle dans la nature ou dans la raison humaine, et pourront se passer dun Dieu qui, dans les Essais, se fait selon nous encore présent.

Maria Célia Veiga França

Faculdade Cidade de João Pinheiro, Brésil

1 « O Selvagem como figura da natureza humana : o discurso da conquista americana », à paraître. Recherche développée lors dun post doc à lUniversité Fédérale de Minas Gerais, sous la direction de Telma de Souza Birchal.

2 Tacite, Germanie, II, 2, in Œuvres Complètes, édition et traduction du latin par Pierre Grimal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1990.

3 Ibid., XVIII. 3.

4 Ibid., XVIII. 6.

5 Ibid., XXI. 2.

6 Ibid., XXX. 2.

7 Les citations des Essais utilisées dans ce texte suivront lédition Villey-Saulnier (Paris, PUF, 2004).

8 Tacite, op. cit., XXI. 51.

9 Ibid., V. 4.

10 Ibid., XIV. 5.

11 Ibid., XV. 1.

12 Ibid., V. 4.

13 Ibid., XLVI. 6.

14 Ibid., XLVI. 6.

15 Ibid., XVII. 1.

16 Ibid., XX. 1.

17 Ibid., XVI. 1.

18 Ibid., XXXI. 5.

19 Ibid., IX. 1.

20 Ibid., XLIV. 1.

21 Ibid., XXXI. 5.

22 Ibid., XLV. 4.

23 Ibid., XLVI. 5.

24 Ibid., XLVI. 3.

25 Ibid., p. 829.

26 Ibid., V. 4.

27 Essais, I, 31, 210.

28 Essais, III, 6, 913.

29 La Bible. Nouveau Testament, trad. Jean Grosjean, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1971. Jc 2, 14.

30 Essais, I, 56, 318.

31 Ibid., 319.

32 Essais, II, 12, 441.

33 Ibid., II, 12, 442.

34 Ibid., II, 12, 444.

35 Ibid., II, 12, 445.

36 Ibid., II, 12, 579.

37 Ibid., II, 12, 580.

38 Ibid., III, 13, 1070-1072.

39 Expression de Charles Larmore dans Vincent Carraud, Montaigne, scepticisme, métaphysique, théologie, Paris, PUF, 2004, p. 26.

40 Act 2, 44.

41 Rom 12, 3-15.

42 I Cor 2, 1.

43 I Cor 13, 4.

44 II Cor 4, 2.

45 Fil 1, 27.

46 Essais, I, 27, 180.