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Classiques Garnier

Résumés

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RéSUMéS/ABSTRACTS

Élisabeth Schneikert, « À propos de la traduction “erronée” de Plutarque par Amyot »

Lors dun dîner à Rome, Montaigne participe à une discussion où les convives examinent la traduction de Plutarque en français. Ce passage du Journal est tout à fait singulier, puisquil prend en défaut Amyot, qui a toute ladmiration de Montaigne, sur des points qui font précisément la qualité exceptionnelle de sa traduction. La façon daborder lerreur dans le texte dAmyot est une expérience philologique par laquelle se voit définie et ajustée en creux la propre poétique de lessayiste.

During a dinner in Rome, Montaigne takes part in a discussion during which the guests examine the French translation of Plutarch. This passage of his Travel Journal is absolutely remarkable, since, while Montaigne shows great admiration for Amyot, it catches out the latters translation on points which precisely create the exceptional quality of the text. The way Montaigne tackles the notion of error in Amyots text is a philological experience through which the essayists poetics are defined.

Concetta Cavallini, « Straccinò, stracinò, stracciò ou tormentò ? Encore sur les erreurs (ou prétendues telles) de litalien de Montaigne »

Larticle analyse la partie italienne du Journal de voyage de Montaigne (1774) et la possibilité de lexistence des « erreurs linguistiques » à travers lexemple de linterprétation et de la traduction du verbe « straccinò ». Larticle se pose aussi la question des livres/manuels que Montaigne pourrait avoir utilisés pour apprendre ou améliorer son italien. Delle phrasi thoscane (1566) de G. Montemerlo présente avec le texte italien du Journal plusieurs analogies qui stimulent la réflexion.

The article analyzes the section of Montaignes Journal de voyage (1774) written in Italian and points out the possibility of frequent linguistic misunderstandings through

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the analysis of the interpretation and of the translation of the verb “straccinò”. The article also offers an insight into the books that Montaigne could have read in order to improve his Italian language. Montemerlos Delle phrasi thoscane (1566) has several points in common with Montaignes text that should be analyzed.

Armelle Andrieux, « La “trouppe errante et desvoyée au sentier de perdition”. Lerrance comme représentation spatiale de lerreur »

La métaphore spatiale de lerrance est souvent proche des allusions à lerreur. Lévocation de la fuite devant la peste est un des passages révélateurs. Montaigne sappuie sur la réflexion médicale dalors parasitée par le discours biblique, mais sa fuite annonce aussi celle de Charlotte Duplessis-Mornay devant les massacres de la Saint-Barthélemy. Lerrance, image de lerreur spatialisée, est un vagabondage dont il faudrait sécarter, mais elle peut également annihiler lerreur par lécriture.

The spatial metaphor of wandering is often near to allusions to error. The evocation of flight in front of the plague. Montaigne relies on the medical thought of the time which was influenced by the biblical discourse, but his flight somehow forecasts that of Charlotte Duplessis-Mornay in front of St Bartholomews Day massacre. Wandering is an image of spatialised error and that it is also a form of vagrancy to be avoided, but that may annihilate error too by writing.

Bérangère Basset, « Erreur/vérité, mensonge/sincérité, dÉrasme à Montaigne »

Larticle confronte les usages, au xvie siècle, du couple erreur/vérité à ceux du couple mensonge/sincérité. Cette étude lexicologique sappuie sur le texte des Adages dÉrasme et sur celui des Essais de Montaigne pour essayer de déterminer les liens et les tensions entre une appréciation gnoséologique de lerreur et une appréciation morale de cette même notion. Elle vise à montrer que lerreur, dans lordre du langage, se pose en termes éthiques.

This development compares the uses of error/truth with theses of lie/sincerity in the literature of the xvie century. Based on the Erasmes Adages and the Montaignes Essays, this lexicological study tries to determinate the links between error and lie, between a gnoseological approach and an ethical one. We aim to demonstrate that error, in the language, is envisaged in ethical terms.

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Olivier Guerrier, « “La vérité nest jamais matière derreur” »

Cet article entend analyser le sens de la formule « La vérité nest jamais matière derreur » du chapitre « De lexercitation » des Essais, et en tester la fécondité à léchelle de lœuvre entière. Il passe donc dune enquête in abstracto à une lecture du contexte où elle prend place, pour ensuite de nouveau la délocaliser en lappliquant à dautres aspects et enjeux que ceux qui la caractérisent dans le chapitre 6 du Livre II.

This article intends to analyze the meaning of the phrase “La vérité nest jamais matière derreur” in the chapter “De lexercitation” of the Essais, and test its fertility throughout the entire work. So goes an investigation in abstracto to a reading of the context in which it takes place, then relocate again by applying it to other aspects and issues as those which characterize it in the Chapter 6 of Book II.

Valérie M. Dionne, « “Errare humanum est” ou la monstrueuse errance des Essais »

Penser le monstre comme erreur incite le sujet à questionner la normalité, repenser le moi, la norme, la nature et les superstitions. Pour Montaigne, ceci lui permet de réexaminer lordre naturel dans un contexte de crise épistémologique et de reconsidérer la nature selon une conception épicurienne pluraliste, juste et tolérante. Cest en optant pour lignorance socratique des phénomènes quil en conclut que le monstre est absent de la nature et nexiste quen lhomme.

To envision the monster as error encourages the subject to question normality, the self, norms, nature, and superstitions. For Montaigne, it facilitates a reassessment of the natural order in a context of an epistemological crisis, and a reconsideration, in accordance with Epicurean principles, of a diverse, just and tolerant nature. While opting for a Socratic ignorance of natural phenomena, Montaigne concludes that the monster is absent from nature and only exists in the human mind.

Bernard Sève, « Mieux sinstruire “par fuite que par suite”, ou comment user des erreurs dautrui »

Montaigne soutient quil se réforme mieux « par fuite que par suite » : les fausses notes dun mauvais musicien me ramènent plus sûrement au sens de lharmonie que dentendre un bon musicien. Il existe un privilège paradoxal, à la fois cognitif et dynamique, du mal sur le bien, de lerreur sur la vérité. Cette idée consonne avec lontologie de la différence exposée dans les Essais ;

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mais son lien avec le contenu du chapitre « De lart de conférer », auquel elle sert dincipit, reste quelque peu énigmatique.

In the very beginning of the chapter “Of the art of confering”, Montaigne holds that he better instructs himself “by avoiding than by imitation”. Evil and error have thus a paradoxical advantage on good and truth, an advantage of a cognitive and dynamic nature. Although this idea is consistent with the Montaignes ontology which confers much more importance to difference than to identity, its connection with the rest of the chapter “Of the art of confering” remains somewhat mysterious.

Joan Lluís Llinàs, « La place de lerreur dans la philosophie de Montaigne »

De lanalyse des Essais nous pouvons repérer trois genres derreur philosophique : lerreur cause de la prétention à atteindre la vérité, lerreur du procédé du jugement, et lerreur de reconnaissance du jugement. Mais si lon considère la philosophie de Montaigne comme une forme de vie, la seule erreur possible pour lauteur est le manque de fidélité à soi-même. Pour le lecteur qui prend les Essais comme une expérience pour mieux régler sa vie, lerreur nexiste pas.

We find three kinds of errors in the analysis of the Essais : the error caused by the claim to get the truth ; the error caused by the judgement process, the error caused by the recognition of the judgement. However, if we consider the philosophy of Montaigne as art of living, the only error for the author is the lack of faithfulness to himself. For the reader, which considers the Essais like experiences for set his life, the error doesnt exist.

Nicolà Panichi, « De lerreur. Entre épistémologie et morale »

Le problème de l« erreur » est envisagé par Montaigne obliquement et se concentre sur deux pôles, épistémologique et moral, avec des nuances et des renvois de poids. Le premier pôle se catalyse sur le concept de science et de méthode, le deuxième sur linstance éthique. Mais un décalage supplémentaire se produit aussi du plan gnoséologique au plan moral. Lerreur naît de lincapacité de confesser notre ignorance qui est le visage authentique de la science.

The problem of « error » is contemplated by Montaigne obliquely and with a focus on two poles : the epistemological one and the moral one – as well as with some nuances

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and transfers of meaning. The first pole is concerned with the concept of science and method, the second with the ethical claim. However, another shift is also produced from the epistemic level to the moral one. The error originates from the incapability to confess our own ignorance, this being the authentic face of science.

Thierry Gontier, « Les idoles, de Montaigne à Bacon »

Bacon est lun des premiers philosophes à avoir tenté une étiologie psychologique systématique de lattachement de lesprit humain à lerreur. Nous montrons ici en quoi les « idoles » baconiennes se rattachent à certaines thématiques sceptiques des Essais de Montaigne. Pour les deux penseurs, quoiquen des sens différents, lerreur provient dune inquiétude naturelle de lesprit humain, qui appelle en retour une forme de discipline à travers un attachement aux données de lexpérience.

Bacon is one of the first philosopher to attempt a systematic psychological etiology of the attachment of the human mind to error. I identify here some of the features by which the Baconian « idols » tie up with certain skeptical themes of Montaignes Essays. For both thinkers, although in different senses, the error is due to a natural anxiety of human mind, which in return requires a form of discipline through an attachment to the data of experience.

Raffaele Carbone, « Lerreur et létonnement chez Montaigne et Spinoza »

Nous thématisons, en premier lieu, le problème de la connaissance dans les Essais. En deuxième lieu, nous examinons les passages où Montaigne parle de lerreur et de létonnement. Ensuite, nous analysons des textes spinoziens sur lerreur et létonnement qui donnent lieu à une comparaison entre les deux auteurs. Pour conclure, en évoquant deux grandes doctrines sur la nature de lerreur, nous montrons les similarités et les différences entre les positions respectives de Montaigne et de Spinoza.

We thematize, at first, the problem of knowledge in Montaignes Essays. Secondly, we consider some passages where Montaigne refers to the error and the astonishment. Then we analyze the spinoziens texts about the error and astonishment that give rise to a comparison between the two authors. In conclusion, invoking two great philosophical doctrines on the nature of the error, we show the similarities and differences between the respective positions of Montaigne and Spinoza.