Aller au contenu

Classiques Garnier

L’erreur et l’étonnement chez Montaigne et Spinoza

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2016 – 1, n° 63
    . varia
  • Auteur : Carbone (Raffaele)
  • Résumé : Nous thématisons, en premier lieu, le problème de la connaissance dans les Essais. En deuxième lieu, nous examinons les passages où Montaigne parle de l’erreur et de l’étonnement. Ensuite, nous analysons des textes spinoziens sur l’erreur et l’étonnement qui donnent lieu à une comparaison entre les deux auteurs. Pour conclure, en évoquant deux grandes doctrines sur la nature de l’erreur, nous montrons les similarités et les différences entre les positions respectives de Montaigne et de Spinoza.
  • Pages : 181 à 197
  • Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406060871
  • ISBN : 978-2-406-06087-1
  • ISSN : 2261-897X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06087-1.p.0181
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 06/08/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
181

Lerreur et létonnement
chez Montaigne et Spinoza

Lerreur : approches et perspectives

La question de lerreur en philosophie peut être abordée sous différents angles et convoquer plusieurs domaines : le champ logico-linguistique, celui de la métaphysique et de lépistémologie, où elle sarticule avec la notion de vérité, le domaine de léthique et celui de la religion. « Les logiciens et les moralistes – écrivait Victor Brochard – se sont souvent occupé des erreurs, les uns pour en déterminer les diverses espèces et dresser la liste des sophismes, les autres pour découvrir dans la variété complexe des sentiments et des passions les influences qui faussent le jugement et expliquer par les entraînements du cœur les égarements de lesprit1 ». Mais aussitôt il posait un problème logique et métaphysique : comment lerreur est-elle possible en des intelligences qui sont capables de connaître la vérité, comment apparait-elle sous tant de formes diverses ? Aux yeux de Brochard, la solution de ce problème est importante afin de mesurer la portée de lesprit humain, à plus forte raison si lon considère que le nombre et la fréquence de nos erreurs et notre incapacité à les éviter sont des arguments bien exploités par les détracteurs de la raison2.

Nous envisageons ici le point de vue de Montaigne et de Spinoza sur ce sujet. En sachant que sans doute Spinoza na pas eu une connaissance directe de lœuvre de Montaigne, nous établissons une comparaison structurelle entre le sens que la notion derreur revêt dans certains passages des Essais, notamment là où elle saccompagne à celle détonnement, et la conception spinozienne de lerreur pour voir comment situer les

182

positions de deux auteurs face aux grandes théories de lerreur formulées par la tradition philosophique occidentale.

Nous abordons la question de lerreur essentiellement dans une perspective épistémologique et métaphysique, ainsi nous nallons pas nous pencher sur ces passages où Montaigne emploie le mot « erreur » (au pluriel) pour désigner les errements de la conduite humaine et le dérèglement dans les mœurs, notamment par rapport à son expérience passée (« la plus commune des humaines erreurs », I, 3, 15 B3 ; « des erreurs innocentes » des enfants, I, 9, 36 B ; « des erreurs contestées et debatables », I, 23, 120 C ; « les erreurs et les vices », I, 46, 277 A ; « Jay encouru quelques lourdes erreurs en ma vie et importantes », III, 2, 814 C ; « des erreurs de ma jeunesse », III, 3, 826 B, etc.).

Dans un premier temps, nous allons évoquer, à titre dintroduction, la problématique de la connaissance dans les Essais. Dans un deuxième temps, nous examinons certains passages des Essais où Montaigne fait allusion à lerreur (et à létonnement). Ensuite, nous prenons en ligne de compte des textes spinoziens sur lerreur et létonnement qui donnent lieu à une comparaison entre les deux auteurs. Pour conclure, en nous réclamant de deux grandes doctrines philosophiques sur la nature de lerreur, nous mettons laccent sur les similarités et les différences entre les positions respectives de Montaigne et de Spinoza.

Le problème de la connaissance
chez Montaigne

Malgré le désir de connaissance est le désir le plus naturel (III, 13, 1065 B), qui sexplique aussi comme « une maladie naturelle de [] [l]esprit » (III, 13, 1068 B), nous navons pas accès à une essence immuable des choses et nous ne pouvons prétendre les ramener « à la mesure de notre capacité et suffisance » (I, 27, 179 A).

La connaissance semble dailleurs dépendre des circonstances, qui en seraient à la fois loccasion et la texture4. Dans l« Apologie de Raymond

183

Sebond », en effet, Montaigne écrit : « Lhomme peut reconnoistre [] quil doit à la fortune et au rencontre, la verité quil descouvre luy seul [] » (II, 12, 553 A). En outre, il partage la réserve des philosophes dits rationalistes qui refusent daccorder un crédit total aux sens, même sil ne semble pas maintenir un primat de la raison (dans le sens des rationalistes) :

Les yeux humains ne peuvent apercevoir les choses que par les formes de leur cognoissance (II, 12, 535 B) ;

[A] Or, nostre estat accomodant les choses à soy et les transformant selon soy, nous ne sçavons plus quelles sont les choses en verité : car rien ne vient à nous que falsifié et alteré par nos sens (II, 12, 600 A) ;

Nostre fantasie ne sapplique pas aux choses estrangeres, ains elle est conceue par lentremise des sens ; et les sens ne comprennent pas le subject estranger, ains seulement leurs propres passions ; et par ainsi la fantasie et apparence nest pas du subject, ains seulement de la passion et souffrance du sens, laquelle passion et subject sont choses diverses : parquoy qui juge par les apparences, juge par chose autre que le subject (II, 12, 601 A).

Nous transférons les qualités de nos sens – leurs modifications lorsquils subissent laction des choses – sur ces objets mêmes qui sont à lorigine des sensations. Ainsi nos perceptions, produites par nos sens, expriment la structure de notre corps plutôt que celle des objets perçus5. Le domaine de lêtre est alors hors de notre portée, et cela tient à deux raisons. Dune part, il serait absurde de supposer que les limites de nos capacités de sentir et dimaginer sont celles de la réalité physique, et dautre part, le cosmos tout entier bouge, le sujet et lobjet de la connaissance sont tous deux en mouvement : « Finalement, il ny a aucune constante existence, ny de nostre estre, ny de celuy des objects. Et nous, et nostre jugement, et toutes choses mortelles, vont coulant et roulant sans cesse. Ainsi il ne se peut establir rien de certain de lun à lautre, et le jugeant et le jugé estans en continuelle mutation et branle » (II, 12, 601 A)6. Sil y a une vérité à la portée de lhomme, elle concerne cette double prise de conscience : nous percevons le réel à travers nos propres « filtres cognitifs7 » ; lêtre, la nature des choses est insaisissable. Lerreur consisterait

184

alors en la prétention davoir accès aux essences alors que nous restons cantonnés dans les formes et les affections changeantes de notre corps.

Erreur, ignorance et étonnement
chez Montaigne

Pour comprendre le sens que revêt lerreur chez Montaigne, on ne peut pas sen passer des critiques adressées à lanthropocentrisme téléologique dans l« Apologie de Raymond Sebond » (cf., par exemple, II, 12, 452 A, et passim) ou dans « De la ressemblance des enfans aux peres ». Dans ce chapitre, où il exprime sa défiance envers la médecine, Montaigne cite lopinion selon laquelle rien nest plus efficace que le sang de bouc pour guérir des calculs de la vessie ; il écrit avoir entendu parler « [] du sang du bouc à plusieurs, comme dune manne céleste envoyée en ces derniers siecles pour la tutelle et conservation de la vie humaine » (II, 37, 779 A). Montaigne raille ainsi la présomption humaine, car lhomme pense que le monde nest fait que pour lui et quil est lobjet dune particulière attention de la divinité.

Cette suffisance ainsi que les limites de notre imagination nous empêchent de comprendre la plupart du temps lerreur dans laquelle nous sommes. Cest ce que Montaigne souligne dans un passage de « De linstitution des enfans » :

[A] A qui il gresle sur la teste, tout lhemisphere semble estre en tempeste et orage. Et disoit le Savoïart que, si ce sot de Roy de France eut sceu bien conduire sa fortune, il estoit homme pour devenir maistre dhostel de son Duc. Son imagination ne concevoit autre plus eslevée grandeur que celle de son maistre. [C] Nous sommes insensiblement tous en cette erreur : erreur de grande suite et prejudice. [A] Mais qui se presente, comme dans un tableau, cette grande image de nostre mere nature en son entiere magesté ; qui lit en son visage une si generale et constante varieté ; qui se remarque là dedans, et non soy, mais tout un royaume, comme un traict dune pointe tres delicate : celuy-là seul estime les choses selon leur juste grandeur (I, 26, 157 A C).

Ce passage, où la « grande image de nostre mere nature en son entiere magesté » donne à penser que lhomme peut avoir accès à une notion

185

imagée de la totalité, peut être mis en relation avec le chapitre « Dun enfant monstrueux », notamment sa dernière partie :

Ce que nous appellons monstres, ne le sont pas à Dieu, qui voit en limmensité de son ouvrage linfinité des formes quil y a comprinses ; et est à croire que cette figure qui nous estonne, se rapporte et tient à quelque autre figure de mesme genre inconnu à lhomme. De sa toute sagesse il ne part rien que bon et commun et reglé ; mais nous nen voyons pas lassortiment et la relation.

« Quod crebro videt, non miratur, etiam si cur fiat nescit. Quod ante non vidit, id, si evenerit, ostentum esse censet ».

Nous apelons contre nature ce qui advient contre la coustume : rien nest que selon elle, quel quil soit. Que cette raison universelle et naturelle chasse de nous lerreur et lestonnement que la nouvelleté nous apporte (II, 30, 713 C).

Dans ce passage, lerreur de notre jugement est censée aller de pair avec la condition psychologique de létonnement et ce dernier semble être stigmatisé. Montaigne entend montrer ici que le monstre est un être naturel : il résulte de lorganisation et de la cohésion de lensemble de la nature dont nous ne connaissons pas tous les détails et leurs liens. Pour étayer cette thèse, Montaigne reprend à son compte un raisonnement de Cicéron et de Saint Augustin8. Cette approche se base sur lidée selon laquelle dans la nature on ne trouve pas derreurs, anomalies, aberrations, mais toutes choses, y comprises ces entités qui nous apparaissent monstrueuses, sont dotées de signification, même si nous sommes incapables de saisir le contexte dans lequel les choses singulières sinsèrent. Ceux que nous appelons erronément monstres et qui suscitent notre étonnement contribuent en réalité à enrichir la diversité et lharmonie du cosmos. Dès lors, toute entité, toute forme qui existe, quelle quelle soit, est selon nature.

Dans « Des boyteux », Montaigne présente létonnement comme une espèce de condition pathologique de lesprit aux prises avec les hantises et les aspects inconnus de soi-même : « Jusques à cette heure,

186

tous ces miracles et evenemens estranges se cachent devant moy. Je nay veu monstre et miracle au monde plus expres que moy-mesme. On sapprivoise à toute estrangeté par lusage et le temps ; mais plus je me hante et me connois, plus ma difformité mestonne, moins je mentens en moy » (III, 11, 1029 B). Même dans ce cas, létonnement nengendre pas linterrogation et la connaissance et semble pouvoir nous induire en erreur, voire freiner toute investigation ultérieure. Montaigne sinscrit ainsi dans cette ligne de pensée qui formule un jugement négatif à lendroit de létonnement. Sil existe un étonnement fécond qui est le moteur de la recherche9 et qui repose sur la fréquentation du monde et la prise de distance par rapport à soi, Montaigne ne semble pas imputer à létonnement en soi une positivité immédiate10.

Revenons à « Dun enfant monstrueux ». Nous sommes étonnés de voir un enfant avec deux corps et une seule tête et nous en concluons quil est un monstre susceptible de signifier un événement à venir (cf. II, 30, 712-713 A), parce que dune part nous navons quune connaissance partielle de la nature, et dautre part nous utilisons certains schèmes perceptifs, cognitifs et axiologiques pour interpréter le réel et classer les êtres et les objets avec lesquels nous entrons en contact. En réalité, « les miracles sont selon lignorance en quoy nous sommes de la nature, non selon lestre de la nature. Lassuefaction endort la veuë de nostre jugement » (I, 23, 112 C). Cest donc laccoutumance qui engendre létonnement. Cela revient à dire aussi que notre prétendue connaissance des choses se ramène à laccoutumance et que nous tirons toujours des conclusions universelles à partir de quelques cas particuliers : « Et les communes imaginations, que nous trouvons en credit autour de nous, et infuses en nostre ame par la semence de nos peres, il semble que ce soyent les generalles et naturelles » (I, 23, 115-116 A).

Lerreur consiste alors à étendre à luniversalité de la nature les notions, les catégories, les conceptions dont nous nous servons pour comprendre notre espace ambiant et que nous forgeons à partir de notre perception sensible de notre corps et des autres (cf. par exemple, II, 12, 564 A ; III, 8, 930 B). Ainsi, lorsque nous sommes ébahis par un être

187

qui remet en question nos habitudes et nos certitudes, nous sommes induits à expliquer cette singularité par un enchaînement de facteurs théologiques et moraux ou selon dautres grilles de lectures. Il nous semble quapparaissent ici deux genres derreur. La première concerne lusage de nos facultés et la valeur que nous accordons à nos croyances et nos habitudes : nous appliquons à luniversalité de la nature ce qui ne vaut que pour nous. La deuxième consiste à plier la nature à notre coutume et à nous efforcer délaborer des interprétations pour donner un sens à lêtre qui nous étonne : celui-ci devient ainsi un signe dun événement à venir ou le témoignage dune faute (commise, par exemple, par la mère qui a engendré un enfant monstrueux). Cette herméneutique du monstrueux est toujours en fonction de nos paramètres dévaluation, de nos expériences courantes et, au bout du compte, de notre ignorance11. De la même manière, lerreur se manifeste dans certaines conceptions philosophiques et religieuses outrées, comme la théorie de la métempsychose et la divinisation des animaux12, auxquelles Montaigne oppose « les opinions les plus moderées » sur les liens entre les hommes et les animaux (II, 12, 435 A).

En somme, lerreur tient à la prétention de juger de lunivers entier, et de Dieu même, sur la base de notre particularité : « Et de là sengendrent toutes les resveries et erreurs desquelles le monde se trouve saisi, ramenant et poisant à sa balance chose si esloignée de son poix » (II, 12, 528 A)13. Cest pourquoi, si nous réussissons à nous affranchir des contraintes de notre particularité, lunivers apparaît comme un ordre rationnel : chaque chose singulière se rapporte à son contexte, a des liens avec les autres et obéit à des lois générales (tout y est « commun et reglé »), même lorsque nous ne voyons pas l« assortiment » et la relation entre ces choses et ces lois, leur diversité et leur nombre étant illimités14.

188

Spinoza : lerreur dans la lettre
à Oldenburg de 1661

Dans la première lettre dOldenburg à Spinoza (août 1661), le futur premier secrétaire de la Royal Society demande au philosophe hollandais son avis sur Bacon et Descartes. Spinoza lui écrit : « Vous me demandez deuxièmement quelles erreurs jobserve dans la philosophie de Descartes et de Bacon. [] Ainsi, la première et la plus importante est quils étaient très loin de connaître la cause première et lorigine de toutes choses. La deuxième, quils nont pas connu la vraie nature de lesprit humain. La troisième, quils nont jamais accédé à la vraie cause de lerreur15 ». La théorie de lerreur élaborée par Bacon apparait aux yeux de Spinoza comme confuse et dépourvue dargumentations. En définitive, elle attribue lerreur à une intervention active du sujet dans les matériaux qui proviennent des sens : « [] il suppose, au-delà du caractère trompeur des sens, que lintellect humain se trompe du fait de sa seule nature, et quil se figure tout par analogie avec sa nature, et non par analogie avec lUnivers16 ». Les causes que Bacon assigne à lerreur « peuvent toutes facilement se réduire à une seule, celle de Descartes. Elle consiste dans le fait que la volonté humaine est libre et plus vaste que lintellect, autrement dit, comme parle Verulam lui-même plus confusément (Aphorisme 49), que la lumière de lentendement nest pas sèche, mais chargée de lhumidité de la volonté17 ».

Pour Spinoza, il nen est rien. En premier lieu, la volonté ne diffère pas plus de telle ou telle volition que la blancheur de tel ou tel blanc, ou lhumanité de tel ou tel homme. La volonté nest pas un pouvoir réel de lesprit, elle est un être de raison, une abstraction, et on ne peut pas la considérer comme étant la cause dune volition particulière. Il ny a pas

189

de volonté indépendante, il ny a que des volitions, et la volition nexiste pas en dehors de lidée, qui, selon Spinoza, est une réalité active18 : « la volonté et lentendement sont une seule et même chose19 ». En deuxième lieu, les volitions particulières ne sont pas libres, mais déterminées par des causes extérieures et aucunement par la volonté, cest pourquoi la présumée liberté de lesprit dans le jugement erroné na pas de fondement20. En effet, dans lÉthique, Spinoza identifie lidée au jugement et de ce fait il va saper le caractère volontaire du jugement erroné. La volonté et lentendement nétant quune seule chose, on ne peut pas séparer lidée du jugement et estimer que lidée est produite par lentendement, le jugement engendré par la volonté. Lidée même est un jugement ou un ensemble de jugements. Dans lÉthique, Spinoza va alors élaborer une théorie de lerreur qui ne repose pas sur lactivité libre de lesprit.

Le premier genre de connaissance et létonnement
dans le Court traité et dans lÉthique

Faisons un pas en arrière et penchons-nous à présent sur le Court traité, où Spinoza met au jour le rapport entre le premier genre de connaissance et létonnement, considéré comme une passion négative qui naît de lopinion. Dans la seconde partie de cet ouvrage (chap. i, § 1), Spinoza fait allusion à la « conscience de la connaissance de nous-même et de ces choses qui sont hors de nous ». Ensuite (§ 2), il écrit : « Ces concepts, ou 1. nous les obtenons simplement par croyance (laquelle naît ou par expérience ou par ouï-dire) ; 2. ou encore nous les recevons par une croyance vraie ; 3. ou nous les avons par une compréhension claire et distincte. Le premier cas est communément sujet à lerreur [Het eerste is gemeenlyk dooling onderworpen]. Les deuxième et troisième, bien quils différent lun de lautre, ne peuvent cependant pas se fourvoyer21 ». La

190

première forme de connaissance, lopinion (Waan), consiste à opiner seulement, à croire seulement par ouï-dire ou à croire non seulement par ouï-dire, mais par expérience. Dans les deux cas, lopinion savère sujette à lerreur : dune part, celui qui a appris quelque chose par ouï-dire se limite à le répéter comme le fait un perroquet ; dautre part, lexpérience de quelques cas particuliers ne peut pas nous donner une règle pour tous les cas22. En sattardant sur les différents formes de connaissance et leurs effets, Spinoza précise alors : « Nous appelons la première opinion parce quelle est sujette à lerreur, et na aucune place en quoi que ce soit dont nous soyons certains, mais seulement là où il sagit de supposer et de présumer23 ». Se distinguant de la « croyance » et de la « connaissance claire », lopinion donne lieu à « toutes les passions qui sopposent à la saine raison », tandis que de la deuxième proviennent « les bons désirs », et de la troisième « lamour véritable et sincère avec tout ce quil engendre24 ». Au-delà de la question des genres de connaissance dans le Court traité, il importe de noter ici le lien entre lopinion qui est source derreur et la première passion qui provient delle, cest-à-dire létonnement. Car, quand Spinoza recense dans le Court Traité les principales passions qui naissent de lopinion, il mentionne en premier lieu ladmiration, lamour, la haine, le désir.

Prenons donc comme premier [exemple] létonnement [de Verwondering], qui se rencontre en celui qui connaît la chose selon le premier mode ; car puisquil tire une conclusion universelle de quelques cas particuliers, il est surpris lorsquil voit quelque chose aller à lencontre de cette conclusion quil a tirée ; comme quelquun qui, nayant jamais vu que des moutons à queue courte, sétonnerait devant les moutons à longue queue du Maroc. Ainsi parle-t-on dun paysan qui sétait fait lidée que nexistaient aucun champ en dehors des siens ; mais une vache ayant disparu et comme il devenait nécessaire daller la chercher au loin, il tomba dans létonnement de ce quen dehors du peu de champs quil avait, en existent encore en si grande quantité25.

Létonnement est donc une passion qui provient de lopinion, le genre de connaissance qui est communément source derreurs. On sétonne parce quon a indûment formulé un jugement prétendant à une validité

191

universelle à partir de quelques expériences particulières, et parce quon ignore la complexité et la multiplicité de relations qui tissent le réel.

La réflexion critique sur létonnement se poursuit dans lÉthique. Spinoza minorise ladmiration tout dabord dans lAppendice du premier livre :

[] qui recherche les vraies causes des miracles et semploie, en savant, à comprendre les choses naturelles au lieu de les admirer comme un sot, est tenu un peu partout comme hérétique et impie, et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme les interprètes de la nature et des Dieux. Cest quils savent bien quune fois supprimée lignorance [ignorantiâ], ladmiration stupide [stupor], cest-à-dire le seul moyen quils ont dargumenter et de maintenir leur autorité, est supprimée26.

Si ladmiration occupe une place de choix dans le Court Traité, où elle fait en tout cas lobjet dune critique sévère, elle est reléguée au rang des affections simples et disparaît de la liste des affects dans lÉthique27. Mais au-delà de ces fluctuations, dans les deux ouvrages, Spinoza, à linstar de Descartes28, formule un jugement négatif sur létonnement : en sont touchés ceux qui restent fixés sur une imagination singulière, détachée des autres auxquelles elle doit être reliée29, et qui, par conséquent, ont tendance à prendre leur singularité et localité pour lunivers entier.

Lerreur dans lÉthique

Considérons maintenant la théorie de lerreur dans lÉthique30. Aux yeux du philosophe hollandais, chaque perception implique un jugement

192

qui porte sur lexistence de la chose représentée31. Cela se vérifie aussi quand nous attribuons à la réalité extérieure les caractéristiques de notre perception, par exemple quand nous disons que le soleil est distant de nous denviron deux cent pieds sur la base de la perception que nous en avons32. En pareil cas, nous formulons un jugement dans le cadre du premier genre de connaissance, qui inclut les perceptions dordre sensoriel et imaginatif33.

À ce propos, il peut être utile de mentionner lAppendice du livre I de lÉthique, où, tout comme Montaigne, Spinoza dénonce lanthropocentrisme, lanthropomorphisme et le finalisme de la conception commune de Dieu et de la Nature. « Tout cela – nous dit Spinoza – montre assez que chacun a jugé des choses daprès la disposition de son cerveau, ou plutôt a pris pour les choses les affections de limagination [imaginationis affectiones pro rebus accepisse]34 ». De la même manière, dans le deuxième livre de lÉthique, Spinoza explique que : « Lidée dune quelconque manière dont le Corps humain est affectée par les corps extérieurs enveloppe nécessairement la nature du Corps humain et en même temps la nature du corps extérieur » ; or, comme lesprit humain perçoit la nature de nombreux corps en même temps que la nature de son corps, il sensuit que « [] les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus létat de notre corps que la nature des corps extérieurs35 ». Pour sortir du subjectivisme, il faut envisager le fait que quand le corps humain est modifié par un corps extérieur, lidée de cette affection comprend deux choses : la nature du corps humain (sa propre manière dapercevoir les objets extérieurs, den être modifié) et la nature du corps extérieur36. Il importe alors de distinguer lenchaînement qui se fait suivant lordre et lenchaînement des affections du corps humain (mémoire) de « lenchaînement didées qui se fait suivant lordre de

193

lintellect, par lequel lEsprit perçoit les choses par leurs premières causes, et qui est le même chez tous les hommes37 ».

Il nen demeure pas moins que lorsque nous connaissons les choses par le premier genre de connaissance, qui exprime la rencontre entre le monde extérieur et notre corps, nous leur attribuons des caractéristiques qui tiennent de notre corps. De ce point de vue, Spinoza semble rejoindre Montaigne quand il soutient que les sens nous font connaître notre état, et non la nature de lobjet extérieur censé nous modifier.

Cependant, de nouvelles expériences ou connaissances qui vont sajouter aux données dont nous disposons permettent de modifier le jugement impliqué dans notre première perception. La connaissance de certains mécanismes perceptifs et de lastronomie nous fait comprendre la véritable grandeur et structure du soleil : même sil ne cesse pas de nous apparaître petit et proche de nous, nous savons maintenant quil nous apparaît comme tel et quil nest pas tel quil nous apparaît38.

Par conséquent, lidée en tant que telle nest pas fausse et lerreur, qui ne coïncide pas avec labsolue ignorance39, doit être imputée à ce qui manque à lidée :

Et ici, pour commencer à indiquer ce quest lerreur, je voudrais que vous notiez que les imaginations de lEsprit, considérées en soi, ne contiennent pas derreur, autrement dit, que lEsprit, sil se trompe, ce nest pas parce quil imagine, mais cest seulement en tant quon le considère manquer dune idée qui exclue lexistence des choses quil imagine avoir en sa présence. Car si lEsprit, pendant quil imagine avoir en sa présence des choses non existantes, en même temps savait quen vérité ces choses nexistent pas, il est sûr quil attribuerait cette puissance dimaginer à une vertu et non à un vice de sa nature ; surtout si cette faculté dimaginer dépendait de sa seule nature, cest-à-dire (par la Défin. 7 p. 1) si cette faculté qua lesprit dimaginer était libre40.

En plus de cela, rappelons que pour Spinoza « la fausseté [falsitas] consiste en une privation de connaissance [consistit in cognitionis privatione] quenveloppent les idées inadéquates, autrement dit mutilées et confuses41 ».

194

Loin de manifester une faculté libre et distincte de lidée, laffirmation impliquée dans le jugement faux, nest que laffirmation par soi dune idée inadéquate et mutilée, dans un esprit qui est temporairement privé de lidée adéquate. Lidée inadéquate implique un jugement qui se modifie dès que se présentent dautres idées qui sont enchaînées à cette idée : celle-ci est saisie alors à lintérieur dune une chaine comme un des maillons de cette chaine. Si laffirmation qui corrige une affirmation erronée laisse inchangée cette dernière, elle lintègre cependant dans un contexte plus large. Comme lexpliquait Parkinson, une affirmation fausse peut être comparée à la pièce dun puzzle dont la place dans ce puzzle nest pas connue : la correction de laffirmation fausse consistera alors à mettre la pièce dans le puzzle à sa propre place42.

Montaigne et Spinoza :
similitudes et différences

Dans la tradition philosophique occidentale, on peut détecter deux grandes théories de lerreur. La première est formulée entre autres par Thomas dAquin (De veritate)43, Suarez (Disputationes metaphysicae) et Descartes44. Selon cette tradition, lerreur sexplique par lactivité de lesprit

195

et le jugement est précisément lœuvre non de lentendement mais de la volonté. En témoigne justement lerreur, car lorsque lon se trompe le jugement aurait pu être différent. Pour Descartes, par exemple, « la volonté aussi bien que lentendement est requise pour juger ». Lerreur est produite par notre volonté lorsque « nous donnons notre consentement à des choses dont nous navons jamais eu quune connaissance fort confuse », même si nous ne sommes pas contraints de le donner45. Pour être plus précis, lerreur tient au fait que la volonté a plus détendue que lentendement si bien que « nous la portons ordinairement au-delà de ce que nous connaissons clairement et distinctement ». Lerreur naît dun abus de notre volonté : « lorsque nous en abusons de la sorte, ce nest pas merveille sil nous arrive de nous méprendre46 ».

Selon cette autre théorie de lerreur, que lon pourrait faire remonter jusquà Platon47, lerreur naît du caractère parcellaire de notre connaissance quand nous ne sommes pas conscients de celui-ci. Montaigne et Spinoza peuvent sinscrire dans cette lignée : à leurs yeux, lerreur semble être une privation ou une négation. Se tromper, ce nest pas imaginer ce qui nexiste pas, mais cest ne pas connaître tous les éléments et les liens qui permettent de rendre raison dun fait et prétendre en même temps de formuler des jugements ayant une portée universelle. Sil y a dans notre esprit des idées fausses et inadéquates, cest que – à la différence de lentendement divin qui embrasse la totalité infinie des connexions – nous ne voyons quune partie des causes et des effets, nous napercevons que quelques maillons de lenchaînement des choses, sans comprendre clairement comment tel maillon se rattache à tel autre au moyen des autres maillons enchaînés48.

Peut-être pourrions-nous ajouter encore quelques remarques. Montaigne et Spinoza cherchent tous les deux à rendre raison de lerreur en analysant certains aspects de la nature de lhomme. Avec des accents différents, ils mettent en cause la présomption de tout juger à partir de ses propres données subjectives et partielles ; ils soulignent ainsi

196

lignorance humaine des causes des choses qui saccompagne à lappétit de chercher son propre utile. Cest pourquoi les hommes se forgent des idées fausses des choses naturelles49. Mais si pour Spinoza lhomme peut parvenir à lidée vraie du tout, à la connaissance des structures fondamentales de lêtre sans évidemment en épuiser la richesse et les manifestations, pour Montaigne ce nest pas possible : il nous semble quaux yeux du bordelais nous pouvons avoir une idée de la totalité (« notre mère nature »), dun « ordre de lunivers » (I, 20, 92 A) dans lequel chaque pièce a sa place, mais nous ne sommes pas à même de fournir une description véritable de cette totalité et de cet ordre. Insistant sur le fait que lesprit humain est une partie de lintellect infini de Dieu (« Mentem humanam partem esse infiniti intellectûs Dei50 »), Spinoza pense que « [] plus lesprit possède de connaissance, mieux il comprend et ses propres forces et lordre de la nature [eo melius et suas vires et ordinem Naturae intellegit]51 », de sorte quil peut réussir « [] à avoir des choses la meilleure compréhension possible, exempte derreur [absque errore]52 ». Chez Montaigne, au contraire, plus lhomme réfléchit sur le processus de la connaissance, plus il comprend que ses connaissances fluctuantes nexpriment pas lessence des choses, mais les caractères et les modifications de son corps ; par conséquent, il comprend également que ces essences ainsi que lordre global de la nature ne sont pas vraiment atteignables. À la différence de Spinoza, pour lequel lesprit humain a la puissance de saisir les rapports entre les idées53, Montaigne semble dire que lhomme ne peut pas restituer ces connexions à cause de lancrage sensoriel de ses connaissances, de limpossibilité de se débarrasser du caractère anthropomorphe du savoir et du mobilisme universel. Néanmoins, lauteur des Essais semble suggérer quen méditant sur ses expériences et les comparant

197

entre elles, lesprit peut du moins se hisser à lidée dun ordre et dune organisation de lensemble de la nature, juger que ce quil perçoit de la nature nen qu« un traict dune pointe tres delicate » et par ce biais éviter de prendre la partie pour le tout, le particulier pour luniversel.

Raffaele Carbone

Collegium de Lyon

Université de Lyon

1 V. Brochard, De lerreur, Paris, Félix Alcan, 1926 (IIIe édition), p. 1.

2 Ibid., p. 1-2.

3 Nous citons les Essais dans lédition Villey-Saulnier, Paris, PUF, 2004.

4 Voir à cet égard P. Mathias, Montaigne ou lusage du monde, Paris, Vrin, 2006, p. 75-78.

5 Cest ce que Montaigne retient du pyrrhonisme : « [] les choses ne logent pas chez nous en leur forme et en leur essence [] » (II, 12, 562 A).

6 Cf. aussi II, 12, 598 A : « nous recevons les choses autres et autres, selon que nous sommes et quil nous semble ».

7 Cf. D. Ottaviani, « Montaigne, méthode et interprétation », Réforme, Humanisme, Renaissance, vol. 64, 2007, p. 59-72, ici p. 68.

8 « Pourtant, même sil en ignore la cause, ce quil voit fréquemment ne létonne pas ; au contraire, si un événement quil na jamais vu survient, il estime que cest un prodige » (Cicéron, De la divination, traduit et commenté par G. Freyburger et J. Scheid, Paris, Les Belles Lettres, 1992, II, 22, p. 126). « Dieu, en effet, Créateur de tous les êtres, sait en quel lieu, en quel temps il faut ou il a fallu créer un être, comme il sait par quel agencement de parties diverses ou semblables sobtient la beauté de lunivers. Mais qui ne peut en considérer lensemble est choqué par lapparente difformité dune partie dont il ignore la convenance et le rapport avec lensemble » (Œuvres de Saint Augustin, 36, La Cité de Dieu, Livres XV-XVIII, texte de la 4e édition de B. Dombart et A. Kalb, introduction générale et notes par G. Bardy, trad. française par G. Combès, Paris, Desclée de Brouwer, 1960, p. 210).

9 « Iris est fille de Thaumantis. Ladmiration est fondement de toute philosophie, linquisition le progrez, lignorance le bout » (III, 11, 1030 C).

10 Sur ce thème, cf. J. Céard, La Nature et les prodiges. Linsolite au xvie siècle, Genève, Droz, 1996 [1977], p. 426-427.

11 « Davantage, combien y a il de choses en nostre cognoissance, qui combatent ces belles regles que nous avons taillées et prescrites à nature ? et nous entreprendrons dy attacher Dieu mesme ? Combien de choses appellons nous miraculeuses et contre nature ? [C] Cela se faict par chaque homme et par chaque nation selon la mesure de son ignorance » (II, 12, 526 A C).

12 « Et linterpretation mesme que Plutarque donne à cet erreur, qui est tresbien prise, leur est encores honorable » (II, 12, 434 A).

13 Cest pourquoi il vaut mieux « demeurer en suspens » plutôt que « de sinfrasquer en tant derreurs que lhumaine fantaisie a produictes » (II, 12, 504 B).

14 Voir sur ce point M. Baraz, LÊtre et la connaissance selon Montaigne, Paris, Librairie José Corti, 1968, p. 109.

15 B. Spinoza, Correspondance, édition par M. Rovere, Paris, GF Flammarion, 2010, Lettre 2, p. 51.

16 Ibid.

17 Ibid., p. 52-52. Cf. F. Bacon, Novum Organum, éd. par M. Malherbe, J.-M. Pousseur, Paris, PUF, 1986, 49, p. 115 : « Lentendement humain nest pas une lumière sèche : en lui sinfusent la volonté et les passions ; ce qui engendre des sciences taillées sur mesure, car ce que lhomme désire être vrai, il le croit de préférence ». Voir sur cette lettre Ch. Jaquet, « Les trois erreurs de Bacon selon Spinoza », LEnseignement philosophique, no 6, 1997, p. 4-14.

18 Cf. B. Spinoza, Éthique, trad. par B. Pautrat, Paris, Seuil, 2010 [1988], II, prop. 49 et dém., p. 192-195.

19 Ibid., coroll., p. 195.

20 Id., Correspondance, op. cit., Lettre 2, p. 52.

21 Id., Court traité, texte établi par F. Mignini, trad. du latin par J. Ganault, dans Id., Œuvres I Premiers écrits, Paris, PUF, « Épiméthée », 2009, Seconde partie, chap. i, § 1-2, p. 264-265.

22 Ibid., II, chap. i, § 3, p. 264-267.

23 Ibid., II, chap. ii, § 2, p. 268-269.

24 Ibid., II, chap. ii, § 3, p. 268-269.

25 Ibid., II, chap. iii, § 2, p. 270-271.

26 Id., Éthique, op. cit., I, Appendice, p. 88-91.

27 Ibid., III, Définitions des Affects, 4, Explication, p. 322-323.

28 « Létonnement est un excès dadmiration, qui ne peut jamais être que mauvais » (R. Descartes, Les Passions de lâme, IIe partie, art. 73, dans Œuvres de Descartes, éd. par Ch. Adam, P. Tannery, Paris, Vrin, t. XI, 1947, p. 383). Nous avons modernisé lorthographe.

29 Cf. B. Spinoza, Éthique, op. cit., III, Définitions des Affects, 4, p. 320-321 : « LAdmiration est limagination dune chose en quoi lEsprit reste fixé parce que cette imagination singulière nest aucunement enchaînée aux autres. Voir la Prop. 52 avec son Scolie ».

30 Nous nous appuyons sur les travaux de J. Bennet, A Study of Spinozas Ethics, Indianapolis, Hackett Publishing Company, 1984, p. 167-174 ; M. Lebuffe, From Bondage to Freedom : Spinoza on Human Excellence, Oxford-New York, Oxford University Press, 2010, p. 77-98 ; E. Scribano, « Spinoza sullerrore e sulla verità », dans Ontologia e temporalità. Spinoza e i suoi lettori moderni, édition par G. DAnna et V. Morfino, Milan, Mimesis, 2012, p. 15-36.

31 Cf. B. Spinoza, Éthique., op. cit., II, prop. 17, p. 138-139.

32 Cf. Ibid., II, prop. 35, scolie, p. 166-167.

33 Rappelons à cet égard que limagination savère complexe et polymorphe dans le discours spinozien. Voir sur ce point P.-F. Moreau, Spinoza. Lexpérience et léternité, Paris, PUF, 1994, p. 255.

34 B. Spinoza, Éthique, op. cit., I, Appendice, p. 92-93.

35 Ibid., II, prop. 16, coroll. 1 et 2, p. 136-139.

36 Cf. Ibid., II, prop. 17, p. 142-143.

37 Ibid., II, prop. 18, scolie, p. 144-145.

38 Ibid., II, prop. 35, scolie, p. 166-167.

39 Cf. Ibid., II, prop. 35, dém., p. 164-165.

40 Ibid., II, prop. 17, scolie, p. 142-143.

41 Ibid., II, prop. 35, p. 164-165. Cf. aussi ibid., II, prop. 35, scolie, p. 164-165 : « Dans le Scolie de la Prop. 17 de cette Partie, jai expliqué de quelle façon lerreur consiste en une privation de connaissance ; mais pour plus ample explication de cette chose, je donnerai un exemple. Les hommes se trompent en ceci quils se croient libres, opinion qui consiste seulement en ceci quils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent ».

42 Cf. G. H. R. Parkinson, Spinozas Theory of Knowledge, Oxford, Clarendon Press, 1954, p. 124.

43 « [] une chose nest pas cause de la fausseté dans lâme comme si elle causait nécessairement la fausseté, car la vérité et la fausseté existent avant tout dans le jugement de lâme : lâme en tant quelle juge des choses ne pâtit pas des choses mais bien plutôt agit dune certaine manière ; aussi, une chose nest pas dite fausse parce quelle provoque toujours une appréhension fausse delle-même, mais parce quelle est de nature à la provoquer par ce qui apparaît delle-même » (Thomas dAquin, Première question disputée La vérité (De veritate), texte latin de lédition Léonine, édition par Ch. Brouwer et M. Peeters, Paris, Vrin, 2002, Article X, Réponse, p. 157).

44 Comme la remarqué Emanuela Scribano (« Spinoza sullerrore e sulla verità », art. cité, p. 18), Descartes a tiré sa théorie de lerreur dun texte de Suarez. Il sagit de la Disputatio de falsitate (Disputationes metaphysicae, IX, De falsitate, II, « Quae sit falsitatis origo », VI), que Descartes connait et quil cite dans ses réponses à Arnauld (cf. Quartae responsiones, AT VII, 235).

45 R. Descartes, Les principes de la philosophie, I, 34, AT IX.2, 39.

46 Ibid., I, 35, AT IX.2, 40.

47 Cf. lallégorie de la caverne chez Platon, Œuvres complètes, t. VII, 1re partie, La République (Livres VIII-X), trad. du grec ancien par É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1996, VII, 514a – 515 b, p. 145-146.

48 Voir sur ce point lanalyse de V. Brochard, De lerreur, op. cit., p. 75.

49 Cf. par exemple M. de Montaigne, Essais, II, 12, 500-501 A C ; B. Spinoza, Éthique, op. cit., I, Appendice, p. 81-85.

50 B. Spinoza, Éthique, op. cit., II, prop. 11, coroll., p. 118-119. Voir aussi ibid., prop. 43, scolie, p. 182-183.

51 Id., Traité de la réforme de lentendement, texte établi par F. Mignini, trad. du latin par M. Beyssade, dans Id., Œuvres I Premiers écrits, op. cit., § 40, p. 87.

52 Ibid., § 15, p. 73.

53 Lesprit humain peut heureusement être interprété comme un « [] champ de connexions didées qui senchaînent et saffrontent selon des forces, dont le sens le plus souvent nous échappe parce que nous en ignorons les causes » (L. Vinciguerra, Spinoza et le signe. La genèse de limagination, Paris, Vrin, 2005, p. 54).