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Classiques Garnier

« Excréments d’un vieil esprit » Le registre corporel dans les Essais

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
    2013 – 2, n° 58
    . varia
  • Author: Proshina (Maria)
  • Abstract: Maria Proshina propose une réflexion en deux parties sur ce qu’elle nomme le « registre corporel » dans Les Essais de Montaigne, d’abord tel qu’il s’y déploie, ensuite tel qu’il permet de décrire l’œuvre elle-même. Montaigne en effet décrit son texte comme une partie de son corps, et même comme ses organes internes les plus intimes : l’œuvre se fait exploration anatomique de soi, et permet même de donner corps et forme à la nature changeante de l’auteur.
  • Pages: 95 to 110
  • Journal: Bulletin for the International Society of Friends of Montaigne
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782812430398
  • ISBN: 978-2-8124-3039-8
  • ISSN: 2261-897X
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3039-8.p.0095
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 08-13-2014
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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« Excréments dun vieil esprit » 

Le registre corporel dans les Essais

La dichotomie du vide et du solide
dans le discours métalinguistique des Essais

Dans le langage métaphorique des Essais, les activités propres à la pensée sont souvent assimilées à des activités physiques. Les images de lingestion et de la digestion sont surtout employées dans le cadre de léducation et de limitation. De même, Montaigne se sert des métaphores corporelles dans le domaine du langage. Leur utilisation peut sexpliquer par la conception montaignienne de ce dernier. Il doit la notion de larbitraire du signe surtout au scepticisme et à laristotélisme1. Lauteur refuse lidée que le mot et lessence de la chose soient liés par une relation interne et nécessaire et que la chose réelle y réside en puissance : « Il y a le nom et la chose : le nom, cest une voix qui remarque et signifie la chose : le nom, ce nest pas une partie de la chose ni de la substance : cest une pièce étrangère jointe à la chose, et hors delle2 ». Le mot ne fait pas partie intégrante de lobjet quil désigne. Il existe donc un écart entre les deux. Puisquil peut y avoir défaillance du côté des mots, Montaigne souhaite une langue pleine, charnue, où les mots seraient léquivalent des choses quils doivent représenter. Il prise de la sorte une écriture qui simpose par un effet langagier, mais qui supporte une pensée, en fournissant quelque chose de substantiel. Pour lui, lécriture accomplie est celle qui, par un étonnant transfert de

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substance, suscite une présence charnelle, se laisse palper. Montaigne prend pour modèle la poésie des Anciens, dont il célèbre précisément le pouvoir de représentation :

Leur langage est tout plein, et gros dune vigueur naturelle et constante : Ils sont tout épigramme : non la queue seulement, mais la tête, lestomac, et les pieds. [] Plutarque dit, quil vit le langage Latin par les choses. Ici de même : le sens éclaire et produit les paroles : non plus de vent, ains de chair et dos3.

Mieux que nul autre, les classiques ont su reproduire le monde et parler aux hommes dans un langage qui les touche. Leurs mots sont des choses, leurs poèmes reflètent la sensualité des formes. Au moyen de limage corporelle, développée par les termes « tête », « estomac », « pieds », « chair », « os », Montaigne suggère une plénitude langagière et donc léquivalence entre la pensée et la langue latine des poètes. En revanche, le français des écrivains de son temps est caractérisé par des épithètes, qui soulignent son inconsistance : « [] javais traîné languissant après des paroles Françoises, si exsangues, si décharnées, et si vides de matière et de sens, que ce nétaient vraiment que des paroles Françoises4 ». À ladaptation parfaite de la langue à la pensée soppose une écriture où les choses sévanouissent dans la vacuité dun langage qui ne réfère quà lui-même. Cette observation témoigne du fait que Montaigne ne cesse davoir la hantise des signes vides. La répétition gratuite est toujours lenvers de la prolifération productive. Cette duplicité immanente se manifeste dans lantithèse entre le vide et le solide. Lidée de linanité est exprimée par limage du vent et les épithètes « vide », « exsangue » et « décharnée ». Elle contraste avec celle de solidité, de consistance, valorisées par les images corporelles. Montaigne suit ainsi les réflexions dÉrasme dans De copia et Lingua, où lauteur avertit du danger que la copia peut dégénérer en loquacitas, si les res ne garantissent pas les verba5.

Tout en soulignant linfériorité du français par rapport au latin, Montaigne ne cesse de rechercher dans sa prose les qualités quil admire chez les auteurs anciens. Cest par limitation de leur manière vigoureuse et dense que Montaigne veut montrer que sa langue participe de

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lépaisseur du réel. Cependant, une telle démarche pose le problème de lemprunt, qui est traité lui aussi au moyen des métaphores corporelles :

Aristophane le Grammairien ny entendait rien, de reprendre en Epicurus la simplicité de ses mots : et la fin de son art oratoire, qui était, perspicuité de langage seulement. Limitation du parler, par sa facilité, suit incontinent tout un peuple. Limitation du juger, de linventer ne va pas si vite. La plus part des lecteurs, pour avoir trouvé une pareille robe, pensent très faussement tenir un pareil corps. La force et les nerfs ne sempruntent point : les atours et le manteau sempruntent6.

Montaigne oppose « limitation du parler » à « limitation de linventer ». Il est facile dimiter le style, mais le vocabulaire emprunté ne saurait transmettre la force de lexpression de lauteur, car elle provient de sa personnalité singulière. Afin de renforcer le contraste entre lemprunt de la forme et du contenu, lauteur se sert de limage des vêtements, « robe », « manteau » et celle du corps, « corps », « nerfs ». De même, Érasme recourt au domaine physiologique, et en particulier aux termes nervi et ossa, afin de signaler que la singularité de Cicéron est unique et que toute tentative de la reproduire ne peut engendrer quune image fictive, qui ne correspond pas à loriginal : « Si notre portrait par lequel nous représentons Cicéron manque de vie, de mouvement, de sentiments, de nerfs et dos, que pourra-t-on imaginer de plus froid que notre imitation7 ? ». Le mot latin nervus peut désigner un muscle aussi bien quun nerf. Au sens figuré, au pluriel, il signifie la force. Ainsi, ce terme est particulièrement adapté pour souligner la vigueur du style, qui est indissociable de la nature profonde de lauteur. En effet, chez Montaigne, le mot « nerfs » est accompagné par celui de « force ». Ce dernier fait également penser au latin vis, que Quintilien emploie deux fois dans un passage consacré précisément à limitation. La première fois ce mot est accompagné du substantif natura, la seconde, suivi de sanguis, qui, au figuré, a également lacception de force et au sens propre signifie « sang », en renvoyant ainsi au domaine corporel :

Ajoutez que toute chose semblable à une autre est forcément inférieure au modèle, comme lombre par rapport au corps, le portrait par rapport à loriginal

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et le jeu des acteurs par rapports aux sentiments authentiques. Il en est de même pour le discours. En fait, ce que nous prenons pour le modèle a une force naturelle et véritable pour le soutenir ; au contraire, toute imitation est artificielle et est subordonnée à une finalité étrangère [à celle de loriginal]. De là vient que les déclamations ont moins de substance et de vigueur que les discours, parce que les sujets sont vrais dans les uns, fictifs [imités, reproduits] dans les autres8.

La copie est nécessairement inférieure à son modèle comme lart est inférieur à la nature. La source de la plénitude, lorigine du discours fertilement copieux réside dans lidentité inimitable du locuteur. Ainsi, Montaigne, comme Quintilien, souligne la perte inévitable de la force dexpression dans lemprunt non assimilé.

Par ailleurs, limage du vêtement, employée dans le passage cité des Essais, conduit à qualifier un style orné, ou particulièrement travaillé. En tant quélément non nécessaire et superflu, le vêtement signale que les ornements du discours ne doivent pas être recherchés pour eux-mêmes, car ils risqueraient de dépasser lobjet. Ainsi Montaigne évoque le danger de lécart entre la forme et la pensée. Lopposition entre le vêtement et le corps renforce lassociation du vêtement avec un apprêt de lécriture, puisquil marque une certaine extériorité par rapport au corps. Ce dernier est, en revanche, perçu comme la matière du discours et donc comme quelque chose dinterne et dessentiel. Cette opposition fait penser à un passage de lInstitutio Oratoria, où Quintilien établit une comparaison implicite entre le style raffiné des orateurs, les verba et les vêtements. Les idées, les res, sont, en revanche, associées à des nerfs. Un discours qui maintient léquilibre entre la forme et la pensée est assimilé à un corps sain, sans ornements inutiles :

[ceux] qui négligent de soccuper des idées, qui sont les nerfs des procès, vieillissent dans une sorte de futile recherche des mots, et cela, par souci délégance, la plus belle qualité de la parole, à mon sens du moins, mais quand elle suit, non quand elle est affectée. Des corps sains, et dun sang pur et fortifiés par lexercice, tirent leur beauté de la même source que leurs forces ; [] mais

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quon savise de les épiler, de les farder et de les parer comme les femmes, on les enlaidira à lextrême en travaillant précisément à les embellir. [] Il en est ainsi pour le style translucide et chatoyant de certains orateurs, dont il effémine les idées quil revêt dune telle pompe verbale9.

Montaigne se prononce lui aussi contre les éléments qui alourdissent lexpression sans enrichir le sens. Pour lui, les mots doivent surtout signifier, toute rhétorique est superflue : « Léloquence fait injure aux choses, qui nous détourne à soi10 ». La simplicité du style constitue ainsi un moyen pour sapprocher de la nature et pour séloigner des artifices de lart, la pratique de lauteur se présentant comme un retour intentionnel à une origine conforme à notre nature corporelle11. Les images corporelles mettent davantage en valeur le caractère authentique et naturel du style, sa capacité de transmettre la substance des choses.

Lanti-exemple de ce style simple et naturel est constitué par celui utilisé par Cicéron. La forme élaborée cache le vide du contenu, exprimé par limage du vent. En revanche, ce quil y a de significatif est associé à limage organique, développée par les termes « suc », « substance » et surtout « moelle », qui suggère lidée de la solidité, en sopposant ainsi à limage du vent :

Ce quil y a de vif et de moelle, est étouffé par ses longueries dapprêts. Si jai employé une heure à le lire, qui est beaucoup pour moi, et que je ramentoive ce que jen ai tiré de suc et de substance, la plus part du temps je ny trouve que du vent : car il nest pas encore venu aux arguments qui servent à son propos, et aux raisons qui touchent proprement le nœud que je cherche12.

Ainsi, la forme déborde le sens. Afin de souligner cette déviation, Montaigne a souvent recours à limage de lenflure. Il lemploie dans les cas où le sujet ne fournit quun prétexte à une expression abondante. Lauteur met en relief le mécanisme de compensation entre la forme et

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le contenu : « Ceux qui ont le corps grêle, le grossissent dembourrures : ceux qui ont la matière exile, lenflent de paroles13 ».

Plus le sujet est insignifiant, plus lexploit linguistique est remarquable. Par exemple, Montaigne parle avec ironie dun Italien qui a fait léloge de lart culinaire en termes dignes dun sujet sérieux et élevé comme la théologie ou la politique :

Il ma fait un discours de cette science de gueule, avec une gravité et contenance magistrale, comme sil meût parlé de quelque grand point de Théologie. [] Et tout cela enflé de riches et magnifiques paroles : et celles mêmes quon emploie à traiter du gouvernement dun Empire14.

Dans le même chapitre, avec le titre significatif De la vanité des paroles, Montaigne utilise le participe passé du verbe « bouffir », qui est un synonyme du verbe « enfler ». Il sen sert pour traiter des écrits dArétin, auxquels il nattache pas une valeur particulière à cause de leur style trop recherché :

[] et les Italiens, qui se vantent, et avec raison, davoir communément lesprit plus éveillé et le discours plus sain que les autres nations de leur temps, en viennent détrenner lArétin : auquel, sauf une façon de parler bouffie et bouillonnée de pointes, ingénieuses à la vérité, mais recherchées de loin, et fantastiques : et outre léloquence enfin, telle quelle puisse être, je ne vois pas quil y ait rien au-dessus des communs auteurs de son siècle15.

Limage de lenflure, développée par les termes « enfler » et « bouffir » donne lidée dune excroissance maligne. En effet, au sens propre, ces deux verbes sont employés dans le domaine médical : « Je me sens (dit-il) enfler et bouffir comme dhydropisie16 ».

Une enflure maladive soppose donc à un bon état de santé. Comme nous lavons vu, limage du corps sain pour un discours qui préserve une équivalence entre la pensée et le langage, remonte à Quintilien. De même, limage de lenflure pour une prolifération excessive des ornements stylistiques, qui prennent le pas sur le sens, se trouve chez cet auteur : « Certes, les orateurs qui pèchent par lenflure, le mauvais

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goût, le cliquetis du style, et par toute autre genre daffectation délibérée, tous souffrent – jen ai la certitude –, non dun excès de force, mais de faiblesse, comme lenflure du corps est signe de maladie, non de santé17 ». Cette image nest pas circonscrite à lépoque classique, mais possède une riche fortune également à la Renaissance. Ainsi Pasquier, le contemporain de Montaigne, a recours à limage de lenflure lorsquil recommande à La Croix du Maine denlever de sa bibliothèque des ouvrages insignifiants : « [] si le faites, vostre Bibliotheque en sera moins enflée, mais plus solide : et jaimeray tousjours un homme fort et nerveux que boursouflé de gresse18 ». Pasquier joue sur lopposition entre les termes « enflé », « boursouflé de gresse » et « solide », « fort », « nerveux ». On retrouve ainsi les métaphores employées par Montaigne lui-même dans le cadre de lécriture.

Nous pouvons donc remarquer que, dans le discours métalinguistique des Essais, la dichotomie du vide et du solide est accompagnée par celle de lenflure et de la santé. Toutes ces images proviennent du registre corporel, et font penser au proverbe grec, cité par Érasme, sur le lien indissociable entre uber et tuber19. Cette duplicité immanente du langage est fortement ressentie par Montaigne aussi bien que par les hommes de son époque, et en particulier par Rabelais. Lœuvre de ce dernier semble sarticuler entre laspiration à la plénitude, symbolisée par le tonneau intarissable, et la menace du vide, représentée dans lépisode de Quaresmeprenant. Les deux auteurs sont conscients de lécart qui sépare le mot de la chose et donc des problèmes de signification. Dans le cas de Montaigne, le registre du corps représente une source où ce dernier puise à sa façon pour instiller un regain de substance à sa langue. De cette façon, la démarche littéraire est caractérisée par une conscience aigüe du fait que la copia peut facilement dégénérer en une répétition stérile.

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Les Essais comme substance organique

Dans les Essais, lécriture comme la lecture se ramènent souvent à un processus organique. Dans le passage qui suit, Montaigne assimile le travail de lécriture à lart culinaire et se prend pour un cuisinier : « Enfin, toute cette fricassée que je barbouille ici, nest quun registre des essais de ma vie20 ». Lauteur développe la métaphore culinaire : le livre quil écrit est un plat quil prépare. Le choix du plat est significatif. La fricassée est faite avec la fressure, ensemble des gros viscères dun animal de boucherie : poumons, cœur, thymus, foie et rate. Etant constituée dingrédients différents, la fricassée reflète le caractère hétérogène de lœuvre montaignienne.

En effet, les Essais, comme le suggère déjà le titre, est un assemblage dessais, qui traitent de divers sujets. Au sein du même chapitre, lécrivain passe aisément dun argument à lautre. Il est dailleurs intéressant de remarquer que, dans le passage cité ci-dessus, Montaigne emploie le terme essai. Ici, il a plutôt le sens d« expérience », d« épreuve ». On y retrouve également lidée de lacte de penser, de juger, de sexercer et déprouver. Lessai fait partie du réseau des termes synonymiques qui sont tous liés à lacte décrire. La polysémie de ce mot se manifeste surtout dans le passage suivant : « Jai assez vécu, pour mettre en compte lusage, qui ma conduit si loin. Pour qui en voudra goûter : jen ai fait lessai, son échanson21 ». Par le jeu de la métaphore, lacte sensible de la gustation désigne lexpérience corporelle dans son ensemble. Limage gustative se double dune métaphore du banquet. Montaigne a fait lessai des boissons au festin de la vie, avant le lecteur qui est invité à ly rejoindre. En exploitant le double sens du mot essai, en tant quexpérience, mais aussi comme la désignation de son œuvre, lécrivain fait correspondre deux invitations : celle qui convie le lecteur à goûter le vin, et celle qui lincite à lire les Essais. Lœuvre montaignienne est de cette façon associée au vin et lécrivain à léchanson qui goûte le vin, son propre texte, avant de le servir aux autres.

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Les Essais de Montaigne assument de la sorte la valeur dun produit alimentaire à assimiler par nous, lecteurs. Si le destinataire est convié à boire le texte, cest parce que la boisson fonctionne comme la figure adéquate de lacte de lecture. Le vin instaure un rapport complexe de similarité, motivé par les sèmes communs de plaisir, santé, fraternité et abondance.

Si les Essais soffrent au lecteur comme une substance à ingérer, ils sont à leur tour le résultat dune assimilation des livres dautrui. Lorsque Montaigne traite ses essais d« excréments dun vieil esprit22 », il imprime un tour volontairement grotesque à la métaphore traditionnelle. à y bien penser, la métaphore des excréments nest pas aussi grotesque quelle semble lêtre à première vue. Elle est certes provocante, mais très fidèle à lidée de lauteur. Si les livres des Anciens sont perçus comme de la nourriture et limitatio comme une digestion, il devient logique que le produit final de ce processus se présente sous la forme des excréments.

En effet, limage de la digestion devient un topos dans la théorie de limitatio, car elle exprime le désir de sapproprier et de naturaliser un discours étranger. Cette notion de consubstantialité est reprise à la Renaissance par Érasme dans le Dialogus ciceronianus, qui est précisément consacré aux problèmes de limitation. Comme le souligne Terence Cave, Érasme reprend ce lieu commun, mais il le retravaille, en faisant de la comparaison quintilienne une métaphore, une translatio23. Lart de transformer les livres dautrui en oratio personnelle devient donc parfaitement interchangeable avec le processus de digestion :

Il te faut digérer ce que tu as dévoré dans tes longues et diverses lectures et le transporter par la réflexion dans les veines de lesprit, plutôt que dans ta mémoire ou dans ton carnet. Ainsi, ton génie propre saturé de toutes sortes de nourritures, produira de lui-même un discours imprégné non pas du parfum dune fleur, dune feuille ou dune herbe quelconque, mais des qualités innées et des sentiments de ton cœur, si bien que celui qui lira ton ouvrage ne reconnaîtra pas des fragments extraits de Cicéron, mais limage dun esprit plein de toutes sortes de savoirs24.

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Ainsi, le lecteur doit intérioriser les modèles, en absorbant la matière étrangère afin de la transformer en sa propre substance.

De même, Du Bellay se sert de limage de la digestion, en invoquant lexemple des Romains imitant les Grecs :

Si les Romains (dira quelquun) nont vaqué à ce labeur de traduction, par quels moyens donques ont ilz peu ainsi enrichir leur Langue, voyre jusques à legaller quasi à la Greque ? Imitant les meilleurs aucteurs Grecz, se transforment en eux, les devorant, et apres les avoir bien digerez, les convertissant en sang et nouriture, se proposant, chacun selon son naturel et largument quil vouloit elire, le meilleur aucteur, dont ilz observoient diligemment toutes les vertuz, et icelles comme grephes, ainsi que jay dict devant, entoint et apliquoint à leur Langue25.

Les activités de lecture et décriture sont ici présentées comme un processus réciproque dincorporation ou de consubstantiation. Le lecteur se transforme en ce quil lit et simultanément il transforme ce quil lit en sa propre nature.

Composer, cest donc absorber et digérer les livres du passé, le résultat de ces opérations étant une œuvre nouvelle. Ainsi les opérations intellectuelles sinscrivent dans le processus organique. Montaigne nhésite pas à matérialiser le produit spirituel quest son œuvre. Lassociation étroite entre le corps et lesprit permet de suggérer que la recherche de soi à travers lécriture confère à lactivité intellectuelle les caractéristiques dune expérience corporelle, proprement physique et des plus intimes.

Le paradigme de sa propre production est donc présenté par ce biais comme une opération physiologique. Lœuvre, en tant quexcrément, passe pour le résultat dune production organique du corps, dune transformation interne, qui saccomplit dans le recyclage des aliments ingérés. La transformation opérée lors de la digestion représente le passage de lœuvre au lecteur. Ce dernier ne doit pas la reproduire, mais travailler les idées qui y sont contenues pour les faire siennes. Le travail de lestomac se rapproche de celui de lintelligence individuelle, du jugement qui choisit les éléments utiles et significatifs parmi les productions dautrui. Le produit final, lexcrément, est le résultat dune

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digestion bien accomplie. Cette image suggère donc une réélaboration réussie dune matière étrangère.

Une œuvre ainsi produite nest plus une copie inférieure au modèle étranger, mais elle est consubstantielle à son auteur, puisquelle reflète sa personnalité singulière. Dans la théorie renaissante de limitatio, le registre corporel fonctionne comme signe dune écriture authentique qui se place du côté de la nature et non de lartifice. Ainsi, afin dinsister sur le fait que lœuvre doit surgir des profondeurs de la nature de lauteur, Érasme exploite lopposition entre le cœur, lorgane interne du corps, et les lèvres, la partie externe26. Le discours doit exsuder des tissus les plus intimes, « ex intimis enim vaenis » et non de la peau, « in cute27 ».

Montaigne met en pratique la théorie érasmienne de lœuvre comme expression de lindividualité de lauteur. Il va plus loin, en donnant ses écrits mêmes pour un corps, et précisément pour des organes internes et donc les plus intimes : « Je métale entier : Cest un skeletos, où dune vue les veines, les muscles, les tendons paraissent, chaque pièce en son siège [] Ce ne sont mes gestes que jécris ; cest moi, cest mon essence28 ». Lécrivain sidentifie tellement à son œuvre que sa personne est perçue par lui comme un livre vivant : « [] je leur irai fournir des Essais, en chair et en os29 ». La vie dans lœuvre tient à la vraisemblance des ressorts psychologiques. Le discours se propose de représenter la nature individuelle, la matière étant perçue ici comme le domaine physiologique de cette nature. Montaigne veut faire un portrait complet de son être, de lâme et du corps, et cest avant tout le corps qui détermine lindividualité et donne son épaisseur au discours : « Ceux qui se méconnaissent, se peuvent paître de fausses approbations : non pas moi, qui vois, et me recherche jusques aux entrailles, qui sais bien ce qui mappartient30 ». Montaigne se livre donc à une analyse anatomique de lui-même. Son entreprise consiste dans la pénétration de la surface qui cache sa vraie nature, ses « entrailles ».

Pourtant, une telle démarche comporte une grande difficulté, car la nature de lauteur est changeante et incertaine. Pour préciser ses contours

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et fixer son identité, cest lécriture qui vient à son secours. La pratique même de la mise en registre de ses traits les plus menus et disparates la forme et lordonne :

Moulant sur moi cette figure, il ma fallu si souvent testonner et composer, pour mextraire, que le patron sen est fermi, et aucunement formé soi-même. [] Je nai pas plus fait mon livre, que mon livre ma fait. Livre consubstantiel à son auteur : Dune occupation propre : Membre de ma vie : Non dune occupation et fin tierce et étrangère, comme tous autres livres31.

Montaigne souligne linteraction entre son livre et lui-même, en décrivant lécriture comme « loccupation propre : Membre de [s]a vie ». En tant que « membre », elle sassimile à une partie du corps. Le texte sidentifie ainsi à un organisme vivant. Le corps nest pas seulement le signifié, mais aussi le signifiant. Cest la forme que Montaigne donne à ses pensées évanescentes afin de les solidifier dans larmature du discours. Lécriture consiste donc dans la tentative de soustraire les pensées à leur indétermination : « Aux fins de ranger ma fantaisie, à rêver même, par quelque ordre et projet, et la garder de se perdre et extravaguer au vent, il nest que de donner corps, et mettre en registre, tant de menues pensées, qui se présentent à elle. Jécoute à mes rêveries par ce que jai à les enrôler32 ». Lexpression « donner corps », qui est une métaphore usée, reprend ici toute sa force. Limage de lépaisseur contraste avec celle de linconsistance, suggérée par la métaphore du vent. Ce passage signale la nécessité dune composition solide, capable de sopposer à la fuite et au flux en les prenant pour objets. Montaigne recherche un langage vigoureux qui imposerait une forme à linforme. Il évoque ainsi le pouvoir de concrétisation du langage, la capacité des mots de « se donner corps » et datteindre ainsi une consistance presque matérielle. Ce style idéal renvoie à un imaginaire du solide, exprimé par le registre corporel.

Un tel choix de métaphores est significatif. Le travail de lintelligence dans la production du langage est rapproché dun processus organique, parfaitement naturel, donné par le corps et ses fonctions. Les images corporelles soulignent la nature physiologique du langage, cest-à-dire la participation du corps dans lacte verbal. Elles ont donc une double

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fonction : dun côté, en mettant laccent sur le caractère écrit de la production, elles la présentent comme une transformation de la matière instable et informe en objet consistant, tandis que de lautre elles tendent à rapprocher lœuvre du domaine de loral, en contribuant à la simulation de la présence réelle, « corporelle » de lauteur. Très nombreuses sont les métaphores qualifiant ce qui relève de lécrit au moyen de termes appartenant à loral. Souvent les verbes « dire » et « parler » sont substitués au verbe « écrire ». Ce modèle omniprésent de la communication orale est au cœur même de lécrit : « Je parle au papier, comme je parle au premier que je rencontre33 ». La répétition du verbe « parler » met en évidence la métaphore qui décrit lécriture de lessai comme léquivalent dune improvisation. La substitution de « je parle au » à « jécris sur » change complètement la fonction du « papier » : support passif au sens référentiel, il devient interlocuteur, symbole de tous les autres destinataires dont il sera question dans lessai34.

Un autre point important, qui montre que pour Montaigne le langage est un phénomène physiologique, est le rapprochement entre le geste et la parole. Le geste, étant une manifestation corporelle, inscrit le langage dans la dimension matérielle. Lutilisation de lanaphore est précieuse pour la compréhension de la gestualité chez lécrivain35. Cest une répétition dun ou plusieurs mots qui sert de connexion sémantique supplémentaire. Dans le passage cité ci-dessus Montaigne recourt à lanaphore pour attirer lattention du lecteur, comme on le fait à laide des mains pour attirer celle de linterlocuteur. On a ainsi limpression que lauteur est réellement présent avec ses gestes et sa voix. En effet, dans la communication orale, le sens est transmis non seulement par lénoncé prononcé, mais aussi par les gestes du corps. Montaigne semble vouloir sapprocher de cette situation de production du discours, en utilisant lanaphore : « Ce que je ne puis exprimer, je le montre au doigt36 ». Lanaphore peut se comprendre comme geste, en tant que désignation. Cest effectivement un signe qui ne porte pas en lui-même de sens, puisque cest ce quil désigne qui assume

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la charge sémantique. En revanche, il assume une charge sémiotique, il fait sens en montrant. La relation entre les deux éléments signalés par lanaphore est une mise en relief du sens, comme si lauteur les indiquait du doigt.

Dans les Essais, le corps et ses fonctions acquièrent une importance capitale. Ils manifestent lintention de lauteur doraliser lécrit. Par ailleurs, par leur biais le discours peut prétendre à lauthenticité. Une telle valorisation de limaginaire du corps peut sexpliquer par la volonté de résister à limpersonnalité du rapport avec le lecteur due à la diffusion imprimée du livre. Ainsi, Montaigne cherche à rapprocher le livre du domaine corporel afin de pouvoir feindre un contact immédiat avec le lecteur.

Toutefois, Montaigne est conscient du caractère imprimé de son livre : « [a] Tout le commerce que jai en ceci avec le public, cest que jemprunte les outils de son écriture, plus soudaine et plus aisée : En récompense, [c] jempêcherai peut-être, que quelque coin de beurre ne se fonde au marché37 ». La diffusion de lœuvre par limprimerie accentue sa matérialité, en tant quun objet commercial. Si elle na pas de succès parmi les lecteurs, sa fonction véritable peut être déviée vers un usage pratique, envelopper un morceau de beurre dans un marché par exemple. Cependant, Montaigne ne sen soucie pas, car si son livre ne sert aux autres quen tant que papier, il aura au moins été utile à lui-même : « [c] Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps, de mêtre entretenu tant dheures oisives, à pansements si utiles et agréables38 ? » Il faut remarquer que lauteur reprend ici le lieu commun de lutile dulce, servant depuis lAntiquité à justifier la littérature. Pourtant un changement est survenu. Montaigne napplique plus ce topos au lecteur, mais à lui-même.

La notion dutilité est accompagnée de façon traditionnelle par celle de lagrément. Par le plaisir des « pensements » on pourrait entendre le plaisir de manier le langage et donc le plaisir décrire. Lagrément de lécriture est fortement valorisé : « [b] Si quelquun me dit, que cest avilir les muses, de sen servir seulement de jouet, et de passe-temps, il ne sait pas comme moi, combien vaut le plaisir, [c] le jeu et le passe-temps :

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[b] à peine que je ne dise toute autre fin être ridicule39 ». La conception de lécriture se révèle donc hédoniste.

Comme nous lavons vu, les activités intellectuelles, et en particulier lécriture, sont assimilées à des fonctions corporelles. Le texte lui-même sidentifie à une substance organique. En tant quorganisme vivant, lœuvre survivra à son auteur. Afin de sauvegarder la productivité des Essais, Montaigne transmet le relais à ses lecteurs : « Un suffisant lecteur découvre souvent ès écrits dautrui, des perfections autres que celles que lauteur y a mises et aperçues, et prête des sens et des visages plus riches40 ». Lœuvre est ouverte aux différentes interprétations et va continuer sa vie grâce à elles. Les Essais exigent du lecteur une sorte de collaboration pour que leur puissance passe à lacte41. Montaigne souligne la densité de son discours. Il livre une matière serrée, allusive, quil appartient au public de déployer :

Si suis-je trompé si guère dautres donnent plus à prendre en la matière : et [] si nul autre écrivain la semée, ni guère plus matérielle, ni au moins plus drue, en son papier. Pour en ranger davantage, je nen entasse que les têtes. [] Et combien y ai-je épandu dhistoires, qui ne disent mot, lesquelles qui voudra éplucher un peu curieusement, en produira infinis Essais ? [] Elles portent souvent, hors de mon propos, la semence dune matière plus riche et plus hardie42.

Ce qui est dit est riche de ce qui pourrait lêtre, mieux ou plus complètement, comme autant de germes et semences destinés à fleurir chez le lecteur. Montaigne sait que la gestation du sens est un processus continu et mouvant, parce quelle dépend de paramètres qui eux-mêmes changent. La métaphore de la semence inscrit cette propagation sémantique dans le mouvement des processus naturels, en reconnaissant à lébauche une valeur dautant plus grande quelle opère comme un potentiel, une puissance génératrice. Les Essais veulent se rapprocher de la Nature, de sa transformation incessante. Montaigne souligne la consistance de son discours par la répétition du sème « matière » dans lexpression qui le caractérise : « la matière [] plus matérielle ». Lemploi du verbe

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« éplucher » renforce limage des Essais comme substance organique. Le livre se présente donc comme un chantier ouvert où la participation du lecteur est autorisée et même souhaitée. Ainsi, le transfert du livre et du langage dans le registre matériel souligne leur caractère consistant tout en mettant en relief leurs pouvoirs générateurs.

Maria Proshina

CESR, Tours

1 Frédéric Brahami, Le Scepticisme de Montaigne, Paris, PUF, 1997, p. 34 ; Marie-Luce Demonet, A plaisir : sémiotique et scepticisme de Montaigne, Orléans, Paradigme, 2002.

2 Michel de Montaigne, Essais, éd. Céard, Paris, Librairie générale française, 2001, II, 16, p. 953 ; éd. Villey, Paris, PUF, 1965, p. 618 [a] ; éd. Naya, Paris, Gallimard, 2009, II, p. 419.

3 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 5, p. 1367-1368 ; Villey, p. 873 [b] ; Naya, III, p. 131-132.

4 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 25, p. 225 ; Villey, 26, p. 147 [a] ; Naya, I, p. 314.

5 Érasme, Lingua, t. IV, 1, in Opera omnia, Amsterdam, North Holland Publishing Company, 1974 ; De copia verborum ac rerum, ibid., t. I, 6, 1988.

6 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 25, p. 266-267 ; Villey, 26, p. 172 [c] ; Naya, I, p. 350-351.

7 Si nostrum simulacrum, quo M. Tullium effingimus, careat vita, actu, affectu, neruis et ossibus, quid erit imitatione nostra frigidius ? Érasme, Dialogus ciceronianus, op. cit., 1971, t. I, 2, p. 630.

8 Adde quod quidquid alteri simile est necesse est minus sit eo quod imitatur, ut umbra corpore et imago facie et actus histrionum ueris adfectibus. Quod in orationibus quoque euenit. Namque iis quae in exemplum adsumimus, subest natura et uera uis ; contra omnis imitatio facta est et ad alienum propositum commodatur. Quo fit ut minus sanguinis ac uirium declamationes habeant quam orationes, quod in illis uera, in his adsimilata materia est, Quintilien, Institutio Oratoria, trad. française par J. Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 1975-1980, X, 2, 11-12, p. 109.

9 [] qui omissa rerum, qui nerui sunt in causis, diligentia quodam inani circa uoces studio senescunt, idque faciunt gratia decoris, qui est in dicendo mea quidem opinione pulcherrimus, sed cum sequitur, non cum adfectatur. Corpora sana et integri sanguinis et exercitatione firmata ex isdem his speciem accipiunt ex quibus uires ; [] sed eadem si quis uulsa atque fucata muliebriter comat, foedissima sint ipso formae labore. [] Similiter illa translucida et uersicolor quorundam elocutio res ipsas effeminat quae illo uerborum habitu uestiuntur, Quintilien, Institutio Oratoria, op. cit., VIII, prohoemium, 18, p. 49.

10 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 25, p. 266 ; Villey, 26, p. 172 [c] ; Naya, I, p. 350.

11 Marie-Luce Demonet, op. cit., 2002, p. 184.

12 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 10, p. 654 ; Villey, p. 413-414 [a] ; Naya, II, p. 127.

13 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 25, p. 242 ; Villey, p. 157 [c].

14 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 51, p. 497-498 ; Villey, p. 306 [a] ; Naya, I, p. 532-531.

15 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 51, p. 499 ; Villey, p. 307 [a] ; Naya, I, p. 534.

16 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 37, p. 1199 ; Villey, p. 769 [a] ; Naya, II, p. 636.

17 Nam tumidos et corruptos et tinnulos et quocumque alio cacozeliae genere peccantes certum habeo non uirium, sed infirmitatis uitio laborare, ut corpora non robore, sed ualetudine inflantur, Quintilien, Institutio Oratoria, op. cit., II, 3, 9, p. 35.

18 Étienne Pasquier, Lettres, in Œuvres, Amsterdam, Compagnie des libraires associez, 1723, IX, VIII, f. 240D.

19 Ubi mel, ibi fel, ubi uber, ibi tuber, Érasme, Lingua, op. cit., IV, 1, p. 240.

20 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 13, p. 1679 ; Villey, p. 1079 [b] ; Naya,III, p. 423. 

21 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 13, p. 1681 ; Villey, p. 1080 [b] ; Naya, III, p. 425.

22 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 9, p. 1477 ; Villey, p. 946 [b] ; Naya, III, p. 235.

23 Terence Cave, Cornucopia : figures de labondance au xvie siècle, Paris, Macula, 1997, p. 72.

24 Concoquendum est, quod varia diutinaque lectione deuoraris, meditatione traiiciendum in vaenas animi, potiusquam in memoriam aut indicem, vt omni pabulorum genere saginatum ingenium ex sese gignat orationem, quae non hunc aut illum florem, frondem, gramenue redoleat : sed indolem affectusque pectoris tui, vt qui legit non agnoscat fragmenta e Cicerone decerpta, sed imaginem mentis omni genere doctinarum expletae, Érasme, Dialogus ciceronianus, op. cit., I, 2, p. 652.

25 Joachim Du Bellay, Deffence et illustration de la Langue Françoyse, [1549], éd. H. Chamard, Paris, Didier, 1948, I, VII, p. 42-43.

26 Érasme, Dialogus ciceronianus, op. cit., I, 2, 651.

27 Ibid.

28 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 6, p. 603-604 ; Villey, p. 379 [c] ; Naya, II, p. 77. 

29 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 5, p. 1317 ; Villey, p. 844 [a] ; Naya, III, p. 90. 

30 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 5, p. 1324 ; Villey, p. 847 [b] ; Naya, III, p. 95.

31 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 18, p. 1026 ; Villey, p. 665 [c] ; Naya, II, p. 485.

32 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 18, p. 1027 ; Villey, p. 665 [c] ; Naya, II, p. 486.

33 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 1, p. 1232 ; Villey, p. 790 [b] ; Naya, III, p. 13. 

34 Marie-Luce Demonet, « La logique de la métaphore (Essais, III, 1) », in Rhétorique de Montaigne. Actes du colloque de la société des amis de Montaigne (Paris, 14-15 décembre 1984), Paris, Champion, 1985, p. 150.

35 Marie-Luce Demonet, op. cit., 2002, p. 92.

36 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 9, p. 1532 ; Villey, p. 983 [b] ; Naya, III, p. 288.

37 Essais, op. cit., éd. Céard, II, 18, p. 1026 ; Villey, p. 664 ; Naya, II, p. 485.

38 Ibid. 

39 Essais, op. cit., éd. Céard, III, 3, p. 1295 ; Villey, p. 829 ; Naya, III, p. 71.

40 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 23, p. 195 ; Villey, 25, p. 127 [a] ; Naya, I, p. 287.

41 Michel Jeanneret, Des mets et des mots : banquets et propos de table à la Renaissance, Paris, Corti, 1987, p. 302.

42 Essais, op. cit., éd. Céard, I, 39, p. 389 ; Villey, p. 251 [c] ; Naya, I, p. 459.