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Classiques Garnier

Montaigne en 1912, un pédagogue républicain

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Montaigne en 1912,
un pédagogue républicain

introduction

Les penseurs républicains de la IIIe République, pédagogues de vocation ou de profession, s’approprient Montaigne comme l’un des leurs. Émile Faguet, pressenti à la chaire de poésie française de la Sorbonne, écrit en 1894 : « Par tournure d’esprit, il serait républicain1. » L’auteur des Essais trouve une place de choix dans les manuels d’histoire de la littérature et d’histoire de la pédagogie qui se multiplient en cette fin de xixe siècle. Dans le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, coordonné par Ferdinand Buisson, alors Directeur de l’enseignement primaire, on peut lire à l’article « Montaigne » : « On n’avait pas attendu notre époque, d’ailleurs, pour mettre à profit les judicieuses réflexions de l’auteur des Essais : Locke et Rousseau particulièrement lui ont fait de larges emprunts, et, malgré la brièveté de son esquisse pédagogique, Montaigne est un chef d’école en matière d’éducation2. » L’article est rédigé par Gabriel Compayré, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse, élu et réélu député du Tarn de 1881 à 1889, membre du groupe des Républicains dits modérés ou opportunistes, à la Chambre des députés. Ses Éléments d’éducation civique et morale, publiés en 1880, sont mis à l’Index par l’Église catholique3. Pour ses lecteurs

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républicains, Montaigne, qui fait désormais partie des classiques, est intégré à une pédagogie de combat, conduite au nom du rationalisme et de la liberté de conscience.

un paradigme de lecture
et une pédagogie de combat

Aux alentours de 1900, les ouvrages sont nombreux à s’intéresser à la pédagogie de Montaigne, en France et à l’étranger. Une centaine de titres s’y intéressent, entre 1879, date à laquelle Compayré rédige un chapitre consacré à Montaigne dans une Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècle, et la création de la Société des Amis de Montaigne en 1912. Le début de la première guerre mondiale marquera, l’année suivante, la fin d’une époque. Les activités de la Société des Amis seront suspendues jusqu’en 1921 ; à cette date, la lecture républicaine aura été définitivement supplantée par la lecture évolutionniste, dont nous décrirons plus loin l’émergence. En attendant, il faut noter la grande stabilité de la lecture républicaine sur une période de trente-cinq ans environ, stabilité qui pourrait s’expliquer d’abord par la permanence des hommes. Compayré reprend le chapitre sur Montaigne de 1879 pour l’intituler « Montaigne pédagogue » dans une Histoire de la pédagogie de 18864. Le chapitre donne lieu, en 1905, à un développement pédagogique conséquent avec Montaigne et l’éducation du jugement. Une autre raison, c’est qu’à la différence de ce que l’on peut observer en Allemagne, la pédagogie républicaine en France n’est pas d’abord objet de recherche scientifique, mais matière à engagement politique5. Pour les grands pédagogues républicains, tels Ferdinand Buisson, Gabriel Compayré ou Gustave Lanson, les fonctions politiques et administratives ont la priorité sur le temps consacré à la recherche. L’enjeu des théories de l’éducation est de fournir aux enseignants les

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règles d’exercice de leur métier, leurs contenus d’enseignement et leur plan de formation. Ce n’est pas la dimension expérimentale qui caractérise la pédagogie républicaine, mais sa dimension de combat : il y va du progrès de la raison sur le territoire national.

Comment expliquer le succès durable de Montaigne dans l’histoire de la pédagogie sous la IIIe République ? On lui reconnaît d’abord la capacité d’apporter une réponse à la crise des valeurs traditionnelles6. Comme il n’y a pas de réponse toute faite aux questions qui assaillent l’homme, chacun doit apprendre à bien se servir de son jugement. Gustave Lanson, professeur de rhétorique au lycée Louis-le-Grand, puis Directeur de l’École normale supérieure de 1919 à 1927, voit en Montaigne le pédagogue de l’exercice critique du jugement. Il le juge de ce point de vue supérieur à Rabelais : « on ne trouve, dans le livre de Rabelais, ni une critique de la connaissance, ni une critique des facultés, ni une critique des fins de l’action. Aucune inquiétude de méthode. Or, exercice critique et recherche de méthode, c’est tout Montaigne7 ». Si ce jugement est remarquable, c’est que la supériorité de Rabelais, en pédagogie, a été affirmée avec force par le xixe siècle, par exemple chez Jules Michelet8. Dans un contexte marqué par le rationalisme positiviste, on préfère également Rabelais, qui accorde une place prépondérante à la science dans l’éducation : « c’est par la science et par elle seule que l’homme peut arriver à réaliser pleinement sa nature9 », souligne le sociologue Émile Durkheim dans son cours de 1904-1905 sur la Renaissance. Si Montaigne retient l’attention à cette période, c’est comme précurseur de l’autonomie du jugement et comme champion de la conscience morale. Lanson l’explique en ces termes : « Beaucoup d’âmes errent inquiètes et désemparées, éprouvant le besoin d’une morale, et ne pouvant plus accepter aucune doctrine rationnelle comme investie d’une autorité absolue. C’est ici que Montaigne interviendra pour nous faire

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comprendre que la règle de la vie morale pour chacun de nous, n’est pas au dehors, mais au dedans, qu’il n’y a point de commandement extérieur auquel nous soyons tenus d’obéir sans examen, sans réserve, et les yeux fermés, et que la conscience individuelle est autonome et souveraine. La vie morale ne consiste pas à reproduire mécaniquement tel acte que la doctrine commande et à s’abstenir de tel autre que la doctrine défend, mais à faire ou ne pas faire ce que notre conscience autorise ou refuse, dans des circonstances données, après consultation de notre raison10 ». Tout se passe également comme si Montaigne était en phase avec l’esprit du protestantisme libéral. Dans la thèse de doctorat qu’il consacre à Sébastien Castellion, lors de son exil volontaire en Suisse sous le Second Empire, le jeune Ferdinand Buisson écrit : « Dieu se révèle non par le prêtre, comme le croit l’Église catholique, ni par le Livre, comme le croit la Réforme, mais par la conscience morale11 ». À l’âge de vingt-cinq ans, il fonde à Neuchâtel une Église libérale, dans laquelle la liberté de pensée est admise. Les fidèles pourront proclamer : « Jésus-Christ est tout, – les dogmes ne sont rien12 ». Plus tard, Buisson est appelé par Jules Ferry à diriger l’Enseignement primaire, tout en enseignant comme Professeur de pédagogie à la Sorbonne. Il coordonne le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dont la première édition date de 188213. À l’entrée « Montaigne », Compayré fait le bilan suivant : « Si l’on voulait, en négligeant les détails, résumer dans une vue générale les pensées pédagogiques de Rabelais et de Montaigne, on pourrait dire que Rabelais est le premier qui ait compris l’importance de l’éducation scientifique, de celle qui éclaire l’intelligence en faisant luire sur elle toutes les lumières ; Montaigne s’est plutôt préoccupé de l’éducation pratique, de celle qui consiste à former le jugement, et, par suite, à diriger la volonté14 », écrit Compayré. « Ce n’est ni sur l’autorité de la religion, ni sur la doctrine fidèlement obéie de

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tel ou tel philosophe, c’est bien sur un effort personnel que Montaigne a entendu fonder la vie morale15 » écrit-il quelques années plus tard, dans Montaigne et l’Éducation du jugement. L’idée devient presque un lieu commun dans les manuels de pédagogie. « Entre les diverses facultés, Montaigne s’attache surtout à former le jugement ; entre les diverses connaissances, il recommande, de préférence, celles qui font les esprits sensés et fermes, les consciences droites16 », souligne François Guex. Dans sa thèse de doctorat, Pierre Villey explique que le rôle de Montaigne à la Renaissance est d’avoir appliqué le nouveau rationalisme à la morale17. Avec l’auteur des Essais, la pensée morale se dégage de l’autorité de la tradition et de la religion, pour être prise en charge par la raison, et en l’espèce par le jugement de chacun.

les trois moments de l’interprétation
républicaine

Les Républicains établissent une interprétation des Essais marquée par trois moments essentiels : sauver Montaigne de son scepticisme, montrer qu’il a pratiqué et défendu la nécessité de former le jugement, souligner les lacunes de l’éducation qu’il propose. Tout d’abord, on s’attache à circonscrire la place du doute : Montaigne a été sceptique, mais quelques années seulement, lors d’une crise passagère. La confiance en l’homme doit l’emporter. Compayré écrit en ce sens : « Qui a pris connaissance de ses invectives contre le pédantisme, la vaine érudition, la fausse sience, et aussi contre la discipline barbare du Moyen Âge, ne sera plus tenté de le prendre pour un sceptique, qui assisterait, indifférent et froid, au mal qu’il constate et qu’il condamne18. » Villey souligne de même : « Avant de livrer à l’imprimeur sa première édition, il a écrit son essai De l’institution des enfants, et cet essai-là n’est pas du tout celui

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d’un sceptique19 ». Lanson renchérit : « Positivisme, naturalisme, ce que l’on voudra, mais non pas scepticisme20. » Dans un contexte marqué par le kantisme, Lanson limite le scepticisme de Montaigne à un « scepticisme transcendantal » qui serait d’un point de vue théorique « limité à l’inconnaissable », et qui correspondrait en pratique à un « remède au fanatisme », à un « art de vivre21 » d’inspiration épicurienne. Faguet donne une généalogie de l’interprétation pyrrhonienne des Essais. « Ce scepticisme de Montaigne est une invention de Pascal, renouvelée par les philosophes français de 1840. On est toujours le sceptique de quelqu’un, et rien n’était plus facile que d’être sceptique pour Pascal, et aussi pour Victor Cousin22 ». Le second temps de l’interprétation républicaine, c’est que Montaigne ne doute pas pour douter, mais pour former son jugement. « Montaigne a retourné en cent manières sa pensée pédagogique dominante, qui est la nécessité de former le jugement. (…) Juger, c’est d’abord penser par soi-même ; c’est avoir des opinions qui soient nôtres ; c’est chercher la vérité par un effort de réflexion personnelle. Juger, c’est penser juste, c’est voir clair dans toutes les questions qui se présentent, grâce aux lumières d’un esprit droit. Bien juger, enfin, c’est être en état de bien agir. La justesse du jugement, en effet, écarte les erreurs, les illusions, qui sont la source des mauvaises actions. La solidité de la pensée calme et apaise les passions. Penser par soi-même et penser juste, c’est déjà avoir acquis une force morale23 », écrit Compayré, chez qui Montaigne apparaît comme le défenseur de l’esprit conscient de soi. Après la guerre, les Essais seront mis au service d’une lutte contre les « ténèbres de l’inconscient ». Lanson écrit en ce sens : « Il n’y aurait vraiment, à en croire certains écrivains de nos jours, que les pensées et les actes sortis des profondeurs les plus ténébreuses de notre être, et dans lesquels la partie raisonnable et volontaire de nous-mêmes aurait le moins de part (…). Il ne nous laisse pas oublier qu’en définitive la culture de l’individu et de la civilisation de l’espèce consistent à arracher le plus que nous pourrons de notre activité intérieure aux ténèbres de

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l’inconscient ou du subconscient, et à l’amener sous la lumière de la conscience, et que la personnalité humaine, véritablement humaine, se mesure au développement de la raison et de la volonté24. » Remède au fanatisme, Montaigne devient remède au freudisme. Son rôle, dans l’histoire de la pensée, consiste à maintenir vivante l’exigence de la conscience intellectuelle et morale. Sa pédagogie morale repose sur la seule exigence intérieure de bien penser, ne comporte aucun dogme et « n’oblige personne25. » Le troisième moment de l’interprétation républicaine consiste à souligner les limites du programme pédagogique de Montaigne. La critique est conduite d’un triple point de vue (religion, morale et science) et complétée d’une restriction : c’est une pédagogie certes humaine, mais qui vaut seulement comme éducation générale.

Émile Faguet demande dans une conférence de 1913 : « Qu’est-ce qui manque ? Est-ce qu’il manque quelque chose ? Oh ! Il manque deux choses énormes, à mon avis, à cet excellent traité (I, 26) : d’abord, il n’y a pas un mot de religion ni de charité. (…) Il manque de même une éducation du sentiment, même si Montaigne en a vu la nécessité26. » Dans le même sens, Fortunat Strowski déclare : « Je reproche à Montaigne l’absence de toute préoccupation métaphysique. Rabelais fait sa prière le matin et le soir, et, en regardant la voûte céleste, songe à Dieu27 ». Toutefois, l’absence de la religion en I, 25 et I, 26, et la position dépassionnée que Montaigne s’efforce de maintenir à l’égard de la religion, est plutôt un atout au moment où s’impose la notion de laïcité. Le néologisme de « laicité » fait son entrée dans le vocabulaire français avec le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Le néologisme est voulu par Ferdinand Buisson, qui rédige lui-même l’article correspondant. Le principe de laïcité veut dire que l’instituteur ne doit pas prendre parti en matière religieuse, mais aucunement s’abstenir de « surveiller dans chaque enfant l’éducation de la conscience28 », selon les termes prescriptifs de Buisson. Un autre reproche formulé par les

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Républicains est que Montaigne n’a pas vu la nécessité du travail et de la discipline, et que cette légèreté a de graves conséquences morales. Compayré s’insurge en ces termes : « Nous n’accorderons pas les mêmes éloges à sa pédagogie morale. Il faut un grand parti pris d’approbation pour lui faire honneur, comme l’a osé Guizot, du silence qu’il garde sur l’éducation du coeur : “Le silence presque absolu que Montaigne a gardé en cette partie de l’éducation qui s’attache à former le coeur de l’élève me paraît une nouvelle preuve de son bon jugement”. Non, le grand défaut de Montaigne est précisément celui-là : les qualités du coeur, la chaleur du sentiment, l’esprit de sacrifice, le goût de l’action lui manquent presque entièrement. Aimable égoïste, il n’a célébré que la vertu facile où l’on arrive “par des routes ombrageuses, gazonnées et doux fleurantes”. A-t-il jamais pratiqué lui-même les devoirs pénibles, ceux qui exigent un effort29 ? » La critique de Lanson vaut aussi contre l’égoïsme louis-philippard de François Guizot, père de Guillaume, Ministre de l’Instruction publique d’un gouvernement royaliste et conservateur. François Guizot est pourtant le grand organisateur de l’enseignement primaire en France : création des écoles de garçons, loi du 28 juin 1833, des Écoles normales d’instituteurs et du système d’inspection, des conseils d’éducation où siégeaient aussi des religieux, etc. : on comprend que les Républicains aient eu intérêt à minorer le rôle de ce gênant prédécesseur. Un autre reproche récurrent est l’absence de la science dans la pédagogie montanienne. Pierre Villey souligne, d’un ton péremptoire : « Un point cependant est désormais acquis : c’est son mépris pour la science contemporaine. Jamais il ne changera d’avis à son sujet30 ». Mais comme il faut faire de Montaigne un rationaliste et non un sceptique, Villey ajoute ceci : « Nous le verrons tout à l’heure faire quelques pas dans la voie de la méthode expérimentale et de la science positive. » Durkheim s’étonne du manque de sérieux avec lequel Montaigne s’intéresse, ou plutôt ne s’intéresse pas, à la culture scientifique de l’enfant : la science est réduite à un « ornement », « rabaissée au rang de culture esthétique31 », ce qui vaut crime impardonnable.

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Les autres critiques que formulent les lecteurs républicains à l’encontre de Montaigne concernent non pas le contenu de sa pédagogie, mais la valeur et l’importance qu’il faut lui accorder dans le cadre d’une histoire générale de la pédagogie. Ce sont des critiques restrictives, qui visent à délimiter la place de chaque penseur dans l’histoire. Les Républicains assignent à Montaigne le rôle d’inspirateur de l’enseignement primaire et de la formation générale. « Le plus souvent les systèmes d’éducation sont trop spéciaux, trop exclusifs. L’effort principal de Montaigne fut de réclamer une éducation générale et humaine. Personne n’a mieux compris que lui la nécessité de développer dans chaque individu les facultés qui font l’homme, avant de lui apprendre le métier qui fait le spécialiste32. » Ces lignes sont écrites par Compayré en 1885 ; trente ans plus tard, en 1905, il met plutôt l’accent sur les limites de l’éducation générale et humaine33. Mais ce qui paraît rédhibitoire, aux yeux des Républicains, c’est que « Montaigne est né gentilhomme et il reste gentilhomme. Son indignation contre les mauvais traitements procède moins du sentiment de la dignité humaine outragée que d’une sorte de révolte aristocratique contre ces suppôts crottés, ces pédants crasseux qui osent porter la main sur des enfants de bonne maison34 », tempête François Guex dans une Histoire de l’instruction et de l’éducation. La confession catholique de Montaigne est rappelée par Compayré, ce qui doit pénaliser l’auteur des Essais comme penseur de l’éducation. « Montaigne n’a pas pédagogisé pour le peuple : seuls, au xvie siècle, les hommes de la Réforme ont pris souci de l’éducation populaire. Il s’agissait d’élever, sous la direction d’un gouverneur, d’un précepteur bien choisi, un petit gentilhomme que sa condition destinait à une vie aisée et peut-être oisive35 ». Compayré, qui connaît bien les Essais, sent toutefois le besoin de nuancer son jugement : « Mais comme de ce petit gentilhomme Montaigne veut faire un homme, ses avis dépassent pourtant l’horizon borné d’une éducation de château, et nombre de ses maximes valent pour les enfants de toutes les conditions et de tous les temps. » Il revient à Durkheim de porter les coups les plus sévères contre Montaigne, en dénonçant son « nihilisme

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pédagogique36 ». Il n’est pas le premier à utiliser le terme « nihilisme » à propos de Montaigne, puisque Faguet, lecteur de Dostoïevski et de Nietzsche, l’a déjà fait en 188937. Pour Durkheim, l’éducation est une « socialisation méthodique de la jeune génération », une entreprise dont le sens est de contraindre « l’être égoïste et asocial qui vient de naître38 » à accepter les règles de la vie en commun. Or, Montaigne aurait imaginé une éducation qui ne serait pas soumise à l’exigence de responsabilité sociale. « C’est en vue de cette existence facile, libre, exempte de toute gêne et de toute contrainte, existence que l’on croit non seulement possible, mais actuelle, que l’on se propose de former l’enfant. Voilà ce qui a donné naissance à ces différents systèmes pédagogiques, qui tous s’adressent aux fils d’une aristocratie privilégiée, pour lesquels les difficultés de la vie sérieuse n’existent pas39. » L’éducation imaginée par Montaigne n’a été possible qu’en raison de la condition oisive, libérée de toute responsabilité, dont il a pu jouir de son vivant. La curiosité intellectuelle, à laquelle le développement de l’imprimerie offre un nouveau matériau, tourne à vide. Semblablement, la critique que Max Horkheimer propose de la « fonction de la skepsis40 » chez Montaigne vise à montrer que l’exercice du doute est le diverstissement d’un aristocrate vivant dans l’aisance matérielle. L’essai n’ayant plus rien d’universel, le paradigme républicain est définitivement rompu.

Les Républicains soulignent enfin qu’il s’agit avec Montaigne d’une éducation aristocratique, et que l’éducation des femmes a été négligée. « Montaigne a souvent parlé des femmes et de leur éducation : mais il tient en médiocre estime l’esprit féminin, et sur ce point il n’est qu’un pédagogue à courtes vues », tranche Compayré dans le Dictionnaire de pédagogie. Il faut dire que cette lacune ne trouble pas tous les esprits à l’époque. L’ouverture récente des lycées de jeunes filles et des Écoles normales pour institutrices (une pour les futurs instituteurs, une pour les institutrices, dans chaque département, en application de la loi dite

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Paul Bert41) est loin de faire l’unanimité. De ce point de vue, Faguet ne brille pas par son progressisme : « Or vous, mesdemoiselles, qui n’exercerez pas un métier, qui n’êtes pas forcées de vous préparer à l’École polytechnique – encore que quelques-unes d’entre vous y songent, mais je ne les approuve pas beaucoup (rires), vous, mesdemoiselles, cette éducation de moraliste qu’a instituée Montaigne, on peut vous la donner42 », souligne-t-il en 1913 devant un public apparemment facilement acquis à ces idées.

l’émergence de l’évolutionnisme

Le philosophe Alain fait de Montaigne le représentant de la part de jeu dans l’éducation, de plaisir et de spontanéité, Hegel étant, à l’opposé, celui de l’effort et du sérieux43. La pensée pédagogique de Montaigne reste au centre de la lecture philosophique des Essais après la guerre. Pourtant, une autre lecture se développe dès les premières années du xxe siècle, au point de venir concurrencer rapidement la lecture pédagogiste : il s’agit de la lecture qui repose sur l’évolution supposée de la personnalité de Montaigne, et que je propose d’appeler la lecture évolutionniste. Celle-ci apparaît simultanément chez Strowski et Villey. On pourrait tout d’abord en exhumer les prémisses socratiques, introspectives ou post-romantiques. « Les Essais ont été pour lui, dans une certaine mesure, un moyen de se perfectionner par une description de plus en plus complète de son type du sage et par une connaissance de plus en plus profonde de lui-même44 » écrit ainsi Paul Stapfer, qui n’est pas le seul à faire de l’œuvre l’outil dont l’homme Montaigne aurait besoin pour s’épanouir. Lors du banquet qui marque la création de la Société des Amis de Montaigne, le 8 juin 1912, Anatole France déclare : « Et ce qu’il y a d’admirable en lui, c’est le travail constant de son esprit pour se dégager de toutes les entraves, de toutes

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les contraintes du préjugé et de l’opinion, et pour se faire une pensée de jour en jour plus libre et plus sereine, plus large et plus humaine45. » Le paradigme évolutionniste a déjà été posé dans les ouvrages de Fortunat Strowski (1906) et de Pierre Villey (1908). Ces travaux sont appuyés sur le chantier éditorial de l’édition des Essais à partir de l’Exemplaire de Bordeaux, caractérisé par la présence de nombreux ajouts manuscrits de Montaigne. Il faut mentionner ici l’influence de Ferdinand Brunetière, qui réclamait depuis longtemps une « étude chronologique » des Essais, une biographie intellectuelle expliquant l’oeuvre et ses désordres apparents par les desseins successifs de l’auteur46. Brunetière défendait une théorie de l’évolution des genres littéraires, en partie inspirée par l’histoire naturelle chez Cuvier ou Darwin47. La dernière étude de son Histoire de la littérature française est intitulée « une nouvelle édition de Montaigne » et porte sur la nouvelle édition des Essais par Strowski, dont Brunetière a été le directeur de thèse. Le principe éditorial mis en œuvre par Strowski est celui de l’édition par « couches » successives, matérialisées en marge par les lettres A (pour les éditions de 1580, 1582 et 1587) et B (1588) ; les ajouts manuscrits de Montaigne sont imprimés en italiques. « Nous avons, en vérité, sous les yeux l’entière succession des différentes aspects du texte de Montaigne48 », souligne Brunetière. Le modèle invoqué est l’édition de la Bible par les érudits américains, anglais et allemands sous la direction du professeur Haupt, édition visant à faire apparaître les différentes strates historiques du texte, « les différentes “couches” dont la superposition successive a fini par former, depuis la haute antiquité jusqu’en des temps qu’on estime assez voisins de nous, le texte unique et consacré de la Genèse, par exemple, ou de la Prophétie d’Isaïe. C’est la grande affaire de l’exégèse contemporaine, on le sait (…) ». La théorie évolutionniste est dans l’air du temps. Ernest Renan écrit dans L’Avenir de la science, publié en 1890 : « j’étais évolutionniste décidé en tout ce qui concerne les produits de l’humanité, langues, écritures, littératures,

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législations, formes sociales49. » Le parallèle entre Montaigne et Renan est connu de tous : on le trouve au moins chez Edme Champion, Fortunat Strowski ou Émile Faguet50. Il faudrait aussi citer l’influence de Herbert Spencer, à qui Gabriel Compayré a consacré un livre en 1901, Herbert Spencer et l’éducation scientifique. Henri Bergson voit en lui son premier maître et lui rend hommage à la fin de L’Évolution créatrice (1907)51. Mentionnons aussi, et surtout, la philosophie de Bergson : l’ouvrage cité prend en considération l’évolution de la vie et cherche à rendre compte de la continuité de tous les êtres vivants, de l’amibe à l’organisme le plus complexe. Bergson montre que l’évolution est puissance créatrice, ou « élan vital ». Dans le règne animal, il lui donne le sens d’un épanouissement de la liberté.

Le grand théoricien de l’interprétation évolutionniste de Montaigne est Pierre Villey, dont la thèse de doctorat Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne (1908) se place sous le patronage intellectuel de Brunetière et de Lanson, ses maîtres à l’École normale supérieure. Le projet de Villey est de « retrouver une évolution dans la pensée du philosophe et dans la manière de l’artiste52. » À cette fin, il emploie une méthode de datation des différents chapitres, qui doit permettre de « reconnaître les transformations de la pensée de Montaigne », de les « expliquer par ses lectures, par sa biographie, par son milieu, que la lecture des ouvrages contemporains53 ». Les « sources » ont une importance primordiale, en ce

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qu’elles permettent d’établir, sur une base positive, « l’évolution54 » de la pensée de l’auteur. Lorsqu’il établit le sens de cette évolution, Villey emprunte au paradigme républicain du « progrès du rationalisme » à la Renaissance, et en ce sens, il compte parmi les lecteurs républicains les plus fervents de Montaigne. Mais il dédouble ce paradigme de celui du « progrès de la personnalité », une thèse d’inspiration bergsonienne, et dont le sens est celui de la liberté individuelle. Dans l’Essai sur les données immédiates de la conscience, publié en 1889, Bergson écrit : « Agir librement, c’est reprendre possession de soi, c’est se replacer dans la pure durée55. » Villey explicite son ouvrage sur Montaigne en ces termes : « Ce sont les transformations de l’œuvre qu’il retrace, beaucoup plus que les transformations d’un homme déjà formé. Cherchez-y non des métamorphoses, mais le mouvement d’une pensée qui fait effort pour se saisir, pour prendre possession de soi56. » Villey mobilise aussi la notion de « Moi », pour expliquer que l’écriture des Essais correspond à « une expérience plus consciente des forces du Moi57 ». L’œuvre, avec ses couches successives, correspondrait ainsi à une conquête progressive du Moi profond.

Le paradigme évolutionniste ne s’impose pas sans susciter de farouches résistances, en particulier celle du Dr. Armaingaud58, qui réunit régulièrement chez lui à Paris des admirateurs de Montaigne, avant de créer, en 1912, la « Société des Amis de Montaigne », comme association loi de 1901. Il fait paraître en 1907 une critique intitulée Le Prétendu stoïcisme de Montaigne, discussion de la thèse de M. le Professeur Strowski, dans la Revue politique et parlementaire59. En s’appuyant sur une analyse des chapitres du livre I, le Dr. Armaingaud montre que Montaigne n’est pas plus stoïcien qu’épicurien. En réalité, tous les arguments développés

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contre la crainte de la mort dans « Que philosopher c’est apprendre à mourir » sont tirés du De natura rerum de Lucrèce. C’est donc, conclut le Dr. Armaingaud, « une leçon de prudence pour tous ceux qui voudront appliquer à la pensée de Montaigne la “méthode historique et génétique” que M. Strowski se fait l’illusion d’avoir appliquée le premier. Ils devront, sous peine de s’exposer aux mêmes erreurs que M. Strowski (…) tenir plus de compte qu’il ne l’a fait, des travaux antérieurs sur Montaigne, notamment ceux de Sainte-Beuve, d’Emile Faguet, d’Ernest Courbet, de Guillaume Guizot, d’Edme Champion ». Il invite Strowski à rectifier son introduction à l’Édition municipale des Essais… Dans le Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, le Dr. Armaingaud fait ensuite paraître une grande étude, « Y a-t-il une Évolution dans les Essais ? » qui vise cette fois la thèse évolutionniste chez Pierre Villey, une thèse qui a eu certes « beaucoup de retentissement », mais reste sans fondement. L’évolution de Montaigne, soutient le Dr. Armaingaud, n’est qu’une apparence trompeuse. Le paradigme évolutionniste s’impose néanmoins, grâce à la nouvelle édition de Villey parue chez Alcan, en 1922-1923 puis en 1930-1931, et reprise par les Presses universitaires de France en 1965. Un appareil critique donne les sources, tandis qu’une présentation, en tête de chaque chapitre, fait état de la date de sa rédaction probable.

Déchargé de ses fonctions de directeur de l’École normale supérieure, Lanson écrit en 1929 : « C’est la vie intérieure de Montaigne tout entière qui nous attire, c’est l’effort continu de cet esprit ardemment épris de vérité, pour se faire de la vie humaine une conception de plus en plus juste, et pour élaborer une forme littéraire de plus en plus propre à l’exprimer. (…) C’est le roman d’une intelligence qui attache et qui instruit le psychologue. Pour le retracer, il nous faut le plus de dates qu’il est possible60 ». L’évolutionnisme l’a donc largement emporté à cette date. Il présente cet avantage herméneutique évident de résoudre les contradictions apparentes de la pensée de Montaigne en les situant comme autant de moments de son développement intellectuel. C’était le souhait de Brunetière. Les spécialistes discuteront désormais des strates successives des Essais, en portant une attention nouvelle à la forme du texte, au style et aux sources, alors que les lecteurs républicains avaient jusque-là privilégié les leçons à tirer du contenu des Essais.

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conclusion

La réception républicaine des Essais est une période critique très riche, qui nous semble appeler un jugement un peu moins sévère que celui formulé par Antoine Compagnon : « C’est donc cela que nous devons à la Troisième République, cette apologie de Montaigne et cette justification définitive de son scepticisme par la théorie de l’évolution de sa pensée. (…) La méthode historique et génétique résout le désordre, l’anarchie des Essais, excuse les défauts de leur auteurs, grâce à ces trois phases qui expliquent tout sans laisser de reste61 ». La justification du scepticisme de Montaigne est entreprise au nom du rationalisme intellectuel et moral, que les lecteurs républicains conçoivent principalement comme autonomie du jugement. On peut certes regretter que cette lecture soit fondée sur le présupposé de la supériorité de l’exégète par rapport à tout ce qui précède, et que Montaigne soit perçu comme un rationaliste conservateur, avant d’être critiqué comme un aristocrate dilettante. Pourtant, la compréhension des Essais sous l’angle de la culture du jugement, sous la IIIe République, mérite notre attention, et même notre admiration. Montaigne apparaît comme un pédagogue de l’humanité et un maître de l’indépendance critique à l’égard des savoirs établis ; sa pratique du doute est orientée vers la construction d’une personnalité intellectuelle et morale. Les Essais tracent le chemin d’accès de l’individu à la vie raisonnable par l’exercice de la pensée. Le caractère normatif du jugement que les Républicains portent sur Montaigne n’a pas empêché les discussions, voire les doutes, comme celui que formule Gabriel Compayré à propos de l’efficacité de l’éducation elle-même : « Montaigne, qui répugne à toute opinion absolue, n’est pas un superstitieux de l’éducation. Il ne croit pas à sa portée infaillible, à sa toute-puissance, ni que d’elle seule puisse dépendre l’avenir des individus62 ».

Marc Foglia

1 « Montaigne sociologue », dans Études littéraires, Seizième siècle, Paris, Lecène, Oudin et Cie, 1894

2 Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dir. Ferdinand Buisson, première édition en 1882, nombreuses rééditions, nouvelle édition augmentée en 1911. Citée ici selon la version disponible en ligne, site de l’INRP.

3 Index librorum prohibitorum 1600-1966, éd. Jésus Martínez De Bujanda et Marcella Richter, Centre d’études de la Renaissance / Université de Sherbrooke, Genève, Droz, 2002, p. 236.

4 G. Compayré, « Montaigne pédagogue », Histoire de la pédagogie, Delaplane, 1886, p. 82-89. L’ouvrage est élargie dans une Histoire critique des doctrines de l’éducation en France, Hachette, 1904-1911.

5 Eric Dubreucq, Une Éducation républicaine, Marion, Buisson, Durckheim, Vrin, 2004, p. 10.

6 Gustave Lanson, Histoire de la littérature française, 1894

7 G. Lanson, Les Essais de Montaigne. Étude et analyse, 1929, p. 94.

8 Jules Michelet, Nos Fils, 1870, p. 137-139 : « la supériorité de Rabelais sur ses successeurs, Montaigne, Fénelon et Rousseau est évidente. Son plan d’éducation reste le plus complet et le plus raisonnable. Il est fécond et surtout positif. Il croit, contre le Moyen Âge, que l’homme est bon, que, loin de mutiler la nature, il faut la développer tout entière, le cœur, l’esprit, le corps. Il croit, contre l’âge moderne, contre les raisonneurs, les critiques, Montaigne et Rousseau, que l’éducation ne doit pas commencer par être raisonneuse et critique » (p. 138).

9 Émile Durkheim dans L’Évolution pédagogique en France (cours professé en 1904-1905 à la Sorbonne, de préparation à l’agrégation) F. Alcan, 1938, p. 14.

10 G. Lanson, Les Essais de Montaigne, 1929, p. 364.

11 F. Buisson, Sébastien Castellion, sa vie et son œuvre (1515-1563). Étude sur les origines du protestantisme libéral français, Paris, Hachette, 1892.

12 F. Buisson, Le Christianisme libéral, Paris, Cherbuliez, 1865, p. 21.

13 Ferdinand Buisson est élu député de la Seine en 1902, et préside la commission législative qui rédige les textes de loi de séparation des Églises et de l’État. Il participe à la fondation de la Ligue de l’enseignement et de la Ligue française des droits de l’Homme. Il soutient la Société des Nations dès sa création, et reçoit le Prix Nobel de la paix en 1927 conjointement avec un professeur allemand.

14 G. Compayré, article « Montaigne » cité dans l’édition du Dictionnaire de pédagogie de 1911, accessible en ligne sur le site de l’INRP.

15 G. Compayré, dans Montaigne et l’Éducation du jugement, 1905, p. 69.

16 François Guex, « Michel de Montaigne », dans Histoire de l’instruction et de l’éducation, Alcan, 1906, p. 139

17 Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais, 1908, p. 26. Aveugle, Villey travaille sur une édition des Essais, transcrits en braille par ses soins.

18 Compayré, op. cit., 1905, p. 56

19 Villey, Les Sources, 1908, p. 200

20 Lanson, Les Essais, p. 162

21 Lanson, ibid., p. 329.

22 Faguet, Seizième siècle, p. 377, cité par Compagnon, Autour de Montaigne, Paris, Champion, 1999, p. 11

23 Compayré, Montaigne et l’éducation du jugement, 1905, p. 58-59.

24 Lanson, Les Essais de Montaigne, 1929, p. 362

25 Lanson, ibid., p. 365

26 E. Faguet, « De l’éducation dans Montaigne et Rabelais », Journal de l’Université des Annales, 1er février 1913, ici p. 279-281.

27 F. Strowski, Montaigne, Alcan, 1906, p. 260.

28 F. Buisson, article « Laicité » : « Il faut qu’il ait le droit et le devoir de parler au coeur aussi bien qu’à l’esprit, de surveiller dans chaque enfant l’éducation de la conscience au moins à l’égal de toute autre partie de son enseignement. Et un tel rôle est incompatible avec l’affectation de la neutralité, ou de l’indifférence, ou du mutisme obligatoire sur toutes les questions d’ordre moral, philosophique et religieux. »

29 G. Compayré, « Montaigne », dans Dictionnaire de pédagogie.

30 P. Villey, Les Sources, p. 202-207.

31 Durkheim, op. cit., 1938, p. 60

32 G. Compayré, Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le Seizième siècle, Paris, Hachette, 1885, p. 101.

33 Voir par ex. G. Compayré, op. cit., 1905, p. 73 et suivantes.

34 F. Guex, Histoire de l’instruction et de l’éducation, Alcan, 1906, p. 134.

35 G. Compayré, 1905, p. 54.

36 L’expression est réitérée, Durkheim, op. cit., p. 67.

37 « C’est un conciliateur meurtrier, qui rapproche les idées, les enlace, les garrotte et les enterre. C’est charmant et effroyable. Au bout de ce jeu que peut-on voir ? Le nihilisme parfait. Peu d’hommes ont eu à ce degré le désir que rien ne soit, une sorte de goût du néant » (E. Faguet, préface à G. Guizot, Montaigne, études et fragments, 1889, p. xii).

38 E Durkheim, Éducation et sociologie (1922), p. 52.

39 E. Durkheim, L’évolution pédagogique en France, 1938, p. 59.

40 Max Horkheimer, Montaigne und die Funktion der Skepsis (1938), Frankfurt, Fischer, 1971.

41 Loi dite Paul Bert, août 1879. Pour 79 Écoles normales d’instituteurs, on ne compte alors que 17 Écoles normales d’institutrices, déclare le député Paul Bert à la Chambre.

42 E. Faguet, « De l’éducation dans Montaigne et Rabelais », conférence de 1913, p. 286.

43 Alain, Propos sur l’éducation (1932) PUF, 1986, p. 5-6.

44 P. Stapfer, Montaigne, 1905, p. 65.

45 A. France, Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, no 1, 1913, p. 31.

46 F. Brunetière, Études critiques sur l’histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 8 volumes, 1880-1907, plusieurs rééditions. Montaigne fait partie de la 8e et dernière série sous le titre « Une nouvelle édition de Montaigne » (consultable sur gallica, éd. de 1910).

47 F. Brunetière, L’Évolution des genres dans l’histoire de la littérature, Hachette, 1898, p. 18 (cours professé à l’École normale supérieure en 1890).

48 F. Brunetière, ibid., p. 5

49 E. Renan, L’Avenir de la science : cette oeuvre de jeunesse, rédigée aux alentours de 1848, n’est publié publiée qu’en 1890 (ici p. xiii).

50 E. Champion écrit : « Quand Renan rejeta le catholicisme, il s’efforça de retenir le christianisme, de le conserver pour règle et pour guide ; Montaigne fit exactement le contraire : il prétend rester orthodoxe et n’a pas un mot par lequel il se rattache à Jésus », dans Introduction aux Essais de Montaigne, Colin, 1900, p. 197.

51 H. Bergson, L’Évolution créatrice, PUF, 1907, p. 363 : « Aussi, quand un penseur surgit qui annonça une doctrine d’évolution, où le progrès de la matière vers la perceptibilité serait retracé en même temps que la marche de l’esprit vers la rationalité, où serait suivie de degré en degré la complication des correspondances entre l’externe et l’interne, où le changement deviendrait enfin la substance même des choses, vers lui se tournèrent tous les regards. L’attraction puissante que l’évolutionnisme spencérien a exercée sur la pensée contemporaine vient de là. »

52 P. Villey entend « se demander si l’on ne pourrait pas retrouver une évolution dans la pensée du philosophe et dans la manière de l’artiste. M. Brunetière, M. Lanson surtout, ont indiqué le sujet » (Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, p. xii de la première édition de 1908, p. viii de 1933).

53 P. Villey, 1908, ibid.

54 P. Villey, op. cit., p. 51 : « Pour comprendre l’origine et l’évolution des Essais, il est essentiel de connaître les lectures de Montaigne et leur chronologie ».

55 H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF, 1889, p. 174.

56 P. Villey, op. cit., édition de 1933, p. vi.

57 P. Villey, ibid.

58 Né en 1842, le Dr. Armaingaud est docteur en médecine de la Faculté de Paris, et professeur agrégé à la Faculté de médecine de Bordeaux. À la demande du Congrès international d’hygiène de Genève (1882) il rédige un rapport sur la question des hospices et sanatoriums maritimes pour enfants, et milite pour la création de nouveaux hôpitaux maritimes, dont celui d’Arcachon. Il s’investit beaucoup dans l’enseignement des règles d’hygiène, avant de se passionner pour Montaigne.

59 Le pamphlet est repris, l’année suivante, dans le Le Censeur politique et littéraire.

60 G. Lanson, op. cit., 1929, p. 282.

61 A. Compagnon, Autour de Montaigne, Champion, 1999, p. 24.

62 G. Compayré, Montaigne et l’éducation du jugement, 1905, p. 55.