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Classiques Garnier

EB vs 95 : un débat bien français pour une question mal posée

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EB vs 95 : un débat bien français
pour une question mal posée

Il me souvient que me rencontrant un jour à Thoulouse

Les Essais [1595], I, 20

L’édition savante des Essais présente, on le sait, quelques difficultés. Celles-ci ne peuvent être résolues que par une compréhension d’ensemble de l’histoire de la tradition textuelle, manuscrite et imprimée. Cette tradition, à la suite de la publication de l’Édition dite municipale par Fortunat Strowski1, a été simplifiée en des termes que l’on a crus définitifs, sous la forme d’une opposition entre un texte authentique, transmis par l’Exemplaire de Bordeaux, et un avatar mensonger, l’édition posthume procurée par Marie de Gournay. Reposant sur une série d’affirmations péremptoires et l’exhibition de quelques leçons supposées meilleures, une telle simplification est la caricature d’une démarche philologique. Telle quelle, elle s’est réduite à un faux débat, à une de ces oppositions typiquement françaises, exprimant des modes de pensée conflictuels et des logiques partisanes. Vue dans une perspective historiographique, elle peut constituer à sa manière un véritable « lieu de mémoire » des pratiques universitaires, qui pourrait être ajouté à la collection recueillie par Pierre Nora, comme elle trouverait sa juste place dans le chapitre « logique et verbalisme » de l’analyse des passions françaises par Théodore Zeldin. Pour le sujet qui nous occupe, la conséquence de ce faux débat a été de figer pendant un siècle toute étude de la tradition textuelle des Essais comme de retarder l’édition scientifique de ceux-ci.

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À la suite des travaux de spécialistes étrangers, Jacob Zeitlin, Günther Abel, Richard Sayce et David Maskell, l’édition Gournay a connu sa réhabilitation ; son texte a été reproduit dans l’édition collective dirigée par Jean Céard2, et il a servi de base à l’édition des Essais publiée dans la collection de la Pléiade, promue par le regretté Michel Simonin, un des acteurs les plus dynamiques du renouvellement des études montaignistes dans les années 1990. Ce dernier m’avait fait l’amitié de m’y associer, et j’ai pu mener ce projet à terme, en collaboration avec M. Magnien et Catherine Magnien-Simonin3. Cette édition a été publiée en 2007. La rédaction du Bulletin de la Société internationale des Amis de Montaigne, traditionnellement hostile à tout ce qui pouvait nuire à la primauté d’EB, a voulu relancer la vieille querelle en m’invitant à poursuivre la comparaison ponctuelle entre les leçons significatives d’EB et celles de l’édition posthume. Je ne donnai pas suite alors à cette invitation, que d’une certaine manière je pouvais même estimer désobligeante. En effet, pour la première fois dans l’histoire de l’édition montaigniste, la nouvelle édition était pourvue d’un appareil critique qui non seulement donnait le moyen de faire cette comparaison de façon précise et exhaustive, mais qui de surcroît la mettait dans sa juste perspective, en la contextualisant au sein de l’intégralité des variantes textuelles de toutes les éditions des Essais, dont le relevé avait été permis par la collation systématique de tous les états et les témoins du texte. Donnant à lire dans toute sa richesse et sa complexité le travail de l’écrivain, qui n’avait cessé de reprendre et de corriger son texte, cet appareil critique mettait en évidence la continuité des modes d’édition, entre 1580 et 1595, et il offrait enfin des données fiables pour comprendre la tradition textuelle. Or le fait qu’on voulût m’inviter à revenir aux simplifications polémiques d’une comparaison partielle, dont cet appareil critique confirmait l’insuffisance méthodologique, semblait indiquer à mes yeux que la nouveauté du travail savant accompli pour la nouvelle édition n’avait pas été comprise. Il est vrai que cela demandait une certaine bonne volonté, et un effort de lecture, à travers quelque 200 pages en corps 7. L’heure était encore au pugilat et non pas à la philologie. Cinq ans plus tard, après la publication d’une excellente édition modernisée d’EB établie par Emmanuel Naya à partir

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du fac-similé en couleur publié par Philippe Desan4, le temps semble peut-être venu d’une approche moins passionnée de la question, prenant en compte le travail effectué.

Il ne s’agit nullement en fait de refuser une comparaison entre EB et 1595. Celle-ci reste un élément déterminant pour comprendre l’histoire éditoriale des Essais et pour éclairer la dernière élaboration du texte, sa fixation et sa transmission. Il s’agit de comparer ce qui est comparable, de prendre en compte deux états textuels hétérogènes et de statut différent, pour deux produits éditoriaux qui seront nécessairement différents : d’un côté, un état hybride, imprimé et manuscrit, pour la plus grande partie autographe, correspondant à un état génétique d’un texte, qui attend toujours son édition diplomatique ; de l’autre, un texte achevé, imprimé, publié et même révisé par son éditeur, qui a fait l’objet d’une édition critique moderne. La comparaison d’autre part n’a de validité que si elle repose sur une collation exhaustive, prenant en compte l’ensemble des éléments textuels. Ceux-ci ne se réduisent pas à des leçons isolées, ni même aux variantes textuelles données dans l’appareil critique de la Pléiade. S’y ajoute un élément qui a généralement été négligé et que des impératifs de place n’ont pas permis de mentionner dans l’appareil critique de l’édition de la Pléiade, la référence à un troisième terme : le texte imprimé de 1588, dont la collation fait apparaître la correction différente sur EB et dans l’édition posthume5.

Deux traditions textuelles distinctes

La notoriété récente et le prestige d’un autographe conférés à EB occultent en fait la véritable nature de celui-ci, un objet hybride (imprimé et manuscrit), offrant un état « génétique » du texte, et sa place réelle, celle d’un état provisoire, dans le stemma des Essais. Le

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lien de filiation et de dépendance directe entre l’édition et l’exemplaire de Bordeaux n’a jamais été établi. La confrontation entre deux états différents du texte des Essais est ainsi une démarche faussée si elle pose a priori EB en étalon, et juge comme des altérations les variantes de l’édition posthume.

C’est dans cette perspective que l’on reviendra sur les liens entre EB et l’édition de 1595, tels qu’ils apparaissent d’une collation systématique. Celle-ci révèle sur un fonds commun, d’innombrables variantes de ponctuation, auxquelles s’ajoutent de nombreuses variantes textuelles. Une cinquantaine de passages, longs de trois à douze lignes, présentent des rédactions différentes ; le texte a manifestement fait l’objet d’une reprise, peut-être en plusieurs temps. Ainsi, dans le chapitre II, 32, la rédaction que propose l’édition posthume est nettement amplifiée par rapport à l’ajout manuscrit en marge d’EB :

Il semble à chascun que la maistresse forme de l’humaine nature est en luy : selon elle, il faut regler tous les autres. Les allures qui ne se rapportent aux siennes, sont faintes et fauces. Luy propose l’on quelque chose des actions ou facultez d’un autre ? la premiere chose qu’il appelle à la consultation de son jugement, c’est son exemple : selon qu’il en va chez luy, selon cela va l’ordre du monde. Ô l’asnerie dangereuse et insupportable6 !

Il semble a chacun que la maistresse forme de nature est en luy : [tourne var] touche et raporte a celela toutes les autres formes [Stupidement, et bestialement biffé] Les allures qui ne se reglent aus sienes sont feintes et artificielles Quelle bestiale stupidité7.

Quelques rares phrases ou propositions présentes sur EB ne figurent pas dans l’édition posthume. Cette absence a été interprétée comme un défaut, imputable à un copiste distrait. Or les manques ne portent jamais sur des passages difficiles à déchiffrer ; ils se justifient tous en termes stylistiques, comme les choix d’un auteur conscient, qui abrège et rend son texte plus concis :

je n’y trouve autre remede, sinon qu’on le mette patissier dans quelque bonne ville : fust il fils d’un Duc.

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je n’y treuve autre remede sinon que de bone heure son gouvernur l’estrangle, s’i<l est> sans tesmoins ou qu’on le mette pattissier dans quelque bone ville fut il filx d’un duc […]8

Loin d’offrir une expression adoucie, le texte posthume renforce ici l’ironie de l’expression en inversant les valeurs sociales de la haute aristocratie d’épée, à qui Montaigne s’adresse, pour laquelle la violence est acceptable, mais non pas la dérogeance.

L’édition de 1595 offre de façon systématique un texte plus complet qu’EB. Il ne s’agit pas seulement des fragments de mots ou des lignes qui manquent dans EB du fait de la mutilation des annotations portées dans les marges lorsque celles-ci ont été rognées par le relieur au début du xviie siècle ; il s’agit bien de développement qui n’ont jamais été portés sur EB, des passages amplifiés, de quelques mots à dix lignes : cinquante dans le livre I, répartis dans vingt-trois chapitres, cinquante dans le livre II, dans vingt chapitres, cent-soixante-quinze dans le livre III9. Plusieurs de ces ajouts sont de nature personnelle ou autobiographique, ainsi, dans le chapitre II, 2, Montaigne âgé déplore-t-il ne plus goûter le vin ; dans le chapitre II, 8, une brève incise à propos des appellations familiales trop respectueuses précise qu’il a « reformé cett’ erreur en [s]a famille », ou, dans le chapitre « De la force de l’imagination », il évoque son séjour à Toulouse ainsi que le présent d’une médaille que lui avait fait Jacques Peletier, alors son hôte au château. La plus émouvante de ces leçons supplémentaires est sans doute l’expression, par l’auteur lui-même, de la douleur que lui inflige un accès de colique alors qu’il est en train d’écrire et de l’effort qu’il fait pour la maîtriser : « et me contente de gemir sans brailler10 ». Dans la description de la bibliothèque du chapitre « De trois commerces » (III, 3), l’édition posthume donne une intéressante précision concernant la disposition des livres « sur des pulpitres11 », également absente d’EB. Ces ajouts et ces modifications prolongeaient par une ultime intervention de l’auteur le processus de rédaction et d’amplification, à l’œuvre dans EB, mais qui s’était poursuivi sur un autre support.

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Les leçons propres à l’édition de 1595 ont nécessairement été transmises par la copie qu’avait reçue Marie de Gournay et qui avait servi à établir la copie d’imprimeur. Cette copie était une transcription de la copie d’auteur, aujourd’hui perdu, mais qu’elle mentionne dans sa préface et qu’elle eut encore la possibilité d’examiner lors de son séjour au château de Montaigne12. Différentes hypothèses ont été émises à son sujet. Reinhold Dezeimeris, le premier avait posé le problème ; selon lui, il s’agissait vraisemblablement d’un autre exemplaire de l’édition de 1588, déjà partiellement annoté par Montaigne sur lequel on (Pierre de Brach ?) aurait ajouté les principales leçons d’EB13. Le libraire américain Jacob Zeitlin précisa cette hypothèse ; il conclut d’une première étude des variantes que les leçons de 1595 absentes d’EB étaient toutes imputables à Montaigne14. En 1978 enfin, approfondissant les travaux de Günther Abel et de Richard Sayce, David Maskell formula sur de nouvelles bases l’hypothèse d’une transcription d’EB par Montaigne lui-même, complétée par ses soins et « presque terminée à sa mort », qu’il nommait la « copie de Montaigne15 ». La thèse de Maskell toutefois, qui conduisait à redonner toute son autorité au texte posthume, était erronée sur un point : le texte posthume, par sa cohérence, infirme l’hypothèse d’une transcription directe d’EB qui aurait été interrompue par la mort de l’écrivain : on ne remarque en effet aucun saut de qualité, aucune rupture, qui ferait apparaître l’endroit où Montaigne se serait arrêté, et ce qui aurait été achevé par d’autres après sa mort. Les variantes ne sont pas moindres au début du texte et à la fin, l’écart entre EB et l’édition posthume reste le même tout au long du texte. Tous ces travaux, reposant sur des comparaisons et des collations partielles, ont eu le mérite de réfuter la thèse radicale faisant d’EB le seul support de la dernière rédaction des Essais, donnant le texte définitif porteur de la « dernière main » de Montaigne. Ils ont contribué à mettre en évidence l’existence d’une autre tradition, porteuse du dernier état du texte.

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Les rédactions génétiques autographes, remplies de biffures et de repentirs, demandent des mises au net. EB lui-même servait à cet usage ainsi qu’en témoignent ses marges portant des rédactions soignées, qui apparaissent, par contraste avec les passages génétiques, comme des transcriptions de rédactions élaborées ailleurs, sur des feuilles ou sur un autre exemplaire portant une rédaction antérieure. À leur tour, les passages génétiques d’EB demandaient à être transcrits, non seulement pour permettre une mise en forme typographique encore bien éloignée, mais en premier lieu pour permettre à l’écrivain de poursuivre sur un texte lisible son incessant travail de correction, d’amplification et de réécriture. Une de ces mises au net servit à l’écrivain dans la dernière phase de son travail, pour une ultime relecture, au cours de laquelle il put y porter ses dernières corrections et ses derniers ajouts. Elle correspond à ce que David Maskell a appelé la Copie de Montaigne.

On a longtemps cru pouvoir réfuter la possibilité même de telles mises au net, en prétextant un argument d’ordre biographique : Montaigne, malade et d’un naturel indolent, « peu laborieux16 », n’aurait pas été à même d’assumer cette tâche17. C’était à la fois surestimer l’effort qu’elle demandait, sa durée (quelques jours au plus), négliger sa nécessité, sous-estimer la conscience littéraire que Montaigne avait de son œuvre. Ces transcriptions faisaient partie du travail normal d’écriture et lui donnaient son élan, par une lisibilité qui favorisait la suite de la réécriture. On a même pu évoquer leur fonction pratique, voire de sécurité : elles constituaient des « copies de sauvegarde18 ». Enfin, c’était surtout négliger le fait que Montaigne ne travaillait pas seul et qu’il y avait des secrétaires pour remplir cette tâche. Le travail d’édition des Essais, dès l’originale de 1580, a toujours reposé sur des intermédiaires, imprimeurs certes, mais aussi secrétaires et copistes19. Montaigne lui-même indique de façon très précise qu’il « enregistre et dicte, en [s]e promenant, les songes que voicy20 », en l’occurrence ses der

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niers Essais. Les termes sont très clairs : ils ne constituent pas les termes d’une alternative qui opposerait un Montaigne qui écrit à un Montaigne qui dicte, ou plus exactement un Montaigne qui aurait dicté les Essais en 1580 et qui les rédigeait lui-même vers 1590. Il faut voir dans le doublet une précise allusion à la pratique conjointe d’une écriture autographe et d’une mise au net dictée, sur laquelle peut se poursuivre l’écriture autographe, avant la reprise et la dictée d’une copie définitive21. En 1588, si Montaigne indiquait que le travail de transcription était fastidieux, ce n’était pas pour y renoncer : il renonçait certes à s’y astreindre lui-même, mais pour le confier à un secrétaire :

Je redicterois plus volontiers, encore autant d’Essais, que de m’assujettir à resuivre ceux-cy, pour cette puerile correction22.

On oublie trop souvent les pratiques les plus avérées et les plus durables de l’écriture littéraire au xvie siècle en général. On pourra rappeler l’exemple de La Sagesse de Charron, l’ami de Montaigne, qui est bien documenté par sa correspondance : en mars 1597, le philosophe travaillait à son livre ; en novembre de la même année, alors que sa rédaction n’était pas achevée, il en avait déjà fait établir une première copie « bien correcte et au net », sur laquelle il poursuivait son travail, avant de la faire transcrire à son tour23. Déléguée à un secrétaire, assumée par un professionnel de l’écriture, la mise au net avait de surcroît l’avantage d’offrir un caractère systématique et cohérent que Montaigne n’était capable de lui donner, ainsi que l’indiquent les disparates de graphies et de ponctuation dans EB même, ainsi que dans les trois exemplaires de l’édition de 1588 que l’on conserve, qui portent des corrections autographes de Montaigne, et qui révèlent des divergences dans un énoncé aussi simple que la correction de la date de l’avis au lecteur : « ce premier mars 1580 », « ce premier de mars, mil cinq cens quatre vins », « ce premier de Mars mille cinq cens quattre vins24 » ; on leur ajoutera la leçon donnée

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par la Copie de Montaigne telle qu’elle a été transmise par l’Exemplaire d’Anvers étudié par Günther Abel : « ce premier de Mars, mil cinq cens quatre vingts ».

On pourra ainsi corriger l’hypothèse formulée par Maskell : la Copie de Montaigne n’était ni une transcription d’EB, ni même un autographe. Cela pourtant n’ôte rien à l’authenticité du texte qu’elle présentait. Cette copie, dont l’existence est attestée par Marie de Gournay, qui, dans sa préface, mentionne « l’autre copie » restée au château, avait un statut reconnu, la qualité de « copie d’auteur » au sens juridique du terme, sur laquelle d’autres copies, des minutes, pouvaient être établies, dont l’authenticité était garantie. Ce n’est pas un hasard si Marie de Gournay vint au château de Montaigne, après la publication de 1595, pour consulter cette copie d’auteur et vérifier l’exactitude du texte qu’elle avait procuré à partir de la minute qu’on lui avait envoyée, afin de poursuivre son travail de correction. L’étude des variantes portées par l’édition de 1598, en particulier dans la correction de l’Avis au lecteur, prouve que cette copie était bien distincte d’EB.

1588, EB, 1595

La copie d’imprimeur ayant servi pour la composition de l’édition posthume était probablement entièrement manuscrite : elle constituait la maquette du volume in-folio à paraître, et devait servir à un calibrage délicat. En revanche, la Copie de Montaigne et la transcription de celle-ci que reçut Marie de Gournay, avaient été portées sur des exemplaires de l’édition de 1588. Comme EB, elles combinaient un texte imprimé portant d’innombrables retouches, et des ajouts manuscrits dans les marges et entre les lignes. Sur EB, les interventions les plus visibles de Montaigne sont les ajouts manuscrits dans les marges. C’est à ceux-ci que l’on a le plus souvent porté attention. Mais Montaigne était aussi intervenu sur le texte imprimé de 1588, pour le corriger ou le modifier. Ces interventions sont souvent difficiles à déceler et demandent un œil

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exercé pour distinguer un point sous la virgule ajoutée à la main. En revanche, une simple collation entre 1588 et 1595, deux textes imprimés, permet de les identifier. L’édition posthume révèle ainsi environ dix mille interventions ponctuelles (ajout ou modification de la ponctuation, usage des majuscules lié à la ponctuation, correction de l’orthographe, corrections de coquilles) portées sur le texte imprimé de 1588. Comme EB, l’édition de 1595, c’est-à-dire en amont, la Copie de Montaigne et sa transcription, procède d’une correction du texte de 1588 ; cette correction n’est pas la même que celle qui est portée par EB25.

Pour être pertinente, la comparaison entre EB et 1595, demande donc de prendre en compte un troisième élément, le texte imprimé de 1588. La collation conjointe de 1595, de EB et de 1588 fait ainsi apparaître que seules 28% des modifications portant sur le texte imprimé de 1588 sont identiques pour EB et 1595 ; 25% d’entre elles sont des leçons propres à EB, alors 1595 reproduit en l’état le texte de 1588 sans le modifier ; 32%, en revanche, soit près du tiers, sont des leçons propres à 1595, le texte de 1588 n’étant pas modifié sur EB ; enfin, dans 15% des cas, le texte de 1588 est modifié à la fois sur EB et dans 1595, mais il l’est différemment. Il apparaît de façon visible que le texte de 1588 est modifié de façon plus fréquente et plus systématique dans 1595, et partant, en amont, sur la Copie de Montaigne, que sur EB. Cette double comparaison confirme à nouveau que la Copie de Montaigne n’était pas une transcription erronée d’EB, mais qu’elle avait été élaborée sur de nouveaux frais.

Un exemple illustrera cette relation directe de la Copie de Montaigne au texte imprimé de 1588, en toute indépendance d’EB. Quelques rares feuillets de celui-ci sont exceptionnellement vierges de toute intervention manuscrite ; ils ne portent pas même la modification d’un signe de ponctuation, ainsi le feuillet 339v26. C’est par rapport à ces cas qu’il est possible d’estimer ce qu’étaient la Copie de Montaigne et sa transcription ayant servi à l’édition posthume : non pas le résultat d’un

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travail en défaut par rapport à EB, dont les interventions auraient été mal reportées ou auraient été négligées, mais un travail en supplément par rapport au texte de 1588 et indépendant de EB. La responsabilité de ces modifications ne peut pas être attribuée au typographe ; celui-ci aurait nécessairement reproduit en l’état, mécaniquement, à une éventuelle coquille près, la page sans correction indiquée s’il l’avait eue sous les yeux. Ces modifications avaient été portées en amont, sur la copie d’imprimeur où elles reproduisaient les indications de la copie reçue par Marie de Gournay. La fidélité du texte de 1595 à cette copie et la qualité de la transcription sur laquelle celui-ci repose sont confirmées par une correction manuscrite de l’éditrice (« selon sa »), qui figure dans certains exemplaires, et qui restitue une leçon originale que, dans un premier temps, elle avait mal lue, mal transcrite, et qui avait été imprimée selon son indication erronée. Outre une véritable variante (« prouvoir » remplaçant « garnir ») selon une correction systématique dans le livre27, les modifications révèlent deux niveaux d’intervention : les premières se rattachent à une procédure de normalisation : l’indication graphique du subjonctif imparfait (nourrist, acheminast), négligée par Montaigne, ou la normalisation de ce qui reste de l’orthographe dite réformée dans les éditions successives (aloit modifié en alloit) ; ces interventions sont dues au secrétaire qui avait établi la copie sous la dictée de Montaigne. Les autres sont des modifications de la ponctuation et des marques de scansion : introduction de virgules, passage de la virgule au point virgule, rétablissement de la majuscule après le double point. Ces modifications peuvent être le fait du secrétaire ; elles ressortissent parfaitement à la manière de Montaigne, telle qu’elle apparaît sur l’ensemble de la tradition textuelle et dans EB en particulier.

En d’autres termes, les leçons de la copie lisibles dans l’édition posthume font apparaître une intervention sur le texte imprimé d’un autre exemplaire de 1588, différent d’EB. Ces leçons ne dépendent pas de ce dernier, elles révèlent une autre tradition textuelle, celle de la Copie de Montaigne, qui, outre les ajouts qu’elle portait, complétés des dernières interventions de l’auteur, proposait une vérification et une correction systématiques du texte imprimé de 1588, même si, comme dans EB,

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celles-ci n’étaient pas toujours parfaites. EB pour sa part corrige moins le texte imprimé de 1588, dont il conserve de nombreuses coquilles ; ses prescriptions se révèlent moins homogènes ; dans ses modifications de la ponctuation du texte imprimé de 1588, il n’est ni plus systématique ni meilleur que l’édition posthume, ni a fortiori que la copie d’auteur. La ponctuation de l’édition posthume diffère de celle d’EB, tant dans les parties imprimées de celui-ci que dans les parties manuscrites, où elle est peu systématique. Mais elle ne se plie pas à un usage normalisé (lequel ?) qui aurait été imposé par l’éditeur ; elle suit au contraire les idiotismes et les prescriptions de Montaigne, elle mène plus loin que ce que proposait EB, un processus modification de la scansion, qui peut se suivre dans l’évolution du texte imprimé depuis 1580 et non pas seulement dans les différences avec 1588. De ce point de vue, si l’on peur considérer que EB est le lieu de l’expérimentation stylistique du style coupé, force est de reconnaître que c’est l’édition de 1595, via la Copie de Montaigne, qui en marque la réalisation éditoriale.

La succession des éditions originales, de 1580 à 1598, ainsi que les témoins qui subsistent de la transmission des éditions (un exemplaire de l’édition de 1580 portant des corrections allographes, préparatoire à l’édition de 158228 ; un exemplaire de 1582 portant des notes pour l’édition de 158829) mettent en évidence deux points. Le premier, bien connu, est l’évolution du texte, son enrichissement et sa transformation stylistique et conceptuelle. Le second est la relation de dépendance du texte des Essais à des contraintes éditoriales et des pratiques d’atelier. Cela a été souligné pour disqualifier les éditions du xviie siècle, soumises à l’arbitraire des éditeurs et des typographes. Cela est également vrai de l’édition posthume. Mais cela n’est pas moins vrai de toutes les éditions publiées du vivant de Montaigne et sous son contrôle. On pourra certes considérer ce passage du manuscrit à l’imprimé comme une « trahison » du dessein de l’auteur et de ses idiotismes de graphie ou de ponctuation. C’était le passage obligé pour faire d’un texte un livre. Il est important de comprendre cet écart, ne serait-ce que pour nuancer la conception qui

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se développa au cours du xxe siècle selon laquelle le texte « authentique », offrant seul un Montaigne « authentique », ne pouvait être transmis que par un manuscrit autographe, sans que l’on s’interrogeât sur le statut de ce manuscrit et sa place dans la tradition du texte.

Si EB garde toute son importance et confirme sa place privilégiée pour l’étude génétique des Essais, il ne se prête qu’à une édition scientifique, fondée sur une transcription diplomatique. À l’inverse, l’édition posthume publiée en 1595 chez Abel L’Angelier par les soins attentifs de Marie de Gournay constituait une véritable édition, destinée à être lue. Elle ne se réduit pas à une curiosité philologique ou historique, à un témoignage concernant la première réception des Essais. Ses leçons ne sont pas des infidélités par rapport à un original qui serait EB ; elles s’expliquent en relation à un autre original, la Copie de Montaigne. L’édition posthume en fait tire sa légitimité d’une autre tradition textuelle, dont elle est la reproduction, par la médiation d’une transcription et d’une copie d’imprimeur. On pourra toujours déplorer cet écart ; il est analogue à celui qui sépare les autres éditions des Essais, publiées du vivant de Montaigne de leur copie d’auteur et a fortiori des états antérieurs. Par définition, – mais faut-il le rappeler ? –, l’édition imprimée est différente du brouillon fût-il autographe ; elle trahit moins l’auteur qu’elle n’accomplit et n’achève son travail.

Jean Balsamo

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APPENDICE

Rédactions particulières à 1595 : ajouts

Livre II, chapitre 29 « De la vertu », 1595, p. 470.

L’autre, quand on luy prononça son horrible sentence30 : J’y estois preparé, dit-il, je vous estonneray de31 ma patience32. Les Assassins, nation dependant33 de la Phœnicie, sont estimés entre les Mahumetans, d’une souveraine devotion et pureté de mœurs. Ils tiennent, que le plus court34 chemin à gaigner Paradis, c’est de35 tuer quelqu’un de religion contraire. Parquoy36, on l’a veu souvent entreprendre, à un ou deux, en pourpoinct, contre des ennemis puissans, au prix d’une mort certaine, et sans aucun soing de leur propre danger. Ainsi fut assassiné (ce mot est emprunté de leur nom) nostre Comte Raimond de Tripoli, au milieu de sa ville : pendant noz entreprinses de la guerre saincte. Et pareillement Conrad Marquis de Mont-ferrat, les meurtriers conduits au supplice, tous enflez et fiers d’un si beau chef d’œuvre.

Chapitre II, 21, « Contre la fainéantise », éd. 1595, p. 447-450.

C’est une genereuse envie37, de vouloir mourir mesme utilement et virilement : mais l’effect n’en gist pas tant en nostre bonne resolution,

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qu’en nostre bonne fortune. Mille ont proposé de vaincre, ou de mourir en combattant, qui ont failli à l’un et à l’autre : les blessures, les prisons, leur traversant ce dessein, et leur prestant une vie forcée. Il y a des maladies, qui atterrent jusques à noz desirs, et nostre cognoissance38. Fortune ne devoit pas seconder la vanité des legions Romaines, qui s’obligerent par serment, de mourir ou de vaincre. Victor, Marce Fabi, revertar ex acie : Si fallo, Iovem patrem Gradiuumque Martem aliosque iratos inuoco Deos. Les Portugais disent, qu’en certain endroit de leur conqueste des Indes ils rencontrerent des soldats, qui s’estoyent condamnez avec horrible execration, de n’entrer en aucune composition, que de se faire tuer, ou demeurer victorieux : et pour marque de ce vœu, portoyent la teste et la barbe rase. Nous avons beau nous hazarder et obstiner. Il semble que les coups fuyent ceux, qui s’y presentent trop alaigrement : et n’arrivent volontiers à qui s’y presente trop volontiers, et corrompt leur fin. Tel ne pouvant obtenir de perdre sa vie, par les forces adversaires, après avoir tout essayé, a esté contraint, pour fournir à sa resolution, d’en r’apporter l’honneur, ou de n’en rapporter pas la vie : se donner soy mesme la mort, en la chaleur propre du combat. Il en est d’autres exemples : Mais en voicy un. Philistus, chef de l’armée de Mer du jeune Dionysius contre les Syracusains, leur presenta la battaille, qui fut asprement contestée, les forces estants pareilles. En icelle il eut du meilleur au commencement, par sa prouesse. Mais les Syracusains se rangeans autour de sa galere, pour l’investir, ayant faict grand faicts d’armes de sa personne, pour se desvelopper, n’y esperant plus de ressources, s’osta de sa main la vie, qu’il avoit si liberalement abandonnée, et frustratoirement, aux mains ennemies. Moley Moluch, Roy de Fais39, qui vient de gaigner contre Sebastian Roy de Portugal cette journée, fameuse par la mort de trois Roys, et par la transmission de cette grande couronne, à celle de Castille : se trouva grievement malade dès lors que les Portugalois40 entrerent à main armée en son estat ; et alla tousjours depuis en empirant vers la mort, et la prevoyant. Jamais homme ne se

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servit de soy plus vigoureusement, et bravement41. Il se trouva foible, pour soustenir la pompe ceremonieuse de l’entrée de son camp, qui est selon leur mode, pleine de magnificence, et chargée de tout plein d’action42 : et resigna cet honneur à son frere : Mais ce fut aussi le seul office de Capitaine qu’il resigna : toutes les autres necessaires et utiles, il les feit très-glorieusement43 et exactement. Tenant son corps couché : mais son entendement, et son courage, debout et ferme, jusqu’au dernier souspir : et aucunement audelà. Il pouvoit miner ses ennemis, indiscretement advancez en ses terres : et luy poisa merveilleusement, qu’à faute d’un peu de vie, et pour n’avoir qui substituer à la conduitte de cette guerre, et affaires d’un estat troublé, il eust à chercher la victoire sanglante et hazardeuse, en ayant une autre pure44 et nette entre ses mains. Toutesfois il mesnagea miraculeusement la durée de sa maladie, à faire consumer45 son ennemy et l’attirer loing de son46 armée de mer, et des places maritimes qu’il avoit en la coste d’Affrique : jusqu’au dernier jour de sa vie, lequel par dessein, il employa et reserva à cette grande journée. Il dressa sa bataille en rond, assiegeant de toutes parts l’ost des Portugais ; lequel rond venant à se courber et serrer, les empescha non seulement au conflict (qui fut très aspre par la47 valeur de ce jeune Roy assaillant)48 veu qu’ils avoient à montrer visage à tous sens : mais49 aussi les empescha à la fuitte après leur routte. Et trouvants toutes les issues saisies, et closes ; furent contraints de se rejetter à eux mesmes50 : coarceruanturque non solum caede, sed etiam fuga, et s’amonceller les uns sur les autres, fournissans aux vaincueurs une très-meurtiere victoire, et très-entiere. Mourant, il se feit porter et tracasser où le besoing l’appelloit : et coulant le long des files, enhortoit ses Capitaines51 et soldats, les uns après les autres. Mais un coing de sa bataille se laissant enfoncer, on ne

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le peut tenir, qu’il ne montast52 à cheval l’espée au poing. Il s’efforçoit pour s’aller mesler, ses gents l’arrestants, qui par la bride, qui par la robbe, et par ses estriers. Cest effort acheva d’accabler ce peu de vie, qui luy restoit : On le recoucha. Luy se resuscitant comme en sursaut de cette pasmoison, toute autre faculté luy deffaillant ; pour advertir qu’on teust53 sa mort (qui estoit le plus necessaire commandement, qu’il eust lors à faire, affin de n’engendrer quelque desespoir aux siens, par cette nouvelle)54 expira, tenant le doigt contre sa bouche close : signe ordinaire de faire silence. Qui vescut oncques si long temps, et si avant en la mort55 ? qui mourut oncques si debout ? L’extreme56 degré de traitter courageusement la mort, et le plus naturel, c’est la veoir, non seulement sans estonnement, mais sans soucy57 : continuant libre le train de la vie, jusques dedans58 elle. Comme Caton, qui s’amusoit à estudier et à dormir59, en ayant une violente et sanglante, presente en son cœur60, et la tenant en sa main.

Travail éditorial sur le texte imprimé de 1588

Chapitre II, 36, 1595, p. 518 : on recense 14 variantes par rapport au texte imprimé de l’édition de 1588, feuillet 339v :

– l. 9 hu-maine ;

– l. 12 me prouvoir

– l. 12 miracle ;

– l. 13 nourrist

– l. 13 : Car

– l. 14 Esté

– l. 18 : Je

– l. 22  parfaict

– l. 24 acheminast

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– l. 24 trouvé, m’en

– l. 26 nostres : Et

– l. 27 alloit

– l. 29 croire, qu’il

– l. 32 selon sa [sic] selon la [correction manuscrite]

3 modifications de la ponctuation (introduction d’une virgule, passage de la virgule au point-virgule) 

3 modifications de la ponctuation et introduction d’une majuscule (groupe : + Maj.)

1 majuscule non liée à la ponctuation

2 corrections grammaticales (marque du subjonctif imparfait)

1 correction orthographique

1 modification de graphie

1 variante textuelle (prouvoir)

De surcroît, la qualité du travail d’édition et de révision accompli par M. de Gournay est attestée par une correction manuscrite qui restitue une leçon originale qui avait été mal transcrite dans un premier état imprimé de l’édition de 1595.

1 Les Essais, éd. F. Strowski [et F. Gebelin], Bordeaux, Imprimerie Nouvelle F. Pech & Cie, t. I-III, 1906-1909 [sic pour 1919] ; t. IV, « Les Sources des Essais », éd. P. Villey, 1920 ; t. V, « Lexique de la langue des Essais », éd. P. Villey, 1923.

2 Montaigne, Les Essais, dir. J. Céard, Paris, « Classiques modernes », Le Livre de poche, 2001.

3 M. de Montaigne, Les Essais, éd. J. Balsamo, M. Magnien et C. Magnien-Simonin, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2007.

4 Essais, éd. E. Naya et alii, Paris, « Folio classique », Gallimard, 2009 ; Reproduction en quadrichromie de l’exemplaire avec notes manuscrites marginales des Essais de Montaigne, éd. P. Desan, Fasano di Puglia-Chicago, Schena Editore-Montaigne Studies, 2002.

5 La présentation de ce dernier point a fait l’objet d’une communication au colloque Montaigne and his books, Cambridge, Clare College, septembre 2008, en cours de publication.

6 Les Essais, II, 32, éd. 1595, p. 479, éd. Balsamo, cit., p. 761-762.

7 Les Essais, II, 32, éd. Paris, L’Angelier, 1595, p. 479 ; éd. Balsamo, cit., p. 671-672 ; Exemplaire de Bordeaux, f. 309v ; le passage n’est pas ponctué, il n’y a pas de marque d’insertion ; Édition municipale, t. II, p. 531, ponctuation modifiée.

8 Les Essais, I, XXV, éd. 1595, p. 92 ; éd. cit., p. 169 ; exemplaire de Bordeaux, f. 59v. ; le texte résulte déjà d’une première mise au net ; Édition municipale, t. I, p. 210-211.

9 Sur ces ajouts, voir notre introduction à l’édition des Essais, cit., p. xlviii-x.

10 Les Essais, II, 36, éd. 1595, p. 505.

11 Ibid. p. 870.

12 Voir G. Abel, « Juste Lipse et Marie de Gournay : autour de l’exemplaire d’Anvers des Essais de Montaigne », BHR, vol. 35, 1973, p. 117-129.

13 R. Dezeimeris, Recherches sur la recension du texte posthume des Essais de Montaigne, Bordeaux, 1866.

14 J. Zeitlin, « The Relation of the Text of 1595 to that of the Bordeaux Copy », in The Essays of Michel de Montaigne, trad. J. Zeitlin, New York, A. Knopf, 1934, t. I, p. 421-434.

15 D. Maskell, « Quel est le dernier état authentique des Essais de Montaigne ? », BHR, vol. 40, 1978, p. 85-104.

16 Les Essais, III, 9, éd. Balsamo, p. 1010.

17 Voir P. Bonnefon, Montaigne et ses amis, Paris, A. Colin, 1898, t. II, p. 195.

18 L’hypothèse a été proposée par M. Simonin, « Aux origines de l’édition de 1595 », The Journal of Medieval and Renaissance Studies, XXV, 1995, p. 318, repris sous le même titre dans Montaigne et Marie de Gournay, éd. M. Tetel, Paris, H. Champion, 1997, p. 15.

19 Sur cette question, voir G. Hoffmann, Montaigne’s Career, Oxford, 1998, p. 63-83, et A. Legros, « Petit “EB” deviendra grand… : Montaigne correcteur de l’exemplaire “Lalanne” », Montaigne Studies, XIV, 2002, p. 179-193.

20 Les Essais, III, 3, p. 869.

21 Voir F. Garavini, « Sur deux phrases des Essais », in Études montaigniennes en hommage à Pierre Michel, Paris, H. Champion, 1984, p. 113-115, et pour la position opposée, G. Hoffmann, Montaigne’s Career, cit., chap. 2, « The Compagny of the Secretairies ».

22 Essais, 1588, f. 425 ; Les Essais, III, 9, éd. Balsamo, cit., p. 1010.

23 Sur ces questions, voir notre étude « Un succès éditorial de l’âge classique : La Sagesse de Pierre Charron », Corpus. Revue de philosophie, vol. 55, 2009, p. 9-34.

24 Outre EB, un autre exemplaire conservé à Bordeaux (Bibliothèque municipale, D. 11632 Rés. ; provenant de vente Lambiotte, 1976, no 24 et de Pierre Berès, catalogue 74, no 110) ; le troisième est conservé une collection privée. Un quatrième exemplaire, ayant appartenu à Philarète Chasles, est mentionné par le Dr Payen, Documents, Paris, 1840, p. 39.

25 Ce point a été mis en évidence pour la première fois par D. Maskell, « Montaigne correcteur de l’Exemplaire de Bordeaux », BSAM, vol. 25-26, 1978, p. 57-71.

26 Le texte d’autres feuillets, non modifié ou modifié sur un seul point de détail dans EB, présente dans 1595 des modifications analogues de graphies et de ponctuation : 183v, 200, 311, 333, 339v, 401v et 490 v ;dans l’édition posthume (III, 6, éd. cit., p. 958), le texte correspondant au feuillet 401v de 1588 corrige « entremangez » en « ils se sont mangez entre eux » ; cette correction ne figure pas sur EB.

27 Le verbe garnir est employé 3 fois, pourvoir, 31 fois selon R. E. Leake, Concordance des Essais de Montaigne, Genève, Droz, 1981, ad. voc.

28 Cet exemplaire (Bordeaux, Bibliothèque municipale, S. 4754 Rés.) porte environ 200 interventions manuscrites ; il a été étudié en détail par A. Legros, « Petit “eB” deviendra grand… », cit. p. 179-193.

29 Voir R. Sayce & D. Maskell, A Descriptive Bibliography of Montaigne’s Essais, Londres, The Bibliographical Society, 1983, p. 9 ; Legros, cit., p. 184.

30 sentence, j’estois 88 sentence, j’y EB

31 me [sic] 88

32 [fin du chapitre] 88

33 dependante EB

34 <ce>ertein moïen de merit<e>r Paradis EB

35 c’est tuer EB

36 Parquoi, <m>esprisant tous les <d>angiers propres, pour <u>ne si utile execution : <un> ou deus, se sont <v>eus souvant, au pris <d’>une certeine mort <se> presanter a assassiner <(n>ous avons emprunte <ce> mot de leur nom) [un EBvar] leur ennemi au milieu de ses forces. <Ai>nsi fut tue nostre conte Raymond de Tripoli, [au millieu de EBvar] en sa ville [fin de la rédaction] EB

37 [Après ce mot : ajout manuscrit sur EB, indiqué par un signe de renvoi à la suite du texte ; il est porté en long sur 11 lignes dans la marge de gauche du feuillet 290vo, poursuivi sur 12 lignew dans la marge du bas, partiellement rognées, et achevé sur 14 lignes dans la marge du bas du feuillet 291. Seules les quatre dernières lignes sont de la main de Montaigne, tout le reste d’une autre main, attribuée à Marie de Gournay].

38 Cognoissance. Moleï EB [le texte de 95 résulte d’une rédaction qui n’a été ni élaborée ni transcrite sur EB]

39 Fez EB

40 Portugais EB

41 Et plus glorieusement EB

42 et […] capitaine [lacune de EB]

43 tres laborieusement EB

44 sure EB

45 consommer EB

46 loing de l’armee EB

47 la […] avoient [lacune de EB]

48 [pas de parenthèses] EB

49 Mais […] closes [lacune de EB]

50 [à partir de ce mot, jusqu’à la fin du texte, graphie de Montaigne] EB

51 capiteines EB

52 montat EB

53 teut EB

54 [pas de parenthèses] EB

55 mort : EB

56 [à partir de ce mot, jusqu’à la fin du texte, ajout sur le manuscrit] EB

57 soin EB

58 dans EB

59 a dormir et a estudier EB

60 en sa teste et en son ceur EB