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Classiques Garnier

« La plume au vent » : l’errance réfléchie

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« La plume au vent » :
L’errance réfléchie

Le hasard, depuis une trentaine d’années, est devenu un sujet de choix dans les études montaignistes. Après le livre de Daniel Martin, les travaux de Marcel Conche, de Sylvia Giocanti, d’Anne Hartle, de Philippe Desan, et enfin ceux de Bernard Sève1 lui ont donné la place qui lui revenait, en tenant compte des nombreuses déclarations de Montaigne concernant son rôle au sein des affaires humaines. C’est peut-être qu’il permet notamment de « sortir » les Essais de la tradition pyrrhonienne dans laquelle la critique tend encore à les maintenir2. Cette orientation propre à l’histoire des idées3 ne nous retiendra pas ici. Nous nous situerons plutôt dans le prolongement de certains des aperçus des

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deux derniers auteurs mentionnés4, en nous centrant franchement sur la question de l’écriture des Essais, « fantaisies », rappelons-le, et de l’aveu même de l’auteur, « conduites par sort ».

Mais, avant que d’y venir, et comme en préambule, nous choisirons de nous attarder sur certains des passages du texte où le hasard intervient sur un plan que l’on peut qualifier de « référentiel », en tant que thématique de l’œuvre en somme. Dans le chapitre « De la présomption », Montaigne évoque ainsi son incapacité à « feindre une vérité » et l’attitude qui en découle :

[B] J’advoue qu’il se peut mesler quelque pointe de fierté, et d’opiniastreté, à se tenir ainsin entier et descouvert, sans consideration d’autruy : Et me semble que je deviens un peu plus libre où il le faudroit moins estre, et que je m’eschaufe par opposition du respect. Il peut estre aussi que je me laisse aller apres ma nature, à faute d’art. Presentant aux grands cette mesme licence de langue et de contenance que j’apporte de ma maison, je sens combien elle décline vers l’indiscretion et incivilité. Mais outre ce que je suis ainsi faict : je n’ay pas l’esprit assez souple pour gauchir à une prompte demande, et pour en eschaper par quelque détour : ny pour feindre une verité : ny assez de memoire pour la retenir ainsi feinte : ny certes assez d’asseurance pour la maintenir : et fois le brave par foiblesse. Parquoy je m’abandonne à la nayfveté, et à tousjours dire ce que je pense, et par complexion et par discours, laissant à la fortune d’en conduire l’evenement5.

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Incapable d’esquiver et de déployer la logique du mensonge, Montaigne reconnaît que la témérité qu’il choisit est faiblesse mais aussi gage de naïveté. Elle apparaît comme un pli de l’être, pleinement agréé. Ce dernier point peut intriguer : qu’est-ce donc en effet qu’une spontanéité à laquelle on se laisserait aller « par discours » (« par dessein » dans le texte de 1595) ? Un retour de l’art ? Pas exactement. On a là, semble-t-il, sur le terrain du comportement, une sorte d’abandon consenti, qui a pris acte du fait qu’il sera impossible de feindre dans le moment de la relation, et qui parie de ce fait sur une « naïfveté » immergée dans ce qui lui est finalement le plus adéquat, le flux des circonstances.

On comprend un peu mieux, à partir de là, la remarque célèbre du chapitre « De la vanité », où Montaigne écrit que « [son] dessein est de representer en parlant une profonde nonchalance, et des mouvemens fortuites et impremeditez, comme naissans des occasions presentes6 ». Il ne faut pas là non plus se méprendre sur la portée et le sens du préfixe, ainsi que sur ceux du « comme » : plutôt que l’expression de l’artifice déployé dans le temps de la conversation - conforme à l’idée que l’on se fait en général de toute parole, qui s’accompagne instantanément dans les esprits d’un calcul -, on peut y voir la manifestation linguistique d’une composition d’ordre bien davantage éthique que social, à rapporter probablement au « souci de soi » avant toute chose, et qui repose sur le clivage entre ce que le sujet a décidé de son attitude et le visage qu’il laisse prendre en situation à celle-ci, dont le tour imprémédité n’est en rien affecté par l’opération première7.

Ceci, par parenthèse, projette une lumière particulière sur la « représentation », dont tout l’effort de Montaigne semble consister à la disjoindre du régime de l’artifice. Lorsqu’il reproduit ainsi, dans « De la

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physionomie », le plaidoyer qu’avait adressé à ses juges Socrate, le meilleur des « interpretes de la simplicité naturelle », il oppose « les figures feintes d’une oraison apprinse » à la « verité et naïfveté, ornements de son parler8 », puis insiste sur le fait que ce dernier échappe à toute hiérarchie :

[B] (…) Si quelqu’un estime que parmy tant d’autres exemples que j’avois à choisir pour le service de mon propos, és dicts de Socrates, j’aye mal trié cettui-cy, et qu’il juge ce discours estre eslevé au-dessus des opinions communes, Je l’ai fait à escient : Car je juge autrement. Et tiens, que c’est un discours en rang et en naïveté bien plus arrière et plus bas que les opinions communes. Il représente [C] en une hardiesse inartificielle et niaise, en une securité puérile, [B] la pure et premiere impression et ignorance de nature9.

« représenter » n’évoque pas l’effort de mise en scène d’un quelconque histrion dont le seul but serait de berner son monde. Il renvoie plutôt au « rôle » que s’est choisi Socrate et à la mission qu’il s’est assigné dans l’urgence la plus grande qui soit, le tout en relation avec l’exigence supérieure qu’il porte en lui10.

Est posée quoi qu’il en soit la question des affinités qu’entretiennent dans les Essais réflexion et spontanéité, question absolument centrale, qui ne touche pas seulement les conditions et modalités de la parole en situation, mais qui concerne également le travail auquel Montaigne se livre sur ses « humeurs » dans un chapitre comme « De la ressemblance des enfants aux pères », chapitre propre, dans son cheminement, à conférer à celles-ci « un peu plus de forme ». Qui concerne aussi par

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conséquent, et ce assez logiquement en vertu du repli réflexif constitutif de l’œuvre, l’écriture de l’essai. Sur ce terrain également, on écartera donc d’emblée les pis-aller et autres solutions trop faciles, qui ramènent les revendications de « naturel » à une concertation toute en prudence11, avec force références à des figures ou des techniques rhétoriques : « les autres ne vous voyent poinct, ils vous devinent, par conjectures incertaines. Ils voyent non tant vostre nature que vostre art12 ». Mais on se gardera aussi, et à l’opposé, d’envisager l’écriture comme une pratique privée de tout dessein, analogue par exemple, dans l’univers physique, aux rencontres aléatoires caractéristiques du clinamen épicurien13. Il semble, en réalité, que la dualité entre errance et réflexion se loge en profondeur dans le texte, et permette d’en expliquer le singulier fonctionnement, avec surcroît probable de complexité par rapport à la relation vivante.

Trait le plus immédiatement perceptible à cet égard, les relations dites de « commentaire ». En principe, les énoncés « critiques » ou « réflexifs » y équivalent à l’espace et au moment du contrôle critique, voire du ressaisissement lucide après abandon à l’impulsion première. Le plus court chapitre des Essais, « Le profit de l’un est dommage de l’autre » (I. 23) semble présenter un autre trajet : la critique d’un jugement de l’orateur athénien Démade y est suivie d’une série d’exemples empruntés aux différentes fonctions sociales qui vérifient la pertinence du thème-titre,

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que chacun, en se sondant « au dedans », est invité à éprouver. Après quoi le propos, inspiré jusque-là du De Beneficiis de Sénèque, se transpose et s’élargit en loi universelle, dans le sillage cette fois du De natura rerum de Lucrèce, cité au final : « Ce que considerant, il m’est venu en fantasie, comme nature ne se dément point en cela de sa generale Police14 ». Le mouvement de la réflexion, associé au changement de source, n’est pas présenté comme véritablement délibéré. Il procède d’une découverte soudaine, de l’irruption d’une idée nouvelle et surprenante.

Le phénomène est encore plus probant lorsqu’il s’observe sur des ensembles massifs, lorsque par exemple des déclarations concernent des chapitres entiers, où les relations de commentaire sont particulièrement prégnantes. Le titre de l’un d’entre eux, « Sur des vers de Virgile », signale ainsi que le procédé est inhérent à ses développements : les vers des poètes, de Lucrèce et de Virgile notamment, sont l’objet de méditations sur les termes qu’ils contiennent comme sur les images de jeunesse qu’ils font saillir. En fin de parcours, l’écrivain jette un dernier regard sur l’intégralité des propos qu’il a tenus, et en qualifie le mode de surgissement :

Pour finir ce notable commentaire qui m’est eschappé d’un flux de caquet, Flux impetueux par fois et nuisible,

Ut missum sponsi furtiuo munere malum

Procurrit casto virginis e gremio :

Quod miserae oblitae molli sub veste locatum,

Dum aduentu matris prosilit, excutitur,

Atque illud prono praeceps agitur decursu,

Huic manat tristi conscius ore rubor,

Je dis, que les masles et femelles sont jettez en mesme moule : Sauf l’institution et l’usage, la différence n’y est pas grande15.

Avant la comparaison avec la pomme échappée de la tunique de la vierge qu’introduisent ici les vers de Catulle16, le « notable commentaire » est rapporté à un « flux de caquet », l’image étant proche de celles que l’on trouve dans la Lingua d’Erasme mais aussi de celles du traité de

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Plutarque « Du trop parler », où la parole du babillard est assimilée autant à l’eau qui s’écoule d’un vaisseau percé ou à un navire sans attache qu’à une semence devenue stérile à force d’être trop épandue17. La métaphore naturaliste, chez Montaigne, rend finalement le chapitre à la combinaison qui le caractérise, combinaison des discours « serieux et reglez » et des « resveries » qui en rompent tumultueusement le cours en s’affranchissant de leurs contraintes. Elle rend aussi à une oralité « impétueuse » tous les types de séquences qu’on vient d’y lire.

Il en résulte assez logiquement que les commentaires n’ont pas vraiment un pouvoir structurant. S’ils sont porteurs d’« impréméditation », alors ils ne sont ni systématiques – ce que montrent bien des chapitres – ni nécessairement à rapporter aux énoncés qui les précèdent directement. À s’en tenir à l’enchaînement des propos, on note assez vite que la succession n’est pas toujours respectée, tant sur le plan logique que spatial, et qu’il arrive que l’« énoncé critique » puisse concerner un ensemble beaucoup plus vaste, chapitre dans lequel il s’inscrit, ou même livre dans son intégralité. Tel est le cas par exemple de l’ouverture du chapitre « De Démocrite et Héraclite » (I.50), dont certaines phrases paraissent fournir un éclairage sur le traitement que connaît le thème dans les pages suivantes, quand d’autres seraient plutôt à relier aux activités et à la « méthode » déployée ailleurs18, voire dans les Essais tout entiers. Bref, et de manière inattendue, ces commentaires ne vont pas sans un côté digressif19, dans la mesure où Montaigne en fait des événements langagiers, au plein sens du terme. Du coup, si par eux l’errance peut être réfléchie, par eux aussi la réflexion se fait errante. Expliquant finalement le désordre du texte, ils sont également un des principaux agents de celui-ci, d’autant qu’ils portent en eux cette part qui résiste à toute systématisation. Les « relations de commentaire » sont donc dépourvues des cautions des

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argumentations en forme comme de celles qu’elles pourraient finir par se conférer à elles-mêmes. Ce ne sont pas des « structures », encore moins des « schémas », parce qu’elles sont la manifestation textuelle la plus évidente des coups du sort, des manœuvres du hasard.

Tout ceci s’explique, et est encore compliqué, par le fait que ce sont tous les énoncés des Essais, critiques ou non cette fois, qui sont soumis à une perspective cavalière, virtuellement logée, pour ainsi dire, dans leur trame. Revenons un instant ici au chapitre « De l’oisiveté », qui fut probablement rédigé vers 1572, et qu’on a pu prendre pour la « préface primitive des Essais20 ». Le repos escompté obéissait à un programme, mais ce dernier a été en fait pris à revers :

[A] Dernierement que je me retiray chez moy, delibéré, autant que je pourroy, ne me mesler d’autre chose que de passer en repos, et à part, ce peu qui me reste de vie : il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oysiveté, s’entretenir soy mesmes, et s’arrester et rasseoir en soy : Ce que j’esperois qu’il peut meshuy faire plus aisément, devenu avec le temps plus poisant, et plus meur : Mais je trouve,

variam semper dant otia mentem,

que, au rebours, faisant le cheval eschappé, il se donne cent fois plus d’affaire à soy mesmes, qu’il n’en prenoit pour autruy : Et m’enfante tant de chimeres et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre et sans propos, que pour en contempler à mon aise l’ineptie et l’estrangeté, j’ay commancé de les mettre en rolle, Esperant avec le temps luy en faire honte à luy mesmes21.

La préméditation (« délibéré », « il me sembloit », « Ce que j’espéroy… ») a été remplacée par de l’inattendu, comme est inattendu le geste qui met « en rolle » les créatures surgies de l’intérieur, au regard du début du chapitre qui préconisait de les brider : double rupture, dans l’ordre de la séquence comme dans celle de l’unité textuelle plus vaste où elle prend place. À productions incontrôlées, « sans ordre et sans propos », réaction insolite : au point d’articulation de la consécutive (« que pour en contempler à mon aise l’ineptie et l’estrangeté… ») s’ébauche donc une nouvelle activité, dont on notera qu’elle n’est pas vraiment exposée comme une décision, mais qu’elle se formule uniquement en terme cinétique (« j’ay commancé »). Elle ne consistera pas à donner une forme

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à la matière, mais à contempler l’informe. L’écriture ne vaut pas pour ses ressources habituelles, de discipline et de cohérence ; seul est retenu l’écart qu’elle permet, écart par rapport à un univers mouvant qu’elle enregistre dans le désordre de son apparition.

À distance de son esprit, mais également des produits que ce dernier a enfantés, le « je » ne peut être ramené à une espèce mentale définie. Il est plutôt l’expression de l’instance qui observe et de celle qui trace les signes ; un « scripteur », donc, qui se retrouve comme déresponsabilisé de ce qui advient sous sa plume. La situation est singulière, mais elle est précisément ce qui rend possible et recevable ce qu’on appellera une « écriture du hasard ». À quoi on ajoutera qu’à ce stade, le mouvement obéit à une visée qui, par la dernière inflexion, réintroduit un « espoir » d’autocorrection, lequel ne tient pas à une quelconque stabilisation mais à la prise de conscience d’une imperfection. Cependant, même sous ces auspices édifiantes, le « je » exprime un désir dont les éventuels effets continueront de s’appliquer à l’« esprit » dans son autonomie et son autarcie (« luy en faire honte à luy mesmes »), et non à un « moi-même » enfin unifié et réconcilié.

Mettre en question ce schéma psychologique, en alléguant qu’une telle désolidarisation est impensable, voire qu’elle n’est que discours, revient à contester les nombreux passages où Montaigne avoue ne pas parvenir à concevoir l’origine des pensées qui l’agitent, ni à les contrôler, ni à s’en tenir à l’une d’elles22. Cela revient plus largement à plaquer sur le phénomène une vision moderne du sujet, maître et possesseur d’impressions auxquelles il serait identifiable, sans tenir compte en particulier de la puissance d’étrangeté de la phantasia de la Renaissance, par rapport au cogito qui triomphera par la suite. Et, de manière corollaire, cela revient à appliquer la notion d’« auteur », comme entité réductible à ses écrits, à une des manifestations extrêmes et problématiques de la polyphonie et de la ventriloquie humanistes, que le « je », processus plutôt que figure, s’emploie à gérer23. Enfin, cela revient à associer la parole à un objectif

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substantiel qui serait prédéfini ou que l’on pourrait prédéfinir, alors que le procès obéit à une orientation toute différente, ce qu’aide à saisir cette addition de 1592 au chapitre « Du démentir », où la perspective morale esquissée dans « De l’oisiveté » s’est estompée :

Aux fins de renger ma fantasie à resver mesme par quelque ordre et projet, et la garder de se perdre et extravaguer au vent, il n’est que de donner corps, et mettre en registre tant de menues pensées qui se présentent à elle. J’escoute à mes resveries par ce que j’ay à les enroller24.

On notera d’abord une certaine perturbation de la succession attendue des étapes, puisque le but (la « fin ») et le moyen (« mettre en registre ») sont décrits avant l’étape qui en bonne logique les précède, celle de l’« écoute » intérieure des « resveries », elle-même déterminée par le geste qui doit leur apporter une concrétisation écrite. Embarras supplémentaire : on peine à se représenter les « fins » auxquelles répond l’activité qui consiste à noter pêle-mêle de « menues pensées », d’autant qu’elles se formulent en des termes qui sont généralement antagonistes (« renger » la « fantasie », « resver…par quelque ordre et projet »). C’est que l’on se situe en réalité dans un espace soustrait aux ordres habituels, un espace mental où les opérations sont pour ainsi dire concomitantes. Dans l’écart occasionné par la mise en registre, il est possible d’entendre en soi ses propres paroles, de les faire retentir pour tenter d’en appréhender le principe, d’en comprendre le sens, d’en apprécier la pertinence. Consignées dans leur libre surgissement, les émanations de l’esprit sont dès lors l’objet d’une méditation en contrechamp qui s’emploie à en déchiffrer les motivations.

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Il n’est pas exclu que Montaigne ait ici en tête pour le coup le procédé de l’addition, généralisé aux trois livres à partir de 1588 sans adjonction d’un quatrième, qui accroît le potentiel et la capacité de chaque pensée à être interrogée par un discours second. Toutefois, l’opération excède de bien loin selon nous le domaine de l’effectif : dès qu’une phrase prend corps, il faut postuler que plane sur elle un regard qui l’inspecte. Et cet étrange programme n’est certainement pas applicable aux seuls écrits contemporains de l’ajout autographe au chapitre « Du démentir ». Il informe a posteriori les rédactions successives, dédoublées en une instance de production et une autre qui s’emploie à y déceler un « ordre » et un « projet ». Les démarcations entre errance et réflexion s’en trouvent encore problématisées : elles ne sont plus liées à l’hétérogénéité des énoncés, mais se marient dans chacun d’entre eux. La précarité s’inscrivait dans le ressaisissement ; le ressaisissement s’inscrit aussi dans la précarité, en vertu de l’optique qui touche désormais la totalité du texte25.

Voilà qui permet d’envisager plus en profondeur la question de l’intention. Nous venons de croiser une série de termes comme « fin », « dessein », « projet » ou « espoir » qui ont tous plus ou moins rapport avec l’action anticipatrice de la volonté. Si par rapport à ces derniers, l’« intention » a une coloration éthique plus nettement marquée26, les distinctions lexicales sont dans le cas présent d’un secours relatif. Il est préférable d’envisager les choses en terme de dynamique : il semble qu’il y ait là une sorte de mouvement de libération de la parole, qui la laisse advenir sans en brider le cours, mais en pariant sur les échos qu’elle fera retentir et qui lui donneront sa pleine signification et ses enjeux27. Ce qui déporte la logique du discours vers l’aval, en n’en faisant pas la traduction verbale d’une idée patiemment élaborée en vue d’un but aux contours nets, mais en le constituant en lieu de résonances et en terrain

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d’enquête pour une écoute parallèle ou postérieure à sa profération28. « Je commence volontiers sans project, le premier traict produict le second », écrit Montaigne au sujet de ses lettres dans « Considerations sur Ciceron29 ». L’écriture des Essais suppose un emballement assez semblable, mais elle lui superpose en permanence ses propres modalités de réflexion et de réfraction.

Ces dernières, on l’a dit, doivent être considérées comme une activité invisible, une méditation silencieuse, disjointe du geste créateur. Le point est précisément suggéré par la recommandation inscrite au verso de la page de titre de l’Exemplaire de Bordeaux, et destinée au futur imprimeur de l’ouvrage en préparation : « < M > ettez mon nõ tout du long sur chaque face Essais de michel de Montaigne liv. I30. ». Il s’agit là d’une signature, qui devait authentifier et ratifier chacune des pages confiées à la publication, en signe du regard qui les avait parcourues sans nécessairement les corriger, pour en reconnaître la pertinence, pertinence valable seulement pour le temps de l’édition en question, et pour celui de sa découverte par le lecteur. Ce qui laisse supposer qu’une opération semblable aurait pu affecter tous les livres à venir, mais qu’elle concernait surtout les éditions précédentes voire, par-delà ces jalons quelque peu trompeurs, le travail permanent de l’essai, dont l’auteur ne pouvait confier au public que certains instantanés.

Il convient pour finir de retrouver l’expression qui figure dans notre titre, et l’extrait dont elle est tirée :

[A] de quelque costé que je me tourne, je me fournis tousjours assez de cause et de vraysemblance pour m’y maintenir. Ainsi j’arreste chez moi le doubte, et la liberté de choisir, jusques à ce que l’occasion me presse : Et lors, à

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confesser la verité, je jette le plus souvent la plume au vent, comme on dict, et m’abandonne à la mercy de la fortune : Une bien nostre foiblesse humaine legere inclination et circonstance m’emporte

Dum in dubio est animus, paulo momento huc atque illuc impellitur.

L’incertitude de mon jugement est si également balancée en la pluspart des occurrences, que je compromettrois volontiers à la décision du sort et des dets. Et remarque, avec grande consideration de, les exemples que l’histoire divine mesme nous a laissez de cet usage, de remettre à la fortune et au hazard la determination des élections és choses doubteuses : Sors cecidit super Mathiam.

Assez volontiers présent dans les textes de la Renaissance, le tour métaphorique « la plume au vent » est ici employé dans le cadre d’une sorte de rénovation de la pondération et de l’épochè pyrrhoniennes, avec primat accordé aux circonstances et aux occasions fortuites qu’« à confesser la verité » le scripteur accueille avec une certaine allégresse, abandonnant la première attitude suspensive sans grand regret semble-t-il. En intégrant de la sorte l’aléatoire, l’esprit perd son caractère substantiel pour devenir un lieu de passage ; mais il acquiert une mobilité qui l’empêche de s’« arrester en soy » et lui permet de s’ouvrir aux sollicitations imprévues de l’aventure intellectuelle. Pour notre propos, on dira que si la métaphore vient qualifier une opération mentale qui n’est pas sans rappeler, par certains de ses traits, celle, décrite au départ de l’étude, qui régissait la conversation, on a tenté ici de prendre l’expression au pied de la lettre et au propre en l’appliquant bel et bien à l’écriture. Pour constater que si l’on pouvait déceler des similitudes, voire une cohérence, entre l’espace de la « plume » et celui des « pieds31 », le premier montrait une

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intensification des jeux de la dualité et du dédoublement, fidèle en cela à son caractère « supplémentaire » et à son potentiel de « différence » ou de différenciation.

Olivier Guerrier
Université Toulouse II – Le Mirail

1 Dans l’ordre, donc : D. Martin, Montaigne et la Fortune - Essai sur le hasard et le langage, Paris, Champion, 1977, collection « Bibliothèque littéraire de la Renaissance » ; M. Conche, Montaigne et la philosophie, Paris, PUF, 1996 et « Tendances matérialistes chez Montaigne », BSAM, 19-20, 2000, p. 11-21 ; S. Giocanti, Penser l’irrésolution : Montaigne, Pascal, La Mothe, Le Vayer, trois itinéraires sceptiques, Paris, Champion, 2001, collection « Bibliothèque littéraire de la Renaissance » ; A. Hartle, Michel de Montaigne – Accidental Philosopher, Cambridge University Press, 2003 ; P. Desan, « Une philosophie impréméditée et fortuite : nécessité et contingence chez Montaigne », Montaigne dans tous ses états, Schena Editore, Fasano, 2001, p. 343-362, ainsi que « “Le hasard sur le papier” ou la forme de l’essai chez Montaigne », colloque « Hasard et Providence, xive-xviie siècles », Tours, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, 2-10 juillet 2006, sous la direction de M.-L. Demonet, http://www.cesr.univ-tours.fr/Publications/HasardetProvidence/Desan.pdf, repris dans Montaigne, les formes du monde et de l’esprit, Paris, PUPS, 2008, chap.6, p. 107sq, et aussi les articles « Hasard » et « Fortuit » du Dictionnaire Michel de Montaigne sous sa direction, Paris, Champion, 2007 ; B. Sève, « Ménager le fortuit », dans le présent volume.

2 Le « hasard » ne paraît pas en effet vraiment relever du vocabulaire de la doctrine de Sextus Empiricus. Dans les Hypotyposes, il apparaît avant tout à l’intérieur de l’anecdote du peintre Apelle, qui parvient fortuitement à parachever un tableau dont les lacunes le désespéraient, comme l’ataraxie arrive « par hasard » (tukhikôs, I.12.28). L’anecdote est retenue par les auteurs de l’Antiquité et, ainsi que l’a montré T. Cave dans Pré-histoires I (Genève, Droz, 1999, p. 23-35), elle connaît un beau sort dans l’Europe humaniste.

3 On trouvera des considérations intéressantes à cet égard dans le dernier livre de P. Desan, Montaigne, les formes du monde et de l’esprit, Op. cit., p. 115sq.

4 De l’article de P. Desan, « ‘Le hasard sur le papier’… », cité plus haut, et des derniers développements de celui de Bernard Sève, que ce dernier, avec la générosité de l’amitié, a bien voulu nous donner à lire tandis que nous songions encore à notre propre texte, ce dont nous le remercions infiniment. Les lignes qui vont suivre dérivent de notre ouvrage d’Habilitation à Diriger les Recherches, Montaigne le jeu du hasard et de la vérité, soutenue en 2007 sous la direction d’Olivier Millet devant l’Université de Créteil, et qui, nous l’espérons, devrait être bientôt publié.

5 II.17.649 (508). Pour les citations des Essais, nous nous référons à l’édition de P. Villey et V.-L. Saulnier, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1992, 3 volumes (Première édition, PUF, 1924). L’orthographe et la graphie archaïsantes seront donc maintenues, en connaissance de cause. Cela dit, nous mentionnerons entre parenthèses la pagination correspondant à l’édition procurée par A. Tournon à l’Imprimerie nationale, Paris, 1998, coll. « La Salamandre », 3 volumes, dont nous restituerons autant que possible le système de ponctuation, à l’exception des guillemets ainsi que des tirets et du point-en-haut correspondant aux deux-points archaïques de Montaigne, remplacés par les deux-points classiques. Les passages autographes illisibles ou rognés sur l’Exemplaire de Bordeaux seront rétablis d’après ceux du texte de 1595, signalés entre crochets obliques, sur le modèle de cette édition critique, sur laquelle nous nous fonderons également pour ce qui est des variantes imprimées et des variantes autographes ou « repentirs », décelables sur l’Exemplaire de Bordeaux.

6 III.9.963B (275).

7 Nous nous accordons ainsi avec Bernard Sève lorsqu’il écrit, dans le très bon article « Naïveté » du Dictionnaire de Michel de Montaigne, que « la vraie naïveté a quelque chose d’irréfléchi, elle ne tire sa valeur et sa vérité que de son immédiateté, de son absence de délibération », ou encore qu’« il est de l’essence de la naïveté de ne pouvoir être à la fois intégralement possédée et connue » (p. 705). Nous ajouterons seulement qu’on peut décider d’être « naïf », ce qui ne retire absolument rien aux propriétés de la naïveté telles que le critique les décrit. Et par ailleurs, nous renverrons à la note 12 de l’article du même B. Sève dans ce volume, qui évoque, pour le passage de « De la vanité », outre l’interprétation traditionnelle par la fiction de spontanéité, celle qui consiste à donner à « “représenter” non pas le sens de “donner délibérément à voir”, mais celui de “donner son droit à” ». Notre interprétation, on le constate, est encore un peu différente.

8 « [B] Voylà pas un plaidoyer sec et sain, mais quand et quand naïf et bas, d’une hauteur inimaginable, veritable, franc et juste au delà de tout exemple, et employé en quelle nécessité ! [C] < Vrayment ce fut raison qu’il le preferast à celuy que ce grand orateur Lysias avoit mis par escrit pour luy : excellemment façonné au style judiciaire : mais indigne d’un si noble > criminel. Eust-on ouy de la bouche de Socrates une voix suppliante ? cette superbe vertu eust elle calé au plus fort de sa montre ? Et sa riche et puissante nature eust elle commis à l’art sa défense, et en son plus haut essay renoncé à la verité et naïfveté, ornements de son parler, pour se parer du fard des figures feintes d’une oraison apprinse ? », III.12. 1054 (409).

9 Ibid., 1054-1055 (410).

10 On aura reconnu là des aspects de la parrhêsia, du moins telle que M. Foucault la conçoit dans le commentaire qu’il donne du passage de l’Apologie dans « Le courage de la vérité », Le gouvernement de soi et des autres II – Cours au Collège de France 1984, Paris, Le Seuil, 2009, p. 67sq. Sur ces rapports entre Foucault et Montaigne autour de la dite parrhêsia, nous renvoyons à notre article « Le Socrate de Foucault et le “socratisme” de Montaigne. Autour de la Parrhêsia », Le Socratisme de Montaigne, T. Gontier et S. Mayer (éd), Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 57-70.

11 Le réflexe vient de loin. On renverra par exemple au jugement de Dominique Baudier à la fin de l’édition des Poemata varia (Leyde, 1607), cité dans le texte de 1616 et traduit par O. Millet dans La première édition des Essais de Montaigne (1580-1640), Paris, Champion, 1995, p. 153-154 et 155-156 : « Possis et illud vitio vetere, quod quum hoc unum affectet ne quid affectare videtur, tamen nimis interdum pellucet artificium proditque se studio latendi. Quamquam item ubique fortuitae dictionis gloriam affectat, et nihil pejus timet quam ne diligens fuisse arguatur : tamen multis in locis apparet non adumbrata, sed expressissima signa elaboratioris meditamenti », « Pareillement, quoiqu’il affecte partout la gloire d’un style hasardeux, et qu’il ne craigne rien de pire que d’être convaincu d’application, cependant dans bien des passages on voit des signes, non pas seulement apparents mais parfaitement mis en relief, d’une préméditation assez travaillée ».

12 III.2.807-808 (48).

13 Comme l’a fait Philippe Desan en parlant d’un « clinamen de l’écriture » dans son intervention « “Le hasard sur le papier” ou la forme de l’essai chez Montaigne » au colloque « Hasard et Providence, xive-xviie siècles », disponible en ligne à http://www.cesr.univ-tours.fr/Publications/HasardetProvidence/Desan.pdf., repris dans Montaigne, les formes du monde et de l’esprit, Op. cit., p. 115. Pour rendre justice au critique, on ajoutera cela dit une remarque comme « on peut considérer la forme de l’essai comme la gestion du hasard », de l’article « Hasard » du Dictionnaire Montaigne sous sa direction (Op. cit., p. 529), beaucoup plus proche de notre perspective.

14 I.22.107A (196).

15 III.5.897B (180).

16 Nous nous permettons à nouveau de renvoyer à notre ouvrage Quand « les poètes feignent ».Fantasie et fiction dans les Essais de Montaigne, Paris, Champion, 2002, p. 251 sq., où sont étudiées les implications de ces vers.

17 Voir « Du trop parler », Œuvres morales et meslées, traduction J. Amyot, Paris, Vascosan, 1572, 90 D, 90 G, 92 H. L’image du « vaisseau percé » se trouve également, de manière fort significative, dans la définition que propose du temps le traité « Que signifioit ce mot Ei » : « (…) car c’est chose mobile que le temps, & qui apparoist comme en vmbre avec la matière coulante & fluente tousiours, sans iamais demourer stable ny permanente, comme le vaisseau percé, auquel sont contenues générations et corruptions (…) » (Ibid., 357 C).

18 Sur ce point, voir les hypothèses que propose Marie-Luce Demonet dans Michel de Montaigne, Les Essais, Paris, PUF, 1985, coll. « Études littéraires », p. 120.

19 Comme l’a suggéré Yves Delègue dans l’article capital « La digression, ou l’oralité dans l’écriture », Logique et littérature à la Renaissance, Paris, Champion, 1994, p. 155-164.

20 Voir Alexandre Eckhardt, « La préface primitive des Essais », BHR, tome IX, 1947, p. 160-163.

21 I.8.33 (84).

22 Différents modèles peuvent être allégués pour expliquer cette appréhension de l’intériorité. Parmi eux, le discours physique épicurien, dont George Hoffman, avec précaution et prudence pour le coup, montre qu’il est déplacé par Montaigne en direction de la psychologie afin de figurer le désordre de l’âme humaine (article « Epicurisme » du Dictionnaire de Michel de Montaigne, Op. cit., p. 332-335).

23 Sur cette difficile question de la « fonction-auteur » dans les Essais, on renverra à l’excellent article de Philippe de Lajarte, « Les Essais et la naissance de l’auteur moderne », « D’une fantastique bigarrure » - Le texte composite à la Renaissance – Etudes offertes à André Tournon, Paris, Champion, 2000, p. 167-189, et notamment à ces lignes qui pointent le problème essentiel : « En s’affirmant tout à la fois (…) père et fils de ses Essais, Montaigne subordonne intégralement à la centralité d’un sujet originaire et fondateur la construction d’une œuvre qui se trouve elle-même avoir pour objet essentiel la construction de ce sujet même. L’auteur des Essais apparaît par là sur un mode anticipateur comme une incarnation on ne peut plus caractéristique de l’auteur-sujet propre à la théorie et à la pratique littéraires de notre prémodernité (l’auteur comme principe d’origine, sujet fondateur et foyer d’expression de son œuvre). Mais en même temps, par un paradoxe dont on ne saurait assez souligner la singularité, le retour réflexif que, tout au long de son œuvre, l’auteur des Essais ne cesse d’opérer sur lui-même, le conduit à mettre radicalement en question, d’une part, sur le plan ontologique, son identité de sujet, et d’autre part, sur le plan du discours, la position centrale et le statut fondateur qui sont les attributs essentiels de l’auteur-sujet » (p. 181).

24 II.18.665C (533).

25 On n’est pas très éloigné du « troisième niveau », ironique et presque ludique, décrit par J.-Y. Pouilloux dans Montaigne, l’éveil de la pensée, et à propos duquel, dans la continuité, Steven Rendall écrit : « [the third level] opens a decentred, nonhierarchical perspective in which no component of discourse can claim priority or authority over any other » (‘Distinguo’. Reading Montaigne Differently, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 13).

26 Voir notre entrée dans la nouvelle édition revue et corrigée du Dictionnaire de Michel de Montaigne, Op. cit.

27 On pourra songer ici à Pascal, fin lecteur de Montaigne mais avec sans doute une visée toute différente : « J’écrirai ici mes pensées sans ordre et non pas peut-être dans une confusion sans dessein » (Pensées, 472, éd. M. Le Guern, Gallimard, 1977).

28 Notre lecture se distingue ainsi à la fois de l’analyse rhétorique, qui postule un calcul préalable des mots pour le dire, et de celle de Fausta Garavini dans Monstres et chimères - Montaigne le texte et le fantasme (Paris, Champion, 1993, coll. « Études montaignistes » no 13), laquelle, quoique dans une perspective toute différente, reste elle aussi obstinément fixée sur un « avant » qui mettrait en mouvement l’écriture et se logerait de façon privilégiée dans ses disjonctions (« Et le langage véhicule des fragments de fantasmes, qui, à l’insu du sujet, déterminent l’orientation du discours », p. 15). Elle gagnerait par contre, selon toute probabilité, à être rapportée à la pratique de la parole dans certaines cures analytiques. Faute de compétences en la matière, nous nous bornerons à une description empirique, en utilisant les notions les plus usuelles.

29 I.40.253B (409-410).

30 Recommandation que l’on trouve dans l’édition d’André Tournon à l’Imprimerie nationale, vol.1, p. 633, lequel André Tournon a indiqué le sens et les enjeux qu’elle peut prendre.

31 II.17.653-654 (515-516). Selon l’expression du chapitre « De la vanité », « Il faut que j’aille de la plume comme des pieds ». Sur ce dernier terrain, à proprement parler, et selon notre propos, la meilleure illustration se trouve sans doute dans le magnifique passage du Journal de voyage rédigé par le secrétaire : « Quand on se plaignait à lui de ce qu’il conduisait souvent la troupe par chemins divers et contrées, revenant souvent bien près d’où il était parti (ce qu’il faisait ou recevant l’avertissement de quelque chose digne de voir, ou changeant d’avis selon les occasions), il répondait qu’il n’allait, quant à lui, en nul lieu que là où il se trouvait, et qu’il ne pouvait faillir ni tordre sa voie, n’ayant nul projet que de se promener par des lieux inconnus ; et pourvu qu’on ne le vît pas retomber sur même voie et revoir deux fois même lieu, qu’il ne faisait nulle faute à son dessein. Et quant à Rome, où les autres visaient, il la désirait d’autant moins voir que les autres lieux, qu’elle était connue d’un chacun et qu’il n’avait laquais qui ne leur pût dire nouvelles de Florence et de Ferrare », éd. F. Garavini, Paris, Gallimard, 1983, p. 153-154. Se trouve défini ici ce qu’on pourrait appeler un « dessein sans but », sans but défini, qui vise à satisfaire la curiosité du voyageur autant qu’il « amuse le mal » du (futur) curiste. Là encore, le consentement à l’errance et, là encore, le « souci de soi ».