Revue Des Autographes

L’annonce de la vente de la « Collection Alfred de Vigny » chez Artcurial, le 15 novembre 2016, avait causé un grand émoi dans le cercle (certes trop restreint) des vignystes. La dispersion de ce fonds, d’origine familiale, et gardé avec dévotion jusqu’à sa mort par Jean Sangnier (qui l’avait mis généreusement à la disposition des éditeurs de la Correspondance), n’a cependant guère ému les grandes institutions patrimoniales, à l’exception de la Bibliothèque de l’Institut ; la Bibliothèque nationale a brillé par son désintérêt et son absence, alors que bien des trésors de ce fonds avaient leur place toute désignée au Département des manuscrits, qui aurait pu ainsi éviter une trop grande dispersion de ces précieuses archives, et enrichir son fonds Vigny à bon compte. Car il faut bien hélas constater que Vigny n’a plus la cote actuellement : les belles enchères sont allées aux amis de Vigny plutôt qu’au poète lui-même, et beaucoup de lots sont restés invendus. Des mains pieuses ont pu heureusement recueillir certains dossiers : quelques-uns ont ainsi rejoint le Maine-Giraud.

Le catalogue, richement illustré, détaille en 146 lots (certains fort volumineux) l’ensemble de ces archives, dans un ordre chronologique. Il ne saurait être question ici d’exhaustivité. Nous tâcherons cependant d’en résumer la teneur.

Un ensemble exceptionnel de portraits nous conserve les traits du poète tout au long de sa vie depuis sa plus tendre enfance jusqu’à la vieillesse : Vigny enfant au bain, pastel par sa mère (no 1), deux miniatures de Vigny vers 1805 (2 et 3), sa miniature sur un bracelet offert à Lydia (42), la miniature de Mansion sur le précieux album amicorum offert à Lydia (43), le médaillon de David d’Angers (53), un dessin par Tony Johannot en 1830 (68), une miniature par Pierre Daubigny (82), une mystérieuse épreuve photographique (136), un pastel par Hugues Fourau (137), et enfin un album de portraits photographiques, avec deux portraits de lui commentés (145). Signalons aussi l’unique portrait 148connu de Lydia de Vigny (45), et plusieurs dessins de Vigny lui-même, qui était un bon dessinateur, le premier daté de 1809 (6, 8, 10, 34), avec le cahier des cours de dessin avec sa mère (17).

De volumineux dossiers rassemblaient les archives des familles Baraudin et Vigny (7), les documents sur sa carrière militaire et ses décorations (16), une partie de la correspondance reçue par lui (plus de mille lettres reçues, et plus de 200 brouillons ou minutes, 18), les affaires familiales (41), l’affaire de la succession Bunbury (91), ses affaires parisiennes (96), le Maine-Giraud (117) ; plus trois manuscrits de sa mère (13 à 15).

De nombreuses lettres reçues par Vigny de divers correspondants étaient détaillées, souvent accompagnées des minutes des réponses : Victor Hugo (22, 25, 29, 32, 39, 40, 49, 51, 57, 58, 73), Jacques, Émile et Antoni Deschamps (26), Abel Villemain (24 lettres, 50), Sainte-Beuve (19 lettres, 52), David d’Angers (55), Alexandre Dumas (56, 70, 71, 83), Auguste Brizeux (70 lettres, 59), Lamartine (64), Gustave Planche (65), Balzac (72), François Buloz (51 lettres, 75), Hector Berlioz (78, 92, 102, 113, 114, 127), Franz Liszt (79), Marie Dorval (81), Adam Mickiewicz (84), Alfred d’Orsay (86), Marie d’Agoult (85 lettres, 93), Delphine de Girardin (103), Adèle Hugo (107), Hans Christian Andersen (112), Marceline Desbordes-Valmore (118), Tryphina Holmes (46 lettres, 120), Barbey d’Aurevilly (142). Sans oublier des lettres de Vigny lui-même : à Lydia (36, 77, 134), à Virginie Ancelot (20 lettres, 37), à sa mère (74), à la famille Lachaud (59 lettre et 17 minutes, 104), à Napoléon III (minutes, 131)

Dix-sept dossiers étaient constitués de manuscrits et brouillons de Vigny : esquisses de poèmes (27, 76, 106, 135), Roméo et Juliette (28), Une âme devant Dieu (46), notes pour Cinq-Mars (60), proses et notes de lecture (66), esquisses et notes pour Servitude et grandeur militaires et le projet Féra (67), Daphné (80), Les Destinées et La Maison du Berger (89), La Mort du loup (90), La Colère de Samson (94), Le Mont des Oliviers (95), De Mademoiselle Sedaine et de la propriété intellectuelle (100), La Bouteille à la mer (109), notes de séances académiques (121). Le manuscrit des Mémoires inédits, qui avaient été publiés par Jean Sangnier, a été éclaté en trois dossiers : l’Académie française (110 ; plus les épreuves corrigées du discours de réception, 111), la politique (126), la famille (144). Sans oublier des carnets ou agendas tenus par Vigny, de 1838 à 1863 (88, 97, 98, 101, 105, 108, 115, 119, 125, 132, 133, 138, 146.

Notons encore quelques livres lui ayant appartenu, certains annotés (30, 31, 54, 69, 124, 128, 129, 130, 139, 140, 143) ; ainsi que des meubles et objets provenant de lui : portrait de Regnard (9), pendule (11), un fauteuil d’aisance (! ! !, 99), son bureau (123)…

Le clou de la vente était l’album de photographies de Gustave Le Gray constitué par Léon Maufras et donné à Vigny, contenant 113 épreuves.

Thierry Bodin