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Classiques Garnier

Biographie de Marc’Antonio De Santis

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Biographie
de MarcAntonio De Santis

Nous savons très peu de choses de MarcAntonio De Santis, sinon quil sagit dun homme daffaires très actif durant les années qui chevauchent la fin du xvie et le début du xviie siècle. Ses écrits de 1605 lui ont donné une position officieuse au palais, la Pragmatique de juin 1607 inspirée de ses vues (qui sera abrogée peu de mois après sa mise en application), ceci semble encore confirmé par le fait que le 10 mars 1610 la Corte del Collaterale désigne De Santis comme représentant de la nation napolitaine dans le comité technique plurinational1 chargé dexaminer à chaque occasion les problèmes financiers les plus importants. Limportance de De Santis est encore soulignée par le fait que le premier « Discours » est prononcé oralement avant dêtre imprimé sur ordre du Président du Sacro Consiglio dans le but dêtre soumis à lexamen des plus hautes autorités espagnoles, et des négociants les plus importants qui opèrent à Naples.

La faiblesse du change est largument central autour duquel tourne toute largumentation de De Santis. Il écrit : « Le prix du change de notre Royaume avec les autres places dItalie, et de ces places avec le Royaume, est la cause du fait que largent comptant nentre pas dans notre Royaume, et que largent comptant qui y est en sort2 ». La proximité des États de lÉglise entraîne un flux de revenus vers le Royaume, et un retour dans ces États par change, avec un bénéfice de 10 %. Ce qui est pour De Santis la cause principale de la situation du Royaume. Il propose dimposer par la loi un taux de change de 125 grains par écu. Le moyen est détablir le prix de lécu et du ducat de change à un taux 126plus faible du taux de lécu dor effectif. Le but recherché est dinverser les flux entre le Royaume et les autres places. De Santis sempresse de préciser quil ne sagit pas de dicter le change sur toutes les places dItalie, mais simplement de protéger le Royaume. Pour De Santis, la pauvreté et la faiblesse économique du Royaume repose dabord sur une structure financière inadaptée. De Santis pointe le fait exact que la place de Naples est soumise à celle de Piacenza qui dicte les conditions de change. Le manque de monnaie qui est alors un phénomène répandu dans toute lItalie, au lieu damener De Santis à réfléchir aux conditions générales qui dépassent largement la question du change, le conduit à juger anormale la situation du Royaume de Naples.

Mais derrière largumentation, il y a un objectif politique concernant les Génois qui détiennent près de 70 % des créances de la dette publique sur le Royaume, et ne les investissent plus sur place comme ils le faisaient auparavant. La thèse de De Santis est donc clairement orientée contre les banquiers génois. Pour faire que les revenus versés aux détenteurs de créances sur le Royaume demeure en son sein, il suffit, selon De Santis, dimposer un taux de change bas et de contrôler rigoureusement les monnaies rognées pour les empêcher de sortir du Royaume. En juillet 1605, une réplique attribuée à un gentilhomme Génois est publiée.

Largument avancé est simple et concis : le change relève dun accord volontaire entre parties et non de la loi. Le Génois donne raison à De Santis lorsquil établit un lien entre manque de monnaie et change élevé, mais il affirme que la Pragmatique demandée par De Santis naboutira quà la destruction de toute opération de change. Mais lanonyme avance alors une autre raison qui est celle du système bancaire à Naples, de nature essentiellement scripturale : « Tout se paie en banque, par un écrit sans argent…Et du fait dune si grande commodité de payer on ne ressent pas le manque dargent quil y a3 ».

Lanonyme propose seulement que lon refonde lensemble des monnaies existantes sans dire ouvertement quon le fasse en les diminuant de poids ou de titre pour résoudre le problème. De Santis se préoccupe dabord de définir un certain nombre de points sur lesquels tous les acteurs économiques du Royaume puissent se retrouver pour exercer une pression déterminée sur le Vice-Roi. Ces points convergent tous dans la même direction : mettre un terme à la politique suivie jusque-là 127vis-à-vis des étrangers, et en particulier des Génois qui exportent leurs revenus, y gagnent par le change et sont des parasites du Royaume. Cest là le mérite essentiel de son ouvrage au-delà des arguments techniques sur le change. La récolte désastreuse de 1606, la plus mauvaise des quarante dernières années empêche que la discussion se développe. Le programme de réforme du Vice-roi Benavente qui prévoyait justement de réduire fortement la dette publique détenue par les étrangers ne sera pas appliqué, et les expédients habituels seront mis en œuvre. Tout dabord avec la Pragmatique de juin 1607 qui fixe et abaisse le change selon les indications de De Santis, puis avec celle du 6 juin 1607 qui suit les propositions de lanonyme Génois et organise une refonte de toutes les monnaies qui doivent être apportées à lHôtel des monnaies pour y être échangées ; à lexception des monnaies de très faible valeur comme le demi-carlin (les zanette) et les tre cinquine. Toutes les autres monnaies, rognées à un quart de leur valeur, étant échangées au poids. La bonne monnaie circulant à sa dénomination en unité de compte et les autres au poids. Mais cest la fameuse Pragmatique du 15 octobre 1612 du Comte de Lemos qui tente de réaliser une réforme densemble de lÉtat.

André Tiran

1 Le comité comprend en 1610 Paolo Grillo et Giacomo Fornari pour la nation génoise, Bendetto Biffoli pour Florence, Pietro Cortone pour Bergame et le flamand Antonio Antopel, in R. Colapietra, Problemi monetari negli scrittori napoletani dele seicento, Roma, Academia dei Lincei, 1973, p. 16 (introduction).

2 Ibid., p. 17.

3 Ibidem, p. 21.