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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Boèce au fil du temps. Son influence sur les lettres européennes du Moyen Âge à nos jours
  • Pages : 631 à 646
  • Collection : Rencontres, n° 404
  • Série : Littératures antiques, n° 3
  • Thème CLIL : 4030 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Langues anciennes
  • EAN : 9782406086673
  • ISBN : 978-2-406-08667-3
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08667-3.p.0631
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 26/07/2019
  • Langue : Français
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Résumés/Abstracts1

Vincent Zarini, « Boèce en son contexte »

On examine ici la situation de Boèce au moment de sa disgrâce, notamment dans son contexte politique et géo-ecclésiologique, puis la place de la Consolation dans la littérature prosimétrique, et notamment son rapport avec la Paraenesis didascalica dEnnode, de peu antérieure : celle-ci accorde un rôle essentiel à la littérature dans la culture, alors que Boèce ambitionnait de composer une véritable « somme » des savoirs, centrée autour de sa figure dintellectuel.

This paper deals with Boethius situation at the moment of his fall in its political and geo-ecclesiological context and with the place of the Consolation within the prosimetrical corpus, particularly its relationship to EnnodiusParaenesis didascalica. That text, written only a few years earlier, gives literature pride of place within culture, whereas Boethius aim was to compose a true “summa” of knowledge, grounded in his position as an intellectual.

Isabelle Turcan, « Boëce dans les dictionnaires sous lAncien Régime. Une présence cachée »

Létude de la présence de Boëce, dont le nom fut porté par dautres savants, dans les dictionnaires français de lAncien Régime révèle une fascination pour le savoir encyclopédique analogue à celle exercée par Aristote et confirme limportance méthodologique du comparatisme des textes lexicographiques et de leurs sources : les savants connaissaient Jean de Meung, traducteur et commentateur de Boëce, que Pierre Borel cite dans son Trésor de Recherches et antiquitez gauloises… (1655), source parfois cachée.

The study of the presence of Boethius, whose name was shared by other scholars, in the French dictionaries of the Ancien Régime reveals a fascination for encyclopedic 632 knowledge similar to that exerted by Aristotle and confirms the methodological importance of the comparative approach as applied to lexicographical texts and their sources. The learned were familiar with Jean de Meung, translator and commentator of Boethius, whom Pierre Borel quotes in his Trésor de Recherches et antiquitez gauloises… (1655), a source that is sometimes overlooked by scholarship.

Béatrice Stumpfet Bernard Combettes, « La Consolatio Philosophiae et sa traduction en français au Moyen Âge. Le problème des noms abstraits. Le cas particulier des suffixes -tas et -tio »

Cette étude a pour but de déterminer dans quelle mesure la traduction de la Consolation de Philosophie de Boèce a pu influencer la formation du lexique français. On examine pour cela, dans quatre traductions réalisées du xiiie siècle au xve siècle, deux des suffixes nominaux les plus fréquents : le suffixe des noms de qualité -tas et le suffixe des noms daction -tio. Sont essentiellement étudiées les variations dans les traductions, les solutions adoptées par les traducteurs pouvant aller jusquau néologisme ou, au contraire, sappuyer sur le système déjà bien établi depuis lancien français.

This study aims to determine the extent to which the translation of Boethius Consolation of Philosophy influenced the formation of the French lexicon. To this end, we examine four translations produced between the thirteenth and the fifteenth centuries for two of the most frequent nominal suffixes, namely –tas, designating qualitative nouns, and -tio, designating action nouns. The study primarily concerns variations in translations and solutions adopted by translators, which ranged from coining neologisms to, alternatively, relying on the lexical system already well established since the old French period.

Carmen Cortés Zaborras, « Interprétation et usage de concepts-clés boéciens au fil du temps chez des auteures de langue française »

Boèce établit une terminologie latine qui eut une énorme répercussion sur les développements théologiques, métaphysiques et logiques postérieurs. Cette étude a pour dessein de découvrir quel fut le sort encouru par trois concepts fortement influencés par sa pensée : essence, éternité et personne. Pour ce faire, janalyse des textes non-fictionnels élaborés par des femmes de langue française entre le xve siècle et le xviiie siècle. Le corpus hétéroclite étudié, qui va de la réflexion philosophique dans une assez pure tradition boécienne dans lœuvre de Christine de Pisan au pamphlet satirique de Fanny de Beauharnais, 633en passant par des mémoires et des recueils de lettres et de conseils, montre que lhéritage boécien se retrouvait toujours dans les formes, mais de moins en moins dans le fond.

Boethius established a Latin terminology which had enormous repercussions on later theological, metaphysical, and logical developments. This study aims to discover the fate of three concepts strongly influenced by his thought : essence, eternity and person. To this end, I analyse non-fiction texts written by French-speaking women between the fifteenth and eighteenth centuries. The variety of the corpus analysed, which ranges from philosophical reflection in a fairly pure Boethian tradition in the works of Christine de Pisan to Fanny de Beauharnais satirical pamphlet, to memoirs and collections of letters and advice, shows that although Boethius legacy remained strong in its formal qualities its specifically Boethian content became less and less evident over time.

Jesús Conill Sancho, « De Boèce à Zubiri. La réalité personnelle » [De Boecio a Zubiri. La realidad personal]

Dans cet article on met en avant dans un premier temps lapport philosophique de Boèce, décisif dans la compréhension de la réalité de la personne humaine, en prenant appui sur le concept physico-ontologique de substance ; en second lieu laccent est mis sur la nécessité douvrir un nouvel horizon philosophique pour comprendre le concept de personne humaine en se fondant sur la philosophie de Zubiri. La mise en œuvre dune nouvelle méthode danalyse de lexistence humaine, différente de celle de Heidegger, donne lieu à une conception de la personne ancrée dans la corporéité.

This article first presents Boethius contribution to the philosophical tradition, decisive in understanding the reality of personhood, grounding the analysis in the physical-ontological concept of substance ; second, I argue for the need to open up a new metaphysical horizon in order to understand personhood in light of Zubiri s philosophy. Analysing human existence through this new model, distinct from Heidegger s, opens to the door to a conception of the person based on corporeality.

Nicoletta Palmieri, « Présence de Boèce dans la diuisio scientiarum de Maurus de Salerne »

Lécole médicale de Salerne connaît au cours du xiie siècle un nouvel essor intellectuel représenté notamment par lactivité des maîtres qui entreprirent de commenter lArs medicine, recueil de textes médicaux nouvellement constitué 634comme base de lenseignement. À linstar de ses prédécesseurs Barthélemy et Archimatthieu, Maurus de Salerne († 1214) revendique pour son savoir un statut épistémologique permettant à la médecine de sinsérer dans une véritable « division des sciences » ; pour ce faire il propose une diuisio scientiarum assez élaborée où il utilise de manière « inconsciente » plusieurs suggestions boéciennes venant du De Trinitate et des commentaires sur lIsagoge de Porphyre. Cest un Boèce désormais tombé dans lanonymat, sans doute transmis par des florilèges dextraits dont la présence est attestée vers la fin du haut Moyen

During the twelfth century, the medical School of Salerno experienced a fresh intellectual blossoming evident especially in the commentaries that masters composed on the Ars medicine, a collection of medical texts that had recently been brought together to form the basis of their teaching. Much like his predecessors Bartholomew and Archimatthew, Maurus of Salerno († 1214) ascribed epistemological value to his learning, thus integrating medicine into a genuine division of the sciences. To do so, he devised a rather sophisticated diuisio scientiarum which harks back to a number of suggestions present in BoethiusDe Trinitate and in commentaries on Porphyrys Isagoge. The Boethius we meet here in not cited by name, but his ideas were transmitted via forilegia of excerpts we know existed at the end of the early middle ages.

Donatella Restani, « Embryologie, numérologie et musica humana. Un nouveau regard sur les sources et la réception du concept »

En attendant une étude systématique de la réception de lidée Boécienne de la musique humaine (musica humana), cet essai présente trois cas exemplaires pour comprendre et commenter la réception du concept en France et en Italie, aux xive et xve siècles. Cette idée, qui sest fort répandue dans les différents genres littéraires, y compris en dehors des traités musicaux, est ici envisagée du côté de la musique du corps, à travers létude de la correspondance entre les modèles de la pensée médicale et philosophique, dans les textes de Pietro dAbano et Évrart de Conty, et de la pensée musicale, dans les traités de Franchino Gaffurio.

A comprehensive study of the reception of Boethius idea of human music (musica humana) having yet to be written, this essay presents three representative manifestations of the concept in France and Italy in the fourteenth and fifteenth centuries. The idea of human music, which spread widely throughout different literary genres and beyond musical treatises as well, is considered here from the perspective of the music of the body. To this end, the correspondence between the models of medical and philosophical thought is studied in texts by Pietro dAbano and Évrart de Conty, and of musical thought, in Franchino Gaffurios treatises.

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Bruno Bouchard, « Lhomo fortunaet la dette des maîtres dalgorisme envers Boèce. Entre arithmétiques, proportions, patrimoines et esthétisation de soi, du monde marchand au monde de lart »

Boèce, des marchands de la Renaissance intéressés ? Plus ou moins. Mais moins, cest beaucoup plus quil ny paraît. Il y a eu des réminiscences, des résurgences de sa pensée, des souvenirs, des paroles sans doute échangées sans laisser de traces, ou idées sorties des œuvres de Boèce et orientées vers larithmétique, la Fortune : comment en parler ? Boèce serait-il le concepteur dun personnage important, à la Renaissance, le Marchand, Figure parfaitement incarnée de la conjugaison de LInstitution arithmétique et de la Consolation de la Philosophie, un être spéculatif, plausiblement boécien, que nous pourrions nommer homo fortuna ? Comment, créer, effectivement, de la Bonne Fortune, depuis Boèce, avec Boèce en esprit, sachant quil est encore dans toutes les têtes, et dans tous les calculs ? Le cumul dun patrimoine en argent ne suffit plus, alors que faire de cette fortuna accumulée : naître, enfin, au monde, ou renaître dans lexultation du beau, en se donnant une Fortune arithmétisée de faire, soi-même, une Renaissance ?

Did Boethius elicit the interest of Renaissance merchants ? More or less. But less is more than it seems. Reminiscences, resurgences of his thought, memories, words doubtless exchanged without leaving any traces, and ideas originating with Boethius and oriented towards arithmetic or the figure of Fortune can all be found, but how to discuss them ? Might Boethius have invented an important Renaissance symbol, the Merchant, a perfectly embodied figure combining the Arithmetic with the Consolation of Philosophy, a speculative and believably Boecian being, which we could name homo fortuna ? How, indeed, since Boethius day, to create good fortune, with Boethius in spirit, knowing that he is still in all heads, and in all calculations ? The accumulation of a financial patrimony is no longer enough, so what to do with this accumulated fortuna : to be born, finally, into the world, or to be reborn in the exultation of the beautiful, by giving itself an arithmetical Fortune to make, oneself, a Renaissance ?

Francisco Arenas-Dolz, « Boèce et la subordination de la rhétorique à la dialectique » [“Boecio y la subordinación de la retórica a la dialéctica”]

Cette contribution a pour objet de présenter un aperçu général des principales interprétations des Topiques et, plus particulièrement, de montrer la place qui revient à Boèce dans cette tradition pour avoir codifié le savoir sur les Topiques transmis par les auteurs classiques.

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The aim of this contribution is to present an overview of the main interpretations of the Topics, and more specifically to show the place Boethius deserves within this tradition for having systematised classical authors knowledge about the Topics.

Jérôme Lagouanère, « Boèce et Augustin, deux influences contradictoires (viiie-xvie siècle) ? Réflexions sur les usages polémiques des sources »

Le présent article se propose détudier les influences respectives dAugustin et de Boèce, de lépoque carolingienne à la Renaissance, aussi bien sur le plan littéraire, avec lexamen de la postérité des genres de la confessio et de la consolatio, que sur le plan philosophique, en analysant lutilisation des catégories logiques. Il sagit ici de montrer que les œuvres dAugustin et de Boèce ont constitué deux modèles littéraires et épistémologiques qui à la fois étaient antagonistes et autorisaient des tentatives de synthèse durant la période envisagée.

This article aims to study the respective influences of Augustine and Boethius, from the Carolingian period to the Renaissance, both at the literary level, with the examination of the posterity of the genres of confessio and consolatio, and at the philosophical level, by analysing the use of logical categories. The goal is to show that the works of Augustine and Boethius constituted two literary and epistemological models that were mutually antagonistic while simultaneously eliciting attempts at synthesis during this period.

Rodrigo Ballón Villanueva, « Connaissance divine du mal. Linfluence de Boèce sur Scot Érigène » [“Conocimiento divino del mal. Influencia de Boecio en Escoto Eriúgena”]

Cette étude a pour but de mettre en lumière linfluence du dernier des Romains sur Érigène, et notamment en ce qui concerne sa réflexion métaphysique sur la nature du mal, dont le point de départ est lidentification entre Dieu et le Bien. Pour ce faire nous nous centrons sur ces deux textes : De Consolatione Philosophiae III Pr. 11 et Periphyseon II 596AB, ce dernier étant indéniablement inscrit dans la filiation boécienne.

This work aims to highlight the influence that the last of the Romans had on Eriugena, particularly in regard to his metaphysical reflection on the nature of evil, which is based on the identification of God with the good. Specifically, I focus on two texts, namely De Consolatione Philosophiae III Pr. 11 and Periphyseon II 596AB, the latter clearly inspired by Boethius.

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María Jesús Soto Bruna, « Unité et Bien. Boèce compris par Gundissalvi (xiie siècle) »

Dans la Consolatio de Boèce (III, 11) se trouve lorigine dune métaphysique dans laquelle « être », « unité » et « bien » constituent en même temps lunivers de lentité créée et les aspirations de lœuvre humaine. Cette étude explique la présence de cette relation dans le De unitate et uno de Dominicus Gundissalinuset sa réception – aussi bien doctrinale que textuelle – dans des paragraphes significatifs du Liber de unitate et uno.

In Boethius Consolatio (III, 11) we find the beginnings of a metaphysics in which the categories of “being”, “unity” and “the good” constitute both the universe of the created being and the aspirations of human action. This idea is present in Dominicus Gundissalinus twelfth century Liber de unitate et uno. In this study I use authorised sources to examine the textual and doctrinal similarities between the works of Boethius and Gundissalinus in their handling of this subject.

Isabel María León Sanz, « Influence des idées esthétiques de Boèce sur saint Bonaventure » [“Influencia de las ideas estéticas de Boecio en S. Buenaventura”]

S. Bonaventure fut un bon connaisseur de lœuvre de Boèce, et pourtant cet auteur est souvent absent dans les études consacrées à la tradition boécienne. S. Bonaventure interpréta les théories esthétiques de Boèce à la lumière de celles de S. Augustin. Parmi les thèmes où cette influence se laisse voir se détachent le problème de la perception de la beauté et sa relation avec le nombre et la proportion, enfin lexplication de son origine à partir du Créateur.

St. Bonaventure knew well the works of Boethius, although this author is often absent from research on the Boethian tradition. St. Bonaventure interpreted Boethian aesthetic theory in light of St. Augustine s writings on the topic. The influence of Boethius on St. Bonaventure can be observed in several fields, including the perception of beauty, its connection with number and proportion, or the attribution of the beauty of the universe to the art of Creator.

Alice Lamy, « Henri Bate de Malines, lecteur de Boèce »

Au xive siècle, le belge érudit Henri Bate de Malines mène une activité commentaristique intense sur Platon. Son œuvre, le Speculum divinorum et 638quorundam naturalium offre une trentaine doccurrences boéciennes à lorigine de discussions centrales pour la scolastique. La présence de Boèce chez Henri Bate marque la volonté de maintenir un concordisme entre Platon et Aristote tout comme de revendiquer une contre-culture marginale, fière de transmettre la tradition dun platonisme délaissé.

In the fourteenth century, the schoolman Henri Bate of Malines wrote many detailed commentaries on Plato s dialogues. The Speculum divinorum et quorundam naturalium offers many scholastic discussions on the thought of Boethius. The doctrinal role of these thirty or so references to Boethius in the Speculum underlines the will of Henri Bate to maintain a concordism between Plato and Aristotle and to claim a marginal counterculture, proud to transmit the tradition of an abandoned Platonism.

Christian Trottmann, « Denis le Chartreux, lecteur de la Consolation de la Philosophie »

Parmi les commentaires de la Consolation de la Philosophie de Boèce, celui de Denys le Chartreux est daprès Pierre Courcelle le plus original. Destiné non à des étudiants en théologie, mais à de spirituels érudits, il prend une forme dialoguée. Elle permet de faire alterner un commentaire linéaire nourri de références scripturaires, patristiques, monastiques et scolastiques voire littéraires, avec de véritables petites questions disputées sur les sujets les plus difficiles. Loin dêtre pédante cette érudition est toujours très efficacement mobilisée.

Denys the Carthusian s commentary on Boethius Consolation of Philosophy is, according to Pierre Courcelle, the most original among those of the fifteenth century. It is a dialogue written for learned and spiritual men, not merely for students in theology. Into a linear commentary rich with scriptural, patristic, monastic, scholastic, and even literary quotations, it inserts brief disputed questions on the thorniest of topics. Far from being pedantic, this erudition is always skilfully put to theological ends.

Juan de Dios Bares Partal, « Fortune, destin et providence chez Boèce » [“Fortuna, destino y providencia en Boecio”]

La Consolation de la Philosophie renferme un enseignement profond sur la manière de faire face aux aléas de la Fortune. La Philosophie tente de réconforter le prisonnier en lui prodiguant de longs développements sur des thèmes tels que les effets de la Fortune sur les êtres humains, la destinée et la prescience 639divine ou la liberté. Cette réflexion sappuie sur de nombreuses théories des philosophes classiques interprétées dans un sens vital et théologique nouveau qui inaugure la pensée médiévale.

The Consolation of Philosophy contains weighty lessons on how to endure the vicissitudes of Fortune. Philosophy tries to comfort the prisoner by holding forth at length on subjects such as the effect of Fortune on human beings, fate and divine foreknowledge, and freedom. This analysis draws on many of the views of the classical philosophers about these topics, presenting them in a new vital and theological light that opens the gates for medieval thought.

Christian Brouwer, « Fortune et destins de Boèce dans la poésie latine du xie au xiiie siècle »

Fortune est changeante, injuste, cruelle, inconstante, insensible aux maux quelle inflige aux humains. Du moins cest ainsi que Philosophie la met en scène dans la Consolation. Voilà une image qui sest diffusée dans la poésie lyrique latine médiévale pour décrire la dure condition humaine. Dans la Consolation, Boèce lui substitue progressivement le destin conforme à lordre cosmique. Mais la lyrique retient plutôt la plainte sur le manque de stabilité de la destinée des hommes.

Fortune is capricious, unjust, cruel, fickle, and oblivious to the woes that it visits on human beings. At least this is the way Philosophy presents Fortune in the Consolation. Such is one of the images that became common in medieval Latin lyric to describe the harsh human condition. In the Consolation, Boethius gradually replaces Fortune with the fate that is compatible with cosmic order. But lyric poetry retains, for its part, the lament about the lack of stability in the fate of human beings.

Anna Maria Babbi, « La réception en Angleterre de la Consolatio Philosophiae. Le Roman de Philosophie de Simund de Freine »

Pendant le Moyen Âge, la Consolation de Philosophie de Boèce a été traduite plusieurs fois en ancien français. Lune des premières de ces traductions a été effectuée en anglo-normand par Simund de Freine. Il sagit du Roman de Philosophie. Écrite en couplets dheptasyllabes et conservée par trois manuscrits, elle se base essentiellement sur le deuxième livre de la Consolatio, celui où il est question de la Rota Fortunae. Elle témoigne de lintérêt de ce texte majeur pour la culture du Moyen Âge en Angleterre.

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Boethius s Consolatio philosophiae was translated into Old French several times during the Middle Ages. Among these translations, one of the oldest is Simund de Freines Anglo-Norman Roman de Philosophie, extant in three manuscripts. Simunds vernacular work is written in heptasyllabic lines in rhyming couplets, and is inspired mainly by the second book of the Consolatio, in which the subject of the wheel of Fortune constantly recurs. This translation reflects the interest in England for Boethiuss seminal work.

Miren Lacassagne, « LEstrif de Fortune et Vertu de Martin Le Franc. De lexemplum boécien au miroir de Fortune »

Martin le Franc, surtout connu pour son Champion des dames, un texte peu goûté par ses contemporains mais auquel la critique a accordé toute son attention, revisite, dans lEstrif de Fortune et Vertu, composé en 1447-1448, lhéritage médiéval de la Consolatio philosophiae de Boèce. Sur le mode allégorique, Fortune apparaît et prend part à un débat qui loppose à Vertu et Raison dont elle pare les attaques. Au final, cest la qualité de son langage qui lui vaut dêtre contrariée par Raison et exclue du discours théologico-philosophique. Dans ce texte écrit pour Philippe de Bourgogne, Martin le Franc se livre, également pour lui-même, à lévaluation de son expérience à laune de lappareil linguistique de la tradition littéraire de son temps.

Martin le Franc is mainly known for his Champion des dames, a text having attracted much modern critical attention but little appreciated by Le Francs contemporaries. In the Estrif de Fortune et Vertu (1447-1448), he revisited the medieval legacy of BoethiusConsolatio philosophiae. An allegorical figure of Fortune is confronted in debate by Vertu and Reason, whose attacks she ably deflects. In the end, however, the nature of her language is denounced and she herself is disqualified by Reason as irrelevant to theologico-philosophical discourse. In this text, composed for Philippe of Burgundy, Martin le Franc evaluates his authorial experience for himself by the linguistic standards of the literary tradition of his time.

Olga Vassilieva-Codognet, « La Roue de Fortune et la Consolation de Philosophie. Antécédents et postérité dun motif iconographique médiéval »

Le motif iconographique de la roue de Fortune donne à voir un premier personnage qui monte, un second qui trône, un troisième qui tombe et un dernier qui gît à terre. La genèse de ce motif au xiie siècle doit beaucoup à la lecture intensive de la Consolatio Philosophiae que font alors écoles et monastères. 641Son succès entraînera la renaissance de la personnification de Fortune dont les représentations iront se multipliant tout au long du Moyen Âge. Un succès paradoxal puisque lun des objectifs de louvrage de Boèce est la déconstruction de cette fallacieuse demi-abstraction.

The iconographic motif of the Wheel of Fortune depicts a first character rising, a second sitting enthroned, a third falling and a last one sprawled on the ground. The genesis of this motif in the twelfth century owes a great deal to intensive reading of the Consolatio Philosophiae at the time in schools and monasteries. Its success would lead to the rebirth of the personification of Fortune, whose representations multiplied considerably throughout the Middle Ages. This was a paradoxical success given that one of the objectives of Boethius work was the deconstruction of this fallacious semi-abstraction.

Jean-Frédéric Chevalier, « Le soleil et les abeilles. Pétrarque et Coluccio Salutati lecteurs de Boèce »

En citant certains vers du De consolatione Philosophiae (III, c. 7 et 9) dans son De otio religioso, Pétrarque inscrit la poésie de Boèce dans la perspective de léthique mais aussi de la spiritualité. À la fin du Trecento, Coluccio Salutati prolonge cette même lecture dans le De laboribus Herculis en citant à son tour quelques vers de Boèce (I, c. 3 et V, c. 2). Ainsi le premier humanisme italien voyait en Boèce principalement un poète et considérait la Consolation de Philosophie comme un modèle de poésie à la fois éthique et spirituelle.

In quoting a few lines from the De consolatione Philosophiae (III, poems 7 and 9) in his De otio religioso, Petrarch endows Boethius poetry with an ethical and spiritual purpose. So too does Coluccio Salutati at the end of the Trecento, when he quotes other lines (I, poem 3 and V, poem 2) in his De laboribus Herculis. The first Italian humanists thus considered Boethius mainly as a poet and the De consolatione Philosophiae as a model of both ethical and spiritual poetry.

Thierry Grandjean, « Le rayonnement de Boèce à Strasbourg et Sélestat de Jean Geiler à Jakob Spiegel (1478-1520) »

Boèce a connu un rayonnement considérable en Alsace de 1478, avec les sermons du prédicateur Jean Geiler, puis avec lessor des Sociétés littéraires alsaciennes, jusquen 1520, avec la publication du commentaire de Jakob Spiegel sur Prudence. Notre recherche se focalise sur lexploitation des œuvres 642boéciennes chez les humanistes alsaciens durant cette période. Après avoir étudié les éditions de ce philosophe, nous analysons son utilisation dans quatre domaines : lenseignement scolaire et les arts libéraux, la morale, la création littéraire, enfin le domaine théologique.

Boethius reputation flourished in Alsace from 1478, with the sermons preached by Johann Geiler and subsequently with the rise of the Alsatian Literary Societies, until 1520, when Jakob Spiegel s commentary on Prudentius was published. My research focuses on the use of Boethius works by Alsatian humanists during this period. After studying the various editions of the famous Latin philosopher, I analyse the uses to which his works were put in four areas : school education and the liberal arts, ethics, literary creation, and theology.

Marina Mestre-Zaragozá, « La Consolation de Philosophie de Boèce. Une influence sur le Somnium et Vigilia in Somnium Scipionis de Juan Luis Vives ? » [“La Consolación de Filosofía de boecio. Una influencia del Sueño y Vigilia de Escipión de Juan Luis Vives ?”]

Ce travail vise à mettre en lumière combien, à partir de certains éléments essentiels de la Consolatio Philosophiae de Boèce, Vivès élabore dans son Somnium et Vigilia in Somnium Scipionis (1521) un commentaire au Somnium Scipionis de Cicéron particulièrement original, qui condense ses propres inquiétudes philosophiques et épistémologiques telles quil les développera à partir de 1531 dans ses grands traités théoriques.

In this article I show how Vives uses several key elements of Boethius s Consolatio Philosophiae in his Somnium et Vigilia in Somnium Scipionis (1521) and how this original and striking commentary on Ciceros own Somnium Scipionis highlights already some of the philosophical and epistemological concerns that Vives developed from 1531 onwards in his major treatises.

Francisco Castilla Urbano, « Présence des idées boéciennes dans lHistoire des Indes de Bartolomé de Las Casas » [“Presencia de las ideas boecianas en la Historia de las Indias de Bartolomé de Las Casas”]

LHistoire des Indes de Las Casas est une source historique fondamentale sur la conquête de lAmérique, qui par surcroît permet de connaître les idées de son auteur et les convictions quil partage avec ses contemporains, ainsi que son style décriture. Dans cette perspective, lanalyse de la présence de Boèce dans cette œuvre historiographique met en lumière, outre une modalité de la 643réception de lécrivain romain en Espagne, trois aspects largement déterminés par son influence : le problème de lintervention de la Providence dans le monde, lœuvre de Boèce comme instrument dédification morale et lautorité de cette figure en matière de savoir géographique.

Las Casas Historia de las Indias is a fundamentally important historical source on the conquest of America, while also testifying of the ideas and beliefs of its author and his age and demonstrating his writing style. From this perspective, Las Casas use of Boethius reveals, in addition to the nature of its reception in Spain, three aspects of his influence : the problem of providential intervention in the world, the Boethian text as an instrument of moral edification, and Boethius as a geographical authority.

Jaime Vilarroig Martín, « La présence de Boèce dans la polémique De auxiliis » [“La presencia de Boecio en la polémica De auxiliis]

Dans cette contribution nous nous attardons dans un premier temps sur lexplication des futurs contingents selon Boèce, conformément à ce qui est écrit dans les derniers chapitres de son De consolatione philosophiae. Deuxièmement, et de manière plus succincte, nous nous intéressons aux sources philosophiques dont Boèce se servit pour bâtir sa propre théorie. Dans une troisième partie, particulièrement significative, nous analysons linfluence de Boèce sur Molina et Báñez respectivement, considérés comme les principaux opposants dans la polémique De auxiliis. Pour finir, nous commentons brièvement les répercussions de ce problème sur lhistoire de la philosophie, jusquau temps présent.

I first examine Boethius conception of future contingents, as we can read them in the last chapters of his De consolatione philosophiae. Second and more briefly, I turn my attention to the philosophical sources on which he drew in constructing his theories. Third and most importantly, I review the influence that Boethius exerted on Molina and on Báñez, the principal opponents in the De auxiliis controversy. Finally, I make some brief comments about the repercussions that this problem has had on the history of philosophy up to the present day.

Alicia Oïffer-Bomsel, « Entre le Libro de las consolaciones de la vida humana attribué à lantipape Pedro de Luna et le Boecio de consolación dAgustín López. La réception de la Consolatio Philosophiae en Espagne, du xve au xviie siècle »

Dans cette étude nous nous sommes intéressée aux divers modes dappropriation de la Consolation de la Philosophie de Boèce en Espagne, lesquels 644varient en fonction du contexte socio-culturel et du public visé. En nous fondant sur un corpus de traductions et de traités didactiques écrits à lâge classique, nous nous sommes attachée à montrer dans quelle mesure les variations observables dune œuvre à lautre en castillan sur différents plans (linguistique, philosophique, culturel) sont révélatrices des préoccupations et des aspirations des élites cultivées espagnoles à lépoque classique.

This study is devoted to the diverse modes of appropriation of Boethius Consolation of Philosophy in Spain, which vary according to the socio-cultural context and the target audience. Based on a corpus of translations and of didactic treaties written in the classical period, I endeavour to show that the variations observable from one Castilian-language work to another on different levels (linguistic, philosophical, or cultural) reveal the preoccupations and aspirations of Spanish cultivated elites in the classical period.

Gábor Förköli, « Une “consolation philosophique” méconnue. Les deux Vérités de Jean de Silhon (1626) »

Cet article présente les Deux Vérités de Jean de Silhon, écrivain pamphlétaire au service de Richelieu, tout en démontrant lappartenance de louvrage à la tradition de la consolation philosophique. Si les arguments avancés sur la providence et limmortalité de lâme se placent dans la droite ligne de la tradition boécienne, les traités écrits ultérieurement par Silhon contribueront à rendre populaire la figure du ministre dÉtat comme protagoniste littéraire qui, tout comme son ancêtre, le ministre de Théodoric, oppose sa vertu à sa mauvaise Fortune.

This article presents the Deux Vérités by Jean de Silhon, Richelieus pamphlet writer, and seeks to situate it firmly within the tradition of philosophical consolation. Arguing for providence and the immortality of the soul, the treatise attests a Boethian inspiration in the true sense, whereas Silhons later works contributed to the popularisation of the minister of State as a literary protagonist, who, just like his precursor, Theodorics minister, sets his virtue against his bad Fortune.

Véronique Le Ru, « Peut-on se consoler en regardant les étoiles ? »

Dame Philosophie vient au chevet de Boèce, philosophe condamné à mort et emprisonné au sens propre et au sens figuré : son âme est empêchée de penser à lessentiel, elle sest perdue dans laffairement du monde puis dans le malheur. 645Mais regarder les étoiles, pour Boèce, est le premier acte de la consolation car de ce regard surgit la méditation sur lessentiel. Pourtant au xviie siècle, avec Descartes, cette consolation à partir de lacte de contempler les étoiles ne fonctionne plus. Regarder les étoiles ninvite plus à méditer ni à admirer mais à connaître. Après avoir précisé la manière dont Boèce pense le regard vers les étoiles comme la première étape de la consolation philosophique, on sinterrogera sur la différence de perspective quinstaure Descartes qui oblige à porter son admiration sur ce qui est selon lui vraiment admirable, à savoir Dieu tout-puissant, infini et parfait. On se demandera si ce nest pas désormais la connaissance et non le regard vers les étoiles qui fait accéder à la sagesse. Cependant, en dernière instance, on sinterrogera sur un possible retour du sens de la consolation de Boèce à travers la méditation de Bachelard sur le ciel étoilé.

Lady Philosophy comes to the bedside of Boethius, a philosopher sentenced to death and emprisoned both literally and figuratively : his soul is forbidden to think about essential things and has got lost first in mundane affairs and then in misfortune. But gazing at the stars, for Boethius, is the first act of consolation, for it constitutes a meditation on essential things. With the advent of Descartes ideas in the seventeenth century, however, stargazing ceases to be a gateway to reflection or to admiration and becomes first and foremost an acquisition of knowledge. First, I study the manner in which Boethius considers stargazing to be the initial act of philosophical consolation. Second, I examine how Descartes shifts this perspective by positing stargazing as an edifying and informative act that orients the gazer s admiration toward what is truly worthy of it, namely God. Third and at last, I study a possible return of the Boethian model of contemplation via Bachelard s meditations on the starry sky.

Alain Trouvé, « Ponge lecteur de Boèce »

Le poème de Ponge, « la figue », hymne matérialiste aux humbles choses terrestres, propose dans sa version développée une séquence itérative réunissant Boèce et son beau-père Symmaque. Larticle examine les hypothèses dune lecture directe ou indirecte de Boèce par Ponge. Lutilisation du Grand Larousse du xixe siècle a pu favoriser lannexion biaisée de Boèce dans le camp des martyrs païens. Pourtant, une parenté troublante unit La Consolation de philosophie et sa réplique contemporaine, toutes deux hantées par le rêve dune rhétorique supérieure, vestige de lidéal grec.

Ponge s poem “the fig”, a materialistic hymn to humble earthly things, proposes in its expanded version an iterative sequence uniting Boethius and his father-in-law Symmachus. The article examines the possibility that Ponge may have directly or 646 indirectly performed a reading of Boethius. The use of the Grand Larousse du dix-neuvième siècle may have favoured the biased placement of Boethius in the camp of pagan martyrs. Yet The Consolation of Philosophy has a troubling connection to its contemporary counterpart, as both are haunted by the dream of a higher rhetoric, a vestige of the Greek ideal.

1 Mark Burde, PhD, chargé de cours à lUniversité du Michigan, a assuré la révision des textes en anglais. Nous lui exprimons toute notre gratitude.