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Classiques Garnier

Les sources de Bernardin de Saint-Pierre

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Les sources de Bernardin
de Saint-Pierre

Comme la plupart des auteurs du xviiie siècle, Bernardin de Saint-Pierre ne cite pas toujours ses sources. Le lecteur des Études de la Nature aura remarqué en particulier quil ne cite jamais nommément les auteurs quil réfute. Il faut dailleurs se garder dune illusion créée par cette absence de précision, qui consisterait par opposition à croire que quelquun est précisément visé à chaque fois quil y a réfutation dune idée. Ladversaire laissé dans le vague est parfois lui-même un adversaire vague, parfois une tendance générale ou une collectivité (les botanistes, les savants, etc.). En revanche, Saint-Pierre cite volontiers les auteurs sur lesquels il sappuie, en particulier ceux dont les observations donnent une légitimité à ses hypothèses. Ces sources revendiquées, dont on peut avoir une idée par lindex que nous avons constitué pour cette édition, sont de deux sortes : la culture classique, qui a une fonction dillustration (à lexception de Pline), et les textes modernes, qui sont des sources dinformations.

Saint-Pierre fait un usage appuyé des références antiques : Aristophane, Cicéron, Homère, Horace, Lucrèce, Tacite, Virgile, Xénophon, font partie des auteurs quil a constamment en mémoire (avec une nette préférence pour les auteurs latins). Ils viennent illustrer un propos, fournir un exemple, etc. Pour la plupart, les passages cités font partie de la culture générale de lhomme de lettres du xviiie siècle. Il est à noter, à propos de cette culture, quil y a certainement une baisse de la connaissance du latin dans le dernier tiers du xviiie siècle, car Saint-Pierre prend la peine de traduire pour ses lecteurs tous les passages latins cités, ce que ne faisaient pas systématiquement les auteurs qui publiaient vingt ans auparavant. Il est aussi des auteurs antiques dont Saint-Pierre fait un usage qui suppose une pratique plus assidue. Il sagit de Plutarque, que Saint-Pierre, comme Rousseau, cite à toute occasion dans les domaines 50moral et politique – il utilise alors, comme tout le monde à lâge classique, la traduction dAmyot –, et de Pline, dont lHistoire naturelle fonctionne comme une véritable source, au même titre que les observations plus récentes, pour tout ce qui concerne la description de la nature et de ses productions.

Les références religieuses ne sont pas très fréquentes. Ce sont essentiellement lAncien et le Nouveau Testament et, assez rarement, dautres textes, comme les Lettres de saint Jérôme.

Enfin, la culture classique de Bernardin de Saint-Pierre est aussi constituée douvrages des siècles précédents : les Essais de Montaigne, les Fables de La Fontaine, Racine et, surtout, Fénelon, qui est cité à plusieurs reprises et toujours avec de grands éloges.

Saint-Pierre cite très peu décrivains français de la génération précédant la sienne, essentiellement Voltaire – mais seulement lauteur des Éléments de la philosophie de Newton – et Rousseau, dont Saint-Pierre revendique la filiation spirituelle.

Les autres références utilisées par Bernardin de Saint-Pierre sont celles qui fonctionnent comme mine dinformations, dobservations et dexpériences. On trouve dans cet ensemble quelques textes de botanique et de savants (les Mémoires de lAcadémie sont cités), mais surtout, beaucoup de récits de voyages.

En essayant de préciser les références souvent allusives données dans les Études, comme nous lavons fait dans les notes de la présente édition, on peut essayer de se faire une idée plus précise de cet ensemble de textes qui nourrissent largumentation. Ces références sont récapitulées dans la bibliographie fournie en annexe, qui donne ainsi une image de lensemble des sources explicitement mises en œuvre dans les Études. Lédition indiquée nest bien sûr pas nécessairement celle dont sest servi Bernardin de Saint-Pierre, puisquil ne lindique jamais. Nous livrons cette indication pour quil soit possible de se faire une idée du corpus utilisé, et notamment des dates de ses sources.