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Classiques Garnier

Principes d’établissement et d’édition du texte

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Œuvres complètes. Tome II. Voyages
  • Pages : 411 à 415
  • Nombre de volumes : 2
  • Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 43-44
  • Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN : 9782406098058
  • ISBN : 978-2-406-09805-8
  • ISSN : 2258-3556
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09805-8.p.0411
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 16/09/2019
  • Langue : Français
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Principes détablissement
et dédition du texte

Pour le texte de base, nous avons choisi lédition Merlin de 1773, la seule parue du vivant de lauteur à lexception de la contrefaçon de Neuchâtel. L« Explication de quelques termes de marine à lusage des lecteurs qui ne sont pas marins » et les « Entretiens sur les arbres, les fleurs et les fruits », relégués en annexe par Aimé-Martin dans son édition des Œuvres complètes de 1818, y retrouvent leur place entre la Lettre XXVII décrivant le retour en France et la Lettre XXVIII et dernière « Sur les voyageurs et les voyages ». Il en est de même des illustrations de lédition originale, dessinées par Jean-Michel Moreau le Jeune et, pour la « Vue des îles Canaries », par Bernardin de Saint-Pierre lui-même.

Depuis lédition critique de Robert Chaudenson, il est difficile dignorer les prolongements et, dans plusieurs cas, les améliorations que les additions, rédigées par Bernardin de Saint-Pierre dans les années 1790 en vue dune seconde édition considérablement augmentée du Voyage, apportent au texte de 1773. Impossible, dailleurs, de nier le sérieux et lapplication avec lesquels lauteur se consacre à ce projet et limportance quil lui attache. Lintérêt que ces manuscrits autographes présentent pour la compréhension et lappréciation du premier ouvrage imprimé de Bernardin de Saint-Pierre est donc indéniable.

Le degré dachèvement de cette seconde édition nen demeure pas moins douteux. Cest au moins ce que létat des manuscrits conservés à la bibliothèque municipale du Havre nous a permis de conclure. Car il ne sagit en aucun cas dun texte suivi, mais plutôt dun ensemble confus de feuillets, éparpillés à travers de nombreux dossiers et difficiles à dater. Vraisemblablement rédigés sur une longue période, allant au moins de 1790 jusquà 1796, ils ne traduisent pas lintention de lécrivain, qui ne sastreint pas facilement à un plan rigoureux, mais plutôt lévolution de ses intentions au fil des étapes rédactionnelles. À lexamen de ce corpus, il 412nous est vite apparu quune transcription diplomatique et la reproduction de lensemble de ces matériaux au sein de la présente édition du Voyage risqueraient de grossir le texte de référence au point de lui faire perdre ses contours et sa cohésion thématique. Bernardin de Saint-Pierre sen est sans doute rendu compte lui-même, car il songeait, à partir dun moment qui demeure difficile à dater, à réunir ses idées sur la colonisation et la colonie idéale dans une publication séparée1. On trouvera, au sein du présent volume, une première tentative de reconstruction de cet autre ouvrage à thématique coloniale, effectuée par Jean-Michel Racault sous le titre Sur lesprit de colonie. Or, la découverte de ce nouvel ouvrage hypothétique simplifie et complique à la fois le rétablissement du texte augmenté du Voyage à lîle de France. Dun côté, de nombreux feuillets portant la mention « Voyage à lîle de France » mais qui ne sy rattachent pas aisément, trouveront leur place dans ce nouveau regroupement. De lautre, le besoin simpose dautant plus fortement de motiver les choix opérés lors du démarcage des limites des deux ensembles par des critères rigoureux, fidèles à la fois aux intentions de lauteur et à la cohérence thématique et structurelle des deux ouvrages.

Commençons par les intentions. Pour reconstituer le texte de la seconde édition du Voyage, nous disposons de quelques outils de travail que Bernardin de Saint-Pierre nous a légués dans ses paratextes (les deux versions du « Premier Préambule », le « Préambule » et le « Prospectus dune nouvelle édition »). Ceux-ci témoignent non seulement des motivations de lauteur pour revenir sur son premier ouvrage imprimé, mais aussi de la méthode suivie lors de la révision de celui-ci. Or, dans le « Prospectus dune nouvelle édition », le dernier en date de ces textes, on lit :

Je ne retrancherai rien [- du texte] de lancien texte, mais jy ajouterai des morceaux de littérature qui y ont rapport et qui sont depuis longtemps dans mon secrétaire, des événements qui mont été personnels, [- des observations personnelles], des critiques sur les autres et [+ surtout] sur moi-même (Prospectus, voir lannexe no 1).

Une telle approche rend le travail éditorial plus facile, pour Bernardin de Saint-Pierre comme pour nous, car elle permet dutiliser comme base le texte de 1773 et ses découpages internes. Les additions doivent donc pouvoir sinsérer dans cette trame sous forme damplifications au sein 413dun paragraphe, de passages plus longs intercalés entre deux paragraphes préexistants, ou de suppléments ajoutés au début ou à la fin des lettres, en guise de post-scriptum. Inspiré par une édition française du récit de la seconde expédition de James Cook2, Bernardin de Saint-Pierre nous signale jusquà la présentation matérielle quil réserve à ces ajouts : « Les lettres qui faisaient le cours du voyage, son journal, les observations auront des additions considérables, distinguées par une main dindication3. » Visant à séparer les deux voix quon entendra dans louvrage – celle de lécrivain novice, et celle du Bernardin de Saint-Pierre mûri par lâge et lexpérience – une telle présentation graphique est dailleurs en tout conforme au désir de ne rien retrancher du texte de lédition originale.

Finalement, les deux versions du « Premier Préambule » que nous reproduisons dans lAnnexe donnent deux plans du nouvel ouvrage, détaillant les additions prévues : le plan archaïque du MS 34, fo 14 et une version plus élaborée dans MS 102, fo 46. Le « Prospectus dune nouvelle édition » (MS 50, fo 1-2 r-v) qui leur est sans doute postérieur en reprend aussi quelques éléments. Cest armés de ces trois outils de travail, indicatifs des intentions de Bernardin de Saint-Pierre (méthode de révision, présentation des additions et les trois plans), que nous nous sommes attelés au travail de reconstruction de la seconde édition du Voyage à partir du fonds manuscrit de la bibliothèque municipale du Havre.

Ce fonds abrite un très grand nombre de feuillets portant la mention « Voyage à lîle de France ». La qualité inégale de lencre et du papier et lécriture changeante donnent à voir une rédaction discontinue. Les feuillets présentent, en outre, un degré daboutissement très varié, allant des additions ponctuelles et des fragments plus longs dont le point dinsertion est expressément indiqué par un renvoi à la pagination de lédition originale4, aux ébauches et premiers jets qui, malgré le titre « Voyage à lîle de France », ne présentent pas de convergences thématiques explicites avec le texte de louvrage imprimé. La diversité de ce corpus a nécessité un traitement modulé de ces différents types dajouts. Ainsi, les additions à renvoi retrouvent, sans peine, la place que Bernardin de Saint-Pierre leur a destinée au sein du texte, de même que les fragments plus longs contenant une indication descriptive de 414leur emplacement5. Aussi, dans un certain nombre cas, la thématique du feuillet le rattachait clairement à un passage précis de louvrage6.

Quant aux additions que lon ne pouvait insérer dans le texte de lédition originale sans en perturber la lisibilité, nous les avons reproduites en Annexe, en suivant lordre du texte de base et la séquence des lettres auxquelles ces ajouts se rapportent7. Dans certains cas, la consultation des deux plans a également permis de déterminer leur place approximative dans la série dannexes8. Aux côtés de ces additions potentielles, nous avons également reproduit dans lAnnexe quelques brouillons vraisemblablement rédigés lors du séjour de lauteur à lîle de France9, des variantes10 et le « Prospectus dune nouvelle édition du Voyage à lîle de France pour servir de suite aux Études de la Nature11 ». Lintérêt que ces Annexes présentent pour suivre le travail du texte étape par étape est multiple, car ils embrassent quelques premiers jets, des renseignements précieux sur le projet de réédition et des prolongements prévus et ébauchés mais inaboutis.

Nous rappelons que, selon les principes de lédition, nous avons modernisé lorthographe (à lexception toutefois de celle des titres et citations dautres auteurs), tout en conservant la ponctuation de lédition originale. Au lieu des « mains dindications » prévues par lauteur, les additions à la nouvelle édition ont été données en italiques selon le protocole de transcription présenté à la suite de lAvertissement du volume. Pour rappel, voici le code utilisé :

415

Passage raturé : [-]

Passage raturé rétabli : [- +]

Passage raturé illisible : [- ?]

Surcharge : [+]

Surcharge raturée : [+ -]

Surcharge raturée rétablie : [+ - +]

Lecture conjecturale : [?]

Passage illisible : [? ?]

Les paginations indiquées entre crochets sont celles du document.

Dans le cas de quelques passages peu lisibles, la confrontation avec les transcriptions quen a données Robert Chaudenson nous a été dune très grande utilité.

Le texte du Voyage à lîle de France abonde en termes techniques maritimes, botaniques et zoologiques. De surcroît, bon nombre dentre eux sont devenus archaïques ; dautres sont des noms vernaculaires qui ne figurent pas dans les dictionnaires de lépoque. Enfin, la consultation douvrages spécialisés modernes a permis détablir jusquà quel point les noms vulgaires des plantes et des animaux étaient susceptibles dévolution sémantique et de variation diatopique à travers les Mascareignes. Pour éviter de surcharger lappareil critique, nous avons expliqué ces termes à leur première mention et les avons regroupés au sein dun glossaire. Ont été exclus de celui-ci, les termes maritimes que lauteur a expliqués lui-même, non sans une pointe dhumour, dans l« Explication de quelques termes de marine à lusage des lecteurs qui ne sont pas marins ». Pour ces termes, nous nous sommes contentés de confronter, en notes infrapaginales, les étymologies fantaisistes de Bernardin de Saint-Pierre à celles proposées par des dictionnaires modernes et de retracer, le cas échéant, les variations diachroniques que tel terme nautique a subies depuis le xviiie siècle.

1 Sur ce point voir Infra l« Avant-Propos » de Sur lesprit de colonie.

2 Cf. « Premier préambule », reproduit plus loin dans lannexe no 2.

3 Ibid.

4 MS 7, fo 3, 8, 11 et 12 ; MS 34, fo 11 ; MS 58, fo 3-4 ; MS 82 fo 81 B29 et fo 88 B36 ; MS 123, fo 80-82 ; MS 147, foA 29 r-v.

5 MS 7, fo 3 « anecdote article lion. Cap de Bonne-Espérance » ; MS 7, fo 11 : « à ajouter à la fin de mon voyage autour de lîle » ; MS fo 13-14 « Premier préambule », « Avis sur cette édition » ; MS 58, fo 12 verso, mention « tout à la fin du 2e volume de mon voyage » ; MS 82, foA 38 : « Supplément aux animaux domestiques » ; MS 82 fo 40 A 40 (« après la table des latitudes » de la Lettre V) ; MS 82 A fo 50 « supplément aux habitants blancs » ; MS 82 fo 89 B 37 « supplément à la lettre 8 » ; MS 146, fo 105 B 24 : « Supplément à la lettre 19 au commencement. »

6 MS 82 A fo 19r « extrait du 2e livre de la navigation des Hollandais aux Indes orientales, relâche à lîle de France » ; MS 58, fo 1 « oiseaux à lîle dAscension » ou encore MS 7, fo 10, sans indication.

7 MS 58 fo 4 « arrivée à Lorient » ; MS 58 fo 12 recto « observations nautiques sur le Voyage à lîle de France ; pour le Tome 2 » ; MS 82 foA29 haut « Cet article avec celui des matelots ; Sur la société des gens de mers, après larrivée à lîle » ; MS 82 A fo 48v « Prêts darriver à lîle de France » ; MS 82, fo 84 B 32 « Lettre pour mettre vers la fin de mon voyage ».

8 MS 82 A fo 48 « Arrivée à lîle de France » ; MS 95 fo 7, « Mon arrivée à lîle de France ».

9 MS 82, foA23-24 ; MS 82, foB 96 B44.

10 MS 28, fo 14 ; MS 192, fo 7.

11 MS 50, fo 1-2r-v.