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Classiques Garnier

Avertissement

  • Publication type: Book chapter
  • Book: Œuvres complètes. Tome II. Voyages
  • Pages: 283 to 285
  • Number of volumes: 2
  • Collection: Eighteenth-Century Library, n° 43-44
  • CLIL theme: 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN: 9782406098058
  • ISBN: 978-2-406-09805-8
  • ISSN: 2258-3556
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09805-8.p.0283
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 09-16-2019
  • Language: French
283

Avertissement1

[P. 5] Jai écrit ce petit voyage2 lorsque jétais professeur de morale à lÉcole normale ; il est le résultat de plusieurs conversations que javais souvent entendues dans mes courses lointaines. Mon but était dinspirer aux hommes, qui sont les mêmes quant au fond, de la tolérance pour leurs opinions si diverses. Je neus pas occasion de le lire en public, lÉcole normale ayant trop peu duré ; mais jen fis lessai dans [p. 6] quelques sociétés particulières et même dans un lycée3 ; partout il me parut quil faisait plaisir. Enfin, je lai proposé dernièrement à lAcadémie Française de lInstitut, pour terminer sa séance publique de distribution des prix de poésie, dont le sujet était léloge des voyages et des voyageurs. Il a été agréé de mes confrères, et ensuite applaudi de mes auditeurs. Cette lecture a eu lieu au palais des sciences et des arts, ci-devant Collège des Quatre-Nations, le 1er avril 1807, lorsque Napoléon repoussait loin de nos frontières les peuples du [p. 7] nord4, et fondait à lInstitut de nouveaux prix décennaux5.

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Le succès de cet opuscule ma décidé à en faire jouir les lecteurs de mes Études6. En conséquence jen ai fait cette édition in-18o afin quils puissent lajouter à La Chaumière indienne, petit ouvrage du même genre et du même format, dont lédition est épuisée7, et que je fais réimprimer avec Le Café de Surate, qui ne la été quin-12o8.

Le Journal de Paris, Le Publiciste, et dautres9 en ont fait léloge même avant sa publication. Au contraire, Le Journal de [p. 8] lEmpire sest exprimé à son sujet avec son indécence ordinaire10 : on pense bien quil na pas épargné ces mêmes prix décernés par lAcadémie ; mais ce cerbère aboie en vain à sa porte, il ne peut mordre ceux qui y entrent, ou qui en sortent avec le rameau dor.

Jai déjà écrit contre les maux que font la plupart des journaux littéraires, et surtout celui-ci, à la littérature même ; cependant ils négalent pas ceux que produit leur dangereuse influence en politique. Sous prétexte du bien public, de liberté, de religion, etc., ils [p. 9] se font tour à tour les trompettes de divers partis dont ils réveillent et exaspèrent les haines ; ils soufflent le feu de la discorde au milieu de la paix ; ils sont aujourdhui parmi nous ce quétaient des orateurs sans principe et sans frein chez les Grecs et chez les Romains. Notre dernière révolution ne la que trop prouvé.

Pour mettre le plus grand nombre de mes lecteurs à portée de juger dune partie de leurs excès, jimprimerai incessamment à la tête dune 285nouvelle édition in-18o de Paul et Virginie la portion la plus intéressante du préambule [p. 10] de la grande édition du même ouvrage que jai publiée lannée passée11 ; ils y trouveront dailleurs quelques idées12 sur la nature qui les dédommageront du triste tableau13 des désordres de nos sociétés.

Sans doute je me prépare14 pour moi-même de plus douces et de plus sublimes spéculations15 ; jespère bientôt développer quelques harmonies de ce vaste ensemble16, dont je nai présenté, au milieu des orages de ma vie, que des études morcelées ; je men occuperai au sein de ma famille et des campagnes, à la faveur des bien-[p. 11]faits dont ma comblé cette famille illustre17 que la providence semble navoir élevé [sic] au-dessus des trônes que pour en réformer les abus, et dont le chef auguste, couronné à la fois de laurier et dolivier, nétend si loin lempire terrible de la guerre, que pour raffermir à jamais celui de la paix18.

[Fin de lavertissement]

1 Édition de référence pour le seul Avertissement : Voyage en Silésie…, Paris, P. Didot laîné, 1807. Les chiffres entre crochets renvoient à cette édition. Elle semble annoncer une autre édition parue la même année chez Didot qui comprend aussi La Chaumière indienne précédée de son Avant-propos et du Préambule, avec des notes légèrement remaniées (respectivement p. v-civ pour le paratexte et p. 1-136 pour le texte), ainsi que Le Café de Surate (p. 137-165). Le Voyage en Silésie (p. 175-198) y vient en troisième position, précédé de son Avertissement (p. 169-174). Cette édition groupant les trois contes réunis sera appelée variante 1807 bis. Dans le manuscrit de la Bibliothèque du Havre (MS 441/10, 3 p. nlb), lAvertissement de 1807 est intitulé « Avant-propos ». Dans les notes de bas de page sont signalés quelques écarts avec ce manuscrit.

2 Le MS précise : « Voyage en Silésie. »

3 Lycée : « Tout lieu consacré à linstruction » (DAF, 1798).

4 Il sagit notamment de la Prusse et de la Russie que Bernardin de Saint-Pierre parcourut dans les années 1762-1765, au lendemain de la guerre de Sept Ans.

5 Prix décennaux : fondés par Napoléon Ier le 11 septembre 1804, ils distinguaient les « hommes qui auront le plus participé à léclat des sciences, des lettres et des arts ». Voir https://www.histoire-image.org/etudes/institution-prix-decennaux, consulté le 31 décembre 2016.

6 Études de la Nature : première édition en 1784, seconde en 1786, troisième – avec le 4e tome comprenant Paul et Virginie et LArcadie – en 1788.

7 Il sagirait de la première édition, en 1791, et de sa réédition en 1792, dans le 5e volume des Études.

8 Le Café de Surate avait dabord été rattaché aux Études : sa première édition eut lieu en 1792, avec la quatrième des Études, la suivante en 1804. En 1807, le conte est pour la première fois publié séparément. Voir OC, t. I, Ch. Meure, p. 883-884. En 1808, il aurait paru à Paris chez Didot une édition in-18o de Paul et Virginie, avec Café de Surate et Voyage en Silésie. Voir Gabriel Peignot, Manuel du Bibliophile ou Traité du choix des livres, À Dijon, chez Victor Lagier, 1823, t. II, p. 329. Cette édition de 1808 semble introuvable aujourdhui. Ce paragraphe est absent de lédition 1807 bis.

9 Le MS précise : quatre journaux, dont Le Moniteur.

10 « La séance a été terminée par la lecture dun Voyage en Silésie, par M. Bernardin de Saint-Pierre. Cest une facétie philosophique qui a fort peu diverti les assistants. Nous en rendrons compte, sil la fait imprimer ; ce que nous ne lui conseillerions point de faire, si nous étions de ses amis. / Enfin, comme il faut remarquer tout ce que cette séance a présenté dextraordinaire, nous dirons que les places destinées au public étaient vacantes, au moins pour la moitié », Signé : P. (compte rendu de la séance de la Classe de la Langue et de la Littérature françaises à lInstitut national, le 1er avril 1807 : Journal de lEmpire, 3 avril 1807, p. 4).

11 Bernardin de Saint-Pierre fait allusion à lédition de luxe in-quarto parue en 1806, « [sur papier] vélin avec fig. », comme il le précise dans le manuscrit. Dans le Préambule (OC, t. 1, p. 333-399) il règle ses comptes avec les journalistes (mais moins violemment que dans le Préambule manuscrit de la Bibliothèque Municipale dAngers) ; en cause, sa théorie des marées (voir OC, t. I, Notice de Colas Duflo, p. 331-332).

12 Dans le MS : quelques idées nouvelles [raturé].

13 Dans le MS : spectacle [raturé].

14 Dans le MS : propose [écrit en surcharge].

15 Dans le MS : au couchant de ma lire [raturé], [de] mes jours [raturé encore].

16 Dans le MS : ensemble dunivers (?) [écrit en surcharge et raturé].

17 Les Bonaparte, dont Joseph, qui fut le bienfaiteur de Bernardin de Saint-Pierre.

18 Allusion transparente à Napoléon Ier. En effet, la couronne de laurier, associée dabord à Apollon, revenait notammant à lempereur romain victorieux, puis aussi aux savants et poètes ; celle dolivier, le prix distribué aux jeux olympiques anciens, convenait à une compétition pacifique.