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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Autour du personnage de chanson de geste
  • Pages : 521 à 528
  • Collection : Rencontres, n° 572
  • Série : Civilisation médiévale, n° 52
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406145462
  • ISBN : 978-2-406-14546-2
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14546-2.p.0521
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 26/04/2023
  • Langue : Français
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RÉSUMÉs

Damien de Carné et Florent Coste, « Introduction. Approches du personnage de chanson de geste »

La réflexion sur le personnage épique en suppose souvent une sorte de platitude. Un tel préjugé sappuie sur de profonds soubassements idéologiques. Cette contribution souligne lintérêt, pour les mettre de côté, dépouser des perspectives critiques ou esthétiques vraiment modernes, sans se limiter à discerner dans les personnages une esquisse dindividualité : ainsi des mondes de fiction, de lintertexte et la transfiction, de la démographie fictionnelle, de la figure opposée au personnage.

Nadine Henrard, « Bilan des recherches anthroponymiques menées dans le domaine de lépopée française médiévale »

Les chansons de geste déploient un répertoire onomastique foisonnant. Cet article propose de dresser le bilan des recherches sur ce sujet depuis le xixe siècle. Si la question des couples onomastiques constitue un angle dattaque privilégié pour mesurer le succès et la diffusion des chansons de geste, on sest interrogé aussi sur la formation des anthroponymes. Enfin dun point de vue philologique, les noms constituent une clé précieuse pour sorienter dans larbre de la tradition.

Vanessa Obry, « “Le conte Amis, Amile le guerrier”. Emploi du nom propre et variations génériques »

La stylistique du nom, et particulièrement des noms ressemblants, peut-elle être un critère de reconnaissance du genre épique ? Cette contribution étudie dans cette perspective le duo dAmi et Amile à travers la version épique de la légende et sa version anglo-normande. À la différence de cette dernière, la version épique se caractérise par la fréquence des co-occurrences des noms des héros, et par un emploi des noms qui évolue avec la relation des deux personnages et la nature de leur amitié.

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Joël H. Grisward, « De la Chanson de Gaydon à La horde du corbeau, le guerrier à loiseau. Thème et variations »

Cette contribution suit la figure du guerrier à loiseau telle quelle se décline et se module depuis la Chanson de Gaydon jusquà lalbum de Johan et Pirlouit, en passant par la Chanson dAiol, Tite-Live, Victor Hugo et Paulo Coehlo. Sur larc temporel long dessiné par ce corpus, loiseau de proie posé sur lépaule du guerrier joue diversement les rôles de signe électif, de miroir, daccessoire fonctionnel ou de costume gage de théâtralité.

Alain Corbellari, « Le héros déguisé »

Il y a dans la chanson de geste des déguisements mais aussi des décalages fonctionnels qui peuvent être perçus de la même façon. Au-delà du motif et de ses composantes (costume, grimage), cest à un vaste jeu connivences intertextuelles que renvoient les héros déguisés. Lexemple de Charlemagne le prouve : dans Le Voyage de Charlemagne, Gui de Bourgogne ou Doon de Mayence, le déguisement de lempereur est surtout un jeu avec la mémoire fictionnelle attachée au personnage.

Alicja Bańczyk, « Le personnage du sénéchal dans le cycle des barons révoltés »

On se concentre ici sur les sénéchaux des chansons de geste du cycle des barons révoltés. La fonction de sénéchal désigne soit loffice de la surintendance du seigneur, soit celle de la justice. Les chansons de geste rendent plus compte de la première, mais participent à déprécier ces services symboliques à la cour du seigneur, car, inférieurs à loctroi dun fief, ils résultent dune stratégie visant à contrôler les relations du pouvoir à sa cour, fragilisées par le vassal ou sa famille.

Philip E. Bennett, « Ermites et pèlerins dans les chansons de geste »

Les figures dermites sont plus variées dans la chanson de geste – où elles se mêlent à celle du pèlerin – que dans le roman. Larticle examine dans une dizaine de chansons, la diversité des rôles (protagoniste ou figurant, ermite ou chevalier en cours de pèlerinage), des dispositions (du converti à lhypocrite) et des fonctions (adjuvants, héros, destinateur en attente dun chevalier élu) de ces personnages qui témoignent aussi du renouvellement des formes de lérémitisme vers le xiiie siècle.

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Bernard Ribémont, « Le personnage de la mère dans la chanson de geste. Lexemple dHermenjart »

La figure de la mère représentée dans les chansons de geste est paradoxale, nourrie à la fois de la douceur issue de la figure de la Vierge – modèle médiéval de toutes les mères – et de la violence et la conflictualité constitutives du genre épique. La « mère épique », presque oxymorique, trouve une figuration particulièrement éloquente dans lHermenjart mise en scène dans LesNarbonnais et Guibert dAndrenas.

Hélène Gallé, « Les soupirs de la sainte et les cris de la fée. Les personnages féminins dans la forêt des chansons de geste (xiiie-xve s.) »

Lespace de la forêt est à la fois traversé par des forces primordiales proprement féminines, témoin son lien privilégié avec lenfant et lenfantement, et à la fois, pour les femmes, le lieu de toutes les menaces. En fait, la forêt est pour elles un lieu dépreuve qui leur offre leur stature héroïque en démontrant leurs vertus morales. Dans cette perspective, on peut lire dans le destin de ces héroïnes, qui empruntent à lhagiographie, une sensible christianisation du motif du passage en forêt.

Philippe Ménard, « Le personnage de la belle Aude dans les versions de la Chanson de Roland »

Lépisode qui met Aude en scène dans La Chanson de Roland peut décevoir le lecteur moderne mais allie sobriété et justesse de ton. À partir de ce qui est presque une esquisse, les reprises de lhistoire de Roland ont étendu le rôle de la belle Aude et les dimensions de cette partie du récit. À part Konrad et certaines versions rimées, les continuateurs se distinguent par leurs outrances et le caractère mélodramatique donné à lépisode.

Claude Roussel, « Anciens et nouveaux protagonistes dans les dernières chansons de geste »

Les chansons de geste de la fin du Moyen Âge semploient à un large recyclage des personnages que la tradition épique avait institués et rendus emblématiques. Dans un cadre narratif plus foisonnant et aux teintes orientales, la population des personnages connait une forte croissance, les figures 524féminines jouent un rôle moins ancillaire. Le héros, moins étincelant et moins exemplaire, shumanise davantage, sans échapper pour autant à la perspective holistique et édifiante de lépopée.

Bernard Guidot, « Les personnages de Garin de Monglane. Une fresque vivante aux accents contrastés »

Garin de Monglane retravaille lhéritage des premières chansons de geste : au lieu de personnages hiératiques, héroïques, charismatiques, pris au cœur de conflits radicaux entre valeurs transcendantes et binaires, Garin de Monglane déploie un monde où se complexifient la typologie sociale et les structures de pouvoir, où se mélangent les genres et où se déploie une vie intérieure. À la simplicité épique se substitue donc une confusion narrative qui ne manque pas dêtre plaisante.

Matthieu Marchal, « Le devenir des personnages masculins dans la mise en prose bourguignonne de Florence de Rome »

Dans le passage à la prose, les trois principaux personnages masculins de Florence de Rome subissent laccentuation de leurs traits caractéristiques. Ce renouvellement de leur portrait vise à situer chacun des personnages par rapport à lexemplarité attendue dun prince : le monstrueux Garsille ne sait pas régner, la fourberie de Milon trahit les avantages dont il pouvait se prévaloir, alors quEsmeré constitue un modèle pour léducation politique et chevaleresque de la noblesse bourguignonne.

Elena Podetti, « Où sont les héros dantan ? La redéfinition du personnage épique dans lépopée tardive. Le cas limite de la Chanson de Croissant »

Protagoniste dune chanson souvent mal identifiée, Croissant propose un modèle dhéroïsme mélangé et original. Humble, candide et généreux à lexcès, il na aucune fonction guerrière. Les déboires du héros, qui impliquent en particulier une réflexion sur la gestion des richesses, le rapprochent des « romans dexpiation » (Guillaume dAngleterre et Richard le Beau). Par son parcours et ses qualités, le héros parvient, avec le secours du merveilleux, à incarner peut-être une forme de sainteté.

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Beate Langenbruch, « Construction et évolution du héros épique, de la chanson de geste au cordel brésilien. Lexemple de Roland »

Depuis son contexte originel jusquà la littérature de colportage brésilienne, qui a consacré plusieurs cordéis à Roldão, la figure de Roland témoigne de lopposition entre le laconisme épique et léloquence romanesque. Le dessin sommaire du personnage épique engage le lecteur à un effort-personnage qui doit compléter lesquisse. Le Roland des cordéis est, lui, un héros amoureux, qui a besoin de la communauté (plutôt que linverse) et qui sollicite peu son lecteur pour accomplir sa construction.

Julien Florent, « Anseïs de Cartage, un personnage épico-romanesque »

Dans Anseïs de Carthage, le protagoniste, prenant au départ racine dans lépopée, tend vers une individuation romanesque et courtoise. Cette dimension nouvelle souligne les dangers, la fragilité et lusure qui caractérisent la vie humaine. Même si Anseïs survit et laisse une descendance, son parcours, qui sapparente à une quête de légitimité guerrière et politique, incarne la fragilité et la précarité de la vie humaine.

Sandrine Legrand, « Hector dans le Roman de Troie, personnage épique ? »

Quel est le statut générique de lHector médiéval, épique par ses origines, mais venant au Moyen Âge par le biais du Roman de Troie, qui ne relève pas à proprement parler de lépopée ? Dans les chansons de geste, les références à lépopée antique sont marquées du sceau de laltérité et se rattachent à des figures de Sarrasins. Or Le Roman de Troie lui confère une patine épique (défense de la communauté troyenne, valeurs et exploits guerriers) et ne dissipe pas totalement son origine païenne.

Damien de Carné, « Note sur Galaad. Pourquoi Galaad nest-il pas un personnage épique ? »

Alors quil séloigne sensiblement des grandes figures romanesques qui auraient pu aider à le modeler, Galaad présente des traits qui pourraient tenter den faire un personnage épique : son rapport à la divinité, loutrance de sa prouesse, et même lappartenance à une geste, le lignage de Ban. Ce qui le distingue du type épique, cest probablement labsence dattachement à une 526terre, à un règne. Galaad ainsi confirme, en négatif, que le personnage de chanson de geste est un héros terrien.

Nicolas Garnier, « Audigier est-il un personnage de chanson de geste ? »

Le personnage dAudigier, informé par ceux des romans, des chansons de geste et des fabliaux, pose la question des rapports entre lépopée médiévale et le comique. Du fabliau et de la chanson de geste, Audigier reprend le primat de laction et la typicité marquée des acteurs. Le bas matériel nest pas absent des textes épiques. En exacerbant des traits présents dans dautres chansons anciennes que le Roland, Audigier rappelle combien est fine la frontière entre les registres épique et comique.

Jérôme Devard, « La maison de Gascogne dans les récits de la Matière de France. Lavènement dun lignage comme réponse spécifique à des contingences matrimoniales intertextuelles »

La maison de Gascogne est une parentèle de second ordre mais son modèle lignager est semblable à celui des autres Gestes. Elle se distingue pourtant par sa fonction matrimoniale : ses membres sont destinés à sunir à ceux des autres grands lignages. De la sorte, les descendantes de Yon, lancêtre commun, sont des « faiseuses de rois » qui élèvent socialement leur époux. Il sagit donc de rattacher la Gascogne au royaume de France ou de retisser les filiations avec des héros épiques existants.

Léo-Paul Blaise, « “Personnage hétéroclite” et conscience historique. Les personnages récurrents et leur fonction dans un cycle tardif »

Dans le cycle de Dagobert, des incohérences affectent la représentation des personnages entre une chanson et une autre, comme dans le cas de Garsile. Du point de vue herméneutique, la confrontation avec de telles disparates est porteuse de sens : dans les apparentes contradictions entre Dieudonné de Hongrie et Florence de Rome sarque la désastreuse évolution historique et idéologique que donne à lire le cycle entier.

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François Suard, « Girard, le héros aux trois noms »

Le héros Girard apparaît avec trois noms différents. Il manifeste dune identité à lautre des traits invariants, mais aussi des colorations spécifiques. Dans Girart de Roussillon, il sélève de la fonction chevaleresque au service de Dieu ; dans Girart de Vienne, il savère difficile à situer, sinon à équidistance du cycle des barons révoltés, du cycle du roi et du cycle de Monglane ; dans Aspremont le récit en fait un allié du roi – fidèle mais fier de son autonomie.

Chloé Lelong, « “Al sage mort est delitose” (Hector et Hercule, v. 703). Variations sur le thème de la mort épique dans les chansons de geste franco-italiennes »

Dans les textes franco-italiens, la mort héroïque témoigne de préoccupations terriennes beaucoup plus que célestes, ce dont témoigne linterruption de ces récits à la mort des héros. Les questions de succession et dhéritage occupent les pensées des mourants, ainsi que le souvenir qui sera conservé de leur valeur. Charlemagne, Hercule ou Pompée se concentrent sur les vivants qui demeurent et sur le souci de mourir dans la gloire ou dans la sagesse, et non plus dans la certitude de lau-delà.

Jean-Claude Vallecalle, « Le héros et le chef dans lépopée franco-italienne du xive siècle »

Cet article examine si les héros de LEntrée dEspagne, dAquilon de Bavière, de Huon dAuvergne, chansons issues dun contexte tumultueux qui questionne les fondements du pouvoir, se parent de nouveaux traits épiques et incarnent un nouvel idéal humain chargé dimplications politiques. Avec les versions franco-italiennes de Huon et Roland, lhéroïsme isole politiquement et éloigne le personnage de son statut de chef ou des charges politiques auxquelles il pouvait prétendre.

Cesare Mascitelli, « Du Rolandin franco-italien à lOrlandino des Reali di Francia. Préfiguration et téléologie chez Andrea da Barberino »

Le succès transalpin de lhistoire de Roland se traduit entre autres par les compléments apportés à la biographie du héros. Dans La Geste Francor, les deux chansons de Berta e Milon et de Rolandin développent une esthétique de lanecdote. Dans les Reali di Francia dAndrea da Barbarino, la reprise de la 528Geste Francor réduit cette dimension anecdotique pour prédestiner la jeunesse du héros au déroulement de la Chanson de Roland.

Dorothea Kullmann, « Dune langue à lautre, dun texte à lautre, le rôle de lintertextualité dans la création du héros épique. Réflexions autour de quelques chansons de geste occitanes »

Il est difficile de sassurer des relations intertextuelles dans le domaine épique : la plupart du temps, on ne peut savoir si lallusion dirige vers un texte identifiable ou, plus vaguement, à lhistoire dont il est question. Or on peut identifier des renvois intertextuels précis dans des chansons occitanes, telles Daurel et Beton, la Guerra da Navarra, et surtout Roland à Saragosse, chanson dont on peut montrer quelle se réfère à une version du Roland proche de celle dOxford.