Notes sur les marques non scripturales
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Œuvres. Tome IX. Le Printemps
- Pages : 187 à 192
- Collection : Textes de la Renaissance, n° 248
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- EAN : 9782406142423
- ISBN : 978-2-406-14242-3
- ISSN : 2105-2360
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14242-3.p.0187
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/10/2023
- Langue : Français
Notes sur les marques
non scripturales
Cette édition ne vise pas à compenser avec les moyens de l’imprimé les défauts des volumes manuscrits, elle voudrait au contraire essayer de ne pas faire perdre avec les moyens imprimé les caractéristiques de ces volumes manuscrits, qui possèdent leur propre dynamique d’écriture. Contrairement aux albums de poésie, faits pour être publiés (rendus publics), et cela quelle que soit la nature du lectorat escompté, les volumes T157 et T159 n’ont qu’un lecteur apparemment programmé, Aubigné lui-même, qui se relit et se corrige abondamment, et – par la force des choses – les autres intervenants autorisés à intervenir au sein de ces volumes, qu’il s’agisse des copistes eux-mêmes, ou des correcteurs occasionnels. Ces derniers ne forment pas à proprement parler un « lectorat », puisqu’ils sont là pour relayer l’auteur dans son travail de copiste ou de correcteur.
Sans qu’on puisse toujours rendre aux uns et aux autres le crédit qui leur appartient, il est néanmoins important d’aller à la recherche de toutes les marques qui parsèment ces recueils, car elles nous apprennent beaucoup sur la façon dont un poète travaille à la correction de ses œuvres entre xvie et xviie siècle. Nous n’avons pas pu les restituer à leur place, mais une rapide typologie donnera au lecteur un aperçu de ce langage des signes, parfois codifié par les correcteurs d’imprimerie, mais souvent le fruit d’idiosyncrasies propres aux auteurs eux-mêmes.
188Signes de repérage
et signes de correction [T159]
Sans doute parce qu’il multiplie les relectures sur une très longue durée, d’Aubigné ne recourt pas à une codification fixe lorsqu’il intègre des corrections. Dans la majorité des cas, il se contente de biffer le(s) terme(s) à supprimer et de faire figurer juste au-dessus ou bien en marge la ou les correction(s) :
Ill. 119 – [fo 113 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
Dans de rares cas, il préfère les souligner :
Ill. 120 – [fo 8 vo] Cliché Bibliothèque de Genève.
Mais il ne recourt que très rarement aux signes de repérage et de correction en usage dans les ateliers d’imprimeurs, comme les petits chapeaux proches des accents circonflexes, ou bien encore les petites barres obliques :
Ill. 121 – [fo 119 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
Ill. 122 – [fo 102 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
189En ce qui concerne les autres intervenants, qui ont leurs propres habitudes, on repère une main (M5) qui recourt à l’astérisque et une autre (M1) à un croisillon :
Ill. 123 – [M5, fo 42 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
Fig. 124 – [M1, fo 80 vo] Cliché Bibliothèque de Genève.
On rencontre donc dans le volume quelques gestes de correcteurs d’imprimerie, mais il ne s’agit pas ici d’épreuves à proprement parler et le plus souvent le correcteur intervient sans y mettre les formes.
Autres marques [T159 et T157]
–Petits traits parallèles, souvent de longueurs inégales, qui sont parfois comme ponctués :
Ill. 125 – [fo 13 vo-fo 14 ro] Clichés Bibliothèque de Genève.
Ces marques apparaissent exclusivement au sein de la première version manuscrite de l’Hécatombe dans le volume T159.Elles figurent très majoritairement en marge droite, soit au niveau du second tercet, soit légèrement sous le sonnet. On les retrouve systématiquement (et même deux fois à titre exceptionnel au fo 22 vo), et cela même à côté des sonnets (en partie) autographes ajoutés au cours des relectures, ce qui permet de faire l’hypothèse qu’elles ont été ajoutées tardivement, lorsque la série avait déjà 190été entièrement relue et corrigée. Leur signification demeure hypothétique : si elles sont bien de la main d’Aubigné (ce que rien ne permet de prouver), il peut s’agir pour lui de noter que le sonnet a été relu et corrigé (il peut ainsi savoir où il s’est arrêté et reprendre ensuite ses relectures), ou bien d’opérer un ultime décompte (il feuillette le volume et ajoute cette marque au fur et à mesure de sa progression). Mais on peut aussi très bien faire l’hypothèse que le secrétaire qui saisit la version corrigée des sonnets dans le volume T157, et qui travaille à partir de T159, a pu lui aussi intervenir directement dans le volume afin de marquer discrètement les étapes de son propre travail, compte tenu du fait que cette marque n’apparaît, comme on l’a relevé plus haut, que pour les sonnets de l’Hécatombe.
–Grandes accolades, plus ou moins ouvragées :
Ill. 126 – [fo 16 vo, fo 22 vo et fo 25 vo] Clichés Bibliothèque de Genève.
Ajoutées en marge gauche ou droite, on retrouve essentiellement ces accolades (apparemment autographes) au sein de la première version manuscrite de l’Hécatombe, mais de façon très aléatoire (17/100). Elles sont aussi parfois associées à une seule strophe dans les stances et les odes, mais très rarement. Il est très difficile de leur accorder une signification particulière. Là encore, le relecteur prépare ou signale sans doute des corrections.
–Petites cordelières (horizontales ou verticales), parfois soulignées :
Ill. 127 – [fo 17 vo, fo 27 ro et fo 31 vo] Clichés Bibliothèque de Genève.
191Ces cordelières (le plus souvent autographes) sont ajoutées (sauf exception) en marge droite, souvent au milieu des sonnets de l’Hécatombe, ou bien à proximité des petits traits parallèles signalés plus haut. Seuls quarante et un d’entre eux sont pourvus d’une telle marque, qu’on retrouve aussi pour les pièces qui suivent, mais de façon beaucoup plus aléatoire. Il peut s’agir là encore d’une marque qui prouve que le travail de relecture est achevé, mais parfois (en dehors des sonnets), elle semble signaler un passage, soit qu’il ait déjà été corrigé, soit qu’il doive l’être. On le voit par exemple à la fin des st. iii, lorsque d’Aubigné révise l’ordre des strophes, dont la renumérotation est alors systématiquement accompagnée de telles cordelières (T159, fo 45 ro-fo 46 vo). Mais cela peut-être aussi une façon de pointer un passage (à corriger ?), comme certains vers obscènes de l’ode xxiii (v. 135 et 156), qui n’ont cependant pas été corrigés. La même cordelière apparaît aussi comme une sorte de signature, ou de geste d’authentification, comme le montre cette notation autographe ajoutée à la fin des st. xvii :
Ill. 128 – [fo 106 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
–Aleph :
Ill. 129 – [fo 44 ro, fo 44 vo] Clichés Bibliothèque de Genève.
Beaucoup plus rare, l’aleph (toujours autographe), quand il n’apparaît pas dans un titre ou pour identifier un personnage dans une pièce dialoguée, a la valeur d’une marque plus personnelle que la cordelière, mais il semble avoir la même fonction, comme en témoigne sa proximité fréquente avec cette dernière.
192–Groupes de points (plus ou moins resserrés) :
Ill. 130 – [fo 18 ro, 64 vo] Clichés Bibliothèque de Genève.
Ce type de marque (autographe ou non) semble être faite pour attirer l’attention du (re)lecteur en lui signalant qu’un passage a été corrigé ou bien au contraire préparer une correction à venir.
–S fermés (fermesses) :
Ill. 131 – [fo 76 vo, 81 ro, 140 ro] Cliché Bibliothèque de Genève.
Ce signe, sans doute autographe n’intervient que rarement et tardivement au sein du volume (une dizaine d’occurrences). Il est situé à la place du titre, souvent pour des sonnets, de façon peut-être à les dissocier clairement pour éviter des erreurs futures.
–Petites croix :
Ill. 132 – [fo 75 vo, fo 85 ro et fo 96 vo] Clichés Bibliothèque de Genève.
Seule marque présente dans la copie de l’Hécatombe qui figure en T157, on trouve ces croix de petites tailles en marge gauche ou droite des sonnets (douze occurrences), dont il est rigoureusement impossible de comprendre si elles signalent un vers ou le sonnet tout entier, et quelle peut être leur signification.