Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Ascèse et ascétisme de l’Antiquité tardive à la Renaissance. Traditions et remises en cause
- Pages : 401 à 406
- Collection : Rencontres, n° 507
- Série : Lectures de la Renaissance latine, n° 14
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406111542
- ISBN : 978-2-406-11154-2
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11154-2.p.0401
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 28/07/2021
- Langue : Français
Résumés
Martin Aurell, « Préface »
La préface brosse un historique raisonné de l’évolution du terme d’ascèse, en relevant les inflexions successives du concept au fil des périodes chronologiques couvertes par l’ouvrage, non sans avoir rappelé au préalable les origines grecques du terme et ses emplois dans le monde classique, puis dans l’univers néotestamentaire. Sensible à la dimension pluridisciplinaire de l’ouvrage, elle souligne enfin à bon droit l’actualité toujours vive de l’ascèse pour le xxie siècle.
Laurence Boulègue, Christiane Veyrard-Cosme, Michel Jean-Louis Perrin, « Introduction »
L’introduction, tout en rappelant la plasticité du concept d’ascèse, offre une approche des enjeux d’un volume consacré aux théories et pratiques de l’ascèse en Occident de l’Antiquité tardive à la Renaissance : elle met ainsi en lumière l’apport des différentes contributions réparties, dans une perspective diachronique, en trois volets thématiques regroupant respectivement les théories et pratiques de l’ascèse, les écritures de l’ascèse, et les figures de l’ascèse.
Marie-Odile Bruhat, « Deux conceptions de l’ascèse. Le De Ieiunio aduersus psychicos de Tertullien et la Lettre 36 d’Augustin »
La pratique du jeûne a suscité dans les premiers siècles de notre ère des débats au sein du christianisme. Dans son traité Sur le jeûne contre les psychiques, Tertullien exprime la position rigoriste du courant montaniste. Deux siècles plus tard, Augustin, dans une lettre au prêtre Casulan, défend un point de vue beaucoup plus modéré. Leurs divergences révèlent deux conceptions de l’ascèse, l’une accordant à la discipline un rôle discriminant et l’autre ayant pour mesure la charité et l’unité.
402Klaus Krönert, « Concilier l’inconciliable. Ascèse et hospitalité dans les sources hagiographiques de la Germanie sous Louis le Pieux »
Cette étude porte sur les tensions dans les milieux monastiques et réguliers de la Germanie au ixe siècle à propos de la difficulté de concilier une vie ascétique avec le faste de l’accueil des hôtes. Tandis que la règle de saint Benoît plaidait pour une modération de la nourriture et que les Vies de saints valorisaient l’ascèse, l’archéologie a montré que le clergé régulier avait en réalité pris l’habitude d’intégrer des viandes de porc et de volaille dans son alimentation quotidienne.
Michel Jean-Louis Perrin, « Raban Maur (circa 780-856) abbé de Fulda (822-842) et archevêque de Mayence (847-856). Un ascétisme bien tempéré »
Ce n’est pas une discipline ascétique qui importe à Raban, mais une discipline ecclésiastique. Deux traités normatifs, le De fornicatione et deux pénitentiels montrent sa position : pas de surenchère sur les conciles et la discipline de l’Église, mais que chacun respecte le « contrat » impliqué par son genre de vie, sans possibilité de retour en arrière. Raban « dit droit » pour le peuple chrétien comme un homme conscient de son autorité morale, et comme un homme de pouvoir au service de l’Église.
Laurence Boulègue, « Ascèse et vie philosophique. La figure du solitaire chez Agostino Nifo »
Dans le De solitudine (1535), Agostino Nifo examine le sens et les conditions de l’ascèse philosophique à travers la définition du solitaire dont il élabore la figure, oxymorique, du solitarius ciuilis. Il réalise ainsi un syncrétisme inédit entre la réflexion ancienne et humaniste sur les genres de vie et celle des péripatéticiens sur le contemplatif de l’Éthique à Nicomaque. Cette nouvelle configuration théorique renouvelle le débat sur les notions de contemplation et de solitude.
Vincent Zarini, « Valorisations et dévalorisations de l’ascèse dans la poésie latine de l’Antiquité tardive »
On s’intéresse ici à l’ascèse dans la poésie profane de la latinité tardive : celle du héros dans les panégyriques versifiés et celle du sage chez Boèce ; puis on y étudie l’ascèse chrétienne du martyr, du moine et de la vierge, ainsi que celle 403du conuersus. Mais l’ascèse peut aussi être rejetée par les poètes : dans la poésie mondaine ou la littérature épithalamique, et bien sûr chez Rutilius et chez Maximien, car le rapport entre poésie, beauté et ascèse ne peut être que complexe.
Gérard Gros, « Idéal et contrainte, ou l’ascétisme chez Gautier de Coinci »
Dans tel Miracle, voici l’ermite nourri de peu, qui sait dominer la chair, et mérite à force d’avanies le paradis. Mais la collection ne manque pas de prélats relâchés, tandis que le moine vit durement : mort au monde, il est prisonnier à perpétuité du cloître, où sa frugalité ne s’appelle pas encore ascétisme. Quant à l’auteur, écrire avec exigence (près de 35 000 vers en seize ou dix-sept ans) n’est-ce pas une forme d’ascèse ?
Dominique Demartini, « “Vie minuscule”, la Vie de saint Alexis »
La sainteté et son récit passent par une expérience du minuscule. Embrasser la voie de sainteté, c’est s’humilier par une entreprise d’effacement, d’évidement jusqu’à l’invisible. Conjointement, le récit de ce cheminement prend la voie de la sècheresse, de la condensation et de la brièveté. La lettre est l’élément ultime de cette réduction biographique et narrative et le procédé spéculaire de sa mise en abyme : Vie minuscule, emboitée dans la grande, elle la donne à lire comme Vie de saint.
Pia Claudia Doering, « L’ascèse dans le Décaméron de Boccace »
Le Décaméron de Boccace est l’expression d’une forte opposition à l’ascétisme jugé contraire à la nature et le plus souvent hypocrite. L’article montre que Boccace connaît très bien les débats théologiques sur l’ascèse, que son intérêt se concentre sur la tension entre ascèse et nature humaine tout en observant l’influence du langage sur ces deux forces oppositionnelles, et qu’ainsi son analyse d’un ascétisme hypocrite surpasse de loin les lieux communs de la critique anti-ascétique médiévale.
Audrey Duru, « Une figure de l’ascèse. La crise médicale dans les complaintes du malade en vers français (circa 1550-circa 1620) »
L’étude examine le remaniement du rapport à soi dans les complaintes poétiques du malade, soit une expérience passive de l’ascèse. En effet, dans 404une perspective augustinienne, comment engager l’ascèse lorsque l’homme est sans mérite par ses actes ? Le lexique galénique de la crise physiologique fournit un support de diction. La sémiologie corporelle de la crise est lue par analogie : droit, morale, théologie, spiritualité, poésie psalmique, affective disent la part non corporelle de l’ascèse.
John Nassichuk, « L’éloge humaniste du renoncement et du savoir. Les Sermones pro Sancto Hieronymo de Pierpaolo Vergerio »
Dans une série de discours à l’éloge de Jérôme prononcés à partir de 1390 par l’humaniste Pierpaolo Vergerio, le thème de l’ascétisme figure comme la modalité sacrée d’une quête active du salut qui conduit le rhéteur et hagiographe à reconfigurer la chronologie de la vie du personnage historique, comme si l’expérience ascétique du renoncement et de l’abstinence constituait la destination finale de son expérience terrestre, l’étape essentielle dans son chemin vers la Vie éternelle.
Mickaël Ribreau, « Tout chrétien doit-il être un ascète ? La réponse d’Augustin dans des lettres adressées à des femmes »
À la fin du ive siècle et au début du ve, les auteurs chrétiens considèrent que, face à des conversions de masse, l’identité chrétienne est en jeu. Chez les auteurs latins de cette époque, l’ascétisme est le critère de définition du bon chrétien. Comment Augustin se positionne-t-il ? En étudiant quatre lettres envoyées à des femmes, on peut constater la modération de l’évêque d’Hippone : à la suite d’1 Co 7, 7, il affirme que chaque chrétien a reçu un don différent.
Franca Ela Consolino, « Ascèse et ascètes dans l’œuvre de Grégoire de Tours »
Grégoire de Tours ne théorise pas ce qu’est l’ascèse ni comment la pratiquer : il nous offre des portraits individuels mettant en relief les caractères qui rendent un ascète exemplaire et digne d’admiration. De ses œuvres il ressort une réalité riche et nuancée, où il n’existe pas de séparation nette entre les différentes catégories d’ascètes. Quant à Grégoire lui-même, tout en appréciant l’ascèse, dans son évaluation il ne perd jamais de vue l’aspect institutionnel et le prestige de l’Église.
405Karin Westerwelle, « Une valée, un antre en horreur obscurci. Transformation du lieu ascétique dans la poésie de Pierre de Ronsard »
L’article explore les liens entre la pratique ascétique et l’écriture poétique. En partant de la fonction du lieu sauvage et désertique pour la contemplation religieuse chez saint Jérôme, il s’agit d’analyser, dans la poésie de Pétrarque et de Ronsard, la transformation du topos de la solitude en un paysage où l’artiste explore le pouvoir imaginatif et la production des images représentant la beauté de la dame aimée.
Claudio Moreschini, « La vita contemplativa secondo l’ermetismo cristiano di François Foix-Candale »
François Foix-Candale (1512-1594), cardinal de l’Église de Rome, fut un des hermétistes chrétiens les plus importants de la Renaissance. Selon ce dernier, l’idéal de la vie contemplative recommandé par le Corpus Hermeticum pourrait être identifié avec l’idéal de la contemplation de Dieu qu’Adam et Ève auraient possédé au Paradis, mais perdu en conséquence du péché originel ; le Christ a fait don à nouveau de la contemplation de Dieu via le mystère eucharistique.
Anne Raffarin, « Roma triumphans, l’allégorie renversée. Interprétations philosophiques et morales du Sac de Rome dans la correspondance entre Jacques Sadolet et Érasme »
Le Sac de Rome survenu le 6 mai 1527 contraint la ville redevenue conforme à l’image de la Rome triomphante restaurée par les humanistes à une analyse rigoureuse de ses propres travers. La correspondance entre Érasme, désormais hostile au milieu humaniste romain, et Jacques Sadolet, évêque de Carpentras après avoir été proche des Académiciens romains, met en lumière une interprétation moralisante du Sac perçu comme sanction du refus d’un mode de vie caractérisé par une dimension ascétique.
Étienne Hamon, « L’architecture flamboyante face aux courants ascétiques. Quelques exemples parisiens autour de 1500 »
L’ascétisme, qui a alimenté le courant réformateur de l’Église de France à la fin du xve siècle, a-t-il eu une traduction monumentale ? Le milieu parisien, par son dynamisme intellectuel et artistique, permet de confronter 406les œuvres à l’action de commanditaires. C’est dans les couvents féminins réformés ou chez les nouveaux ordres qu’ont vu le jour les créations les plus significatives de cette tendance de l’art flamboyant, restituables grâce à une documentation méconnue.