Résumés des contributions et présentation des auteurs
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Alkemie Revue semestrielle de littérature et philosophie
2016 – 1, n° 17. L’ennui - Pages : 315 à 328
- Revue : Alkemie
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- EAN : 9782406060451
- ISBN : 978-2-406-06045-1
- ISSN : 2286-136X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06045-1.p.0315
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/07/2016
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
RÉSUMÉS DES CONTRIBUTIONS
ET PRÉSENTATION DES AUTEURS
Marc Bonnant, « Argument sur l’ennui »
Marc Bonnant, ingénieur en Communication, licence et maîtrise de Lettres modernes, licence de Science du Langage. Mémoire de maîtrise consacré à l’Analyse de l’écriture aphoristique chez Cioran (1995). Gérant d’une société d’informatique depuis 1998. Il publie en 2011 un roman historique intitulé Cunsigliu (L’Àpart éd.) et en 2012 un recueil de nouvelles fantastiques, La résidence des âmes (autoédition numérique).
Maxime Caron, « L’Ecclésiaste (texte apocryphe) »
Maxime Caron a été journaliste à « La Voix du Nord » à Lille. Nombreux comptes rendus de livres dans ce quotidien. Brèves publications dans des revues ou ouvrages collectifs. S’est intéressé de près aux écrits d’Henri Thomas et de Georges Perros. Parutions : « Henri Thomas », monographie (éd. La Part Commune, 2006) ; « Le Lieu Céleste, et autres nouvelles d’ici-bas » (éd. La Part Commune, 2014) ; « Requiem pour Georges Perros » dans « L’Autre Région, lettres à Maxime Caron » (éd. Finitude, 2002).
Ce texte est une plongée au cœur d’une situation à la fois inconfortable et invraisemblable. Pour tenter de la décrire au ras du réel, le scribe s’est imposé de se soumettre volontairement à divers désordres et perturbations qui concernent la logique, la syntaxe et la ponctuation, bien qu’il ait en grande estime la cohérence qu’exige la langue utilisée.
Mots-clés : grand écart, avenir, passé, scribe.
This text represents a dive at the centre of a situation which is both uncomfortable and incredible. Trying to describe it as a reality, the scribe imposed on himself to voluntarily obey diverse disorders and perturbations of the logic, the syntax and the punctuation, even though he has a high respect for the coherence of the language employed.
Keywords: big gap, future, past, scribe.
Ciprian Vălcan, « Le roi de la Corse »
Ciprian Vălcan, diplômé de philosophie de l’université Paris IV-Sorbonne, professeur à la faculté de Droit de l’université Tibiscus (Timişoara), docteur en philosophie de l’université Babeş-Bolyai (Cluj-Napoca), docteur ès-lettres de l’université de Vest (Timişoara), docteur en histoire culturelle de l’École Pratique des Hautes Études (Paris), il a publié de nombreux ouvrages.
Ciprian Vălcan nous propose de nouveaux exercices de sarcasme, en s’amusant des diverses hypostases de la suffisance de la nature humaine.
Mots-clés : Cioran, escroc, communisme, Lénine, dictature, maître, chiens, Schopenhauer, Hegel, monstre.
Ciprian Vălcan invites us to new exercises in sarcasm by playing with a humorous look at various instances of arrogance, seen as characteristic of human nature.
Keywords: Cioran, crook, communism, Lenin, dictatorship, master, dogs, Schopenhauer, Hegel, monster.
Odette Barbero, « L’ennui, un art de vivre ? »
Odette Barbero, titulaire d’un DEA de philosophie et d’une maîtrise de théologie, elle est docteur en philosophie (université de Bourgogne) et professeur associé à l’université de Technologie et de Sciences appliquées libano-française (Tripoli). Elle a notamment écrit Le Thème de l’enfance dans la philosophie cartésienne (L’Harmattan, 2005) et Descartes ou le pari de l’expérience (L’Harmattan, 2009).
Les causalités multiples de l’ennui s’inscrivent sur un axe binaire, celui d’une double relation entre le sujet et l’objet, entre une histoire individuelle et collective. Les données subjectives semblent le plus souvent indissociables des représentations et des conditions du milieu. Si l’ennui ordinaire a pour couleur la grisaille, les images qui qualifient l’ennui profond présentent un caractère hyperbolique. Mais on fait le pari de la possibilité d’un ennui positif capable de lutter à la fois contre la morosité ambiante et une disposition à la tristesse.
Mots-clés : Leopardi, Moravia, images, subjectivité, incommunicabilité, histoire, indétermination, démesure, mélancolie.
The multiple causalities of boredom are inscribed in a binary axis, the one of a double relation between subject and object, and between personal and collective history. The subjective data seem often linked to representations and background conditions. If ordinary boredom is grey colored, profound boredom is represented with images of
a hyperbolic nature. However, we lay a bet on a positive boredom capable of fighting against both the moroseness and a tendency to sadness.
Keywords: Leopardi, Moravia, images, subjectivity, incommunicability, history, indecision, excess, melancholy.
Alexandre Bies, « L’ennui et la consolation des arts »
Alexandre Bies est agrégé de philosophie et Doctorant contractuel chargé d’enseignement (DCCE) – Université de Nice Sophia Antipolis. Il travaille à une thèse portant sur l’esthétisme d’Oxford, autour de la figure de Wilde et de ses précurseurs.
Face à l’ennui, qui consiste dans une absence de but pour la volonté, l’art permet de s’occuper et donc non seulement de tromper l’ennui, mais aussi de se donner un objet qui ne s’épuise pas comme dans la satisfaction ordinaire du désir. Par un rapport esthétique et non pratique, l’œuvre met entre parenthèse les soucis de l’existence. Or, l’art ne conduit-il qu’à se consoler d’une existence comprise comme un perpétuel tourment, ou ne permettrait-il pas d’intensifier l’existence ? Loin d’anéantir le désir, il serait plutôt un moyen de s’opposer à une existence monotone et répétitive et donc d’échapper durablement à l’ennui à travers une exaltation de la volonté.
Mots-clés : esthétisme, divertissement, expérience, émotions, désintéressement.
As boredom can be defined as an aimless will, art can appear like a solution that gives an occupation and permits not only a distraction from boredom but also gives to the desire an object that does not disappear by getting satisfaction. With an aesthetic and not a practical way to see reality, art suspends the existence’s worries. But is art only to get us over the endless agony of life or does it also allow us to increase the intensity of life? Instead of annihilating desire, art could be rather a way to contest a monotonous and repetitive life and get durably over boredom through an exaltation of will.
Keywords: Esthetism, Distraction, Experience, Émotions, disinterestedness.
Marco Bélanger, « L’ennui, du tout au néant »
Marco Bélanger est docteur en philosophie. Il a aussi une formation universitaire en mathématiques. Auteur de plusieurs publications en mathématiques, en pédagogie des mathématiques et en philosophie, il a récemment publié Existe-t-il des dilemmes moraux insolubles ? (L’Harmattan, 2011), Pour une éthique de la coexistence (Liber, 2013) et « La bêtise : entre immanence et télos » (Le Philosophoire, no 42, automne 2014).
Je me propose de rendre compte de l’ennui existentiel comme expérience-limite de la perte, de l’absence et du vide. Sous cet angle, je montrerai que les frontières auxquelles nous pousse cette triple expérience-limite mettent en jeu deux figures opposées et extrêmes de la pensée : celle du néant, certes, mais aussi celle du tout, l’une imbriquée dans l’autre, ce qui me permettra de mettre en lumière une façon synthétique de voir l’ennui existentiel. J’en tirerai, en conclusion, une éthique de l’ennui.
Mots-clés : ennui, désenchantement, raison, néant, absolu.
In this paper, I propose an understanding of existential boredom as the limit-experience of loss, absence and emptiness. From this point of view, I show that the borders to which we are pushed by this triple limit-experience bring into play two opposed and extreme forms of thought: that of nothingness, certainly, but also that of the whole, nothingness being essentially connected with the whole. In so doing, I attempt to bring into light a synthetic manner of interpreting existential boredom. On this basis, I conclude by proposing an ethics of boredom.
Keywords: boredom, disenchantment, reason, nothingness, Absolute.
Tayeb Ainseba, « La barbe (-bleue). L’ennui conduit-il à la barbarie ? »
Tayeb Ainseba a obtenu un doctorat en littérature générale et comparée en 2013, à l’Université de Perpignan. Son sujet de thèse est : « Entre littérature et philosophie : l’Homme est-il un animal politique ? Étiologie de la misanthropie. ». Sa thèse est publiée chez L’Harmattan. Il est actuellement doctorant en science politique et étudie « La littérature politique de la misologie » à l’Université de Perpignan.
L’ennui conduit-il à la barbarie ? C’est hanté par cette question et cette intuition que G. Steiner écrit Dans le Château de Barbe-Bleue. Peut-on concevoir les rapports ennui/barbarie sous l’angle d’un rapport de causalité ? Épistémologiquement parlant, peut-on expliquer les camps du xxe siècle par le spleen si tangible dans la littérature européenne du xixe siècle ?
Mots-clés : ennui, barbarie, G. Steiner.
Can boredom lead to barbarism ? It is with this question and intuition in mind that G. Steiner wrote Dans le Château de Barbe-Bleue (In Blue Beard’s castle). Might we conceive of the relationship between boredom and barbarism as one of causality? From an epistemological point of view, could we explain the 20th century camps with the spleen that is so tangible in 19th century European literature ?
Keywords: Boredom, Barbarism, G. Steiner.
Myriam Kissel, « L’ennui dans Le Désert des déserts de Wilfred Thesiger »
Myriam Kissel est agrégée de Lettres classiques. Elle a soutenu une thèse consacrée à la nuit dans l’œuvre romanesque de Julien Green. Elle a publié des ouvrages consacrés à E. A. Poe, Dostoïevski et J. Green, ainsi qu’un grand nombre d’articles. Elle enseigne le latin et la culture antique à l’université de La Réunion. Elle est également l’auteur de nouvelles, romans et récit de voyage.
Le Désert des déserts de Wilfred Thesiger est un ouvrage fascinant. Il y a un paradoxe étonnant entre la passion de l’explorateur pour le désert d’Arabie et l’ennui qui surgit dans certaines circonstances, lorsque le voyage devient plus facile, lorsque le danger de mort (de faim, de soif) s’éloigne.
Mots-clés : désert, ennui, nomadisme, explorateur, Grande Bretagne.
The Arabian sands by Wilfred Thesiger is a fascinating book. There is a contradiction between the passion of the explorer for the Arabian desert, and the feeling of boredom which appears in precise circumstances: as soon as the journey gets easier and when the danger of dying (because of hunger or thirst) vanishes.
Keywords: Desert, Boredom, Nomadism, Bedous, Explorer, Great Britain.
Tagirem Gallego García, « La femme en proie à l’ennui. Germaine de Staël et George Sand »
Tagirem Gallego García est doctorant à l’université de Castilla-La Mancha, Espagne. Sa recherche porte sur l’image de l’Inde dans la littérature occidentale. Elle s’intéresse aux auteurs voyageurs en Inde coloniale et indépendante et à l’écriture féminine. Son travail est soutenu avec un contrat prédoctoral de l’UCLM, financé par le Fonds social européen (FSE).
Cette étude présente le thème de l’ennui féminin à travers les œuvres Corinne (1807) de Mme de Staël et Indiana (1832) de George Sand. L’auteur analyse en quoi consiste le problème du taedium, quelles en sont les causes et les conséquences et pourquoi la femme (les personnages féminins, leurs auteurs et la femme en général) est plus susceptible de le souffrir. Cela permettra de réfléchir sur la condition de la femme et son rôle dans des sphères sociales, politiques et artistiques.
Mots clés : ennui, taedium, femme, Germaine de Staël, George Sand.
This study presents the theme of the feminine boredom in the works Corinne (1807) by Madame de Staël and Indiana (1832) by George Sand. We will analyze the possible causes and consequences of taedium and why women (the female characters,
the authors and woman in general) are more likely to suffer from it. This will enable to reflect on the female condition and role in the social, political and artistic spheres.
Keywords: Ennui, Taedium, Woman, Germaine de Staël, George Sand.
Anne-Laure Andevert, « Les ravages de l’ennui chez Julien Green »
Anne-Laure Andevert – études d’italien et de Littérature française à l’Université d’Avignon et à l’Université d’État de Milan. Docteur ès lettres à l’Université d’Avignon, avec la thèse « L’ennui dans quelques romans de Julien Green : du “violent dégoût de tout” à “l’effroi d’être au monde” » (2015). Elle enseigne la littérature francophone à l’Université d’Avignon. Membre de la Société Internationale d’Études Greeniennes. Auteure de divers articles sur l’ennui chez Julien Green et Alberto Moravia : « “L’ennui est la mère de tous les vices”. Mère et ennui dans Mont-Cinère de Julien Green et L’Ennui d’Alberto Moravia » (2014) ; « La nuit et l’ennui dans Adrienne Mesurat de Julien Green » (2011).
Cet article porte sur les ravages de l’ennui dans quelques romans de Julien Green (Mont-Cinère, Adrienne Mesurat, Minuit, Le Malfaiteur). Dans un quotidien émaillé de vide, le personnage greenien peine à être : l’ennui l’a privé de toute volonté, le contraignant à l’impuissance et à la passivité. Parce qu’il promène un regard désenchanté sur un monde vide de sens, le personnage greenien est condamné à sa solitude. C’est la solitude intériorisée d’un être forcé de vivre avec lui-même. Exister est synonyme d’angoisse : le personnage est emprisonné dans un corps et un temps engluant. Il ressent l’angoisse du vide qui caractérise tous ses gestes, menace effrayante d’une absence d’avenir, mais aussi prise de conscience de sa finitude. Aussi la folie est-elle l’aboutissement logique d’un ennui devenu pathologique.
Mots-clés : ennui, Julien Green, solitude, angoisse, temps.
This article covers the ravages of boredom in a few novels by Julien Green (Mont-Cinère, Adrienne Mesurat, Minuit, Le Malfaiteur). The characters whose daily life is empty, struggle to be. Boredom has deprived them of all will power leading them to powerlessness and passivity. Because they look out with disillusionment over a meaningless world, the Greenian characters are condemned to the internalized loneliness of beings compelled to live with themselves. Their life is anguish: the characters are trapped in their body and the bogging down of time. They feel the anguish of emptiness in all their actions and the absence of any future, which becomes a dreadful threat, but they are still aware of their own finitude.
Key words: boredom, Julien Green, loneliness, anguish, time.
Abdellatif El Azouzi, « Rousseau et le bonheur de s’ennuyer »
Abdellatif El Azouzi prépare une thèse de doctorat, à la Faculté des Lettres Saïs-Fès (Maroc), en Littérature et Philosophie françaises sous le titre de « Voyage et Utopie : pour une relecture des Lumières ». S’intéressant ainsi à la pensée du xviiie siècle, à ses auteurs et à ses concepts fondateurs, il a publié plusieurs articles sur cette époque, dont les plus récents : « Quand le voyage a-t-il commencé ? » (Studii si cercetari filologice. Seria limbi romanice, Seria Limbi Romanice, Université de Pitesti, novembre 2014), « Voltaire, l’optimiste entêté » (Études en Linguistique, Littérature et Communication, Collectif du Laboratoire de Recherche en Relations Culturelles Maroco-méditerranéennes, Info-Print, Fès, 2014), « Rousseau et la fin des autres » (Studii si cercetari filologice. Seria limbi romanice, Seria Limbi Romanice, Université de Pitești, été 2015).
Rousseau préfère parler de liberté naturelle au lieu d’ennui ; il idéalise son far niente du sage en y impliquant, non un dosage pessimiste et insatisfait du temps qui passe, mais une sorte d’énergie optimiste, à caractère nostalgique certes, selon laquelle la pensée de l’ennui représenterait un sacrilège pour notre nature, selon Rousseau, bonne et heureuse. Mais, face à la consolation qu’assure cette poussée d’espérance, n’y aurait-il pas de nouvelles raisons de s’ennuyer ?
Mots-clés : ennui, Rousseau, liberté, optimisme et pessimisme.
Rousseau prefers to speak about natural freedom instead of boredom; He idealizes his far niente by involving, not a pessimist and unsatisfied dosage of time passing, but a kind of an optimistic energy, nostalgic certainly, according to which boredom would be a sacrilege to our nature that is, according to Rousseau, good and happy. But given that, would there not be new reasons to get bored?
Keywords: Boredom, Rousseau, Freedom, Optimism, Pessimism.
Aurélie Van De Wiele, « Charles Baudelaire face à l’ennui. Réflexions sur la modernité du poète baudelairien »
Aurélie Van de Wiele est titulaire d’un doctorat en Études Françaises de l’université Rice (États-Unis), elle est professeur assistant à l’université de Salisbury aux États-Unis. Ses recherches portent sur l’étude des réactions d’opposition au mal-être existentiel et social dans la littérature des xixe et xxe siècles. Son plus récent article analyse la poétique du mal chez Charles Baudelaire à partir du concept camusien de « révolte métaphysique ».
Cet article examine la représentation baudelairienne de l’ennui, en tant que malaise existentiel, et des solutions possibles pour y remédier. Plus particulièrement, l’auteur explore le lien entre ennui et modernité, et analyse le discours de Charles Baudelaire à partir de considérations modernes.
Mots-clés : Baudelaire, ennui, échappatoire, ivresse, mort.
This article examines Charles Baudelaire’s representation of ennui, as an existential distress, and of possible solutions to overcome it. More particularly, it explores the link between boredom and Modernity, and analyzes Baudelaire’s reaction toward this distressful feeling from a Modern perspective.
Keywords: Baudelaire, ennui, escape, ivresse, death.
Till R. Kuhnle, « Céline célébrant l’apocalypse de l’ennui »
Till R. Kuhnle est professeur des universités, il dirige le département de littérature générale et comparée de l’université de Limoges et est membre de l’équipe EHIC (EA 1087). Ses recherches actuelles sont principalement consacrées à la théologie politique en littérature, à la pensée existentielle, aux avant-gardes historiques, au roman européen de l’entre-deux-guerres, à la pensée libertaire. Parmi ses nombreuses publications on peut mentionner : Das Fortschrittstauma. Vier Studien zur Pathogenese literarischer Diskurse, Tübingen, 2005 ; l’essai, Le Roman d’aventure libertaire, est en préparation.
Voyage au bout de la nuit, ce grand récit d’un posttraumatic stress disorder, est structuré autour des expériences de son protagoniste Bardamu lors de la Première Guerre mondiale. Comme dans l’anthropologie (négative) de Pascal, Bardamu s’avère tiraillé entre le sentiment de l’ennui et le divertissement. De par leur style de vie, les gens dits « de bien » vivent déjà bien éloignés de la misère, contrairement aux pauvres qui, pour échapper à l’ennui, ne disposent que des divertissements modestes comme le cinéma et le pinard. Au lieu de se satisfaire d’une vie se limitant à une température normale « d’un bout de l’année à l’autre… » (J. Conrad), Bardamu est toujours à la recherche de l’extrême : seul le délire – Nietzsche dirait « le dionysiaque » – permet d’échapper à l’ennui ; et cette quête de délire mène « au bout de la nuit ». Il en résulte un nihilisme radical que nous avons résumé avec une tournure empruntée à Fondane : « l’apocalypse de l’Ennui ».
Mots-clés : ennui, nausée, dégoût, Ekel, divertissement, dionysien, délire, extase, antisémitisme, apocalypse.
Celine’s novel Voyage au bout de la nuit is structured around the traumatism of World War. Like in Pascal’s (negative) anthropology, the protagonist of the novel, Bardamu, is torn between boredom (ennui) and diversion (divertissement). By their lifestyle, upper-class people are already diverted from contemplating the private misery, the poor however need the few diversions they can afford – as cinema or cheap wine – in order to escape boredom. Instead of being satisfied by the modest diversions of the lower
and middle class people aspiring for a life at normal temperature – “normal from year’s end to year’s end” (J. Conrad), Bardamu is searching the extreme: Only by going into delirium – Nietzsche would call it the “Dionysian” – you might escape from boredom. And this search for delirium leads “to end of the night”. The result is a radical nihilism which can be described, to use the words of Fondane, as “the apocalypse of boredom”.
Keywords: Ennui, Boredom, nausea, disgust, Ekel, diversión, Dionysian, extasy, delirium, antisemitism, Apocalypse.
Luisa Messina, « L’ennui au xviiie siècle. Le petit-maître dans la littérature libertine »
Luisa Messina, docteur ès lettres depuis 2015, a étudié les écrits libertins de François-Antoine Chevrier (1721-1762) à travers l’interaction entre l’auteur lorrain et le genre libertin du dix-huitième siècle. Elle a travaillé à l’Université de Palerme de 2012 à 2014 dans le département de littérature française. Elle a participé à plusieurs colloques internationaux et publié un certain nombre d’articles.
Outre des personnages masculins pleins de génie ou de sensibilité caractérisant le dix-huitième siècle, une autre figure marginale apparaît de plus en plus. Il s’agit du petit-maître qui marque les œuvres libertines françaises du dix-huitième siècle. En effet, plusieurs romanciers libertins du siècle tels que Crébillon, Duclos, La Morlière, Voisenon et Chevrier focalisent l’attention sur ce personnage. Le petit-maître s’avère être un individu entièrement esclave de la mode et des préjugés, dont la vanité et l’ennui sont semblables à celle des femmes coquettes du grand monde.
Mots-clés : dix-huitième siècle, petit-maître, roman, libertinage, mœurs.
Besides male characters full of genius or of sensibility characterizing the Eighteenth-century, another marginal figure appears more frequently. It’s the dandy who marks libertine French works in the eighteenth-century. In fact, several libertine novelists such as Crébillon, Duclos, La Morlière, Voisenon et Chevrier point out this character. The dandy proves an individual, who is a slave of fashion and prejudices, whose vanity and boredom are similar to those characterizing mundane coquettes.
Keywords: Eighteenth century, Dandy, Novel, Libertinage, Habits.
Massimo Carloni, « Variations sur l’ennui »
Massimo Carloni est diplômé en sciences politiques et philosophie à l’université d’Urbino, et spécialiste de l’œuvre de Cioran. Il a préfacé la traduction italienne du
livre de Friedgard Thoma, Per nulla al mondo. Un amore di Cioran (Falconara Marittima, 2009), et a édité les volumes suivants de correspondance de Cioran : Cioran, L’agonia dell’Occidente. Lettere a Wolfgang Kraus 1971-1990, Milan, Bietti, 2014 ; Ineffabile nostalgia. Lettere al fratello 1931-1985, Milan, Archinto, 2015. (trad. avec H.-C. Cicortaş) et Charles Asselineau, Vita di Baudelaire, Milan, Bietti, 2016 (en cours de publication).
Dans sa première partie, cet article cherche une définition de l’ennui, suivant l’œuvre et la pensée de Cioran. En particulier, on distingue l’ennui vulgaire ou mondain de l’ennui fondamental, analysant le rapport entre ceci et le temps, l’espace, le désir. Ensuite on met en évidence quelques traits spécifiques de l’ennui, comme la non-localisation et l’incurabilité. Dans la deuxième partie, on fait un excursus historique-littéraire au sujet de l’ennui, en partant de Sénèque, en passant pour l’acedia médiévale, jusqu’à l’époque moderne, qui commence avec la réflexion de Pascal et continue avec les lettres de Madame du Deffand, pour terminer au dix-huitième siècle, avec Leopardi, Baudelaire et Flaubert.
Mots-clés : Cioran, Sénèque, acedia, Pascal, Madame du Deffand, Leopardi, Baudelaire, Flaubert.
In its first part, this article seeks a definition of boredom, following the work and thought of Cioran. In particular, it considers vulgar or mundane boredom differently from essential boredom, analyzing its relationship with time, space and desire. Then it highlights some specific traits of boredom, such as non-locating and incurability. In the second part, we take an historical-literary excursus of boredom, from Seneca, through the medieval acedia, until modern times, which begins with Pascal’s reflection and continues with the letters of Madame du Deffand, and finally in the eighteenth century, with Leopardi, Baudelaire and Flaubert.
Keywords: Cioran, Sénèque, acedia, Pascal, Madame du Deffand, Leopardi, Baudelaire, Flaubert.
Messaouda Hamoudi, « Puissances et impuissances sociales de l’ennui »
Messaouda Hamoudi a fait des études de philosophie à Lille 3, mémoire en philosophie antique sur Plotin, sous la direction de Jean-Paul Dumont et de Lucien Bescond, 1994. En poste à l’AFR (Accueil Fraternel Roubaisien).
L’ennui peut s’appréhender comme un état conjoncturel, comme une disposition psychologique, une forme d’intériorité mentale, mais il peut aussi s’inscrire dans une perspective qui se saisit de lui comme témoin historique et socio-politique. Depuis le loisir des grecs, où la liberté de ne pas avoir à
se soucier des contraintes économiques ouvrait sa place à la contemplation, l’ennui a fini par désigner une vacuité liée à la condition bourgeoise, à la rêverie tranquille ou inquiète. Mais il a, ce qu’on oublie trop facilement, un pendant ouvrier. Il est alors l’indice d’une aliénation, ou d’une dépossession par le travail contraint, qui prive l’ennui de toute référence à une identité assumée ou assumable.
Mots-clés : ennui, romantisme bourgeois, écriture ouvrière, aliénation, reprise de parole.
Boredom can be understood as a cyclical state, as a psychological disposition, as a form of mental integrity, but it can also be apprehended in a perspective which holds it as bearing witness to historical and socio-political backgrounds. From the Greek leisure time, in which the freedom not to have to worry about economic constraints opened up space for contemplation, boredom has since been used to refer to a vacuity linked to the upper class and its peaceful or concerned daydreaming. But it has a working-class side we forget about too easily. It refers then to a hint of alienation or dispossession by forced labor which deprives boredom from any reference to an identification one takes or can take a pride in.
Keywords: boredom, bourgeois romanticism, working class writing, alienation, reappropriation of the word.
Paul Munier, « Le “Sonnet en x”. Un poème fait pour être compris »
Paul Munier est professeur agrégé de philosophie au lycée de Marmande. Il est titulaire d’un master de philosophie, a été chargé de cours à l’université Bordeaux 3, et a animé la formation préparant à l’agrégation interne de philosophie dans l’académie de Bordeaux. Il participe à la formation préparant au capes interne, a publié trois articles sur Hobbes, ainsi qu’un ouvrage, La Ressemblance des humains. Introduction à l’œuvre d’Élisabeth Badinter (Germina), et a dirigé la collection « Iris » chez Germina. Un ouvrage sur Hobbes est en préparation. Il fait également des conférences sur différents sujets (les nouvelles technologies, les sciences cognitives, le cinéma).
Cette interprétation du Sonnet en x, qui mobilisera toutes les ressources (commentaires et éclairages donnés par Mallarmé) existantes, s’acheminera progressivement de la tentative de résolution d’une énigme (constituée par le raffinement lexical, les accidents déroutants de la grammaire et le sous-texte mythologique) vers la compréhension du poème comme description d’une scène intérieure, et exécution d’une partition intérieure.
Mots-clés : Graal, Styx, or, étoile, Phénix.
This reading of the Sonnet en x relies on all the existing sources, including Mallarmé’s own commentaries and explanations. It progressively goes from attempting to solve an enigma (made of lexical refinement, puzzling grammatical accidents and mythological undertext) to read the poem as a description of an inner scene and playing of an inner score.
Keywords: Grail, Styx, Gold, Star, Phoenix.
Mihaela-Genţiana Stănișor, Rubrique « Expressis verbis », rubrique « Cœurrespondances »
Mihaela-Genţiana Stănișor, maître-assistante à l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu, est docteur ès lettres de l’Université de Craiova avec une thèse sur Cioran. Elle a publié plusieurs livres : Les Cahiers de Cioran, l’exil de l’être et de l’œuvre, 2005 ; Perspectives critiques sur la littérature française du xviie siècle, 2007, Întîlniri cu Cioran I et II (co-auteur), 2010 et 2011, Lucrare de autocontrol, roman, 2013, ainsi que de nombreuses études sur l’œuvre de Cioran, la littérature française et universelle. Elle dirige le colloque international « Emil Cioran » de Sibiu depuis 2013 et est coéditrice des volumes des Actes de ce colloque : Cioran, archives paradoxales. Nouvelles approches critiques, t. I et II (Paris, Classiques Garnier, 2015).
Marie-Hélène Gauthier, Rubrique « Expressis verbis » ; Rubrique « Le marché des idées » : Benoît Caudoux, L’Écriture et l’éthique. Rousseau et le sentiment de l’extériorité, Paris, Champion, [coll. « Les Dix-Huitièmes siècles »], 2015 ; Jean Roudaut, Vu d’ici, Genève, La Baconnière, [coll. « Quatre-vingts mondes »], 2014.
Marie-Hélène Gauthier, ancienne élève de l’ENS de Fontenay-aux-Roses, agrégée de philosophie, est Maître de Conférences Habilité à Diriger des Recherches à l’Université de Picardie Jules-Verne (où elle enseigne à l’U.F.R des Arts). Elle est l’auteur d’ouvrages et articles sur Aristote, mais aussi d’esthétique littéraire, notamment de la Poéthique : Paul Gadenne, Henri Thomas, Georges Perros, paru aux éditions du Sandre, en 2010, et plus récemment de L’amitié chez Aristote : une mesure de l’affect, Kimé, septembre 2014. Elle est membre du Centre de recherches en Arts et Esthétique (C.R.A.E.), http://cr.ae.free.fr.
Aymen Hacen, Rubrique « Cœurrespondances »
Aymen Hacen, poète, prosateur, essayiste, traducteur et chroniqueur littéraire. Enseignant de langue, civilisation et littérature françaises à l’École Normale Supérieure de Tunis, il considère que l’enseignement et l’engagement politique sont indissociables de l’écriture.
Michel Lambert, Rubrique « Écographies affectives » : « L’hiver en hiver »
Michel Lambert a obtenu le prix Rossel pour Une vie d’oiseau (Paris, 1988) et le prix triennal du roman pour La Maison de David (Monaco, 2003). Il a publié de nombreux recueils de nouvelles dont Les Préférés (Paris, 1995), Soirées blanches (Monaco, 1998), Une touche de désastre (Monaco, 2006), grand prix de la nouvelle de la SGDL, Dieu s’amuse (Paris, 2011), Le Métier de la neige (Paris, 2013) et Quand nous reverrons-nous ? (Paris, 2015). Il a été traduit dans une quinzaine de langues. Il est le cofondateur du prix Renaissance de la nouvelle. Une monographie lui a été consacrée : Michel Lambert – les âmes fêlées par Emilie Gäbele (Avin, 2013). Ses textes ont été traduits dans une quinzaine de langues. Une de ses nouvelles figure dans le prestigieux recueil « Best European Fiction 2016 » (Dalkey Archive Press, Victoria, États-Unis).
Răzvan Enache, Rubrique « Le marché des idées » : « Le beau visage du nihilisme »
Răzvan Enache est maître-assistant à l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu et docteur en sociologie de l’université « Babeș-Bolyai » de Cluj-Napoca. Auteur des livres : Structura ficțiunilor comunitare (La Structure des fictions communautaires), Cluj-Napoca, 2007, Relațiile publice din perspectivă sociologică (Les Relations publiques en perspective sociologique), Cluj-Napoca, 2009, ainsi que de plusieurs articles sur la littérature et sur la sociologie.
Ger Leppers, Rubrique « Le marché des idées » : « Michel Houellebecq, Soumission, Paris, Flammarion, 2015. »
Ger Leppers a fait des études de philosophie et psychologie à Nancy et de langues et littératures française et portugaise à Amsterdam. Enseignant à l’Université d’Amsterdam, fonctionnaire au Conseil de l’Union européenne à Bruxelles. Critique littéraire au quotidien Trouw à Amsterdam depuis 2004. Auteur d’essais, notamment sur Cioran et sur la tauromachie, dans différentes publications néerlandaises, allemandes, françaises, roumaines et colombiennes.
Joan Manuel Marín Torres, Rubrique « Le marché des idées » : « Charo Crego, Lo que no te conté de Francis Bacon, Madrid, Abada editores, 2015. »
Joan Manuel Marín Torres est docteur en philosophie et professeur d’Esthétique et Théorie des Arts à l’Université Jaume I de Castellón, en Espagne. Il s’intéresse à la philosophie tragique, à la pensée libertine et au dandysme, ainsi qu’à l’art contemporain et au design industriel. Il est l’auteur de plusieurs essais et d’une
cinquantaine d’articles scientifiques. Parmi ses livres on peut citer : Agnosticismo y estética : estudios schopenhauerianos, Valencia, Nau Llibres, 1985 ; E. M. Cioran. L’escriptura de la llum i el desencant, 7 i mig, Valencia, 1999 ; Cioran o el laberinto de la fatalidad, Valencia, Institució Alfons el Magnànim, 2001 ; il est en outre co-auteur de Historia del diseño industrial, Madrid, Cátedra, 2005 et de El diseño industrial en Espana, Madrid, Cátedra, 2010.