Résumé : L’ennui peut s’appréhender comme un état conjoncturel, comme une disposition psychologique, une forme d’intériorité mentale, mais il peut aussi s’inscrire dans une perspective qui se saisit de lui comme témoin historique et socio-politique. Depuis le loisir des grecs, où la liberté de ne pas avoir à se soucier des contraintes économiques ouvrait sa place à la contemplation, l’ennui a fini par désigner une vacuité liée à la condition bourgeoise, à la rêverie tranquille ou inquiète. Mais il a, ce qu’on oublie trop facilement, un pendant ouvrier. Il est alors l’indice d’une aliénation, ou d’une dépossession par le travail contraint, qui prive l’ennui de toute référence à une identité assumée ou assumable.