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Classiques Garnier

Présence objective des corpus et processus subjectif de rememory selon Jean-Marie Volet et Margaret Busby

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Africana. Figures de femmes et formes de pouvoir
  • Auteur : Cossy (Valérie)
  • Résumé : À partir de la bibliothèque de littérature francophone féminine subsahariennes constituée par Jean-Marie Volet, cet article interroge le tournant épistémologique qui a marqué l’étude de la littérature et des sciences humaines à la fin du XXe siècle. Cette collection est mise en perspective grâce à une comparaison avec les anthologies de Margaret Busby parues en 1992 et 2019. La démarche de l’un et de l’autre est éclairée par les commentaires de Toni Morrison sur son roman Beloved (1987).
  • Pages : 271 à 288
  • Collection : Rencontres, n° 539
  • Série : Francophonies, n° 2
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406127352
  • ISBN : 978-2-406-12735-2
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12735-2.p.0271
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/05/2022
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Histoire littéraire, histoire, fiction, Afrique, anthologie, femme, gender
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Présence objective des corpus
et processus subjectif de rememory

selon Jean-Marie Volet et Margaret Busby

Létude de textes écrits par des auteurs et des autrices africains ou afro-descendants impose comme une évidence la nécessité dinterroger la littérature hors des cadres nationaux, selon une dimension globalisée, telle quelle a été marquée par les legs problématiques de lhistoire coloniale. Ce caractère transversal a été conforté et motivé en 2018 par larrivée à la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne (BCUL) dune bibliothèque et darchives légués par lenseignant-chercheur dorigine suisse Jean-Marie Volet, au terme de sa carrière académique passée à lUniversité de Western Australia à Perth. Au moment de prendre sa retraite, celui-ci a en effet décidé de transmettre à la BCUL ses 3500 volumes de littérature africaine francophone subsaharienne écrite par des femmes ainsi quune riche documentation épistolaire nourrie de ses échanges avec les écrivaines. Les imprimés ont rejoint la collection de littérature francophone du Sud de la BCUL qui, depuis plus de trente ans, na cessé de croître, tandis que les lettres et autres documents liés au fonds ont été classés au département des manuscrits. Ces ressources impressionnantes sont à lorigine du projet Africana. Celui-ci a aussi suscité une exposition, accompagnée dune plaquette où Jean-Marie Volet livre un texte expliquant lorigine et la constitution de sa collection. Il samuse notamment de son caractère apparemment étrange car, il sen doute, elle risque dêtre vue par certains comme ayant le tort de ne pas intégrer spontanément les catégories traditionnelles de nos enseignements ou de nos bibliothèques universitaires :

Ma carrière académique – tout comme lacquisition des livres et documents accumulés au cours des années – sinscrit dans le prolongement de cette découverte, en terre anglophone, de tout un pan de la littérature dexpression française rejetée à la marge de lunivers littéraire qui métait familier. Dans ce 272contexte, lémergence des romancières et femmes de lettres dorigine africaine, leur succès sur le plan de lédition, en France et dans le monde, lintérêt de leurs écrits, leur entrée dans les programmes denseignement universitaire, le degré dautonomie du lecteur par rapport au texte… sont autant déléments qui mont incité à me lancer dans une exploration multidirectionnelle dun univers mal connu1.

Sa collection et, partant, la reconnaissance en général de nouvelles façons dinstituer, en termes universitaires, létude de la littérature en français est donc passée par un pays anglophone. Lui, lenseignant suisse francophone, a « découvert » en Australie dès les années 1980 une littérature écrite dans sa propre langue, qui, jusque là, avait échappé, en quelque sorte, à sa vision du monde, et aurait continué dy échapper sil navait pas été contraint de lire Mongo Beti ou Mariama Bâ par la Prof. Ormerod, cheffe du département de littérature française dans lequel il sétait inscrit, à lautre bout du monde, au cœur dun environnement linguistique qui nétait pas le sien.

Le « fonds Jean-Marie Volet » est représentatif du tournant épistémologique qui a affecté les universités dans le contexte des sciences humaines et de la littérature à la fin du xxe siècle. Cette collection impose comme une évidence tangible le fait que létude de la littérature issue dAfrique ou de lAfro-diaspora sest avérée inséparable de la déstabilisation de nos habitudes académiques de classement des études littéraires en fonction des cadres nationaux ou, pour ce qui est de la littérature dexpression française, dun centre normatif parisien : demblée elle impose une approche critique de la constitution des canons en fonction desquels sest déployé lenseignement littéraire en Occident au cours du xxe siècle, et au sein desquels une langue nationale était censée correspondre à une littérature nationale. Alors que les auteurs de Suisse romande nen finissent pas de réfléchir à leur sort inconfortable en termes de centre et de périphérie dont les conséquences pèsent sur le travail et la réception2, la situation des auteurs africains soulève des questions plus fondamentales encore, voire douloureuses, par rapport 273au potentiel effaçant dune littérature française dite universelle. Les conditions dexistence de leur écriture, celles de la publication et de la réception des écrivaines et écrivains africains sont marquées par les legs dune histoire globale dont les déséquilibres ont affecté le rapport à la langue et à la littérature françaises. Parmi ces legs figurent évidemment lexploitation du continent africain par lEurope par le biais de la traite et de la domination coloniale ; à cela sajoute, sur le plan culturel, un dialogue demeuré inégal entre doxa métropolitaine et, dautre part, une diversité de langues et de cultures autochtones longtemps restées invisibles ou caricaturées selon le prisme universaliste européo-centré.

La littérature francophone dAfrique existe comme le fruit dune hybridation culturelle non choisie, que les acteurs et actrices qui lont subie décrivent aujourdhui eux-mêmes, selon des termes qui se veulent les leurs, par le biais de langues-monde léguées par le passé colonial. Écrire, lorsquon est un auteur africain implique donc denvisager lAfrique et lEurope dans leur rapport historique problématique de dépendance mutuelle et dinégalité, que ce soit sur les plans matériel ou symbolique. Comme le rappelle Léonora Miano :

Les peuples établis depuis des millénaires dans la région du monde appelée Afrique nont découvert ce terme quen faisant connaissance avec les Européens. (Miano, 2019, p. 25)

Une situation historique définie par lhybridité, les rapports coloniaux et des réalités diversement perçues sur le territoire du continent africain dessinent ainsi les contours dun corpus littéraire spécifique, « francophone subsaharien », en sappuyant sur dautres critères que ceux qui subdivisent la littérature européenne en objets détude en fonction de littératures dites nationales. En outre, répondant aux mêmes interrogations empiriques et historiques sur les conditions daccès à la littérature, le genre féminin/masculin fut aussi à Perth, pour Jean-Marie Volet comme pour ses collègues anglo-américains, une catégorie centrale de lanalyse et de lhistoire littéraire. La constitution de corpus par le biais de listes bibliographiques ou danthologies simposait alors comme une évidence, sur la base des critères historicisés de la culture et du genre, 274afin dinscrire les œuvres de manière durable et si possible égalitaire dans un panorama littéraire qui se voulait plus inclusif et plus représentatif.

Pour une enseignante féministe en littérature anglaise de ma génération, ayant accompli études et doctorat entre 1984 et 1996, la question sest constamment posée de savoir ce qui est préférable : que les œuvres de femmes intègrent les anthologies et histoires littéraires « classiques » après avoir été « redécouvertes » ou, au contraire, quon les maintienne « à part » pour interroger les biais androcentrés qui avaient présidé à lélaboration des corpus « universels ». Pour ce qui est des auteurs et des autrices africaines, ainsi que le suggère Jean-Marie Volet, « découvrir » leurs œuvres signifiait, pour sa génération universitaire suisse, découvrir aussi quon les avait ignorés et, par conséquent, jeter un regard critique sur les implications de ces zones aveugles produites et transmises en tant que telles par nos enseignements. Cette prise de conscience par rapport à un regard européo-centré faisait certes écho à la prise de conscience féministe au sujet du caractère androcentré de la littérature européenne classique, mais elle avait de quoi déstabiliser plus fondamentalement encore lalternative entre présence ou absence des canons nationaux car elle remettait plus directement en cause la pertinence même de tels ensembles naturalisés par lusage. Tandis que des féministes comme Elaine Showalter aux États-Unis ou Janet Todd en Grande-Bretagne se sont interrogées, dès les années 1970, sur linclusion des femmes dans le cadre des canons nationaux de la littérature3, il est évident que les questions soulevées par lexistence et la reconnaissance des autrices africaines allaient sinscrire dans un cadre émancipé de tels repères canoniques, inopérants pour décrire des corpus littéraires élaborés au gré de processus liés à limpérialisme, à lexil et à la perte, au fil des colonisations et décolonisations subies par toutes les régions du continent africain.

Étudier les œuvres des autrices et auteurs africains nécessite une perspective globale et empirique. Cela exige également de rendre explicites 275les termes en fonction desquels sont élaborés les corpus. En outre, ceux-ci impliquent un rapport diversifié avec des langues et des littératures, ce qui se reflète dans la structure des bibliographies et anthologies consacrées aux femmes, dont lAfrique constitue un dénominateur commun plutôt quun récit national aux contours attendus. Il a donc fallu apprendre à changer de perspective ou à se décentrer intellectuellement, ce qui a imposé, sur le plan de la recherche, la prise en compte de nouvelles catégories empiriques, à limage de celle rendue explicite par Jean-Marie Volet dans le titre de sa thèse : « romancières dexpression française de lAfrique sub-saharienne4 ». Rien nest pris pour acquis car rien ne va de soi dans le choix de son corpus en 1993, clairement articulé en fonction de trois facteurs : un commun recours au français « hors-sol », un lieu (Afrique sub-saharienne), et un genre (féminin).

La manière de constituer des sélections et des anthologies pour la littérature issue dAfrique et de lAfro-diaspora ne répond donc pas tout à fait aux questions qui se sont posées initialement à la critique littéraire féministe européenne ou états-unienne à partir de ce qui était devenu limplicite des études littéraires, les corpus nationaux. La bibliographie de Beverley Ormerod et Jean-Marie Volet – Romancières africaines dexpression française. Le sud du Sahara (1994) – ou, publiée deux ans plus tôt, lanthologie constituée par Margaret Busby – Daughters of Africa (1992) – existent en fonction de lignes de filiation qui ne correspondent pas aux critères universitaires dont nous avions hérité jusquici, car leur contenu se déploie indépendamment de lélément aveuglément fourni, jusquà la fin du xxe siècle, par le lien national, traditionnellement central et structurant. Le lien entre corpus danthologie et création littéraire sy veut également différent. Quil réponde initialement à la nécessité académique délaborer un ensemble de références afin de nourrir des enseignements comme la bibliographie de Volet et Ormerod ou quil entende constituer, comme lanthologie de Busby, « a contribution to the cause of reclaiming for women of African descent a place in literary history » (Busby, 1992, p. xxx), ces deux ouvrages engagent aussi de plus larges enjeux. Les échanges épistolaires désormais conservés à la BCUL entre Jean-Marie Volet et les romancières recensées – quil a souvent rencontrées – tout comme les propos de Margaret Busby suggèrent limportance 276existentielle de telles bibliographie ou anthologie pour lexistence de la littérature auprès des autrices elles-mêmes. Leurs ouvrages revendiquent dailleurs un rôle de stimulation des œuvres à venir et celui tout aussi nécessaire de légitimation et de renforcement dune présence féminine africaine en mal de visibilité. Comme le dit clairement Busby en préface de son anthologie de 1992, si leffet de celle-ci est dinciter dautres femmes dorigine africaine à en faire plus, « it will have achieved its purpose » (ibid.). Dans la deuxième livraison de lanthologie récemment parue, élaborée en fonction des mêmes choix éditoriaux, mais offrant une sélection complètement différente de la première – New Daughters of Africa (2019) –, Busby cite la poète Philippa Yaa de Villiers, dont les propos sont émotionnellement et symboliquement représentatifs des réactions engendrées par la première édition :

We were behind the bars of apartheid – we South Africans had been cut off from the beauty and majesty of African thought traditions, and Daughters of Africa was among those works that replenished our starved minds, connecting us to the Black planet of memory and imagination, correcting the imbalance of information and awakening our own potential in ourselves… (Busby, 2019, p. xxix)

« Nous vivions derrière les barreaux de lapartheid – nous Sud-Africains avions été coupés de la beauté et de la majesté des traditions africaines de pensée, et Daughters of Africa a fait partie de ces œuvres qui ont rassasié nos esprits affamés, en rétablissant le lien avec notre planète de la mémoire et de limagination noire, en rectifiant le déficit de connaissance et en ébranlant en nous nos propres ressources… » [Nous traduisons]

Busby évoque également la valeur dinspiration de Daughters of Africa telle quelle a pu se mesurer à travers quelques effets concrets : son anthologie est ainsi devenue un cadeau voire un talisman partagé à plus de quarante exemplaires par les membres de lassociation « FEMRITE » des écrivaines ougandaises ; elle a également libéré la romancière somalienne Nadifa Mohamed du blocage qui la paralysait jusque-là face à la page blanche5. Il nest pas surprenant dès lors que la préface de 2019 sinscrive dans lexacte continuité des propos tenus dans lédition de 1992, Busby se déclarant toujours aussi déterminée – et même « undeterred » – dans son projet de « prosélytisme » pour une visibilité toujours plus grande des écrivaines dorigine africaine (Busby, 2019, p. xxxii).

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Critère danalyse évident en Australie comme dans le monde anglophone en général, cest sur les conseils de sa professeure Beverley Ormerod que Jean-Marie Volet va, dans le cadre de sa recherche doctorale, consacrer spécifiquement ses travaux à des « œuvres de femmes », catégorie pertinente à Perth mais franchement « outlandish » dans la Suisse francophone des années 1980-1990, où le genre féminin/masculin peinait encore à sinscrire dans larsenal critique des études universitaires. Lanthologie originale consacrée par Doris Jakubec en 1990 aux Femmes écrivains suisses de langue française, par exemple, est révélatrice de la difficulté daborder alors la littérature sous langle du genre féminin/masculin en Suisse romande : au moment même où la critique de type genre ou féministe est en plein essor dans le monde anglophone, une bonne partie des autrices à qui on avait donné la possibilité de sexprimer sur la nature de lentreprise en rejetaient en fait les prémisses – dans la seconde édition publiée en 1997 – au nom dun idéal neutre et universel de la littérature. Alors que la dimension androcentrique de celle-ci était en voie avancée de déconstruction dans le monde anglo-saxon, lhypothèse de lécriture féminine évoquait souvent, auprès des écrivaines romandes, la crainte dêtre stigmatisée ou tenue à lécart du registre légitimant. Pour illustrer ce long soupçon francophone vis-à-vis du genre comme catégorie danalyse, il suffit de se souvenir, par exemple, du Rire de la Méduse (1975) dHélène Cixous, dont le geste révolutionnaire de déstabilisation générale de lédifice symbolique est longtemps demeuré marginalisé en français, alors même que lessai a immédiatement et durablement marqué les études littéraires en anglais6. Or, en porte-à-faux avec lopinion alors dominante dans la critique académique francophone, Volet produit en 1994, avec Beverley Ormerod, le plus naturellement du monde serait-on tenté de dire, une bibliographie consacrée aux Romancières africaines dexpression française, loin de la France et de la Suisse romande, dans le cadre dune université australienne.

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Sappuyant sur des contacts établis par courrier, renforcés parfois par des rencontres, au gré de nombreux voyages effectués pour dénicher et se procurer des ouvrages distribués exclusivement en Afrique, la bibliographie compilée avec Beverley Ormerod recense les romancières francophones sur une période de production relativement brève denviron vingt ans : « Lactivité littéraire féminine remonte grosso modo à lépoque des Indépendances » et prend son envol à partir du « milieu des années soixante-dix » (Ormerod et Volet, 1994, p. 11 et p. 12). Chronologie, rapport à léducation, à lexpression écrite et à la vie publique discriminent ainsi de manière évidente le rapport des femmes et des hommes subsahariens à la littérature. Le projet dOrmerod et Volet répond dans un premier temps aux exigences de lenseignement :

[] le Département de français de lUniversité de Western Australia offre depuis plusieurs années un cours consacré aux littératures africaines. Pendant plusieurs années seuls des auteurs masculins ont figuré au programme. Larrivée des romancières africaines [] sur la scène littéraire rendait nécessaire une révision des auteurs étudiés. La décision dintroduire quelques romans écrits par des femmes sest heurtée cependant à de nombreuses difficultés dordre pratique : livres inaccessibles, coûteux, épuisés, non répertoriés… Les femmes dAfrique qui avaient été maintenues à lécart du monde littéraire à lépoque coloniale pour des raisons socio-culturelles semblaient vouées à devoir subir le même sort une seconde fois pour des raisons socio-économiques ou dintendance. (Ormerod et Volet, 1994, p. 13)

Pour parvenir à leurs fins et établir un programme renouvelé de leurs cours, Ormerod et Volet se sont donc efforcés de combler les lacunes qui rendaient impossible et même invisible la production littéraire des femmes. Mais ce qui a commencé pour eux comme une mise à jour dun programme denseignements donne vite lieu à des échanges dont les implications dépassent le cadre pédagogique initial.

Ainsi la recherche sur les femmes dAfrique et leur filiation littéraire sopère au contact des paradigmes critiques plus généralement prisés par le monde académique anglo-américain à la fin du xxe siècle, tout en ouvrant une catégorie, celle des œuvres de femmes, que lon hésite encore à considérer en tant que telles en Europe francophone. Ce croisement fertile, Volet en a fait profiter ses recherches en établissant des questionnaires quil envoyait aux autrices pressenties et qui devaient servir de base aux notices consacrées à chacune des 73 écrivaines décrites 279dans la bibliographie de 1994. Plus complets que ce que pouvaient en retenir les pages définitives du livre, ces questionnaires fournissent une évidence empirique de la pertinence dune qualification critique de la littérature des femmes. Recueillis en 1991 auprès décrivaines nées entre 1920 et 1970, envoyés et retournés sous enveloppes souvent superbement timbrées, juste avant la dématérialisation des échanges par la communication internet, ces questionnaires scrupuleusement remplis ont souvent débouché sur des correspondances chaleureuses et des rencontres entre Jean-Marie Volet et les autrices africaines lors de ses nombreux périples entre lAustralie et lAfrique, dont il revenait immanquablement les valises garnies de livres, parfois aux dépens de ses effets personnels abandonnés sur place.

Les questionnaires rendent compte notamment de la manière évidente dont les écrivaines perçoivent elles-mêmes le genre féminin/masculin comme un élément structurant de leur rapport à lécriture : célébré ou subi, les autrices interrogées témoignent de la manière dont, en effet, les assignations de sexe et leur position en tant que femmes ne sauraient être dissociées de leur créativité, de leurs possibilités dexpression et de publication. Elles expriment souvent un souci de formuler un vécu féminin encore absent de la mémoire écrite collective, une nécessité de partager une perspective faisant défaut à la littérature écrite.

Bien que se limitant à des œuvres écrites en français, la façon dont Volet et Ormérod posent la question depuis Perth, en fonction du genre féminin/masculin, fait écho à la première version de lanthologie publiée en 1992 par Margaret Busby, dont le titre intégral ambitieux se veut programmatique : Daughters of Africa, An International Anthology of Words and Writings by Women of African Descent from the Ancient Egyptian to the Present. Cette anthologie diffère, par son ampleur, du projet francophone de Volet et Ormérod, car Busby choisit de réunir des autrices du monde entier, quelle que soit leur langue décriture, mais ayant toutes lAfrique en commun, comme point dancrage ancestral ou comme lieu de vie, entre lÉgypte ancienne et le moment présent. Le livre dOrmerod de 1985 – An Introduction to the French Caribbean Novel – figure dailleurs dans la bibliographie de lanthologie (Busby, 1992, p. 1048), signe de la parenté intellectuelle entre lapproche de Busby et celle dOrmerod et Volet. Au sein de lanthologie de Busby, langlais est considéré comme une langue dusage pour des textes en provenance non seulement de 280plusieurs aires anglophones mais aussi de régions francophones, hispanophone ou lusophone, traduits en anglais. En fin de volume, Busby fournit une « Liste géographique des auteurs (par région de naissance et/ou association ou lieu de résidence) » (Busby, 1992, p. 1064), fort intéressante car elle propose, de fait, une nouvelle forme de filiation et de classement. En effet, lanthologie de Busby impose de considérer le rapport à la langue comme secondaire au sein dune nouvelle manière de cartographier la littérature, ce qui savère troublant pour celui ou celle qui est habitué à considérer la langue originale décriture comme caractéristique fondamentale dun écrivain.

Ainsi les autrices recensées dans lanthologie apparaissent dans un ordre chronologique, en fonction de leurs pays de résidence, regroupés en quatre aires continentales : Afrique & Caraïbes, Amérique latine & Amérique du Sud ; Europe ; Amérique du Nord. Même si la bibliographie des autrices indique les titres en langue originale, la liste des « Copyrights and Permissions » (Busby, 1992, p. 1069) suggère que léditrice sest appuyée sur des textes déjà disponibles en anglais, indépendamment des versions originales en français, espagnol ou portugais citées en bibliographie. Et, à moins que la traduction ne revête quelque signification personnelle, elle nest pas thématisée dans la présentation des extraits. À propos de Maryse Condé, par exemple, Busby se contente de mentionner entre parenthèse que ses œuvres ont été traduites par son mari Richard Philcox7. Les enjeux de la traduction des textes ne sont dailleurs pas thématisés dans lintroduction générale car limportance, voire lurgence, en 1992, est clairement ailleurs :

The former “invisibility” of women writers of African descent makes it significant that many early anthologies of African writing or African-American, for example, seemed able to find only a few, if any, women they deemed worthy of inclusion. The under-representation is only in recent years being corrected. (Busby, 1992, p. l-li).

« L“invisibilité” des écrivaines dorigine africaine qui a prévalu jusquici doit nous fait réfléchir au fait que bon nombre des premières anthologies décrits africains ou afro-américains, par exemple, prétendaient ne trouver que très peu ou même point de femmes jugées dignes dêtre répertoriées. Ce nest que depuis quelques années que leur sous-représentation est en voie dêtre rectifiée. » [Nous traduisons]

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Ce propos sur lurgence du recensement dœuvres de femmes reflète parfaitement les propos de Volet et Ormerod sur la situation francophone.

Le lien entre le recensement des textes de femmes et, dautre part, la possibilité dun déploiement de la création en écriture est demblée envisagé comme un aspect fondamental de telles entreprises qui, les autrices en témoignent, dépassent largement le cadre pédagogique initial. Le lien entre histoire littéraire et écriture, entre présence objective des sources et essor dune représentation renouvelée, prise en charge par des subjectivités revendiquant justesse et justice, correspond à une dynamique inhérente à la constitution de ces corpus. Les sources mises à disposition par les travaux de Busby ou Ormérod et Volet nourrissent la création de manière directe en répondant aux questions que peuvent se poser les autrices africaines ou afro-descendantes par rapport aux représentations conventionnelles et inadéquates qui les ont longtemps minées et réduites au silence.

Un détour par les propos tenus par Toni Morrison permet de mesurer limportance de la mise à disposition des sources pour lessor de lécriture. Dans un article datant de 2002 intitulé « The Foreigners Home », celle-ci évoque limpact qua eu sur elle, alors jeune écrivaine, la lecture du roman Le Regard du roi (1954) de lauteur ghanéen Camara Laye. Ce roman lui révèle un rapport symbolique à lAfrique inédit et nécessaire, distinct des représentations états-uniennes ou britanniques dans lesquelles elle ne se reconnaissait pas. Lisant Camara Laye en traduction anglaise (The Radiance of the King, 1965), Toni Morrison y découvre « un vocabulaire sophistiqué avec un répertoire dimages complètement africain, doù entamer une négociation discursive avec lOccident8 ». Un tel répertoire se distingue des représentations binaires et simplistes fournies jusquici par la culture anglo-américaine dominante : « Roman après roman, nouvelle après nouvelle, lAfrique était simultanément innocente et corruptrice, sauvage et pure, irrationnelle et sage9. » Les représentations existantes ne permettaient donc pas dimaginer un rapport égalitaire de « négociation » culturelle. LAfrique vue des États-Unis était profondément tributaire, selon Toni Morrison, de limage renvoyée par la charité des 282églises chrétiennes. Le plateau de la collecte servant à recueillir les dons en pièces de monnaie des paroissiens nord-américains en vient ainsi à symboliser sous sa plume lAfrique elle-même : « récipient en attente de recevoir nimporte quelle petite monnaie de bronze ou dargent que limagination daignait y déposer10 ». Cette Afrique définie par les pratiques de la paroisse imaginaire de Morrison correspond dailleurs à celle élaborée par les écoles du dimanche protestantes du canton de Vaud. Leur usage de la collecte pour « aider lAfrique » a aussi participé à cette dynamique décrite par Toni Morrison dans le cadre des États-Unis, puisquil sagissait dune construction symbolique déséquilibrée, aboutissant « à entretenir un large éventail dimpératifs littéraires et/ou idéologiques » au profit des Occidentaux11.

Cette révélation par la lecture – telle que présentée par Morrison – est significative du rôle déterminant quont pu jouer les recensements pratiqués par Busby ou Volet et Ormérod. Il fallait, pour que des œuvres décrivaines africaines et afro-descendantes puissent exister, récupérer et même dénoncer les représentations inadéquates de lAfrique qui avaient dominé le paysage culturel du xxe siècle :

Although the sound of the name, “Africa”, was beautiful it was riven by the complicated emotions with which it was associated. [] Africa was both ours and theirs ; intimately connected to us and profoundly foreign. (Morrison, 2019, p. 8)

« Même si le nom, “Afrique”, résonnait de manière magnifique, il était déchiré par les émotions compliquées dont il était inséparable. [] LAfrique était en même temps nôtre et leur, intimement partie de nous-mêmes et profondément étrangère. »

En 2019, dans Ce quil convient de dire, Léonora Miano fait écho à laporie mise à nu par Morrison :

Afrique est le nom dun espace modifié Par lEurope pour lEurope

Afrique est le nom de frontières méticuleusement tracées Pour éventrer des cultures Mutiler des peuples Étouffer dans lœuf Les plus petites possibilités

Afrique est le nom des violences perpétrées hier et aujourdhui

Afrique est le nom De la férocité De la cupidité européennes

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Afrique est un rouage de la machine Europe

Afrique est le nom Dune commotion Dun indicible bouleversement

Afrique est le nom de mille pertes

Afrique est le nom dune terre dont les habitants ne sont que les locataires

Afrique est lerrance intérieure (Miano, 2019, p. 30-31)

Les travaux de chercheurs comme Volet ou déditrices comme Busby ont soutenu la volonté des autrices africaines de fixer elles-mêmes les termes pour décrire limbroglio culturel de lhéritage colonial et esclavagiste en faisant résonner des voix forcément subversives parce que sans précédent.

Dans un fragment non daté intitulé « Rememory » – lié à la réception de son inoubliable roman Beloved (1987) – Morrison évoque avec humour mais profondeur sa condition décrivaine afro-américaine. Pour elle la question de la race et celle de lappartenance culturelle sont, pour le meilleur et pour le pire, inévitables, alors même que bien des lecteurs peinaient encore à en prendre la mesure à la fin du xxe siècle :

It is both an intolerable and inevitable condition. I am asked bizarre questions inconceivable if put to other writers : Do you think you will ever write about white people ? Isnt it awful to be called a black writer ? (Morrison, 2019, p. 322)

« Cest une condition simultanément intolérable et inévitable. On me pose des questions bizarres, quil serait inimaginable de soumettre à dautres écrivains : pensez-vous que vous écrirez un jour sur des personnages blancs ? Est-ce que ce nest pas horrible de se faire qualifier décrivain noir ? » [Nous traduisons]

De fait, la question de la race est tout simplement impossible à ignorer, car cela équivaudrait, pour Morrison, à sinterdire de penser à la condition la plus déterminante de sa vie et de son existence sociale12. Au terme de la « négociation » appelée de ses vœux, ce nest plus à elle de sadapter mais à certains lecteurs de revoir leurs attentes aveuglément universalistes. Elle nest pas en position de soffrir le luxe, en quelque sorte, dadopter une attitude dobservatrice « cool et objective » (Morrison, 2019, p. 323) à limage de ceux qui lui posent ce type de questions. Et elle ne saurait réduire lenjeu de la race à un objet dérudition car elle est écrivaine, non chercheuse, se décrivant comme « assoiffée décrire 284sur les gens13 ». Cest en cela que le roman de Camara Laye, dans le cas de Morrison, ou les recensements pratiqués par Ormérod et Volet ou Busby savèrent dune importance capitale pour celles et ceux qui créent la littérature, et non seulement pour le commentaire sur la littérature : anthologie et bibliographie participent au renouvellement nécessaire et décentralisé des représentations que des autrices comme Toni Morrison recherchaient depuis les années 1970.

Le roman Beloved contribue à ébranler les certitudes de lidéal objectif, à en renégocier les absences de lhistoire érudite. Lécriture de Toni Morrison repose sur un type de mémoire que lon pourrait qualifier de subjective puisquelle se rapporte à la création littéraire plutôt quà un savoir objectif. Mais sa manière de définir mémoire (ou travail mémoriel) et histoire (en général écrite par les instances dominantes et légitimes du savoir) suggère quelle voit une différence politique entre les deux types décriture (fiction et histoire), plutôt quune opposition formelle :

First was my effort to substitute and rely on memory rather than history because I knew I could not, should not, trust recorded history to give me the insight into the cultural specificity I wanted. Second, I determined to diminish, exclude, even freeze any (overt) debt to Western literary history. (Morrison, 2019, p. 323)

« Dabord, mon effort consista à remplacer lhistoire par la mémoire et à mappuyer sur cette dernière parce que je savais que je ne pouvais pas, que je ne devais pas, me fier à lhistoire établie pour me permettre daccéder à la spécificité culturelle qui mintéressait. Deuxièmement, jai décidé de réduire, dexclure, même de bloquer toute dette (délibérée) à lhistoire littéraire occidentale. » [Nous traduisons]

Un rapport subjectif à lhistoire et une méfiance vis-à-vis des productions symboliques dominantes se révèlent la seule manière décrire lhistoire racialisée des siens. Morrison affirme le caractère incontournable de lexpérience vécue, alors quà la fin du xxe siècle, la question de la race est encore, pour certains, exclue du monde du savoir. Toni Morrison décide ainsi de compter sur dautres sources – ne relevant pas de lhistoire au sens académique du terme – et dassumer sa subjectivité, entre autres avec lusage de la première personne : « mon propre héritage littéraire de récits desclaves14 ». Ainsi, plutôt que des sources 285matérielles trop rares, lécrivaine recherche « un accès à de tels territoires par limaginaire », faisant en sorte que « la mémoire se métamorphose en métaphores et en ressources dimages15 ». La mémoire est inséparable dune dynamique de création littéraire et dune réécriture de lhistoire, ce quelle synthétise avec le concept de « rememory » qui signifie le récit de ce que lHistoire « objective » na justement pas encore raconté. À propos de son roman historique Beloved, qui relate une histoire de lesclavage vécue de lintérieur, Morrison détaille le processus de son écriture des faits par le biais de la fiction, de sa construction du passé et du rôle de sa mémoire de romancière :

History versus memory, and memory versus memorylessness. Rememory as in recollecting and remembering as in reassembling the members of the body, the family, the population of the past. And it was the struggle, the pitched battle between remembering and forgetting that became the device of the narrative. The effort to both remember and not know became the structure of the text. (Morrison, 2019, p. 324)

« Histoire contre mémoire, et mémoire contre absence de mémoire. “Rememory” comme on dit recueillir, et remembrer comme on dit remettre ensemble les membres du corps, de la famille, de la population du passé. Et cétait la tension, le point de friction entre le souvenir et loubli qui est devenu le principe du récit. Leffort à la fois de se souvenir et de ne pas savoir est devenu le principe structurant du texte. » [Nous traduisons]

La romancière doit recomposer ou réassembler des personnages oubliés, caricaturés ou carrément démembrés par la mémoire collective des récits historiques légitimes. Cest pourquoi, dans la perspective de Morrison, les silences et les ellipses sont également nécessaires à la constitution des personnages afin de mettre en évidence ce qui est absent des récits hégémoniques. Il ny a pas, dit Morrison, de compte rendu historique ou journalistique fiable concernant les personnages quelle tient à faire revivre :

[] because they are living in a society and a system in which the conquerors write the narrative of their lives. They are spoken of and written about – objects of history, not subjects within it. (Morrison, 2019, p. 324)

« [] parce quils vivent dans une société et dans un système au sein desquels les conquérants écrivent le récit de leurs vies. On parle deux et on écrit sur eux – objets dhistoire, non pas sujets dans lhistoire. » [Nous traduisons]

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Lécriture des intrigues implique donc nécessairement, pour la romancière puis pour ses lecteurs, dinterroger la constitution de la mémoire, ses silences et ses déformations. Lécart avec lhistoire existante, implicite dans le processus de « rememory », savère nécessaire pour compléter un savoir collectif lacunaire à cause des rapports de pouvoir qui forgent lHistoire, notamment celle des Africains et des Afro-descendants. Dans le nouveau contexte globalisé des littératures plurielles, écrire ne saurait consister à se souvenir sans réfléchir aux conditions du souvenir : écrire consiste au contraire à occuper une place restée trop longtemps interdite et inaccessible, pratiquement et symboliquement, pour les femmes africaines et afro-descendantes. Écrire, dit encore Toni Morrison, cest une façon dagir16.

Les réflexions et initiatives de cette grande romancière à propos de son roman historique Beloved permettent de saisir la portée des travaux de Jean-Marie Volet ou Margaret Busby, car la collection du premier et les anthologies de la seconde ont fait bouger les lignes de nos habitudes critiques sur les langues et sur le partage des genres entre lhistoire et la fiction. Et ils participent encore à la transformation de nos savoirs en inscrivant les œuvres des écrivaines africaines et afro-descendantes au cœur de pratiques académiques qui, sans cela, seraient demeurées inadéquates ou sourdes à ces voix féminines.

Valérie Cossy

Université de Lausanne

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Bibliographie

Busby, Margaret (éd.), Daughters of Africa, An International Anthology of Words and Writings by Women of African Descent from the Ancient Egyptian to the Present, London, Jonathan Cape, 1992.

Busby, Margaret (éd.), New Daughters of Africa, Oxford, Myriad Editions, 2019.

Cixous, Hélène, Le Rire de la Méduse et autres ironies, Préface de Frédéric Regard, Paris, Galilée, 2010 [1975].

Jacubek, Doris, en collaboration avec Maggetti, Daniel, Solitude surpeuplée, Femmes écrivains suisses de langue française, Nouvelle édition, Lausanne, Éditions den bas, 1997.

Miano, Léonora, Ce quil faut dire, Paris, LArche, 2019.

Morrison, Toni, Mouth Full of Blood : Essays, Speeches, Meditations, London, Chatto & Windus, 2019 [en particulier le texte de 2002 intitulé « The Foreigners Home », p. 5-13, et linédit non daté intitulé « Rememory », p. 322-325].

Morrison, Toni, Beloved, London, Vintage, 1997 [1987].

Volet, Jean-Marie, La Parole aux Africaines, ou lidée de pouvoir chez les romancières dexpression française de lAfrique sub-saharienne, Amsterdam, Rodopi, 1993.

Volet, Jean-Marie, Ormerod, Beverley, Romancières africaines dexpression française : le Sud du Sahara, Paris, LHarmattan, 1994.

Volet, Jean-Marie, « Constitution et historique de la collection léguée à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne », Africana, Figures de femmes et formes de pouvoir, plaquette de lexposition, BCUL et Université de Lausanne, 2020, p. 8-15.

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Fig. 1 – Seni Awa Camara, Sans titre, 1996 :
Terre cuite (141 x 35 x 33 cm). © Seni Awa Camara,
courtesy The Jean Pigozzi Collection of African Art.

1 Jean-Marie Volet, « Constitution et historique de la collection léguée à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne », Africana, Figures de femmes et formes de pouvoir, plaquette de lexposition, BCUL et Université de Lausanne, 2020, p. 8.

2 Voir : Daniel Maggetti, LInvention de la littérature romande 1830-1910, Lausanne, Payot, 1998 ; Jérôme Meizoz, Le Droit de « mal écrire ». Quand les auteurs romands déjouent le « français de Paris », Genève, Zoé, 1998 ; Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999 (notamment p. 298-306 sur Ramuz) ; Roger Francillon, De Rousseau à Starobinski, Littérature et identité suisse, Lausanne, PPUR, 2011.

3 Elaine Showalter a écrit une histoire genrée du roman anglais qui a fait date, sous le titre A Literature of Their Own, British Women Novelists from Brontë to Lessing (Princeton University Press, 1977) et, plus récemment, une histoire de la littérature américaine : A Jury of Her Peers, American Women Writers from Anne Bradstreet to Annie Proulx (Virago, 2009) ; Janet Todd est notamment lauteure de Feminist Literary History (Cambridge, Polity Press, 1988) et de The Sign of Angellica, Women, Writing and Fiction, 1660-1800 (London, Virago, 1989) ; elle est également léditrice de A Dictionary of British and American Women Writers 1660-1800 (London, Methuen, 1984).

4 La thèse de Jean-Marie Volet paraît en 1993 sous le titre La Parole aux Africaines, ou lidée de pouvoir chez les romancières dexpression française de lAfrique sub-saharienne.

5 Voir : Busby, 2019, p. xxix.

6 Longtemps ignoré ou même jugé inadéquat dans le monde académique francophone, lessai de Cixous a immédiatement connu un grand succès dans le monde anglo-américain : traduit et repris aujourdhui dans diverses anthologies, il est étudié dans les cours comme un classique incontournable de la critique ; voir : The Norton Anthology of Theory and Criticism (2001), p. 2035-2056 ; Feminisms, An Anthology of Literary Theory and Criticism (Rutgers, 1997), p. 347-362 ; Literary Theory : An Anthology (Blackwell, 1998) de Julie Rivkin et Michael Ryan, où se trouve un extrait de The Newly Born Woman (1975) aux p. 348-354.

7 « She lives in Guadeloupe with her husband Richard Philcox (who has translated her work into English), having spent much of her life in Africa, and lectures widely in the USA. » Voir : Busby, 1992, p. 478.

8 Voir : Morrison, 2019, p. 10 : « a sophisticated, wholly African imagistic vocabulary from which to launch a discursive negotiation with the West ».

9 Voir : Morrison, ibid. : « In novel after novel, short story after short story, Africa is simultaneously innocent and corrupting, savage and pure, irrational and wise. »

10 Voir : Morrison, 2019, p. 9 : « a vessel waiting for whatever copper and silver imagination was pleased to place there ».

11 Voir : Morrison, ibid. : « to support a wide variety of literary and/or ideological requirements ».

12 Voir : Morrison, 2019, p. 323 : « that would erase one [] most impinging fact of my existence and my intelligence ».

13 Voir : Morrison, 2019, ibid. : « hungry to write about [people] ».

14 Voir : Morrison, 2019, ibid. : « my own literary heritage of slave narratives ».

15 Voir : Morrison, 2019, ibid. : « I urged my memory to metamorphose itself into the kind of metaphorical and imagistic associations I described at the beginning of this talk [] ».

16 Voir : Morrison, 2019, p. 323.