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Classiques Garnier

Les femmes monumentales d’Yvonne Vera Proposition de lecture écopoétique

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Africana. Figures de femmes et formes de pouvoir
  • Auteur : Garnier (Xavier)
  • Résumé : L’écriture de la romancière zimbabwéenne Yvonne Vera passe par un rapport concret aux lieux pour dire les grandes violences historiques qui ont traversé l’Afrique australe. Le récit de ce qui arrive à leurs corps permet de dire la façon dont elles portent l’histoire du pays et lui donnent une voix. Les femmes, chez Yvonne Vera, sont monumentales parce que leurs corps blessés, atrocement mutilés, restent debout et se découpent dans le ciel comme de grandes silhouettes rocheuses qui parlent au monde.
  • Pages : 399 à 415
  • Collection : Rencontres, n° 539
  • Série : Francophonies, n° 2
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406127352
  • ISBN : 978-2-406-12735-2
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12735-2.p.0399
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/05/2022
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Écopoétique, Yvonne Vera, lieux, femmes, corps
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Les femmes monumentales
dYvonne Vera

Proposition de lecture écopoétique

Le texte de présentation de la traduction française des Vierges de pierre, le quatrième roman de lécrivaine zimbabwéenne Yvonne Vera, suggère une lecture écopoétique qui nous servira de point de départ : « Yvonne Vera immerge les atrocités de la guerre dans son approche sensuelle de lenvironnement, la terre, la montagne, la rivière, la végétation, leur conférant ainsi une force terrible1 ». Lextrême violence qui est au cœur de ce roman est dautant plus insoutenable à lire quelle se diffuse dans la trame descriptive elle-même. Datroces scènes dassassinats, de viols, dincestes, dauto-avortements ou de suicides affleurent dans toute lœuvre romanesque dYvonne Vera sans introduire de nette rupture narrative, comme si elles faisaient pleinement partie dun tableau général dont elles sont solidaires.

Il ne convient pour autant pas de dire que ces violences nappartiennent à aucun récit. LHistoire de la Rhodésie et du Zimbabwe passe par les corps violentés des personnages féminins. Les dates et les lieux sont parties prenantes des violences exercées sur les femmes : la révolte anticoloniale de 1896-1897 (première Chimuranga) dans Nehanda2 ; 1946, au cœur de loccupation coloniale à Makokoba township dans Papillon brûle3 ; 1977 au pic de la guerre dindépendance (seconde Chimuranga) dans Une femme sans nom4 ; entre 1981 et 1986, au cours des massacres 400Gukurahundi5 qui ont immédiatement suivi lindépendance du Zimbabwe, pour Les Vierges de pierre. Lhypothèse que nous voudrions suivre est que le corps des femmes est lopérateur de cette jonction entre les violences historiques et ses répercussions écopoétiques.

Le corps des femmes est toujours « situé » chez Yvonne Vera, il est pris dans des lieux hantés par une violence latente, et lorsque celle-ci se manifeste explicitement cest dans une continuité descriptive qui entretient avec les événements historiques des rapports complexes. Ce lien entre les corps féminins et les lieux permet une transmutation de la violence que lécriture de Simone Vera met au service dune puissance féminine irrépressible. La violence qui sexerce sur ces femmes ne les transforme pour autant pas en victimes. Yvonne Vera nécrit pas pour classer les bourreaux et les victimes, elle consacre son art à dire lexpérience de femmes quaucune violence ne saurait réduire au silence ou à limpuissance. Une telle approche écoféministe de cette œuvre romanesque devrait nous permettre de situer cette violence, de trouver le lieu à partir duquel une contre-offensive poétique pourra être menée.

Lattachement aux lieux traumatiques

Dans Une femme sans nom, le deuxième roman dYvonne Vera, Mazvita cherche à échapper au lieu où elle a été violée par un soldat pendant la seconde Chimuranga. Le lien quelle établit entre le violeur et le lieu est tellement fort quelle éprouve la sensation que la terre sest immiscée dans son corps à loccasion de ce viol :

Mazvita sentit la respiration avide de lhomme au-dessus delle. Elle détesta cette respiration, détesta encore plus lavidité dans la respiration. Par-dessus tout, elle détesta le sol qui meurtrissait son dos tandis que lhomme se mouvait impatiemment au-dessus delle, en elle, au-delà delle. Mazvita chercha le vide dans son corps. Plus tard, elle nassocia pas ce vide à lhomme parce quelle ne pensait pas à lui depuis lintérieur mais depuis lextérieur. Il navait jamais été à lintérieur. Elle ne lassociait quau sol. Cest le sol qui 401était monté vers elle. Il était issu de la terre. Elle le vit monter de la terre, du brouillard, de la rivière. Cest à partir du sol que lhomme avait pu se développer dans son corps.

Mazvita recueillit dans son corps le silence de la terre. (Une femme sans nom, p. 56)

Dans un entretien avec Ranka Primorac datant de 2004, Yvonne Vera évoque les rapports compliqués que les femmes ont avec la terre, sur laquelle elles doivent vivre, mais quelles ne peuvent habiter : « The connection to the land for the women is that of the disturbance. Something negative. » (Cousin et als., 2012, p. 379) Loin dincarner une proximité mythique avec la mère nature, elles sont posées sur le sol, en contact direct avec celui-ci, mais dans une grande vulnérabilité. À limage de leur propre corps, les précaires maisons quelles occupent sont toujours susceptibles dêtre pénétrées par des corps hostiles. La nature, ou la terre, est une force pénétrante. Voilà pourquoi linflation descriptive dans les romans dYvonne Vera nest jamais aussi forte que lorsquil sagit de rendre compte de scènes traumatiques.

Lintensité traumatique des lieux naît de la façon dont la violence du monde extérieur vient brutalement pénétrer lintimité du corps. Linsoutenable scène du seizième chapitre de Papillon brûle, consacrée à lavortement que Phephelaphi sinflige elle-même à laide dune « épin[e] robust[e] à lécorce sèche et friable, et de longs doigts fins, fermes, dun brun de verre fumé » (p. 160), est perçue à la fois de façon chirurgicale au plus près du corps et soudain de loin, dans une prise de champ vertigineuse :

Enfoncer. Elle la enfoncée. Aiguë et perçante. Aucune crainte. Aucune émotion. Cela doit être. Une poche deau, y entrer, en sortir. Elle reçoit ce mouvement lentement comme sil allait procurer une délivrance extatique. Sa main est ferme à lintérieur de son corps. Sa main à elle introduisant une atteinte irréversible. Son bras droit est soutenu par la face interne de sa cuisse prudemment soulevée du sol. Au poignet, sa main est tournée à angle droit, comme cassée. Sa main bouge et frappe en gestes rapides. Elle garde la tête par terre, loin de ses cuisses. Sa jambe gauche est baissée et étendue. Sa main glisse le long de la cuisse gauche. Phephelaphi est tendue à lextrême. Ses doigts tiennent bon à chaque percée frénétique. Le pays est calme. Vue de loin, elle nest quun point sur la terre. (Papillon brûle, p. 161)

Léloignement soudain du point de perspective, à la fin de la citation, ne met pas à distance la violence de la scène mais au contraire 402en concentre lintensité. Ce « point sur la terre » tire son intensité de la description qui précède. Le mouvement déloignement du point de vue est un continuum qui ne dilue pas la violence, mais au contraire la contracte. La seconde partie du chapitre raconte les efforts vains de Phephelaphi pour enterrer le fœtus. La couche de terre aride et granuleuse nest pas suffisamment épaisse, les doigts de Phephelaphi se heurtent au bouclier rocheux qui affleure : « Le sol est de roc et résiste à chacune de ses tentatives de louvrir avec ses mains désespérées » (ibid., p. 172). Il lui faudra donc laisser sur place un « monticule élevé » (ibid., p. 176), qui marque le lieu de sa douleur et qui sera rapidement dispersé par le vent. À propos de Papillon Brûle, Yvonne Vera déclare à Ranka Primorac : « [] I wanted to incorporate into the body of the story the land itself. Elements of it. » (Vera, 2004, p. 161) On ne saurait exprimer plus clairement, à la lumière de cette scène dauto-avortement, la violence impliquée par ce rapport à la terre.

Le lien entre les violeurs et le sol est clairement explicité dans les chapitres consacrés à Sibaso, le maquisard violeur et criminel de Vierges de pierre. La voix de Sibaso sest immiscée dans le corps de Nonceba, sa victime, et se déploie dans plusieurs chapitres du roman. Elle dit la proximité intime avec les éléments rocheux, aqueux, végétaux qui font le quotidien de la survie dans le maquis. Cest dans le sanctuaire de Mbelele, une inaccessible anfractuosité rocheuse au cœur des collines de Gulati, que les maquisards se cachent, renouvelant ainsi lacte ancestral de ceux qui sont venus se réfugier là et ont laissé des fresques sur la roche :

Cest vrai : tout pourrit à Gulati sauf les rochers. Sur les rochers, lhistoire suit son cours, on ne peut la faire pencher ni en avant ni en arrière. Ce nest pas un refrain. Lhistoire se confond avec le chaos des collines, mais ne disparaît pas. À Gulati, je fais des voyages de quatre cents ans, puis de mille ans, puis encore de vingt. Les rochers se fendent largement, le temps se déplace et javoue figurer parmi les voyageurs qui volent un abri aux morts. (Vierges de pierre, p. 136-137)

À travers lhorreur de lacte perpétré, se lit la reconduction de quelque chose de beaucoup plus vaste, qui implique à la fois lenvironnement géographique et lHistoire, dans sa longue durée. Les criminels disparaissent aussitôt des récits dYvonne Vera, comme sils se dissolvaient dans le sol une fois lacte perpétré. Voilà pourquoi les lieux prennent tant dimportance : ce sont eux qui violent et qui tuent.

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On peut reprendre à Émilie Hache la définition quelle propose du verbe (jusquici non traduit en français) reclaim, pour comprendre la façon dont les personnages restent noués au lieu traumatique : « Si lon devait choisir un geste, un mot capable dattraper et nommer ce que font les écoféministes, ce serait reclaim, un terme que les écoféministes empruntent au vocabulaire écologique. Il signifie tout à la fois réhabiliter et se rapproprier quelque chose de détruit, de dévalorisé, et le modifier comme être modifié par cette réappropriation » (Hache, 2016, p. 23). Cette revendication du lieu traumatique est explicite dans un dialogue des Vierges de pierre, entre Nonceba et Cephas Dube, venu de Bulawayo pour lemmener loin de la violence qui ravage les campagnes :

« Après ce qui sest passé ici, vous devriez avoir peur. Il serait sage davoir peur », répète-t-il avec insistance.

Ici, dit-il ? Ici. Sait-il exactement sur quelle parcelle de terrain elle, Nonceba, a enduré son malheur ? Sait-il où Thenjiwe est morte ? À quel endroit précis elle a été tuée ? Ici, dit-il, comme sil savait exactement ce qui sest passé ici. Il ne sait rien de cet ici. La sensation de cet ici. Ce que lon en voit. Linstant si saturé dici. []

« Jhabite ici6. Mes blessures sont là. Je nai pas peur. » (Vierges de pierre, p. 197)

Sil y a un attachement au sol chez Yvonne Vera, celui-ci est étroitement lié à une expérience du trauma. Lintensité de la douleur, à la fois morale et physique, est portée par des lieux qui ninscrivent pas une mémoire, mais viennent saturer le présent. Les lieux traumatiques exercent une attraction irrépressible, qui est un des ressorts narratifs de lécriture romanesque dYvonne Vera.

Le lien étroit que les femmes entretiennent avec les lieux est pleinement posé au quatrième chapitre des Vierges de pierre, consacré au moment de la proclamation dindépendance totale du Zimbabwe, en 1980. Les femmes accueillent en tant que mères, épouses ou amantes les hommes qui reviennent du maquis, avec lautorité que leur ont donné des années de solitude. Elles comprennent rapidement que le trauma de ces hommes doit être situé :

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Cest seulement pendant son sommeil, quand ses bras battent lair, quand sa voix est plus sombre que la nuit et illuminée détoiles, que la femme se réveille et le situe7. Elle sait que son voyage avec cet homme est long et agité et quelle ne peut continuer à le laisser chaque nuit en proie à ses rêves. Elle est effrayée, stimulée, perdue. Cet homme dort mais il a les yeux grands ouverts. Au matin, ce nest pas lui quelle regarde, mais les collines de Gulati. (Vierges de pierre, p. 76)

Cette aptitude féminine à situer le trauma explique que les femmes qui ont combattu dans le maquis ne semblent pas manifester les mêmes symptômes post-traumatiques que leurs camarades masculins. Les guerrières qui passent le temps sur la véranda du magasin dalimentation de la gare routière de Kezi, le jour de lindépendance du Zimbabwe, semblent inaccessibles aux hommes parce quelles apportent avec elles des lieux inaccessibles :

Vivantes maintenant, elles regardent par-dessus leur épaule comme si elles étaient invisibles, sintéressant aux choses lointaines, [] les choses secrètes que seul leur esprit a connues, vivantes ici maintenant, sur cette véranda, aujourdhui, lair terrifiant et calme, comme si elles venaient juste de sabsenter dans un endroit agréable, à cueillir des fleurs sauvages dans un doux creux de la terre. Non, leurs doigts ne sont pas conçus pour des gestes délicats de ce genre : elles sont simplement parties quelque part la veille. Un endroit dune obscurité telle que, lorsquelles reviennent, comme cest le cas, elles apportent cet endroit obscur dans leurs yeux. Elles sont si impénétrables que les hommes de Bulawayo peuvent seulement attendre quelles parlent en premier, mais ils rencontrent un silence de mort. (Vierges de pierre, p. 82)

Ces femmes sont « impénétrables » parce que situées dans des lieux obscurs dont elles tirent leur puissance. Ces maquisardes sont des femmes puissantes, que les hommes ne savent comment aborder, tant ils sont habitués à entrer en contact par voie de pénétration. Les guerrières dYvonne Vera, qui « apportent cet endroit obscur dans leurs yeux », sont devenues inviolables.

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Lillusion urbaine dune esquive spatiale

Une telle prise en charge de lintensité des lieux traumatiques nest cependant pas toujours soutenable et il y a une issue pour celles qui veulent échapper à la violence pénétrante du sol. Harare (ex-Salisbury) et Bulawayo, les deux grandes villes rivales du Zimbabwe semblent offrir des échappatoires. Cest à Harare8 que Mazvita, lhéroïne dUne femme sans nom, cherche à se déconnecter du viol et à se sentir « protégée des collines et de la terre » (Une femme sans nom, p. 90). Yvonne Vera retrouve ici des motifs urbains bien connus qui associent la ville à lanonymat et à loubli du passé : « ces silhouettes ne présentaient ni nom, ni mémoire » pour les relier à un type dagencement spatial particulier qui esquive les lieux (ibid., p. 124).

La ville est décrite comme un espace discontinu où chaque habitant est ceinturé de vide. Pour cette raison, elle est une issue positive pour le corps blessé des femmes. Larchitecture urbaine de la ville de Bulawayo est propice aux jeux desquive :

La ville gravite autour darêtes aiguës, les rues se coupent à angle droit. À midi, les ombres sont nettes et étirées. Les rues sont larges, plus larges aux carrefours. Dans cette ville, le contour dun bâtiment est un profil, un angle… ekoneni. Le mot est prononcé les lèvres pincées, lesprit lyrique, les bras vibrent, la mémoire mendie du temps. Ekoneni, disent-ils, mendiant de la tranquillité, de la compréhension.

Langle dun bâtiment se tâte avec les doigts : du ciment grossier, ébréché. Vous vous approchez du coin, vous le contournez. Ce mouvement définit le corps, linforme dune façon brusque et miraculeuse. Il pourrait y avoir nimporte quoi après le coin. Un tournant, et une lumière nouvelle vous éclaire, rien nest obscurci. Vous êtes aussi grand que ces immeubles qui jaillissent du sol. (Vierges de pierre, p. 20)

Les corps circulent dans la ville et en suivent les artères. Makokoba Township à Bulawayo où se déroule lintrigue de Papillon brûle est traversé par une longue rue, Sidojiwe R2, qui « offre à vif toutes sortes 406de blessures » et sert daxe au roman (Papillon brûle, p. 11). En 1946, date à laquelle se passe lintrigue de ce roman, les Noirs doivent vivre dans les interstices, leur présence est indispensable au bon fonctionnement de la ville, mais ils doivent rester invisibles : « Le principe, cest de vivre dans les fissures, ni remarqués, ni remarquables, rendant tous les services mais pourvus de la capacité de disparaître aussitôt la tâche accomplie. » (Papillon brûle, p. 11-12) Aucun véritable lieu ne parvient à exister dans le township, pas même la petite pièce où Fumbatha, un homme dâge mur, propose daccueillir la jeune Phephelaphi pour lui offrir un avenir :

Une pièce. Des murs tout en brique. De lamiante et du ciment.

Phephelaphi et Fumbatha avaient un lit mais il grinçait, fléchissait au milieu et saffaissait jusquau sol. Un poêle à pétrole. Un fil de fer tendu en diagonale à travers la pièce au-dessus du lit [] où ils mettaient leurs vêtements quils laissaient pendre pour cloisonner la pièce. Le lit était partagé en deux, la moitié supérieure dun bord, linférieure de lautre. [] Deux valises rangées de ce côté, près de la petite fenêtre carrée donnant sur Sidojiwe E2. Puis lentrée.

Quand la porte souvrait, elle heurtait le cadre métallique du lit. Si le lit était poussé plus loin dans la pièce, la porte battait et tapait sur les valises usées, dont les couvercles sont cassés sur les bords mais restent attachées du côté où la serrure les retient fermement. (Papillon brûle, p. 67-68)

La chambre du couple ne peut faire lieu. Les cloisons sont trop fines pour leur laisser une intimité. Lespace, aussi petit soit-il, est fonctionnellement articulé. Aucun recueillement nest possible dans une ville tout entière striée de la sorte. Les palissades et les haies fragmentent une urbanité qui na pas de véritable centre de gravité.

En ville, les événements traumatiques se situent sur des seuils, dans des embrasures de portes, à des moments discrets darticulation du récit. Du meurtre de sa mère par un policier, Phephelaphi ne retient que la chute de son bras dans lembrasure de la porte alors quelle est assassinée sur le seuil de la porte de la petite pièce où elle élevait sa fille :

Elle avait vu sa mère debout, le bras appuyé de lautre côté de lembrasure. Un écran plus obscur masquant lobscurité extérieure. Sa mère sétait tenue longtemps ainsi, parlant en murmures à quelquun de lautre côté. Elle ne voyait pas qui cétait, alors elle avait observé sa mère, grande ombre droite, [] la tête touchant le haut du chambranle. Puis elle avait vu le bras tomber lentement. Elle pensait que sa mère allait se retourner et mouvoir la porte, pour la fermer.

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Au lieu de quoi la chute du bras fut suivie par le corps tout entier. Sa mère avait heurté le côté de la porte. Cest le bruit du bois fragile se fendant sous limpact du corps, suivi de celui des gonds cédant, quelle avait entendu avant de se lever du plancher doù elle regardait le bras tombant maintenant comme un membre cassé. (Papillon brûle, p. 48-49)

Impossible de savoir à quel moment exact lassassin tire sur la mère de Phephelaphi. La détonation elle-même ne fait pas partie du récit, comme si la petite fille lavait chassée de sa mémoire. Lévénement traumatique urbain est diffracté, il ne saurait trouver son lieu.

En permettant au trauma de se déterritorialiser, la ville, loin dêtre un espace refuge, le fait proliférer. Dans une étrange scène du deuxième chapitre dUne femme sans nom, Mazvita ramasse un champignon au cœur de la forêt et ce geste semble annoncer son départ prochain pour Harare et ce qui en résultera :

Rien nétait aussi agréable quarracher ce champignon. Il accepta sa main légère, la suivant dans un lent et long tremblement, la tige montant du sol dans sa paume. Blanc. Le col était lisse, en attente, doux. Elle sentit la douceur sattarder entre ses doigts, glissante, fragile. La terre se faufila sous ses ongles.

Cest après lavoir tenu dans sa paume quelle vit les taches marron à lintérieur des lamelles, des taches qui se répandirent jusquà la surface lisse du champignon, dun marron tristement inattendu. (Une femme sans nom, p. 25)

Cette scène bucolique annonce lépisode urbain qui fera lobjet du roman. Mazvita découvre en Harare une ville-champignon, où elle cherche à échapper à la terre et au passé. Elle y prend un amant, Joel, un homme insouciant qui la ramène chez lui à bicyclette après lavoir aperçue dans la rue : « Il était expéditif. Cest ainsi que commença leur vie commune. Il ny eut pas de discussion, pas daccord, pas doffre en due forme. Ils sétaient simplement rencontrés et étaient restés ensemble. » (ibid., p. 83) Cest sans compter sur le viol antérieur, puisquune fois installée en ville Mazvita est rattrapée par une grossesse que Joel naccepte pas. Les taches se répandent sur la surface lisse de la ville-champignon. Mazvita naura dautre choix que détrangler le bébé avant de ramener son corps sur les terres dévastées par la guerre, où le drame sest noué. Ce terrible roman dénonce lillusion dune possibilité desquive spatiale. Les coordonnées spatiales des romans dYvonne Vera nobéissent pas à une logique abstraite. Lespace est un 408continuum propice à la propagation des expériences, cest un espace dintensités connectées. Les violences lointaines, dans le temps comme dans lespace, gagnent en intensité et en persistance dès lors quelles ont été inscrites dans les corps des personnages et léloignement du foyer de violence nest pas une déconnexion.

Entre lattachement morbide au lieu du trauma et lesquive impossible dans lespace urbain, les perspectives ouvertes par Yvonne Vera semblent bien désespérantes. Cest sans compter sur le volontarisme résilient de son écriture. Dans une interview avec Jane Bryce au sujet des Vierges de pierre, il est question de lécriture chorégraphique comme biais artistique pour faire face à lhorreur :

The last book Ive written is set in the period of the dissident movement after independence (1980-1985). Its a very difficult subject, but I have a scene – a photograph – of a woman being decapitated. It happened – they would cut your lips or your nose – but cutting someones head off… A man comes into the village and does that : how does he do it ? How do I convey that in a way that interests the reader ?… I dont want to say, ah its so awkward, ugly ; messy, bloody, Im not going to write it. No, I have to enable it to be read, when it is encountered, as astounding, beautiful, creative experience. So I have to choreograph it9.

« Le dernier livre que jai écrit se situe dans la période de dissidence qui a suivi lIndépendance (1980-1985). Cest un sujet très douloureux, et javais limage – une photographie – dune femme en train dêtre décapitée. Il arrivait quils coupent les lèvres ou le nez – mais couper une tête… Un homme arrive dans le village et fait cela : comment le fait-il ? Comment rendre cela dune façon qui intéresse lecteur ? … Je ne veux pas dire, ah cest si déplacé, immonde, sale, sanglant que je ne vais pas le raconter. Non, je devais rendre cela lisible, au moment où cela est arrivé, comme une chose étonnante, belle, une expérience créative. Il fallait donc que jen fasse une chorégraphie. »

Aussi macabres que soient les violences que les femmes doivent subir, il semble y avoir en elles une part susceptible démettre des rais de lumière depuis le cœur même de lhorreur. Dans la scène macabre du meurtre de Thenjiwe, alors que lassassin semble vouloir esquisser un pas de danse avec le cadavre décapité, celui-ci révèle léclat de ses os : « Le corps tombe en avant, il trébuche puis ramène le cadavre 409vers lui ; des éclairs blancs dos éclatants, clavicule pure, comme un rai de lumière los disparaît dans le suintement du sang [] » (Vierges de pierre, p. 101). Les flux de sang couvrent la lumineuse blancheur des os mais ne la réduisent pas. Leur éclat est tapi sous le trauma.

La chorégraphie des ossatures

Les villes dYvonne Vera ne tournent pas le dos à la ruralité, elles servent plutôt de caisse de résonance à ce qui sy passe de façon muette. Doù la place accordée aux cars, qui établissent la jonction entre les bourgades rurales et les centres urbains10. Ces cars rouges qui assurent le lien entre le village et la ville de Harare sont des connecteurs intenses :

Le car était dun rouge féroce. La peau se violaçait. Telle était la chaleur ce jour-là. Les visages se bousculaient, se hâtaient, entourant le car dun chatoiement de voix. Les grandes roues noires étaient jaunes de poussière accumulée. De la boue, percée de cailloux, avait séché dans les larges sculptures des pneus. Dépaisses couches de terre brune couvraient les vitres et le reste de la carrosserie, cependant le car conservait léclat du rouge. Voilà quel rouge cétait. Un rouge si étourdissant quil était vivant. (Une femme sans nom, p. 17)

Notons que si la boue sincruste dans les sculptures des pneus, si elle couvre les vitres et la carrosserie, elle ne pénètre pas dans le car. Ce détail est important : le car reste rouge vif sous la boue, il est à sa façon impénétrable.

Yvonne Vera excelle à raconter le passage des cars de voyageurs ou les camions de marchandises dans les bourgades du Zimbabwe. Chaque halte est loccasion dune mêlée qui révèle lintensité du lieu. Les arrêts de bus, avec les inévitables magasins qui les jouxtent, sont des lieux très particuliers qui font alterner des moments dattente et des moments deffervescence. Le cœur de lenclave rurale de Kezi est larrêt de bus, dont la description 410fait lobjet du deuxième chapitre des Vierges de pierre. Les enfants qui se regroupent autour des véhicules manifestent lénergie des lieux :

Le camion démarre en soulevant un nuage et les gamins lui courent après, sans aucune raison, juste pour montrer quils ne sont ni calmes ni vaincus, ni humbles ni ignorants, non passifs mais pleins dénergie et de puissance, pas non plus des enfants mais des présences pourvues de voix et de volonté, dotées de jambes capables de les porter là où ils souhaitent aller, douées dinstinct et dautorité joyeuse, si bien quils courent à très grandes enjambées, dégringolant la pente jusquau pont, regardant le camion descendre et remonter plus vite que leurs sens nen ont le souvenir, puis prendre une vitesse et une turbulence qui les laissent pantois. Et ils agitent le bras. Et restent immobiles. Interloqués. Et ils font tomber leurs casquettes. Et les ramassent dans la poussière. (Vierges de pierre, p. 32)

Lénergie et la puissance déployées par les gamins de Kezi est une façon de « faire importer11 » les lieux. Accompagner les véhicules en partance en courant derrière, en agitant les bras et en poussant des cris, cest attirer lattention des voyageurs sur le lieu quils viennent de traverser et forcer une mémoire de la halte. Les gamins qui accompagnent le camion traduisent leur vitalité par leurs attitudes et leurs postures. Les jambes et les bras sont les parties vives de leur anatomie. La mémoire des lieux traversés tient à leur gestuelle.

Les paysages dYvonne Vera ne sont pas peuplés de silhouettes, mais portés par des gestes qui les monumentalisent, doù limportance des os qui structurent les portraits féminins : ils renvoient à larchitecture corporelle. Lossature est monumentale en ce quelle permet aux corps de se déployer en toute intimité. Lextraordinaire scène damour entre Thenjiwe et Cephas Dube, linconnu venu de la ville au début des Vierges de pierre, raconte la façon dont des corps sencastrent :

Il aime ses os, lharmonie de ses doigts. Cest los qui suit la hanche quil préfère. Le silence glissant de chaque mouvement, la dilatation des tendons. Le temps passé pendant quelle bouge un pied après lautre, lentement, nonchalamment. Los blanc constituant son être intime, sa hanche en mouvement.

Sait-elle que los est la matière la plus sèche de lêtre, comme toutes les formes matérielles qui donnent la structure, qui soutiennent les éléments 411humides comme la chair, leau et le sang ? Los, seule matière en nous qui se fêle, se fracture, puisse blesser notre être entier, se brise alors que nous sommes encore en vie. Ceci il laime, cet os en elle, comme étant enfoui au plus profond, au-delà de la mort, fossile avant de mourir. (Vierges de pierre, p. 54)

Los, en tant que structure du corps, a ici trois dimensions qui nous intéressent : 1) il est enfoui au plus intime de lêtre ; 2) il porte la douleur à sa plus haute intensité ; 3) il inscrit le continuum du temps. La structure osseuse, siège de lintimité sensible, foyer dirradiation des vagues de douleur, est ce qui permet aux personnages de tenir debout, dexprimer leur « vérité vertébrale » (ibid., p. 56). La mémoire douloureuse de la guerre est irrémédiablement inscrite dans le squelette des femmes : « Ce sont les blessures de la guerre, que personne ne peut guérir. Des bandages et des points de suture ne peuvent pas reconstituer un être humain dont la mémoire est intacte et à sa place dans le squelette. » (ibid., p. 124)

Le véritable lieu de la mémoire est le squelette. Parce que les os des femmes retiennent la mémoire, ils lui permettent de trouver place dans le paysage. Sibaso, le guérillero violeur et assassin caché dans les collines, contemple les fresques de vierges sacrifiées à loccasion de lenterrement dun roi. Les femmes peintes sur la roche ont une taille élancée, des cuisses minces, des bras effilés :

Ici la roche est presque nue. Les genoux ont été rongés par le temps, lencre est effacée. Quelque chose est caché : les jambes sont des touches tremblantes de vrilles illuminées de sang sur le roc. Éloigné de la grâce inquiétante des bras, le visage levé au-dessus des épaules. Vers le bas, en dessous de la taille, la lumière les baigne. Il se peut quelles aient été sauvées de létreinte de la vie. Pas mortes. Je pose la main sur la taille de la femme élancée, sur deux centimètres dos, pourtant quarante mille ans samassent dans ma mémoire comme un vent violent. (Vierges de pierre, p. 136)

Les vierges de pierre portent leurs os comme des fossiles à lintérieur de leur corps. Nonceba, qui a été violée et défigurée par Sibaso, sent la présence de son violeur au sein même de ses os : « Je suis prise au piège de mes os. Il est ici. Sibaso. Dans mes os. » (ibid., p. 141)

Lors de son exécution par les Anglais en 1898, au cours de la première Chimuranga12, Nehanda Nyakasikanana, une femme médium inspiratrice de la résistance, sest exclamée : « Un jour mes os reprendront vie ». La figure 412de Nehanda a été largement utilisée par les mouvements nationalistes, lorsquils lancent la seconde Chimurenga, qui débouchera sur lindépendance du Zimbabwe en 1980. Yvonne Vera consacre son premier roman à la figure de Nehanda dans une perspective explicitement féministe, susceptible dinfléchir la lecture très patriarcale de la femme sacrifiée véhiculée par le ZANU PF, notamment à loccasion de la « troisième Chimurenga », la campagne de récupération des terres agricoles lancée en 200013. Il sagit dans ce roman de désolidariser Nehanda de lallégorie nationale14 à laquelle elle a donné lieu, pour rendre son identité genrée au personnage.

Lultime prophétie de Nehanda est reprise par une écriture chorégraphique, qui vise à redonner vie à lossature des femmes, à révéler leur monumentalité. Soit la première apparition du personnage, dans le deuxième paragraphe du roman :

Nehanda carries her bag of words in a pouch that lies tied around her waist. She wears some along her waist. Words fall into dreaming, into night. She hears the bones fall in the silence. She is surrounded by a turmoil of echoes which ascends night and sky. In the morning, a horizon of rock, of dry bones, grows into day. (Nehanda, p. 1)

« Nehanda porte son sac de mots dans une pochette nouée autour de la taille. Elle en porte dautres le long des des hanches. Les mots tombent dans le rêve, dans la nuit. Elle entend les ossements tomber dans le silence. Elle est entourée dun tumulte déchos qui sélève dans la nuit et le ciel. Au matin, un horizon de roches, dossements désséchés, grandit en jour. »

Les os, les mots et les roches entrent en résonance à lorée du roman pour ouvrir lespace. Lossature de Nehanda est un point de résonance, cest de cette mémoire vive que sélève la voix articulée des femmes.

Un même retournement est opéré dans Les Vierges de pierre : Sibaso, le militant nationaliste qui posait sa main sur la taille élancée des vierges de pierre, les reconnaît, entourées détoiles, dans deux grands rochers plats qui se dégagent du chaos rocheux, devenues inaccessibles pour lui :

Un rocher est fixé sur un autre, puis un autre, plus petit, soudain plus grand quil ny paraît, plus loin que les arbres, que le vol égal des oiseaux. Cette 413formation tout entière est en suspens dans le ciel, dessinant une symétrie équilibrée. (Vierges de pierre, p. 129)

La structure intime des corps féminins est une architecture monumentale qui se découpe dans le ciel. Les violeurs peuvent torturer les corps, mais ne sauraient soumettre les squelettes.

On comprend mieux du coup le rôle de lenvironnement urbain dans les romans dYvonne Vera. Les femmes vont en ville pour y faire renaître leurs os par voie de résonance. Le premier chapitre de Papillon brûle est un saisissant portrait de la ville de Bulawayo au son de la musique Kwela :

La Kwela vous met à nu. Tout ce qui rappelle lamour propre peut soublier dans le vide quelle suscite : une revendication abandonnée, un amour perdu. Cest une adresse faite au corps réduit à sa plus petite expression, une pierre jetée. Les genoux fléchis et la matraque sabat sur le cou et les épaules. La Kwela. Monte. Avance. Tourne-toi ou tord-toi ou… avance. Aucune pause nest accordée, aucune perspective de grâce. La Kwela. Coupe, tire, ploie. Besoin est de chanter. (Papillon brûle, p. 13-14)

La musique naît de la torsion des corps persécutés par les politiques de ségrégation et résonne dans la ville comme dans une grande cathédrale, aussi abîmée soit-elle. La Kwela est un environnement sonore, articulé à toutes les failles de la ville15, mais susceptible de rendre la parole à celles quon aurait voulu muettes.

Zhizha, lhéroïne de Sous la langue, a perdu lusage de la parole après avoir été violée par son père. Sa langue est devenue une pierre, définitivement figée. Le murmure du père au moment du viol a tout ravagé à lintérieur de Zhizha et aucun nouveau mythe ne saurait renaître, faute de terre fertile. Zhizha est une architecture de pierre. Le roman raconte le retour de sa voix au cours dun long entretien avec sa grand-mère. La voix de la grand-mère se déverse dans un intérieur rocailleux, où plus rien ne saurait prendre racine, mais où peut naître la résonance.

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Conclusion

Les corps mutilés des héroïnes dYvonne Vera ne restent pas longtemps muets. Les femmes continuent à parler depuis les blessures qui affectent très douloureusement leurs corps. Lextraordinaire huitième chapitre des Vierges de pierre raconte les conditions du retour du langage dans le corps de Nonceba, immobilisée dans son lit dhôpital :

Elle est muette. Une voix qui se meurt. Incapable de façonner un langage avec des mots, de respirer librement. Il lui faudra trouver en elle les sources du son, un son pur et intemporel. Alors elle ouvrira la bouche et libérera le son. Des paroles couleront, puis le langage. Alors seulement elle découvrira un monde contrastant avec son malheur. Elle rétablira son esprit, le guérissant par segments, dans le son. (Vierges de pierre, p. 118)

Lécriture dYvonne Vera est une tentative pour capter le « langage de tous les êtres blessés » (Vierges de pierre, p. 119). Ce langage est dabord musical, il devra passer par des voies résonantes. Dans la nouvelle « Crossing Boundaries », le sol tremble sous les coups de pilons des femmes qui préparent la farine de maïs, et leurs conversations viennent se mêler aux vibrations de la terre16. Les héroïnes dYvonne Vera sont monumentales parce que leurs voix chargées des grandes fractures historiques sortent de laphasie pour ouvrir le monde à de nouvelles vibrations.

Xavier Garnier

Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3

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Bibliographie

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1 Yvonne Vera, Les Vierges de pierre, trad. de langlais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2003 [2002], quatrième de couverture.

2 Yvonne Vera, Nehanda, Toronto, TSAR, 1994 [1993]. Chimuranga désigne la guerre de résistance shona à la colonisation à la fin du xixe siècle.

3 Yvonne Vera, Papillon brûle, trad. de langlais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2002 [1998].

4 Yvonne Vera, Une femme sans nom suivi de Sous la langue, trad. de langlais par Geneviève Doze, Paris, Fayard, 2006 [1994 pour Without a Name et 1996 pour Under the Tongue].

5 Massacres de civils Ndebele dans le Matabeleland et le Midland par larmée du Zimbabwe entre 1983 et 1987.

6 Le texte en anglais est « I live here », qui aurait pu être traduit par « Je vis ici » pour rendre compte du rapport complexe que les femmes entretiennent avec la terre, et qui rend difficile toute forme d« habitation », comme en témoigne lanalyse de James Graham dans « “A Country with Land and no Habitat” : Women, Violent Accumulation and Negative-Value in Yvonne Veras The Stone Virgins », Journal of Postcolonial Writing, vol. 53, no 3, 2017, p. 355-366.

7 Nous soulignons. Dans le texte anglais : « It is only when he sleeps, his arm flailing about, his voice darker than night and lit with stars, that the woman awakes and pins him down. » (The Stone Virgins, New York, Farar, 2002, p. 55)

8 Lintrigue se déroule en 1977, cinq ans avant que Salisbury soit nommée Harare. Cest pourtant bien sous le nom de Harare que la ville est mentionnée dans ce roman paru en 1994.

9 Cité par Oliver Nyambi, « Silenced Voices, Resuscitated Memory, and the Problematization of State. Historiography in Yvonne Veras Novel The Stone Virgins », SAGE Open, no 1-9, 2014, p. 3. Nous traduisons.

10 Le parcours douloureux de Mazvita est mis en perspective depuis un voyage en car. Mazvita prend ce car pour revenir au village avec le bébé mort attaché dans le dos, et le récit de ce voyage morbide est le fil rouge qui vient ponctuer le roman de chapitre en chapitre, révélant limpitoyable attraction du lieu traumatique où elle a été initialement violée.

11 Nous reprenons lexpression proposée par Didier Debaise et Isabelle Stengers dans leur réflexion sur la notion dattachement. Voir : D. Debaise et I. Stengers, « Linsistance des possibles. Pour un pragmatisme spéculatif », Multitudes, no 65, 2016, p. 82-89.

12 Voir note 2, p. 399.

13 Pour une lecture féministe de Nehanda, voir : F. Mkwesha-Manyonga (2012) et pour une analyse plus large des reprises postcoloniales de la figure de Nehanda : E. Bertho (2019).

14 La construction de Nehanda comme allégorie nationale est notamment un des enjeux du roman de Solomon Mutswairo, Feso, publié en shona en 1956 (Cape Town, Oxford University Press/Southern Rhodesian African Literature Bureau).

15 Sur la musique et la ville de Bulawayo dans les romans dYvonne Vera : Meg Samuelson, « Yvonne Veras Bulawayo : Modernity, (Im)mobility, Music and Memory », Research in African Literatures, vol. 38, no 2, 2007, p. 22-35.

16 Y. Vera, Why Dont You Carve other Animals, Toronto, Mawenzi House, 2018 [1992], p. 4-5.