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Classiques Garnier

Circulations éditoriales Enjeux de la réception française du roman de Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Africana. Figures de femmes et formes de pouvoir
  • Auteur : Le Quellec Cottier (Christine)
  • Résumé : La diffusion en France d’œuvres littéraires africaines est envisagée à partir du roman de Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes, lauréat 2020 du Prix Goncourt des Lycéens, paru au Cameroun en 2017 sous le titre Munyal, les larmes de la patience. La comparaison des deux versions dément la motivation culturelle donnée par l’éditrice française de la transformation du texte, tout en confortant la « fabrication » par le centre d’une « vraie littérature d’Afrique ».
  • Pages : 495 à 515
  • Collection : Rencontres, n° 539
  • Série : Francophonies, n° 2
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406127352
  • ISBN : 978-2-406-12735-2
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12735-2.p.0495
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 18/05/2022
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Circulations éditoriales, D. A. Amal, Éditions Emmanuelle Collas, ouvrage, auteur
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Circulations éditoriales

Enjeux de la réception française du roman
de Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes

« On na pas donné la parole aux femmes africaines, elles lont prise1 ». Cette formule donne le ton dune littérature féminine dAfrique francophone dont tant la motivation que la réception sest faite sous le signe de lurgence. Dire, et écrire, a relevé dune nécessité incontournable pour accéder à une reconnaissance et un respect. Cest en tout cas ainsi que Véronique Tadjo et Bessora ont évoqué la présence des voix féminines subsahariennes à loccasion de la table ronde « Africana » qui sest tenue à Lausanne le 7 octobre 20202.

À partir de ce constat, nous souhaitons dans un premier temps questionner ponctuellement la réception de cette littérature produite par des auteures, en tant quexpression de voix longtemps considérées subalternes mais ayant acquis une autonomie et une visibilité forte, tant dans le champ français que francophone. La Fabrique des classiques africains. Écrivains dAfrique subsaharienne francophone, somme publiée par Claire Ducournau en 2017, le relève à propos de la génération décrivains présents sur la scène médiatique dès les années 1980, car « sa sédentarisation croissante hors dAfrique, sa professionnalisation relative, et sa féminisation continue » (op. cit., p. 29) ont accentué cette réception. Ces riches analyses vont sous-tendre nos propos, bien que nous ne visions pas à dresser un panorama ; il sagit ici dinterroger une situation particulière qui matérialise lécart de réception de publications de langue française, en France et en Afrique. Nous constatons le maintien des catégories « centre et périphérie » et le nécessaire « accès aux grands éditeurs français, susceptibles de marginaliser les auteurs restés sur sol africain. » (idid, p. 395) Dans ce cadre, les auteures les plus lues en Europe sont des 496Africaines ayant publié en France et la diffusion des éditions africaines reste problématique sur le contient même, alors que le nombre potentiel de lecteurs est immense. Aux conditions matérielles factuelles sajoutent des éléments culturels, axiologiques, que nous voulons interroger car la centralité française – un état de fait qui perdure – repose sur des représentations symboliques toujours tolérées et même utilisées. Comme le constate Claire Ducournau, « cest à mesure que se façonne et saffirme une image de lAfrique littéraire sur le marché du livre mondial que se distend le lien géographique concret au continent des écrivains qui la produisent » (ibid., p. 396). La publication et le succès du roman Les Impatientes permettra dinterroger cette situation éditoriale, puisquil sagit de la récente valorisation dune auteure vivant au Nord-Cameroun et, simultanément, de la transformation de son texte primé en Afrique, sous couvert dune adaptation culturelle. En récupérant lédition africaine, le centre acclame et valorise la périphérie mais, par le type de modifications apportées, atteste de son pouvoir de domination et de son aura, car il ne sagit guère de penser les variations sur le thème de lœuvre ouverte mais plutôt de constater une forme étonnante de possession : laccès à la diffusion et à la reconnaissance française a encore un coût prohibitif.

Prises de plume

Après les Indépendances, les sociétés et les pouvoirs en construction nont guère entendu les revendications féminines remettant en question les droits et devoirs répartis en fonction de la sphère privée et publique, espaces de nos jours pensés en situation de coprésence, si lon admet quils sont foncièrement interdépendants. La prise de parole, souvent restée inaudible pour la majorité, sest construite sous la plume fictionnelle de nombreuses femmes qui ont investi les pages à disposition pour inventer des mondes, des situations et des identités leur permettant daffirmer de multiples formes de pouvoirs. Avec des figures féminines et des intrigues dont elles sont le cœur, ces voix ont affiché des féminismes en résonance avec leur environnement immédiat, souvent associé à la nécessité dune négociation communautaire. En 1969, la Camerounaise Thérèse 497Kuoh-Moukouri publiait Rencontres essentielles, roman resté méconnu jusquà ce que lAnnée de la Femme, promulguée par lONU en 1975, rende palpable des présences féminines et des problématiques qui jusqualors étaient tues. Quil sagisse de la polygamie, des mariages forcés, du lévirat, du poids de la dot ou de limpossibilité sociale à se faire entendre, ces réalités ont été transmises par les femmes elles-mêmes, dans les médias radiophoniques et par des récits autobiographiques, dont lemblématique La Vie dAoua Keita racontée par elle-même, publié en 1975, puis lenquête de terrain dAwa Thiam Parole aux Négresses, paru en 1978. Publié un an plus tard, le puissant roman épistolaire de Mariama Bâ, Une si longue lettre, a réussi lexploit de dévoiler une condition féminine de dépendance et dinsécurité, tout en devenant lespace même de la revendication : Ramatoulaye est une figure universelle et le succès du roman, au Sénégal avec un prix littéraire, puis en France, a agi comme une piqûre de rappel sur toutes celles qui navaient fait que rêver cette prise de parole.

La littérature féminine dAfrique francophone, en tant que catégorie3, sest ainsi construite en lien très direct avec la communauté, la culture et la société environnantes4. Les voix de femmes proposées par les textes ont souvent été associées à une « écriture de soi » impliquant un récit introspectif, biographique, de confidence ou de cri, proche de la vie de lauteure. Cette littérature a mis à nu des tensions au sein de sociétés patriarcales, exprimées avec des tonalités multiples, car les intrigues visent des publics larges avec des formats pluriels. Mais au début des années 1990, cette diversité nétait encore guère visible et depuis luniversité de Western Australia, à Perth, le chercheur Jean-Marie Volet a dabord buté sur la difficulté à identifier et lire les auteures du continent ; intrigué, il a mené des enquêtes qui ont fait de lui lun des fondateurs de ce champ de recherche consacré à la littérature féminine dAfrique francophone5. À lépoque, pour pallier le déficit constaté, il se rend régulièrement en 498Afrique depuis lAustralie et, aidé sur place, il rencontre les créatrices, souvent surprises quil ait eu vent de leurs textes6. Convaincu comme Ducournau que « la connaissance de leurs parcours et les recensions de leurs publications sont des préalables nécessaires » (op. cit., p. 372) à leur intégration à une histoire littéraire, Jean-Marie Volet a adressé à chacune des écrivaines – à loccasion des rencontres et des investigations menées – un questionnaire interrogeant leur accès à lécriture, à lécole, leur processus de création et la place de celle-ci au sein de leur quotidien. Les réponses, datant des années 1990, mettent au jour des contextes et des histoires fort différentes, mais quand il sagit de synthétiser lévolution de la condition féminine au sein de la société entre 1970 et 1990, la formule de Tanella Boni fédère les avis : « Différente ou pas, les inégalités restent flagrantes ».

Le fonds documentaire exceptionnel de ce chercheur contient 3500 volumes écrits en français par des femmes dAfrique subsaharienne, tout à la fois du théâtre, de la poésie, des romans, des récits autobiographiques ou biographiques, des bandes dessinées, de la littérature enfantine ou encore celle souvent nommée « sentimentale » assumée par les auteures en tant que moyen datteindre les femmes qui nont souvent quune éducation rudimentaire. Cest ce quaffirme dans un courrier à Volet lauteure ivoirienne Micheline Coulibaly, en 1993 :

La grande masse qui a reçu une éducation sommaire a aussi besoin de lire. Aussi ai-je salué avec enthousiasme larrivée de la collection « Ardeurs tropicales » dEdilis sur le marché de lédition, en dépit des esprits chagrins qui minimisent ce genre de littérature quon appelle abusivement « littérature à leau de rose ». Je préfère plutôt quon parle de littérature de détente. Si en première lecture les thèmes paraissent légers, une analyse plus approfondie laisse entrevoir tous nos problèmes de société. [] Jusque-là, on connaissait surtout mes ouvrages pour enfants qui ont beaucoup de succès dans la sous-région où le français est la principales langue parlée et écrite7.

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Parmi ces documents darchives se découvrent de nombreuses maisons dédition africaines, souvent disparues : les ouvrages acquis à titre personnel par Volet chez les auteures, les éditeurs et en libraire nétaient pas diffusés hors de leur pays, ou même de leur région. Lexploration de cet ensemble met au jour des noms déditeurs, des collections et des modes de circulation douvrages en effet « peu stabilisés sur la longue durée » (Ducournau, op. cit., p. 23). Désormais convaincu quun continent littéraire était à découvrir et à faire connaître, Jean-Marie Volet a fondé deux sites en contexte anglophone, au milieu des années 1990, grâce aux prémices dinternet qui ont radicalement transformé la visibilité de la littérature francophone dAfrique subsaharienne, en octroyant une place manifeste à ses auteures8.

Transferts culturels

Ces actions – initiées en Australie il y a presque trente ans – nont pas comblé un manque de diffusion à lintérieur même du continent, mais ont permis la découverte loin à la ronde des textes et ainsi amélioré leur circulation. Elles ont dailleurs fait écho à une nouvelle génération dauteures qui, souvent, a quitté le continent pour sinstaller en Europe, majoritairement en France en tant que boursières – ayant donc une « origine sociale et une situation socioprofessionnelle favorisées » (Ducournau, op. cit., p. 378) –, ce que des générations de jeunes hommes avaient fait avant elles. Cest souvent en Europe quelles ont publié leurs premières fictions, chez des éditeurs qui ont assuré leur diffusion et leur représentation en privilégiant la « restitution dune différence culturelle » (ibid., p. 398), telle que la souhaitait déjà Roger Bastide, aux éditions du Seuil, avec Yambo Ouologuem puis Tierno Monénembo. Avec Calixthe Beyala et Ken Bugul, initiatrices et références dès les années 1980, de nouveaux discours ont surgi, plus dénonciateurs, transformant la plume en corps actif, signe de violences subies. Les scénographies et lexpressivité ont récusé la conciliation en cassant les codes et les normes 500associées à des cultures dorigine ; et désormais, elles se revendiquent multiculturelles et afropéennes : dans les fictions, les figures féminines sont confrontées au racisme ordinaire, aux stéréotypes coloniaux, aux violences sexuelles déterminées par la triade sexe, race et classe. La réception très favorable des auteures « dAfrique sur Seine9 » par la presse et la critique française leur a permis dacquérir une renommée et une visibilité que la qualité de leur création na pas démentie. Cette intégration favorable aux attentes hexagonales a cependant régulièrement généré des commentaires dénonçant un exotisme de complaisance, déjà envisagé en 1966 par Mohamadou Kane dans LÉcrivain et son public, synthétisé par Mongo-Mboussa dans son essai Désir dAfrique :

Lécrivain africain est piégé dès le départ et devrait se montrer vigilant pour éviter que son discours ne soit récupéré ni par son lectorat de cœur qui le condamnerait à magnifier lAfrique, ni par son lectorat dadoption qui a souvent de lAfrique une image figée, celle dun monde dans lequel vit encore ce bon sauvage cher à Montaigne et Diderot, dont les vertus naturelles sopposeraient à celles de la civilisation occidentale. De ces pièges tendus à lécrivain africain, le plus redoutable est celui de son public de raison, qui, bénéficiant des traditions et dinstitutions littéraires établies, le pousse insidieusement à satisfaire ses attentes. (Mongo-Mboussa, 2002, p. 26)

Ce type dinquiétude na que peu ou pas concerné les femmes auteures, arrivées plus tard sur la scène médiatique, et dont le défi manifeste a été de déconstruire des stéréotypes, tant ceux coloniaux que ceux dun patriarcat continental à propos du genre. Elles navaient donc pas à « satisfaire des attentes », tout au contraire. Cependant, les problématiques et les discours proposés par la génération cosmopolite – celle de l« émigré assumé » (Ducournau, 2017, p. 396) fortement associé à une hybridité identitaire et au refus dune assignation ontologique impliquant un regard tourné vers lAfrique – ne rencontrent quun écho très limité ou mitigé en Afrique subsaharienne. Quil sagisse de motifs ou intrigues urbaines, de scènes à caractère sexuel ou de voix féminines révoltées usant des registres du grotesque ou du satirique, la réception est souvent décevante, détachée dune « vérité africaine » car produite pour un public non-africain. Cet écart entre des réceptions simultanées mais situées dans des cultures différentes prend une forme inattendue 501quand la formule « vraie littérature africaine » est placée en quatrième de couverture de fictions publiées en Afrique, afin daccentuer une référentialité incontestable qui valide du même coup le projet littéraire. Cette pratique éditoriale veut mettre à distance les auteurs identifiés en Europe à une « littérature africaine », désormais appelée « afropéenne », en valorisant l« écrivain sédentaire » (ibid., p. 395) représentatif dune réalité socio-culturelle continentale, locale.

Avec une telle catégorie, lécrivain publié en Afrique retrouve un rôle conféré par les Indépendances déjà, cest-à-dire celui de lintellectuel qui témoigne, valorise et dénonce10. Lautonomie de la littérature – en tant que champ sans contrainte référentielle – nest pas validée par ce système littéraire francophone africain qui place au second plan lexpressivité dans la langue ; de fait, la production locale est largement conditionnée par une démarche sociale souvent didactique, plutôt questhétique. Si lon admet que la fiction dévoile des mondes, elle na pas besoin den faire la démonstration.

Circulations éditoriales

Le manifeste pour une « Littérature-monde en français11 » a surgi en 2007 dans le quotidien Le Monde avant de devenir un volume chez Gallimard où lécrivain Alain Mabanckou a martelé : « La fratrie francophone est en route. Nous ne viendrons plus de tel pays, de tel 502continent, mais de telle langue. Et notre proximité de créateurs ne sera plus que celle de lunivers. » (Le Bris et Rouaud, p. 56) Ce positionnement stratégique dans le champ français – renforcé avec succès en 2016 par linvitation de Mabanckou à occuper la première chaire de création littéraire au Collège de France – nagite guère la circulation de la littérature en Afrique francophone. Ce mouvement nempêche pas non plus les ambiguïtés vis-à-vis du « centre » qui, par sa force même, continue à intégrer ses contestataires, comme la critique la souvent relevé depuis12. Les propositions faites par les Américaines Christie McDonald et Susan Rubin Suleiman dans French Global. Une nouvelle perspective sur lhistoire littéraire13 sont à ce titre très pertinentes, car elles encouragent la validation des repères extra-nationaux pour mettre en perspective des œuvres, de façon tant temporelle que spatiale et culturelle, et ainsi travailler au sein dune langue porteuse de multiples imaginaires, sans reproduction de hiérarchies datées. En Afrique, cette mise en circulation des œuvres existe aussi, grâce à des maisons déditions qui ne se définissent pas selon une « authenticité africaine » mais envisagent le lien au continent comme un relais parmi dautres. Ainsi, par exemple, la très récente maison dédition fondée par Léonora Miano au Togo, Quilombo Publishing (2021) ou la maison Jimsaan fondée à Saint Louis au Sénégal par Felwine Sarr et Boubacar Boris Diop en 2012. Ce dernier dirige aussi la collection Céytu qui publie en wolof la littérature mondiale, label créé par les Éditions Zulma & Mémoire dencrier en 2016. Il faut aussi mentionner les Éditions Elyzad fondées à Tunis en 2005 dont le roman Le Tambour des larmes du Mauritanien Beyrouk a reçu en 2016 le Prix Ahmadou-Kourouma décerné lors du Salon du Livre de Genève. Cette maison dédition fait partie de l« Alliance internationale des éditeurs indépendants », forte de plus de 35 membres en Afrique francophone. Avec sa collection Terres solidaires, ce groupe – moteur des « Assises de lédition francophone » – est actif pour la « “restitution” au Sud de textes littéraires écrits par des auteurs africains, publiés initialement au Nord », ce qui était le cas de Ceux qui sortent dans la nuit de Mutt-Lon 503publié aux éditions Bernard Grasset en 201414 et édité trois ans plus tard en Afrique. La collection sest ouverte depuis aux catalogues déditeurs du continent. Une telle circulation réjouit, en effaçant les propos clivés précédents qui soutenaient une « vérité africaine » pour les auteurs vivant sur le sol continental, vérité qui ne fait pas sens dans lunivers de la fiction. Pourtant, le parcours éditorial des textes, et des auteurs, reste semé dembûches, les initiatives individuelles ou collectives étant souvent freinées par des infrastructures et des systèmes contraignants, sans soutien financier, régional ou étatique15.

Cas de figure

Les auteurs « sédentaires » ont donc toujours des difficultés à trouver un éditeur qui assurera un circuit de distribution pour leurs créations, afin dobtenir une reconnaissance qui dépasse le cercle des proches. Une situation récente invite cependant à repenser ce constat, tout en questionnant un processus éditorial et un discours daccompagnement qui mettent à mal la reconnaissance dune auteure vivant en Afrique. La romancière Djaïli Amadou Amal, après une sélection pour le Prix Goncourt 2020, a obtenu la même année le Prix Goncourt des Lycéens pour son roman Les Impatientes paru aux Éditions Emmanuelle Collas. Sous le titre Munyal, les larmes de la patience, ce roman a reçu en 2019 le Prix Orange du Livre en Afrique, remis pour la première fois, et le Prix de la Presse panafricaine. Ce texte est le troisième roman dAmal, déjà reconnue au Cameroun, et spécialement dans le nord du pays, puisquelle vit à Maroua. Sa première publication, le roman Walaande. Lart de partager un mari, met en scène les compromissions et les violences au sein dune famille 504polygame16 ; le second Mistiriijo, la mangeuse dâmes confronte le lecteur au poids social subi par une jeune femme abandonnée, ce qui la transforme en paria17. Fort et attachant, ce récit qui croise les temporalités a ouvert la voie à la polyphonie de Munyal où trois femmes confient leurs peurs, leur désespoir et leur rage face à des mariages forcés, au viol et à la polygamie dans une société peule patriarcale où les mères ne sont daucun secours. Paru initialement en 2017 aux éditions Proximité à Yaoundé18, le succès de Munyal en 2019 a permis une nouvelle publication grâce à lAlliance internationale des éditeurs indépendants et, en 2020, il a donc été distribué en Guinée et Côte dIvoire, au Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Maroc et Togo pour le prix raisonnable de 3000 francs CFA, concrétisant ainsi sa diffusion rapide.

Cette reconnaissance continentale a cependant eu des suites particulières qui questionnent léternel dilemme centre-périphérie posé par le champ éditorial français, du fait dun processus marqué par un rewriting singulier. En effet, grâce à la détermination de membres du Prix Orange et à lintérêt dune éditrice, le roman a eu une troisième vie sous le titre Les Impatientes, car comme le dit léditrice Emmanuelle Collas, « je voulais un titre positif, impliquant le changement » (VLEEL19). Ce choix crée en effet une dynamique et laisse ouverte la possibilité dune alternative de vie, ce que le roman ne met pas en scène. La notoriété africaine du texte na donc pas suffi à sa reprise à lidentique et le sésame nécessaire pour accéder au cénacle parisien, le « rewriting », présenté par léditrice comme une « tradition française » (ibid.), mérite réflexion. En ligne, léditrice évoque sa rencontre avec un texte, et son souhait de linscrire parmi ses auteurs, souvent traduits et donc classés sous la catégorie de la littérature étrangère. Elle nhésite pas à associer les textes écrits en 505français, mais venus dautres régions du monde, à cette « littérature étrangère » (ibid.) quil faut en quelque sorte acclimater à une réception française qui semble dès lors incapable de comprendre des mots venant dautres cultures ou inapte à apprécier une représentation symbolique qui ne serait pas hexagonale. Léditrice se cautionne en précisant quune traduction est par exemple nécessaire depuis le Québec, car quand il y a « trop » de formules typiques, cela produit une « étrangeté » (ibid.).

Mais la littérature nest-elle pas le lieu même de létrangeté ? Comment recevoir de nos jours un propos si franco-centré, incapable de concevoir une étrangeté au sein de la langue ? Depuis 1968, et avec les textes foisonnants de Kourouma, Ouologuem, Tansi ou Monénembo, parmi les plus anciens, mais aussi Mwanza Mujila, Miano ou Diome20, il nest pas possible de se référer à une désagréable « étrangeté dans la langue », celle-là même que Proust a revendiquée il y a plus de cent ans. Que dire dun tel propos alors que The Palm-Wine Drinkard du Nigérian Amos Tutuola a paru à Londres en 1952 avec un succès immédiat, dû entre autres à une langue et un imaginaire éloigné des codes. Raymond Queneau ne sy est pas trompé quand il le traduit, proposant LIvrogne dans la brousse en 1953. Même sil est un constat régulier que sur le continent les éditeurs naccompagnent pas assez leurs auteurs, ne faut-il pas sétonner dune soi-disant tradition française de réécriture, spécifiquement dun point de vue littéraire, pratiquée sur un texte publié et primé ?

Variations

Dans le cas présent, il ne sagit pas de traduction, mais dune adaptation présentée comme nécessaire. Sexpose une perception française de la francophonie qui nenvisage ses locuteurs que comme « des étrangers qui sexpriment en français », argument de Marie Ndiaye dans une lettre adressée à Jean-Marie Volet alors quil préparait son anthologie des auteures africaines francophones au début des années 1990, et à laquelle 506elle avait refusé dêtre associée21. Un tel propos conforte les hiérarchies en posant un centre lumineux autour duquel gravitent quelques lucioles effarouchées, plutôt que denvisager, comme le propose French Global, lusage de la langue comme un réseau de connexions, un ensemble de « satellites » aux trajectoires mobiles (McDonald et Suleiman, 2014, p. 13). Évoquant la nouvelle édition de Munyal, devenu Les Impatientes, Collas la considère comme une « évolution » pour que le texte « aille plus loin », quil soit plus « universel » et « puisse être lu partout dans le monde » (VLEEL), alors même quAmal déclare de son côté que le sujet de la violence faite aux femmes est un sujet universel.

Dans quelle mesure une telle réédition crée-t-elle des conditions « pour permettre [au texte] de se frayer un chemin au-delà de lAfrique ? » (Jeune Afrique, 2020) La comparaison de lédition de 2017 et de celle qui a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens force à constater que les modifications de rewriting touchent très peu aux éléments culturels qui étaient annoncés comme peu compréhensibles pour un public franco-français. En fait, la majeure partie du rewriting validé par lauteure touche à la forme même du texte, à son style. La densification des propos et de lintrigue par retraits et reformulations, lactualisation par un usage du présent, parmi dautres éléments sur lesquels nous reviendrons, permettent dassister publiquement à un accompagnement éditorial très interventionniste, sans commune mesure avec ce qui est convenu de considérer, entre auteur et éditeur, comme une collaboration impliquant des suggestions ou observations ponctuelles. Un tel partenariat a une valeur « daccélérateur de confiance22 » et nest pas une transformation volontariste. Dans le cas de Munyal-Les Impatientes, le bât blesse dans la mesure où ce roman publié a été jugé insuffisant dun point de vue formel et donc réécrit pour assurer son adéquation aux attentes hexagonales. Lexercice a fonctionné puisque le livre a été sélectionné pour le Goncourt et est lauréat de celui des Lycéens, mais est-ce cela accueillir un roman dAfrique subsaharienne, en 2020 ? Lironie de situation est impressionnante puisque cette fabrication permet de vendre une « vraie littérature africaine », continentale. Ce processus ne sest donc pas fait à 507partir dun manuscrit mais dune édition publiée et primée qui allait changer de destinataire ; la motivation fondamentale de cette récriture est formulée indirectement quand Amal explique – en réponse à une question en ligne (VLEEL) – que la différence majeure de réception entre les publics européens et africains réside, selon elle, dans limportance du thème pour ses concitoyens et la dominante dun intérêt formel pour les seconds. Ce constat rend caduque la nécessité dune adaptation culturelle du roman, telle que présentée par léditrice23.

À partir de la comparaison effectuée entre lédition originale et celle de 2020 chez Emmanuelle Collas24, il apparaît clairement que le rewriting a un enjeu d« amélioration » formelle pour laccès au marché français. Ce constat est perturbant car il se fait sur la place publique, chacun pouvant dès lors considérer que lédition africaine se satisferait de peu dun point de vue stylistique. Le processus ne pratique ni un nouvel « exotisme postcolonial » (Huggan, 2013, p. 287) ni, à linverse, la neutralisation dun imaginaire flamboyant, mais oblige à constater une relation hiérarchique, le maître considérant que le motif est de circonstance, mais la langue de lélève à améliorer. Notre observation des manipulations se fait donc en considérant un texte a posteriori génétique, puisque les variations sont portées sur un texte publié que lauteure a délégué à son éditrice25. Ce geste met à mal les analyses consacrées à la notion dœuvre ouverte, celle retouchée par son auteur après publication, et répond partiellement aux « six facteurs de la réécriture post-éditoriale » proposé par Mahrer (2017, p. 23) : la variation de la matérialité (lobjet publié), la collaboration (écriture multiple ou changement déditeur), la communication (impliquant un changement daudience), lévolution du sujet et lévolution du contexte, ainsi que limaginaire dauteur (dont la posture et le métadiscours). Les facteurs que nous observons dans le cas du volume Les Impatientes sont motivés par lheureuse opportunité éditoriale et non par une volonté dauteure dont le texte vient dêtre primé en Afrique. Les options de « collaboration » et de « communication » se vérifient par le changement déditeur26 et du public cible, désormais en 508France, ce qui a dailleurs motivé la « variation de matérialité » puisque le livre a un nouveau titre. Largument de « communication » ne saurait convaincre quand on compare de près les textes. De plus, lévolution du sujet ou celle du contexte ne sont pas des critères motivés, surtout quand Amal affirme luniversalité de la lutte féminine. Limaginaire dauteur est quant à lui utilisé sans bouleversement, puisquelle incarne une auteure engagée et impliquée dont les interviews ne varient pas significativement quand elle sadresse à un public francophone européen ou africain27.

Exercice de style

La variation du métadiscours ne tient donc pas à une posture dauteure, mais à une réception fabriquée dont lironie tient au fait quAmal incarne « une vraie littérature » continentale africaine, alors que son texte a été réécrit pour les besoins éditoriaux français : les transformations ne sont pas dues à une soi-disant étrangeté culturelle ni à un désir duniversalisme, mais sont une correction formelle de type scolaire. En effet, sont pratiqués des suppressions, de rares ajouts, des déplacements et des réécritures dont nous donnons quelques exemples significatifs.

Les suppressions et restrictions syntaxiques sont lélément le plus constant. La première différence est le choix de faire disparaître le prologue qui contextualise la souffrance dune des protagonistes : il sagit dun récit à la troisième personne qui met à distance la jeune Hindou et surtout place en exergue la voix de la communauté, y compris ce dont elle saccommode pour éviter toute perturbation de règles immuables. Ce point de vue est repris par Hindou elle-même, au terme de la partie qui lui est consacrée, avec un « je » qui renverse évidemment la portée des décisions prises, alors que la jeune femme devient folle (Les Impatientes, p. 150-152). À ce choix darticulation modifiée sajoute par exemple lélimination de six paragraphes qui, par leur effet anaphorique, 509créaient une accentuation répétitive, ce qui pouvait être perçu comme un ralentissement de laction : placés après les diverses règles de soumission exigées dune fille (ibid., p. 97), chacun en reprend le leitmotiv où Hindou imagine son quotidien si elle avait tout accepté en se conformant aux attentes dune communauté ne faisant aucun cas dune situation individuelle. Le propos de la jeune femme se conclut – dans Munyal – par le constat ironique « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » (2017, p. 86).

Les déplacements de segments à lintérieur des phrases sont nombreux, avec le choix dune réorganisation déléments explicatifs. Il est intéressant dobserver la disparition de tout une séquence qui rapproche la protagoniste Rama dune de ses « marâtres » (ibid., p. 31) la « dernière conquête de son père » (Les Impatientes, p. 35) parce quelle avait été à lécole et que Rama souhaite devenir pharmacienne : « [] En cachette, nous échangions des romans à leau de rose, veillant tout de même à déchirer préalablement les couvertures trop suggestives » (Munyal, p. 31). La précision de cette activité, placée sous le signe de la littérature sentimentale, na pas survécu aux attentes éditoriales qui tout en valorisant lauteure pour la première fois publiée en France, ne peut admettre que pour ces femmes une telle référence ne soit ni anodine ni trop populaire, mais bel et bien un premier accès à des « problèmes de société », comme le relevait Micheline Coulibaly qui regrettait déjà dans les années 1990 ces « esprits chagrins » qui maintiennent des hiérarchies culturelles.

Dans lextrait ci-dessous28 sont pratiquées diverses réécritures, spécifiquement la modification des structures des paragraphes, ce qui transforme le rythme de lecture et les accentuations ; il sagit du début du chapitre 2 de la première partie, où les paragraphes 2, 3 et 4 des Impatientes (ibid., p. 23-24) nen formaient initialement quun, bien plus long dans Munyal :

[] Cétait une femme à la trentaine épanouie, dune beauté impeccable. Jaurais aimé men faire une alliée mais le regard quelle posa sur moi était austère et accusateur. Elle semblait me détester avant même de me connaître ! Elle aussi était entourée des femmes de sa famille arborant des sourires de bienséance aux lèvres. Deux camps qui se toisaient, se scrutaient et se croisaient en un duel feutré mais qui ne tarissaient pas de paroles hypocritement mielleuses. (Munyal, 2017, p. 21)

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Cet exemple permet de visualiser les choix de construction de paragraphes, de changement lexical et typographique, ainsi que des réductions de certaines formulations, impliquant la syntaxe. Mais le constat simpose aussi pour le changement de temporalité : les temps du récit – créant une distance – sont annulés au profit du présent, favorisant une représentation immédiate des scènes et créant une dynamique visant limplication du lecteur.

Ces stratégies formelles de réécriture sont très régulièrement utilisées au niveau de la phrase. Il sagit par exemple de la suppression dadjectifs ou de compléments qui amplifient lémotion ressentie mais, par cumul, alourdissent la syntaxe29. Quant aux ajouts, ils sont rares et principalement contextuels, tels au début du chapitre 3 de la première partie (« [] au nord du Cameroun » ; « La société musulmane » ; « Nous habitions dans ce que nous appelons au Cameroun septentrional une concession », Les Impatientes, p. 27-28) ; ils agissent en tant que périphrase, donnant lexplication dun mot en pullar30. Autre pratique visant cette fois-ci le registre de langue, les répliques des personnages ont été tronquées de leurs tonalités jugées trop familières ou vulgaires ; ainsi « me mettre la honte » (Munyal, 2017, p. 42) devient « Me faire honte » (Les Impatientes, p. 49) et « je me foutais » (Munyal, 2017, p. 49) devient « je me fiche » (Les Impatientes, p. 58) alors que « Je lui avais foutu la honte » (Munyal, 2017, p. 83) est éclipsé par lindirecte « quelle avait eu honte de moi » (Les Impatientes, p. 96). Ces corrections éditoriales rappellent inévitablement les exigences du centre pour une adéquation à un canon qui semble pourtant bien dépassé, voire condescendant. De façon étonnante aussi, les notes proposées par Amal à ses lecteurs africains31 ont été annulées dans la version française au profit des doublons explicatifs. La 511motivation de cette pratique est un choix de fluidité formelle réussi, mais nullement une stratégie daccès culturel qui, elle, nest quun camouflage de circonstance. Le travail de réécriture a visé à normaliser la pratique de la langue, à en assurer un registre soutenu, mais navait nul besoin de le rendre accessible culturellement à ses nouveaux lecteurs, ce qua pourtant affirmé léditrice Emmanuelle Colas.

Transmettre

Le succès rencontré par le roman dAmal où les trois personnages féminins tentent de négocier leur survie malgré des destins terribles offre aussi loccasion de découvrir ses précédentes fictions aux intrigues fortes et aux figures attachantes. Munyal-Les Impatientes met sur le devant de la scène littéraire une cause à défendre, ce que lauteure fait aussi au quotidien par des actes concrets, associatifs. Cette inscription dans la réalité africaine a séduit sur le continent et motivé sa réception en France, confortée par son inscription sur les prestigieuses listes des prix littéraires32. Lironie tient à ce que cette véritable littérature africaine est en fait une création éditoriale française qui, par un geste formel et non culturel, met en exergue une insuffisance du système éditorial francophone africain : ce qui suffit aux jurys dAfrique dun point de vue de la créativité stylistique – et donc leurs lecteurs – ne saurait convenir à un jury français et ses lecteurs. Une telle hiérarchie, déterminée par lusage de la langue, ne peut que déplaire ; elle motive une lecture décoloniale dun contexte de domination littéraire qui ne sest pas départi de pratiques dont Fanon était déjà le pourfendeur, avec Damas dont il citait la triade « le français de France/le français du Français/le français 512français » (Fanon, 1952, p. 36). Les voix des femmes africaines portées par le roman dAmal ont atteint lHexagone, mais lécho qui se découvre tel un palimpseste rend compte dun processus néo-colonial. Cette fabrication dune nouvelle « vraie littérature africaine » par le centre nest sans doute quun début et, au-delà des succès bienvenus, confronte des pratiques et des intentions. Le système littéraire africain francophone, désormais doté de prix littéraires, ne pèse pas lourd : ses attributions servent dantichambre aux éditeurs parisiens qui viennent y piocher des textes au thèmes de circonstance, en imposant un rewriting. La consécration se paie donc toujours comptant.

Christine Le Quellec Cottier

Université de Lausanne

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Bibliographie

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Amal, Djaïli Amadou Munyal, les larmes de la patience, Yaoundé, Proximité, 2017.

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Volet, Jean-Marie et Ormerod, Beverley, Romancières africaines dexpression française : le Sud du Sahara, Paris, LHarmattan, 1994.

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Fig. 1 – Seni Awa Camara, Sans titre, 1996 :
Terre cuite (35 x 38 x 32 cm). © Seni Awa Camara,
courtesy The Jean Pigozzi Collection of African Art.

1 Titre de larticle dIsabelle Rüf publié en ligne dans Le Temps, le 18 octobre 2020.

2 Linterview est disponible dans ce volume.

3 Celle-ci est englobante et dissimule un groupe hétérogène (voir : Claire Ducournau, op. cit., p. 371). Nous maintenons cette notion pour désigner des textes publiés par des femmes et mettant en scène des voix féminines, souvent porteuses de revendications que la société peine à entendre.

4 Cela cinquante ans après les premières publications des auteurs subsahariens qui ont dabord valorisé le continent africain, puis dénoncé la colonisation et le temps post-colonial.

5 Il est lauteur en 1993 de La Parole aux Africaines ou lidée de pouvoir chez les romancières dexpression française de lAfrique sub-saharienne, puis avec Beverley Ormerod de Romancière africaines dexpression française : le Sud du Sahara (1994), avant Imaginer la réalité : la lecture des écrivaines africaines (2003).

6 Un feuillet manuscrit non signé, conservé dans le Fonds Jean-Marie Volet (UNIL-BCUL : « https://www.patrinum.ch/record/218935 (consulté le 10/02/2021) »), reflète la situation : « Bonjour, Trouvez ci-joint un exemplaire du livre. Écri[t]s et auto-édité par mes propres moyens, je souhaiterai un “feedback” tout en sachant que je ne suis entourée daucun professionnel. » La valorisation de cet ensemble est en cours à lUNIL, grâce au Pôle pour les études africaines de la Faculté des lettres.

7 Micheline Coulibaly, née au Vietnam, a grandi en Côte dIvoire où elle a travaillé ; elle a aussi vécu au Mexique et à Dubaï et est décédée à Huston (Texas) en 2003. Elle a publié et a été primée pour ses récits destinés à la jeunesse.

8 À propos de cette démarche, voir larticle de V. Cossy ; et pour les sites, se référer à la préface de ce volume.

9 Selon le titre de lessai dOdile Cazenave paru en 2003 Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris.

10 Le programme de la « Rentrée littéraire du Mali », mars 2021, illustre pleinement la présence forte de ce quil faut nommer un engagement : « http://www.rentreelitterairedumali.org (consulté le 10/02/2021) ».

11 Publié par Michel Le Bris, le manifeste est signé par : Muriel Barbery, Tahar Ben Jelloun, Alain Borer, Roland Brival, Maryse Condé, Didier Daeninckx, Ananda Devi, Alain Dugrand, Édouard Glissant, Jacques Godbout, Nancy Huston, Koffi Kwahulé, Dany Laferrière, Gilles Lapouge, Jean-Marie Laclavetine, Michel Layaz, Michel Le Bris, J.-M. Le Clézio, Yvon Le Men, Amin Maalouf, Alain Mabanckou, Anna Moï, Wajdi Mouawad, Nimrod, Esther Orner, Erik Orsenna, Benoît Peeters, Patrick Rambaud, Gisèle Pineau, Jean-Claude Pirotte, Grégoire Polet, Patrick Raynal, Jean-Luc V. Raharimanana, Jean Rouaud, Boualem Sansal, Dai Sitje, Brina Svit, Lyonel Trouillot, Wilfried NSondé, Anne Vallaeys, Jean Vautrin, André Velter, Gary Victor, Claude Vigée, Abdourahman A. Waberi.

12 Voir par exemple : Véronique Porra, « Malaise dans la littérature-monde (en français) : de la reprise des discours aux paradoxes de lénonciation », Recherches & Travaux, no 76, 2010, p. 109-129.

13 Le volume publié en 2010 par Columbia University Press a été traduit en français et publié par Classiques Garnier en 2014 ; il a gardé son titre anglais.

14 Ce premier roman publié est aussi lauréat du Prix Ahmadou-Kourouma, en 2014.

15 Ces constats ont été formulés pour tout le continent lors des « Assises de lédition africaine », salon des professionnels de lédition au Salon du Livre de Genève, en 2019 : « https://www.anel.qc.ca/wp-content/uploads/2018/11/Dossier-presentation-assises-salon-livre-Geneve.pdf (consulté le 10/02/21) ». Sur le sujet du marché du livre en Afrique, se référer aux recherches de Raphaël Thierry (Presses Universitaires de Bordeaux, 2015).

16 Publié par les éditions Ifrikiya en 2010, il a reçu le Prix de la Fondation Prince Claus et a été traduit en arabe.

17 Le roman publié en 2013, toujours aux éditions Ifrikiya, est accompagné dune préface du Dr S. Nassourou, sociologue, qui relève lintérêt des informations ethnographiques sur les Peuls de Maroua et le caractère documenté de cette fiction. Le titre Mistiriijo – qui signifie « un sorcier mangeur dâmes » (op. cit., p. 12) – est explicité dans le prologue où se déploie la volonté documentaire.

18 Cette maison a été partenaire dIfrikiya durant quelques années, avant de reprendre son autonomie en 2015. Munyal, publié en 2019, est identique à lédition originale de 2017.

19 Interview de léditrice et de lauteure, avec de nombreuses lectrices, le 29 novembre 2020 : « https//www.youtube.com/watch?v=svSkCDKuiz8 (consulté le 10/02/2021) ».

20 Son roman Les Veilleurs de Sangomar (2019) plonge au cœur dune communauté sérère dont les registres lexicaux sont rendus avec leur puissance dévocation sonore et rythmique, sans traduction.

21 Le propos de lauteure est reproduit dans Romancières africaines dexpression française : le Sud du Sahara (1994), p. 111.

22 Formule de Caroline Coutau, directrice des Éditions Zoé, lors dune discussion à propos du festival « Rentrée littéraire du Mali », 2021.

23 Nous avons sollicité sans succès léditrice, en avril 2021 par courriel, à propos de ces ambiguïtés.

24 Nous donnons des exemples à partir de lédition originale de 2017 et celle publiée en 2020.

25 Lauteure remercie celles qui ont porté le projet en France au terme du volume.

26 Léditeur camerounais garde cependant les droits pour lAfrique.

27 La dénonciation des violences faites aux femmes fait écho à son engagement pour lassociation quelle a fondée « Femmes du Sahel ». Sur le lien entre littérature et engagement, voir linterview avec Denise Epoté sur TV5 Monde le 1er avril 2019.

28 Les processus évoqués se vérifient tout au long du volume.

29 Le début du deuxième paragraphe du chapitre 7 de la première partie, est à ce titre significatif. Voici la version de Munyal : « Les préparatifs du mariage avaient bel et bien commencé, et la première étape consistait à mapprêter physiquement. Une femme venue spécialement du Tchad, aux bons soins de mon fiancé, était chargée de ce travail fastidieux. Elle commença par mépiler complètement à la cire, ignorant mes cris de douleur. [] » (2017, p. 48).

30 « Munyal », patience, est donné dès lexergue avec le proverbe peul ; dans la formule « Hayatou, fais le doa, prononce la prière. » (Les Impatientes, p. 20), lexpression en italique est suivie de sa traduction, ajout aussi visible dans la formule : « nouvelle mariée, mon amariya », (ibid., p. 24 & 161).

31 Donnant des explications culinaires, culturelles et religieuses. La seule note maintenue est celle expliquant la menace dêtre « répudiée trois fois », ce qui dans une société musulmane rend le divorce inéluctable. Un ajout dans le texte, alors quil sagit dune scène de dialogue, aurait semblé factice (ibid., p. 50).

32 D. A. Amal est aussi lauréate du Choix Goncourt du Royaume-Uni et de celui dOrient. Une polémique a surgi sur les réseaux sociaux avec une étrange lettre ouverte qui dénonce la « qualité ordinaire » du texte dAmal et la fabrication – commerciale et politique – de ce succès, déjà en Afrique : « https://www.ivoirebusiness.net/articles/prix-goncourt-des-lyceens-2020-lettre-ouverte-alain-mabanckou-chantal-biya-maurice-kamto (consulté le 10/02/2021) ».