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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Ædificare Revue internationale d’histoire de la construction
    2020 – 1, n° 7
    . varia
  • Auteurs : Dessales (Hélène), Dobbels (Jelena)
  • Pages : 391 à 398
  • Revue : Ædificare
  • Thème CLIL : 3076 -- TECHNIQUES ET SCIENCES APPLIQUÉES -- Architecture, Urbanisme
  • EAN : 9782406114284
  • ISBN : 978-2-406-11428-4
  • ISSN : 2649-177X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11428-4.p.0391
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/03/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langues : Français, Anglais
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Marco Rosario Nobile, Federica Scibillia (éd.), Tecniche costruttive nel Mediterraneo. Dalla sterotomia ai criteri antisismici, Palerme, Caracol, 2016, 256 p. (Tracciati. Storia e costruzione nel Mediterraneo, 8).

Ce volume de 256 pages résulte du colloque conclusif du programme ERC Cosmed (Dalla stereotomia ai criteri antisismici : crocevia di sperimentazioni progettuali. Sicilia e Mediterraneo, XII-XVIII secolo), dirigé par Marco Nobile. Édité par les soins de ce dernier et de Federica Scibillia, il aborde la diffusion des techniques de construction méditerranéennes sur un ample horizon chronologique, allant du xvie au xixe, en se focalisant sur deux aspects, la stéréotomie et les systèmes anti-sismiques. Seize contributions très riches se succèdent, avec une iconographie de grande qualité. On peut seulement regretter que ce beau livre nadopte pas une organisation thématique clairement exposée et quil soit privé de conclusion. Mais on comprend aisément quil répondait à lobjectif de dresser un état des lieux des travaux et douvrir des perspectives de comparaison, à lissue de ce programme de recherche de très grande envergure, menée sur le foyer dinnovations que représente la Sicile. Lintroduction historiographique dArturo Zaragoza Catalan, sur « les nouvelles machines de la mémoire », ouvre très efficacement la réflexion, en sinterrogeant sur la perte et loubli des savoirs techniques acquis durant une période déterminée et sur leurs modalités de récupération.

Première thématique qui ressort du volume, les innovations et les transferts techniques à lépoque médiévale et moderne sont abordés à travers lart des couvrements et des voûtes. Philippe Bernardi développe ainsi une étude de cas appartenant à la première moitié du xvie s., avec la grande salle du Parlement de Provence, à Aix-en-Provence. Une série exceptionnelle de contrats et de dessins informe sur sa construction, achevée en 1559. Si létude typologique met en évidence un modèle de charpente qui semble importé du nord de la France, cet exemple unique suggère en réalité toute la complexité des formes de transfert, qui se nourrit dune multiplicité dacteurs et dintermédiaires, entre expériences locales précédentes et modèles adaptés de façon indirecte ; le rôle du 392dessin et de sa copie savère primordial dans ce phénomène de transmission. Javier Ibánez Fernández et J. Fernando Alegre Arbués envisagent un exemple intéressant dinnovation technologique dans larchitecture aragonaise du bas Moyen Âge et de lépoque moderne, avec le passage de la tour-lanterne à la coupole. Influencée par les nouveaux modèles architecturaux introduits dItalie en Aragon, la réalisation des coupoles sest appuyée sur des traditions techniques locales, avec lusage de la brique, du bois et du plâtre, garantissant la solidité des structures. José Calvo López sintéresse au cas particulier de la géométrie de la voûte darêtes dans les traités darchitecture français et espagnols de lépoque moderne, avec une attention particulière au texte fondateur de Philibert de lOrme. La construction de la voûte darêtes est aussi envisagée par José Carlos Palacios Gonzalo et Pablo Moreno Dopazo, à travers lœuvre de Rodrigo Gil de Hontañon, grand maître de larchitecture gothique espagnole du xvie siècle, à lorigine dune typologie des éléments constitutifs de voûtes, principalement appliquée dans les églises. Létude sappuie sur lanalyse des dessins originaux du maître et sur la réalisation de maquettes en grand format très suggestives. Une démarche similaire caractérise létude dEnrique Rabasa Diaz sur lart gothique méditerranéen du xviie siècle, qui associe interprétation de dessins originaux et de maquettes explicatives, à travers lanalyse des traités produits par Joseph Gelabert, un maître de Majorque. Rédigé en catalan, ce texte, qui date de 1645, constitue un témoignage très intéressant de stéréotomie et de lart de la pierre, pour la réalisation des arcs, escaliers et voûtes. Sur une même thématique, Antonella Armetta développe une approche plus générale sur le développement de la stéréotomie en Sicile, au cours du xixe siècle ; elle souligne le rôle moteur des personnalités darchitectes, à lorigine dinnovations, à travers différents cas détude à Palerme. Toujours en Sicile, Domenica Sutera questionne les transferts techniques dans la Sicile moderne, à travers lutilisation des briques dites a cortina, cest-à-dire laissées visibles en parement. Leur utilisation est fort rare par rapport à la diffusion bien plus généralisée de la pierre et se limite à des structures particulières, arcs, voûtes et façades. Lanalyse de cas développée sur léglise de Piazza Armerina, édifiée entre 1627-1628, démontre, de façon emblématique, le transfert à la fois dun matériau et de sa mise en œuvre, puisque larchitecte venu la réaliser, Orazio Torrani, ne fait que reproduire une pratique en 393usage à Rome. Lintroduction de la brique, qui constitue un enjeu de recherche largement exploré pour les périodes antique et médiévale, comme exemple de vecteur technologique, constitue en effet un des fils de lecture possible de cet ouvrage. Cest aussi le sujet abordé par Doris Behrens-Abouseif, qui dresse une histoire de la brique et de la pierre dans larchitecture de lÉgypte médiévale.

Une deuxième thématique concerne les reconstructions successives à des tremblements de terre, en explorant la nature des expériences post-sismiques, voire anti-sismiques. Ainsi, Mercedes Gomez-Ferrer traite du tremblement de terre de Montesa (Valence) de 1748, en analysant son impact dans la ville de Xativa et dans le couvent de Montesa. Un examen méticuleux des archives à disposition permet de mettre en évidence la nature des dommages et de caractériser les techniques de reconstruction devant faire lobjet de réparation. En terre italienne, Adriano Ghisetti Giavarina sintéresse au cas décole que représente LAquila. Il étudie les techniques de construction qui ont à la fois précédé et suivi le tremblement de terre de 1703, la ville ayant été victime de trois autres très importants séismes au cours de son histoire (1349, 1462 et 2009). Une typologie de structures sismo-résistantes, de consolidations et de réparations se dessine, par lusage de charpentes en bois, de tirants métalliques, de contreforts et de voûtes légères en roseau. La brique apparaît favorisée dans les reconstructions, en étant utilisée dans des dispositifs de chaînage systématiques qui caractérisent les reconstructions successives à 1703. En labsence de témoignages écrits, ce sont les observations sur le bâti qui permettent détablir une chronologie de ces catégories dinterventions. Caterina F. Carocci et Cesare Tocci explorent également les techniques appliquées lors de la réfection de lAquila consécutive à 1703. Ils soulignent un dispositif de reconstruction planifiée, à distinguer des réparations ponctuelles qui suivent des épisodes moins graves. Les chaînages des élévations au moyen de ceintures en bois et de harpes en pierre, les voûtes avec arcs boutants, renforcées par des éléments en bois et des charpentes avec des poutres chainées, témoignent de savoirs anti-sismiques, qui ont prouvé leur efficacité en assurant la résistance des bâtiments, comme la montré lexpertise des dommages produits en 2009. Enfin, Federica Scibillia étudie les dommages et ouvrages de reconstruction liés au tremblement de terre de 1823 dans le nord de la Sicile. Une riche documentation darchives permet de recenser les 394dommages et les différentes réparations préconisées, sous limpulsion de grandes figures dingénieurs. Il en ressort une opération de reconstruction systématique et rationnelle, centralisée par ladministration, sans que se dégagent toutefois de véritables innovations.

Enfin, un troisième axe de lecture du volume concerne lhistoriographie des techniques, développée à travers des études de cas. Joan Domengue Mesquida analyse la Lonja des marchands de Palma de Majorque, un célèbre bâtiment du deuxième quart du xve s. À partir de lanalyse du corpus de dessins produits, il montre limportance du modèle quil a pu constituer dun point de vue technique et architectural. Dany Sandron présente une synthèse sur les recherches dÉmile Bertaux sur larchitecture du Sud de lItalie, à travers la publication de référence qua constitué Lart dans lItalie méridionale. De la fin de lempire romain à la conquête de Charles dAnjou, 1904. Enfin, Paola Barbera traite de lapport des études italiennes de la première moitié du xxe siècle dans « lhistoire du bâtiment ». Ces prémices dune lhistoire de la construction naissent dun étroit rapport entre histoire de lart et histoire de larchitecture. Dans la tradition ouverte par Auguste Choisy, cette évolution est incarnée par Gustavo Giovannoni, une figure complète darchitecte, dingénieur et dhomme de métier, qui étudie, construit et restaure des monuments.

Ce livre foisonnant, avec des études de cas qui nous font parcourir tout lespace méditerranéen (Italie et Sicile, Provence, Catalogne, Espagne et Majorque, Égypte) constitue donc autant de regards croisés sur la transmission des savoirs et des techniques de construction dans le bassin méditerranéen.

Hélène Dessales

École normale supérieure

Université PSL

AOROC, UMR 8546

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Yaron Pesztat (éd.), Blaton. Une dynastie de bâtisseurs. Een dynastie van bouwers, Brussels, AAM Éditions, 2018, 288 p. Illustrated in colour

Within the research field of Construction History, the work and oeuvre of architects and engineers formed the main focus for a long time. In recent decades, the research focus has been broadened to other construction actors, such as contractors. This bilingual publication (French-Dutch), edited by Yaron Pesztat, fits with this research trend and focuses on the history of the Brussels construction company Blaton (1865). In 2013, the archive of this construction company was donated to the Archives dArchitecture Moderne (AAM), which in the meantime has become part of the Centre International pour la Ville, lArchitecture et le Paysage (CIVA). After two years of (partially) inventorying and researching the archive, this overview publication was made. Seven richly illustrated chapters by various authors tell the history of the construction company, embedded in architectural and construction history.

Maurice Culot opens the publication with a chapter on the research possibilities of the Blaton archive (Le monde merveilleux des archives Blaton). An analysis of preserved documents such as plans, project files, correspondence, calculation notes, photo albums, technical documents and advertising not only gives us insight into the emergence of new typologies (such as garages, cinemas, sports halls, casinos, apartment buildings) but also into Blatons collaboration with well-known and less-known architects, engineers and subcontractors. These aspects are further elaborated in the rest of the book. For example, in a subsequent chapter (La mémoire de la construction mise à nu), Culot outlines what information the project files can provide about realised and unrealised projects (such as the construction of an Olympic stadium in Antwerp in 1933), the emergence and development of typologies such as crypts and apartment buildings and the collaboration with well-known architects such as Henry Van de Velde.

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Bernard Espion and Yaron Pesztat recount the history of the Blaton construction company, paying attention to the different generations, the companys name changes,1 the expansion and adaptation of the business activities (Une dynastie de constructeurs). This is contextualised in the broader Belgian construction sector. Blaton was established in 1865 as a trader in building materials, with an emphasis on cement. From 1890 onwards, the company gradually evolved from a materials trader into a general construction company specialising in reinforced concrete. In the following decades, Blaton responded to new techniques and applications of this building material such as prefabricated foundation piles (Vibro piles) and prestressed concrete (Sandwich technology). In the next chapter, Bernard Espion and Armande Hellebois elaborate on this technological innovation. Blatons history can indeed be read as that of a company that has been at the forefront of technological innovation in Belgian concrete structures for 150 years, either as a pioneer in the use of foreign patents or by developing its own new processes. Espion and Hellebois outline the companys history through evolutions in the material concrete (composition, reinforced concrete, foundation piles, prestressed concrete) and highlight the collaboration between Blaton and professor Gustave Magnel. This chapter contains a number of inserts that provide the reader with a textual and visual explanation of Piles, Concrete, reinforced concrete and prestressed concrete and Covering spaces. Additionally, there are thematic pages, discussing in detail a number of typologies such as Roofs and large-span roofing and Bridges and footbridges. These theme pages contain a general typological description and a number of exemplary projects.

The publication is not only focussed on technological innovation. In the chapter Architecture et construction modernes en Belgique à travers le fonds Blaton, Rika Devos and Jens Van de Maele contextualise Blatons building projects in the broader architecture and construction history. 397They emphasise the diversity of projects: sometimes Blaton was responsible for specific, well-defined aspects such as the placing of a product, whether or not it was patented (such as Vibro foundation piles). In other projects, Blaton acted as a general contractor who took on the complete execution, with or without subcontractors, or even as a real estate promoter. Devos and Van de Maele sketch Blatons contribution to the modern city through the construction of apartment buildings, offices, department stores but also leisure infrastructure such as casinos and cinemas. Blaton also built industrial complexes such as breweries and paper mills and buildings linked to the growing car industry such as parking lots, gas stations and production sites on the outskirts of the city. Thematic pages on Office Buildings and World Exhibitions offer the reader insight in the evolutions within the office typology and in Blatons response to the opportunities of world exhibitions for architects, contractors, patent holders and manufacturers of building materials to show their skills to the general public. Michel Provost outlines the major twentieth-century infrastructure works in which Blaton was involved: the port of Brussels and the Sea Canal, large railway projects in the first half of the twentieth century, road infrastructure in Brussels after the Second World War and the Brussels underground (1960s-1980s). Here, too, inserted pages on Arched and girder bridges and thematic pages on Bridges and Tunnels provide the reader with more detailed information and projects.

The authors deserve praise for this very accessibly written and richly illustrated overview of Blaton. The chapters are interwoven with images of archival documents such as sections, façade, floor and perspective plans (of both executed and non-executed projects), detailed drawings, calculation notes, sketches, planning documents, site photos and photographs of finished construction projects. In addition, the book contains a photo album of fifty pages of historical photographs, that offers an extra visual explanation of the projects discussed. In the last chapter, Rika Devos zooms in on the Blaton archive (which contains 255 running metres of archives), the various types of archival documents and the research possibilities of this contractor archive. She correctly argues that (Belgian) contractors archives are rare, and that exemplary practices have not yet been developed for the compilation of these archives (archiving by the owners) or for their systematic analysis (by historians). By doing so, this 398publication not only tells the story of the Brussels contractor Blaton, but also places contractors archives on the map as an important source for architectural and construction history research.

Jelena Dobbels

Vrije Universiteit Brussel

1 In order to avoid confusion, this review always mentions Blaton. Over the years, the company was referred to with names such as Blaton-Aubert (1865), Ciments & Béton. Ancienne firme Blaton-Aubert (ca. 1890), Entreprises Générales Travaux Publics (1908), Compagnie industrielle de travaux (Industra, 1927), Entreprises Blaton-Aubert (1932), Bâtiments et Ponts (1954), Travaux (1964), Compagnie Industrie et Travaux Emile Blaton (CITEB, 1954). Subsidiaries were set up such as Pieux Vibro (1927), Union mobilière et immobilière (1929) and Câble Sandwich (1950). Today there is still a company that descends in a straight line from the 1865 Blaton company: CIT Blaton.