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Classiques Garnier

Comptes rendus

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Alain Kersuzan et Jean-Michel Poisson, Glossaire de la construction castrale et civile au Moyen Âge, en France, xiiie-xve siècle. Matériaux, techniques, outils, métiers, édifices, mobilier et armement. Latin-vieux français, Ambérieu-en-Bugey, Amis de Saint-Germain, 2017, 168 p.

Tout à la fois glossaire, en ce quil livre la définition de termes rares, anciens et spécialisés, et lexique, par son caractère plurilingue et par la concision de ses définitions, louvrage que livrent Alain Kersuzan et Jean-Michel Poisson se présente comme un outil dont lexistence ne peut que réjouir les chercheurs. Conçu pour « faciliter la lecture et la compréhension des textes », ce glossaire na pas de prétention à lexhaustivité et, du reste, quel travail de ce type pourrait en avoir ? Fruit dune longue collaboration entre ses deux auteurs, le livre qui nous est proposé sappuie en grande partie sur le traitement dun riche corpus de textes des xiiie-xve siècles et tout particulièrement sur les importants fonds des comptes de châtellenies et de péages du comté puis du duché de Savoie et du Dauphiné de Viennois. Il faut, en ce sens, lenvisager comme une facette du travail collectif conduit sur ces sources médiévales dans le cadre de plusieurs des programmes du CIHAM (UMR 5648) et qui ont mené à la numérisation et à la transcription dimportantes séries comptables du xiiie siècle, consultables sur le site www.castellanie.net. Sinscrivant dans la lignée des recherches de Jeanne-Marie Lescuyer-Mondésert et de Paul Cattin sur lAin, louvrage publié se concentre sur le vocabulaire tout en envisageant une chronologie et une aire géographique plus larges.

Le titre et les sous-titres du volume mentionnent clairement létendue du domaine concerné : construction castrale et civile ; matériaux, techniques, outils, métiers, édifices, mobilier et armement ; latin-vieux français. Le fait que la France concernée corresponde principalement à un grand quart sud-est de la France actuelle nenlève rien à lintérêt de la somme publiée pour un domaine (la construction) dont le vocabulaire est rarement explicité dans les dictionnaires généraux et pour lequel les instruments de travail demeurent rares et dispersés, généralement relégués à la fin de travaux universitaires ou darticles peu accessibles.

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La masse de recherches quimplique la réalisation dun tel glossaire se laisse mal appréhender à la seule lecture de celui-ci et lon ne peut que se réjouir du fait que ces auteurs aient su mener à terme une entreprise dune telle ampleur. Si lintérêt premier du lexique est de permettre à des chercheurs plus ou moins avancés de mieux appréhender un vocabulaire complexe et, partant, de mieux comprendre les sources médiévales de la région concernée, le glossaire se présente, en lui-même, comme une source du fait des techniques quil documente mais aussi des subtilités sémantiques quil propose. Il est, également, source de comparaisons entre aires géographiques diverses et se présente comme un pendant des travaux publiés, par exemple, par Mercedes Gómez-Ferrer, pour larchitecture Valencienne1, par Anna Decri, pour la Ligurie moderne2, ou par Thierry Verdier, pour le Languedoc et le Rouergue3, tout en nous faisant regretter que les travaux de Jean-Loup Delmas sur les termes techniques de la construction en langue dOc en usage dans lAlbigeois naient pas été entièrement publiés.

Précédé dune bibliographie assez réduite dans laquelle on peut sétonner de ne pas trouver mention des travaux universitaires de Gilbert Salmon4, le glossaire adopte une présentation sur trois colonnes : « latin », « français », « définition ». Ce dispositif original évite de multiplier les entrées pour les termes qui, dans les deux langues, seraient assez proches. Il propose et regroupe les graphies proches sous lesquelles un même mot peut se retrouver, renonçant à une simplification ou normalisation malvenue. Une ou plusieurs définitions rapides, si nécessaire, sont placées en regard de chacun des termes et complétées par une série de synonymes renvoyant à dautres entrées du glossaire. Louvrage répond en cela parfaitement à lobjectif de ses auteurs de proposer au lecteur une définition ou une équivalence française lui rendant la compréhension des documents anciens plus aisée. On saluera létendue du vocabulaire 223pris en compte (matériaux, techniques, outils, métiers, édifices, mobilier et armement) de même que le recours fréquent à des dessins qui viennent épauler la définition proposée. Les auteurs ont concentré leur attention sur les verbes et les substantifs, sans faire cas des adjectifs ou des locutions, ce qui peut sexpliquer par la « multitude de termes » déjà rassemblée dans louvrage. À raison dune vingtaine dentrées par page pour près de 160 pages, ce sont, en effet, près de 3200 mots que compte ce glossaire ; un chiffre qui, à lui seul, en souligne lintérêt. Ce livre a le mérite de rassembler et de rendre accessible un vocabulaire rare et souvent difficile à restituer. Les auteurs présentent ce lexique comme non définitif et envisagent quil soit « complété et précisé ». Dans cette optique et pour aller un peu au-delà de la seule compréhension des textes, lajout de données concernant lorigine textuelle, historique et géographique des termes pourrait être particulièrement intéressant. Mais il sagit là dune autre étape et nous devons, à ce jour, nous réjouir de la publication de cette recherche érudite et de la mise à disposition dun outil qui rendra assurément, dimmenses services aux historiens.

Philippe Bernardi

CNRS – LAMOP

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Christelle Inizan, avec la collaboration de Jean-Jacques Roman, Christel Guillot et Luis José Alderete, Plâtre : sols et couvrements intérieurs du xiiie au xixe siècle, Paris, Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2017, 367 p.

Quand Christelle Inizan (chargée de recherche au Centre de Recherche sur les Monuments Historiques – CRMH) sempare du 224sujet du plâtre en 2013, elle fait une constatation : la bibliographie du matériau est extrêmement lacunaire5. Sil existe un véritable manque à ce sujet dans la littérature technique constructive, elle réalise rapidement que le sujet est vaste. Elle se voit ainsi obligée de restreindre les thèmes abordés. Lautrice lévoque elle-même au cours du texte (p. 10) : elle écarte de la publication les éléments de second œuvre (pourtant chers à la collection les Albums du CRMH) tels que les plâtres de moulage et de restauration, les supports de couche picturale, les clefs pendantes, les cloisonnements, les cheminées, les escaliers. Elle écarte également tous les usages de gros œuvre dit « plâtre de construction » tels que les moellons de gypse, parpaings de plâtre, plâtre banché, plâtre de scellement extérieur, plâtre de couverture et enduits de façade6. En se focalisant sur les sols et couvrements, elle restreint son sujet tout en valorisant la collection de relevés détenus par les archives du CRMH. Ce choix drastique permet aussi de centrer la problématique sur les ouvrages complexes que sont les planchers, plafonds, voûtes et coupoles, pour lesquels le plâtre joue un rôle autant ornemental que structurel.

Publié aux éditions du Patrimoine, louvrage sinscrit dans la collection des Albums du CRMH et sadresse à un public de professionnels du secteur de la restauration du patrimoine. La collection est traditionnellement dédiée aux architectes qui y trouvent, depuis les années 1980, des planches iconographiques, des détails techniques et des exemples de mise en œuvre. Elle offre ainsi un panel doutils documentaires et techniques pour comprendre et mieux restaurer les édifices du patrimoine bâti. Dans la continuité de la collection, louvrage conserve la structure des albums précédents. Débutant par une introduction sur le matériau (novatrice !), il se poursuit avec une typologie plus classique des sols 225et plafonds. La partie des planches iconographiques met en valeur le fonds documentaire du CRMH tandis que la dernière partie est dédiée à la présentation des relevés récents. Ceux-ci sarticulent autour dune étude de vingt-cinq sites à travers la France, révélant la richesse dun patrimoine encore très méconnu.

Labsence douvrage de référence sur lhistoire du plâtre, qui accompagne pourtant la construction de lAntiquité à nos jours, oblige lautrice à commencer son propos par une introduction générale sur le matériau. Cette manière daborder le sujet diffère totalement des autres ouvrages de la collection, dédiés à des dispositifs techniques (menuiseries, vantaux, escaliers, plafonds, rampes, lambris, charpentes, etc.) avant dêtre dédiés à un matériau. Cet ouvrage sintitule donc « Plâtre », de manière à se poser en ouvrage de référence au sein dune bibliographie restée, jusquà aujourdhui, dérisoire.

Alors que lhistoire des matériaux nest plus enseignée et que les historiens de la construction sont encore rares, lautrice sempare des pratiques de différents champs disciplinaires pour élaborer sa méthodologie détude. Pour compenser une maigre littérature de référence, elle convoque des visites de chantiers, des résultats de fouilles archéologiques et de nombreux entretiens avec des spécialistes dhorizons divers tels que les archéologues, architectes, conservateurs, restaurateurs, ingénieurs et entreprises de fabrication ou de mise en œuvre du plâtre. Cette réunion de connaissances vivantes (les notes de bas de page nous renseignent sur les noms des spécialistes convoqués) est associée à une étude documentaire plus classique, basée sur les traités de construction, accompagnée dune abondante iconographie. Celle-ci associe les habituelles gravures anciennes et photographies dédifices à des photographies de chantier de restauration et déchantillons de matériaux récoltés pour la matériauthèque du CRMH.

Louvrage nous présente létude des planchers selon plusieurs thèmes. Ils sont introduits par lobservation du sol, puis de la structure (bois, métal ou terre cuite), car le plâtre participe également à la solidité de lensemble avant dêtre un matériau décoratif – il peut même être structurant7. Enfin, les différents types de plafonds sont abordés ainsi 226que tous les ornements en découlant. Par ce procédé, louvrage rend hommage à un matériau mal-aimé. Le plâtre est souvent associé à une incompatibilité avec le bois ou le métal, ou à limage dun décor factice doré ou peint. Le texte, comme la riche iconographie des relevés, redonne à ce matériau un rôle constructif, tout en louant son incombustibilité, sa légèreté et son excellente compatibilité avec les autres éléments constitutifs des planchers.

Les textes de louvrage tendent, cependant, à uniformiser le matériau et ses techniques. En effet, la lecture des différents chapitres renvoie à lidée dune permanence des techniques artisanales du xiiie siècle au xixe siècle, qui seraient communes au territoire français. Or, la qualité et la mise en œuvre du plâtre sont extrêmement fluctuantes à travers le temps et les régions françaises. Celles-ci sont souvent empreintes dune culture constructive locale définie par ses propres termes, ses techniques, ses outils et son vocabulaire dédié. Elle a parfois disparu, comme cest le cas dans le Bassin Parisien. La lente unification des pratiques apparaît à partir de la deuxième moitié du xixe siècle et la plâtrerie devient homogène sur le territoire français au cours du xxe siècle. Cette tendance à lisser les différences est cependant rattrapée par la diversité des cas détudes. Au nombre de vingt-cinq, ceux-ci sont choisis parmi les grands pôles traditionnels de la plâtrerie française. Les huit exemples franciliens font honneur à larchitecture des grands maîtres dœuvres parisiens, depuis la coupole du grand salon central du Château de Vaux-le-Vicomte jusquau sol de la Bibliothèque Nationale de France dHenri Labrouste. Pour ce dernier exemple, lautrice a suivi la restauration des coursives de plâtre destinées à étouffer le roulement des chariots des magasiniers. Le pôle de la plâtrerie normande est représenté par un édifice dont le sol en damier semble remonter au xviiie siècle, perpétuant la tradition séculaire de lutilisation du gypse francilien en Normandie par le biais de la Seine. Le Grand Est français donne à voir la diversité des plafonds à Estrich coulés et moulés, au nombre de cinq. Technique unique à la région, les derniers exemplaires de ce petit patrimoine sont menacés par la réhabilitation brutale des maisons rurales où ils sont mis en œuvre. Enfin, la région Provence-Alpes-Côte dAzur est mise à lhonneur par létude de huit sites, dont six dans le Vaucluse, exprimant la richesse des plafonds à entrevous médiévaux de la région. Si lautrice a su rassembler différentes disciplines 227pour accumuler des connaissances, elle a également su fouiller dans le patrimoine vernaculaire autant que dans le patrimoine monumental pour enrichir son sujet.

De petites approximations se sont glissées dans le texte : le gypse est très soluble dans leau, en dépit de ce que dit lautrice (p. 11), tandis que les façades en fausses briques ne semblent pas à leur place parmi les stucs (p. 26). Le glossaire, très utile pour ce type douvrage technique, peut sembler un peu court au lecteur amateur qui découvre le sujet, et insuffisant pour un spécialiste. Une bibliographie soignée rassemble les ouvrages de référence qui permettront aux curieux de poursuivre leur lecture.

Ceci dit, cet album du CRMH réalise un double exploit. Celui dêtre un outil utile, bien documenté et illustré à lintention des architectes et des autres acteurs du patrimoine intervenant sur la restauration des sols et plafonds anciens. En cela, il occupe une place de choix parmi les autres albums du CRMH. Mais il devient également une référence dans le petit milieu grandissant du plâtre8. Lhistoire du matériau y est racontée sans prétendre à lexhaustivité, voire de manière très raccourcie : concentrer lhistoire du plâtre du xviie au xxe siècle en deux pages est un travail extrêmement synthétique ! Mais ce chapitre introductif a le mérite dêtre juste et sans erreur, ce qui constitue une première dans lhistoriographie houleuse du matériau. Le titre évocateur choisi par lautrice pour combler un manque bibliographique semble ainsi tout à fait approprié. À travers lalbum paru, Christelle Inizan a initié un travail douverture des champs disciplinaires grâce à son approche pluridisciplinaire. Ce décloisonnement nécessaire sest révélé autour de la journée détude9 qui a suivi de quelques mois la parution du livre. Les divers spécialistes déjà sollicités dans louvrage ont été réunis pour aborder la richesse et la diversité du plâtre architectural intérieur par le prisme de leur propre discipline. En apportant un regard neuf sur ce sujet technique et précis que sont les sols et couvrements intérieurs, Christelle Inizan nous donne surtout des outils et une méthode pour aborder tous les sujets liés au plâtre délaissés au début de son travail. La 228porte est ainsi grande ouverte pour les chercheurs de toutes disciplines qui souhaiteraient semparer de ce matériau polyvalent et universel quest le plâtre en architecture10.

Tiffanie Le Dantec

Architecte du patrimoine,

Docteure en histoire
de larchitecture
de luniversité Paris-Saclay

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Christel Guillot, Les toits et leurs décors, hors-série de Maisons paysannes de France, « Les toits et leurs décors », juin 2017, 104 p.

Ce deuxième hors-série de la revue Maisons paysannes de France est le fruit dune collaboration avec la Médiathèque de lArchitecture et du Patrimoine. Dans ce numéro, Christel Guillot, architecte et technicienne des services culturels et des bâtiments de France au Centre de recherches sur les Monuments historiques (CRMH), centre son propos sur les diverses toitures françaises, leurs couvertures ainsi que leurs décors.

Si, à ce jour, les études menées sur les couvertures médiévales en France sont encore rares, elles ont tendance à se développer depuis quelques années. En effet, lintérêt porté aux charpentes anciennes a amorcé des questionnements quant au mode de couverture, cette dernière, par son poids et la pression qui en découle sur les structures, devant être 229prise en compte dans lanalyse des pièces de bois11. La place donnée aux terres cuites architecturales (TCA) dans les recherches archéologiques bourguignonnes participe également depuis quelque temps dun approfondissement des connaissances sur ce matériau de couverture bien souvent laissé de côté12. En 2013, les Toits dEurope furent à lhonneur, lors des 8e Rencontres darchitecture européennes dirigées par Monique Châtenet et Alexandre Gady. Ces rencontres ont permis de réunir des historiens de larchitecture autour de problématiques techniques, mais également esthétiques, culturelles, décoratives et identitaires13. La publication du numéro de Maisons paysannes de France, consacré aux toits et à leurs décors sinscrit dans cette dynamique et se présente comme une synthèse permettant daborder les subtilités propres aux toits anciens encore conservés en France.

Lautrice introduit le numéro par une synthèse sur la diversité des toits français et une énumération des composants de toitures. Ces clés de compréhension mises à disposition du lecteur définissent les termes propres à chacun des éléments constitutifs de la toiture. Ces termes sont en partie repris dans le glossaire proposé en fin de revue. À travers les six points développés dans cet ouvrage (éléments de structures, éléments 230servants à la protection contre la pluie, les matériaux et pentes, les lucarnes, souches de cheminées et les épis de faîtage, girouettes, campaniles et lanternes, coqs de clocher), Christel Guillot met en évidence linfluence de la situation géographique et du climat sur lapprovisionnement en matériaux de couverture, mais aussi sur le degré dinclinaison donné à la pente du toit. Laccent est également mis sur la fonction à la fois structurante, protectrice et décorative des divers éléments composant le toit. Les faîtages, les systèmes daération et déclairage des combles ou encore ceux dévacuation des eaux (lambrequins, gouttières) adoptent alors des formes diverses et variées en fonction des besoins structurels et climatiques et des choix ornementaux du commanditaire.

Au sein de ce numéro, une place majeure est donnée à lillustration (croquis, plans, relevés en coupe et photographies), permettant ainsi de mieux visualiser et sapproprier les points développés. Tout au long du texte, le caractère didactique de la publication est également renforcé par la présence de microdossiers thématiques apportant des compléments dinformation ou encore expliquant une technique de couverture et dornementation propre à une région. On y découvre ainsi les processus de fabrication dun coq de clocher ou la glaçure des tuiles, mais aussi lexemple dune poterie du Calvados fondée au xixe siècle et toujours en activité.

Cet ouvrage, destiné à un large public, repose sur une documentation solide dont témoignent les diverses références bibliographiques compilées en fin douvrage. Pointant un état de la connaissance, il ouvre des pistes de recherche sur la mise en œuvre des matériaux de couverture, leur approvisionnement et sur la structure même de la charpente supportant la couverture. Laspect ornemental lié à cet élément du bâti nest, enfin, pas non plus en reste et interroge sur la place du commanditaire dans le choix de la couleur dun toit, de la forme dune lucarne ou des accessoires apposés sur la toiture.

Laura Ceccantini

Doctorante LAMOP

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Antonio Becchi, Naufragi di terra e di mare : da Leonardo da Vinci a Theodor Mommsen alla ricerca dei codici Albani. Edizione del manoscritto XIII.F.25, cc. 129-136 della Biblioteca Nazionale di Napoli a cura di Oreste Trabucco, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017.

Bernardino Baldi est un phénomène. En premier lieu car cest une figure exceptionnelle de la Renaissance scientifique, longtemps négligée. Ses Vies de mathématiciens ne connurent jamais la renommée à laquelle parvinrent les vies dartistes de son aîné Giorgio Vasari14. Toutefois, depuis une vingtaine dannées, un nombre croissant de travaux dhistoriens des sciences lui sont consacrés15. En second lieu car Baldi constitue un univers de recherche en soi : « le phénomène Baldi », pourrait-on dire. Peu à peu, on saisit lamplitude des connexions entre les différentes disciplines quil suggère, qui nous permettent délucider progressivement la complexité de la ramification des savoirs à la fin du xvie siècle. Mais loriginalité de ses démarches intellectuelles reste dans lombre dapproches strictement disciplinaires. Son apprentissage vétilleux de la connaissance passive dune multitude de langues modernes, par exemple, a souvent été regardé comme une passion monomane et jamais examiné dans une perspective plus générale dappropriation des mécanismes qui régissent la philosophie naturelle. De même, ses liens avec Federico Commandino et Guidobaldo del Monte furent mille fois évoqués, mais les illustrations quil ajouta à sa Description du palais dUrbin (1590) ne furent jamais mises en relation avec les publications sur la perspective qui foisonnaient alors. Une image ne pourrait-elle en effet pas discuter un texte ?

La signification et la finalité du schéma physico-mathématique constituent pourtant lhorizon de recherche que nous proposent les 232Naufrages de terre et de mer dAntonio Becchi. Dans un ouvrage publié en 2004, lauteur nous avait déjà montré limportance des travaux de Baldi pour la mécanique, oubliés par une histoire évolutive qui rebondissait jusqualors de Léonard à Galilée sans coup férir16. Certes, la contribution de Baldi en la matière est principalement connue à travers les In mecchanica Aristotelis problemata exercitationes (1621), qui furent finalement publiés après sa mort à Mayence à lissue dun épopée éditoriale reconstituée dans cet ouvrage. Mais cette fois, Becchi entre au cœur de la fabrique du savoir et nous livre détonnantes pages issues des carnets de Baldi contenant croquis et tentatives dexplications mais aussi des planches entières sans légendes ni commentaires, fruit dune élaboration avant-tout visuelle. La présentation et lanalyse détaillée quen fournit Becchi est accompagnée dune soigneuse transcription du document par Oreste Trabucco.

La quête de ces documents fut longue. Ils sont pourtant essentiels pour létablissement dune chronologie de lévolution du savoir mécanique mais aussi pour la définition du champ dapplication de ce domaine partagé entre les approches physico-mathématiques dun Galilée et celles relevant de lérudition architecturale propres à un Villalpando. Une partie importante des manuscrits de travail de Baldi avait été longtemps conservée au Palais des Quatre-Fontaines, dans les collections Albani. Dès la mort du savant, cette famille avait archivé nombre de ses recueils et, au début du xviiie siècle, Giovanni Francesco Albani (Clément XI) en avait commandé le catalogue en même temps quune biographie. Lintérêt pour ces documents dérudition ayant décru avec le temps, la collection fut dispersée, en Italie et à létranger. Une partie significative fut acquise en 1862 par la bibliothèque royale de Berlin par lintermédiaire du savant Theodor Mommsen. Les ouvrages furent embarqués lannée suivante sur un vaisseau à Livourne qui sombra au large des côtes portugaises. La perte était dautant moins qualifiable quon ne disposait même pas dun inventaire précis des 1800 manuscrits et imprimés acquis et disparus. Et pourtant, tous les manuscrits de Baldi encore conservés à la fin du xixe siècle navaient pas été engloutis dans le destin de ce funeste bâtiment. Au terme dune très minutieuse recherche dont toutes les étapes sont relatées dans louvrage, Becchi est parvenu à en localiser des fragments, très dispersés géographiquement. Cest 233de cette enquête que proviennent les feuilles ici présentées, conservées aujourdhui à la Bibliothèque nationale de Naples.

Avec la plus grande précision chronologique possible, lauteur nous conduit au cœur des processus génétiques sur une trentaine dannées ayant abouti aux formulations des problèmes de mécanique que nous connaissons : le ricochet des galets sur leau, léquilibre des parallélépipèdes, le barycentre des corps, les plans dappui, léquilibre des corps humains et animaux mais aussi linclinaison des murs des forteresses et de nombreux autres problèmes. Mais tout lintérêt de ce travail réside précisément dans la capacité à mettre en évidence la phase de réflexion et délaboration dans laquelle on perçoit la richesse mais aussi la fragilité du schéma : formulation dune pensée mécanique encore dialectique dont la signification est plus aisément contestable que celle de son homologue verbal.

Auteur dun vocabulaire vitruvien et dun commentaire sur les scamilli impares dans lequel il contestait les théories de Philandrier, Barbaro et Bertani, Baldi nétait pas le simple amateur darchitecture qui nourrissait une passion pour le dessin et avait dirigé des travaux de construction à Guastalla. Il employait larchitecture comme instrument de vérification des règles de mécanique ou, inversement, tirait ces dernières dune observation des phénomènes de construction. La mécanique exerçait usuellement sa science sur toutes sortes de conditions naturelles réduites à lacte probatoire. Mais à travers larchitecture, elle rencontrait un terrain éprouvant lenchevêtrement des conditions naturelles et artificielles. Une large part des expositions graphiques contenues dans les carnets de Baldi relèvent de ce domaine : on y trouve la question de la stabilité des éléments superposés (briques, pierres…) explicitée dans lexemple de la colonne sur laquelle repose un poids symétrique, la stabilité des cylindres mise en relation avec le renversement des colonnes, ou le problème du centre de gravité éprouvé dans lexemple des tours penchées de Pise et Bologne.

Les pages inédites de la Bibliothèque nationale de Naples nous procurent de nouveaux jalons dans la compréhension du long cheminement de la mécanique à la Renaissance. Mais surtout, le patient travail dAntonio Becchi nous donne loccasion de nous immerger dans les réalités de la formulation graphique des problèmes de mécanique à un moment où, pour certains savants, la philosophie naturelle ne relevait 234pas encore complètement de la physique et confrontait ses préoccupations avec la pratique de larchitecture.

Pascal Dubourg Glatigny

Centre Alexandre Koyré

CNRS

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Carlo Manfredi (A cura di), Architettura e Impianti termici : soluzioni per il clima interno in Europa fra XVIII e XIX secolo, Turin, Umberto Allemandi, 2017, 272 p.

Cet ouvrage réunit quelques contributions centrées sur lhistoire des équipements techniques des édifices, issues principalement dune journée détude sur le thème plus large Edificistorici e destinazione museale, Conservazione degli edifici e delle opere darte. Progetti per il restauro e lintegrazione di impianti estitenti, Journée organisée en 2010 par léquipe du laboratoire danalyses et de diagnostics des constructions de lécole darchitecture de lécole polytechnique de Milan, autour dAlberto Grimoldi ; laboratoire très actif sur lhistoire des équipements thermiques depuis quelques années. Il sagit dune publication collective constituée de deux parties : une première qui sattache au contexte de lItalie du Nord et une seconde, plus européenne, avec des textes en français, anglais et allemand concernant leurs zones géographiques respectives.

Alberto Grimoldi, architecte et professeur à lécole darchitecture de Milan, ouvre le bal en offrant un parcours virtuose passant de De lhypocauste aux fourneaux russes dans la culture du début du xviiie siècle avec une attention particulière pour le théâtre de Turin de Benedetto Alfieri. Celui-ci était tempéré par de lair chaud produit par quatre calorifères à air 235maçonnés dont il est question dans les notes des planches de lEncyclopédie en 1772, largement diffusées. Le professeur sinterroge ensuite sur les inspirations dAlfieri : de lhypocauste aux bains turcs, du chauffage des serres aux cheminées modifiées de Gauger. Lauteur fait lhypothèse dune influence comme pour dautres contemporains par les rigueurs du petit âge glaciaire. Carlo Manfredi, qui est léditeur de cet ouvrage, poursuit avec les Caractéristiques de lhistoire et évolution des systèmes de chauffage central : lEurope et lItalie du xviiie au xixe siècle. Avec sa thèse de doctorat sur la naissance et évolution des systèmes de chauffage central à leau chaude soutenue en 2008, il fait figure, à juste titre, de spécialiste. Il met la question de linnovation thermique dans un contexte général dévolution sociale et productive liée à lagriculture, en particulier du côté de la production de la soie. À travers les Gazettes agricoles, il piste les fourneaux, autres appareils de chauffage et machines à vapeur liés à la production de biens, longtemps moteur principal de linnovation. Les applications au confort des bâtiments tardent et le chauffage à air chaud est privilégié laissant de côté les systèmes à eau chaude et à vapeur qui se développent pourtant dans dautres parties dEurope.

Marica Forni, architecte, docteur en restauration des édifices, enseignante à lécole darchitecture de Milan propose un texte sur un poêle Russe à Milan : applications des systèmes de chauffage à air chaud aux xviiie et xixe siècles. Le modèle de poêle à la moscovite est introduit en Italie du Nord au milieu du xviiie siècle. Lexemple choisi est le palais royal et ducal de Milan et son chauffage à lair chaud. Le système a été installé par larchitecte tessinois Pietro Antonio Trezzini qui rentre de Saint-Pétersbourg en 1752. Ce type de poêle est invisible dans la partie habitable et lair chaud est réparti à travers des conduits dair. Il na pas les contraintes des poêles de céramique ou de fonte (pas de couloirs, ni de cabinet de chargement du combustible). Ce système installé préalablement par Alfieri au théâtre de Turin, se diffuse dans les palais de Milan (Clerini, Belgiojoso et le nouveau théâtre de La Scala) proposé par les architectes Piermarini, Simone Cantoni et Leopoldo Pollack à une clientèle délite. Le chauffage du palais royal est remplacé en 1831 par un poêle Meissner (ancêtre du calorifère à air) installé par un poêlier autrichien. Emanuela Villa architecte et docteur en architecture propose un approfondissement sur lentretien du système de chauffage de la Villa Belgiojoso à travers les sources darchives. 236Son travail de thèse étant une monographie sur ce bâtiment, elle a retrouvé les archives concernant les travaux dentretien saisonnier pendant le xixe siècle. Grâce à ces documents, il a été possible détablir des phases doccupation des espaces mais aussi la succession des appareils. Des poêles individuels ont été installés dans les cheminées existantes. Une purge des conduits et un rebouchage des fissures étaient réalisés à la belle saison en prévision de lhiver. Parfois, pour loger plus de personnes de différentes conditions, des poêles mobiles ou non (en tôle ou en terre cuite) étaient installés dans des pièces où la fumée sévacuant soit par un conduit de fumée existant soit par un vitrage perforé. Les calorifères du sous-sol, quon cherchait à dater, sont commandés en 1862 afin de chauffer neuf pièces au rez-de-chaussée et sept pièces à létage. Enfin, un système à eau chaude et thermosiphon a été substitué en 1914.

Anna Boato et Anna Decri, architectes et docteurs en restauration des édifices qui enseignent à lécole darchitecture Gènes et Filippo Tassara, architecte abordent les installations historiques à Gênes, quelques considérations sur le chauffage de lair. Leurs différentes études sur larchitecture domestique génoise du xve au xviiie siècle, permettent de dire que leau et lhygiène élémentaire étaient présentes dans les demeures par contre le chauffage était moins développé avec juste des cheminées. Au cours du xviiie siècle, des calorifères à air ont été introduits. Ils prennent lexemple de léquipement de la Villa Spinola Dufour : calorifère à air, poêle en céramique et poêles à charbon dans différents espaces. Dans le calorifère à air se trouve un système original de diffusion de la chaleur formé dun labyrinthe de tubes de tôle. Angelo Giuseppe Landi architecte, docteur en restauration des édifices, qui enseigne à lécole darchitecture de Milan présente un parcours des poêles aux systèmes à air chaud : le développement du confort à Crémone entre le xixe et le xxe siècles. La ville de Crémone est emblématique de la Vallée du Po, où au xviie siècle laristocratie vit des richesses agricoles en relation avec Milan, la capitale. La transition des poêles au calorifère à air se fait progressivement en fonction du prestige et des usages des espaces. Cest dans le Palais du comte Guiseppe Sigismondo Ala Ponzone que le premier calorifère à air est installé par lingénieur Ghirardini : une chaudière au sous-sol avec des conduits métalliques distribuant létage principal. Cette installation est remplacée quelques 237années après par des poêles, moins chers à lusage et sans doute plus efficace. Des appareils toujours à air chaud mais plus efficaces, dont lun à la mairie, sont installés entre 1868 et 71 dans des résidences privées : Palazzo Soresina-Vidoni Palais, Palais Magio Grasselli, la maison de Massimiliano Trecchi. Le nombre de pièces chauffées et les températures atteintes augmentent progressivement.

Avec cette première partie, un point considérable a été réalisé sur la culture technique des appareils de chauffage qui se diffusent en provenance du monde alémanique et de la Russie vers lItalie du Nord du xviiie siècle au service du confort et du prestige dune élite privilégiée. Ces investigations sont particulièrement délicates car peu de traces archéologiques subsistent et que les informations disponibles sont très ténues. La suite de louvrage est plus européenne. André Guillerme, professeur émérite au CNAM, quon ne présente plus, propose une contribution sur le Chauffage et économie dénergie thermique au xixe siècle à Paris, les premières années du siècle précisément. Il évoque la cheminée domestique qui se modifie tout en demeurant longtemps prééminente ainsi que les conduits de fumées qui se standardisent, les proportions et la fréquence de ramonage idéales. Les appareils de chauffage domestique sont ensuite évoqués à travers les revues, les statistiques et les tests réalisés au CNAM en 1807-1808. Les industries naissantes utilisent également de nouveaux fours et fourneaux pour leur production ou le chauffage des locaux. La soupe des soldats, objet de consommation importante des combustibles devient un sujet dexpérimentations pour augmenter la rentabilité thermique et optimiser léchelle des cuisines par rapport aux groupes de soldats. Neil Sturrock, enseignant thermicien en retraite, directeur du très original et actif comité patrimonial du CIBSE (association des ingénieurs en génie climatique de Grande-Bretagne) présente son bâtiment fétiche : le Saint-Georges Hall à Liverpool réalisé dès 1837 par larchitecte Harvey Lonsdale Elmes. Cet équipement public multifonctionnel dune échelle urbaine considérable accueille depuis son ouverture en 1850, ce qui est considéré comme la première installation dair conditionné, inventée par le Dr David Boswell Reid. Le traitement de lair est centralisé dans un espace dédié dans le vaste sous-sol, sa mobilité est assurée par une machine à vapeur. Lair est capté sur la rue au niveau des emmarchements. Lair est lavé et chauffé par deux chaudières à vapeur et deux chaudières à eau chaude 238alimentées au charbon. Lair est également humidifié par projection de vapeur dans le circuit dair avant de rejoindre les différents espaces. Lauteur insiste à raison sur le fait que lors dune rénovation récente, un centre du patrimoine a été intégré, qui hélas ne prend pas en compte lhistoire technique exceptionnelle de cet édifice. Lhistorien dart allemand, Bernard Rösch présente quant à lui Les systèmes de chauffage de lopéra de Bayreuth 1750-1918 : Espace accueillant du public versus monument. LOpéra de Bayreuth conçu et réalisé par larchitecte Guiseppe Galli-Bibiena lors du début du xviiie siècle nous est présenté. Afin de réduire les déperditions thermiques, lédifice se défend grâce à des maçonneries massives et le recours au double fenestrage systématique, dispositif introduit à la fin du xviie siècle. Le théâtre était à lorigine chauffé par des poêles cylindriques en fonte placés dans des alcôves. Afin de suivre les progrès techniques des autres grands théâtres de la fin du xixe siècle, un système de chauffage à air chaud a été installé avec ses deux calorifères brûlant du gaz de ville dès 1875, tandis que léclairage au gaz est achevé en 1886. En 1935-1936, une restauration de lédifice a amené le démantèlement des équipements antérieurs, pour installer le chauffage électrique en même temps que léclairage, sur ordre de Joseph Goebbels qui veut en faire un lieu officiel sécurisé et confortable. Lhistoire de cet équipement culturel phare reflète les conflits entre confort, sécurité et conservation.

Cet ouvrage apporte une contribution importante à ce champ de recherche encore naissant. Un autre livre collectif est attendu prochainement avec une participation plus largement européenne.

Emmanuelle Gallo

ENSA Bretagne

AHTTP – ENSA Paris-La-Villette

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Susan Galavan, Dublins Bourgeois Homes. Building the Victorian Suburbs, 1850-1901, London and New York, Routledge, 2017, xviii – 164 p. ill. n. & b. + 24 p. h-t couleurs.

Susan Galavan est architecte et chercheure. Cet ouvrage est le résultat de sa thèse de doctorat en histoire de larchitecture, réalisée et soutenue au Trinity Collège Dublin sur larchitecture domestique victorienne à Dublin. Alors quau début de la seconde moitié du xixe siècle, on imagine la campagne de ce pays constituée de champs verts à perte de vue, la maison victorienne bâtie de briques rouges derrière des pelouses impeccables fait son apparition. Plus de 35 000 de ces maisons ont été construites dans les faubourgs de Dublin, dont les plus élaborées – avec leur escalier de granit et leur entrée décorée – lont été pour la classe moyenne aisée irlandaise.

Dans une introduction circonstanciée, lautrice pose les jalons de sa recherche et part du constat de la transformation du paysage dublinois dans la seconde moitié du xixe siècle. Elle dresse ainsi le contexte économique de cette transformation industrielle urbaine ou comment la bourgeoisie a eu besoin de se loger différemment. La désindustrialisation de certains secteurs de la cité (textile, construction navale et raffinage du sucre) saccompagne de laccroissement dune population de bureau (assurances, banques) et de professions libérales. Parallèlement à la grande famine des années 1845-1850, saccroît la pauvreté de la population qui a tendance à émigrer. Dublin présente une stratégie de déclin, surtout si on la compare à des villes comme Birmingham, Glasgow ou Manchester à la même époque. Alors que les Irlandais sont, à cette époque, en majorité catholiques, une élite minoritaire protestante, marginalisée, se réfugie dans les faubourgs de la ville. Qualifiée de cité de contrastes et malgré les problèmes quelle connaît, Dublin demeure la capitale administrative et commerciale de lIrlande. Cette étude constitue le premier travail en profondeur sur cette catégorie dhabitat.

Les sources sollicitées par lautrice sont de trois ordres : matérielles, journalistiques et archivistiques. Sur les 35 000 habitations repérées, 240elle a constitué un corpus à travers une sélection de maisons réalisées à lépoque choisies dans trois districts représentatifs : Ballsbridge, Rathgar et Kingstown (aujourdhui Dun Laoghaire). Ces maisons ont fait lobjet de plusieurs traitements : une analyse tant des façades que des agencements intérieurs à travers les plans dorigine, le cas échéant, des relevés actuels dessinés comme photographiques. Les transformations urbaines de la capitale sont mises au jour à travers le dépouillement de la presse locale spécialisée (The Irish Builder, The Dublin Builder, ou The Irish Times) ainsi que les archives municipales. Enfin, létude de trois acteurs réputés, promoteurs de constructions victoriennes : les entrepreneurs Michael Meade, William Carvill et John Crosthwaite, spéculateurs invétérés, louant des habitations, lotissant des parcelles et fournissant des matériaux de construction (briques, bois et mortier) introduit les acteurs de ce bouleversement. La ville se développe et saccroît à partir des années 1850 en raison de la construction de gares, de nouveaux musées et de bibliothèques.

Louvrage est divisé en cinq chapitres équilibrés denviron une trentaine de pages et illustrés de photographies et de plans de coupe des bâtiments concernés. À cela sajoute un cahier central en couleur dune trentaine de plans, relevés et photographies. Les cinq parties exposées portent sur larchitecture des maisons victoriennes, leur confort intérieur, le contrôle urbanistique, les acteurs (constructeurs, spéculateurs et ouvriers) ainsi que les processus constructifs et lusage des matériaux. Cest à travers ce panorama complet des sujets que ce livre est exemplaire pour lhistoire de la construction et pas seulement pour lhistoire de larchitecture. Lécriture est incisive, démonstrative et néanmoins limpide, dune grande clarté pour le lecteur. Chaque section fait lobjet dune synthèse conclusive sur son apport significatif par rapport au sujet.

Le premier chapitre traite de larchitecture des maisons bourgeoises à Dublin. Lautrice distingue dans cette maison victorienne qui émerge à partir de 1859 des spécificités typiquement irlandaises : maisons de briques rouges derrière une longue pelouse frontale, une entrée travaillée en briques et pierre de taille et un imposant escalier de granit. Deux types de maisons mitoyennes sont mis en exergue : les « terraced houses » (maisons alignées et mitoyennes) et les « semi-detached houses » (maisons mitoyennes jumelées) qui sont analysés successivement, tant sur le plan externe de la façade que sur les répartitions de lespace intérieur. 241Le premier type (terraced house) trouve son origine dans la reconstruction londonienne après le grand incendie de 1666. Le modèle de ces maisons alignées à la façade simple et austère est mobilisable à linfini tant verticalement (2 à 3 travées) quhorizontalement (2 à 4 travées) selon le genre de rue desservie (principale ou secondaire). La sobre et sombre maison georgienne sadapte déjà à la banlieue irlandaise, use de briques de plusieurs couleurs, multiplie les fenêtres, augmente la décoration sur les façades et autour de lentrée. Lautrice approfondit sa démonstration en multipliant les focus sur des îlots représentatifs et bien documentés pour lesquels elle souligne les transformations du paysage, incluant les occupations sociales successives, la répétition des modèles, lusage dune répartition particulière de lespace datant du xviiie siècle : deux pièces de réception de largeur identique au rez-de-chaussée qui occupe, au premier étage, une place plus importante avec deux fenêtres. Susan Galavan se réfère à louvrage de référence sur Londres (H. Muthesius, The English House, Berlin, 1904 réédité en 1979 par D. Sharp, J. Posener et J. Seligman)17 en expliquant le choix que les constructeurs – acquérant souvent plusieurs lots – ont eu à propos de la densité des maisons sur des parcelles étroites destinées à la location, de ladaptation à la population qui allait les occuper (protestants / catholiques), de la simplicité de la répartition des pièces, de lalignement des fenêtres afin de rendre la façade harmonieuse (aux ruptures horizontales), octroyant une meilleure vue possible et introduisant une clôture en pierre, parfois des entrées doubles. Dans le relevé des points réguliers et récurrents, lautrice nomet pas de signaler les irrégularités ou les variations.

Par le biais de lanalyse de lévolution des maisons dangle passant des fenêtres aveugles et façades maladroites aux doubles maisons agencées de manière harmonieuse avec entrée sur chaque rue et modification à cette fin des escaliers parallèles à la façade, Susan Galavan aborde lautre type de maisons, celles mitoyennes jumelées (semi-detached houses). Ce type de construction adapte les pratiques géorgiennes et victoriennes à lexpansion des lotissements de banlieue. Agrandies sur trois baies, et conservant une décoration peu élaborée, les constructeurs ne profitent 242pas du potentiel laissé au fond de la maison. Ce nest que tardivement (1879) que Meade fait évoluer le modèle en utilisant le toit en croupe, les murs du fond, des fenêtres en saillie, des lignes de polychromie et quelques sophistications (oriels, entrées en retrait et bandeaux calcaires continus sur les façades soulignant le rouge des briques). Lautrice en fait remonter lorigine au xviie siècle, mais surtout en explique son fondement économique. En effet, il est plus rentable sur tous les plans, de construire deux maisons mitoyennes que plusieurs maisons individuelles. Léconomie provient des murs communs et du partage énergétique. Si ce type de logement se développe au xviiie siècle, ce nest quau xixe siècle quil devient dominant à défaut dêtre majoritaire (ce quil deviendra au xxe siècle). Larchitecte John Nash en est le pionnier avec la formule « two for the price of one » (deux pour le prix dun). Une autre raison réside dans limpression de grandeur que chaque propriétaire ou locataire perçoit et transmet aux voisinage et visiteurs. Ce type de constructions mitoyennes peut aisément se développer sur de grandes parcelles permettant de larges espaces de jardins devant et derrière les bâtiments. La façade est élevée en simples briques, la porte surmontée dune imposte semi-circulaire et le toit est bordé dun parapet. Lentrée sopérant sur le côté permet une distribution intérieure beaucoup plus confortable avec un corridor desservant les pièces. Quelques éléments déclectisme viennent se greffer sur la composition ordinaire : lusage de briques vernissées, de plusieurs couleurs, posées parfois en chevron, des pierres angulaires, des poutres porteuses. Le toit est davantage à pignons quen croupe. Susan Galavan souligne, à juste titre, que lusage de cette multitude deffets décoratifs sur les façades permet de suivre lhistoire constructive du bâtiment dans ses moindres phases. Quelques décorations font lobjet de critiques de lautrice, comme relevant dun certain amateurisme.

Elle élargit son focus pour conclure son premier chapitre en dressant une comparaison entre la maison de banlieue dublinoise et londonienne. Lévolution générale des maisons est identique dans toutes les îles britanniques. Deux éléments diffèrent cependant : la nature et lutilisation des matériaux, comme le traitement de létage de service. Lusage irlandais récent de la brique et de la pierre laisse toujours la place à lutilisation de matériaux locaux dans toute lAngleterre : le grès pour Glasgow ou le calcaire à Bath. Létage de service qui comprend en Angleterre 243les machines, les arrière-cuisines et les garde-mangers va en Irlande contenir des pièces à vivre et va sortir de terre. Alors que lAngleterre limite lenfoncement des sous-sols à la moitié de sa hauteur, lIrlande sort ce dernier de terre. Les raisons de ce choix se révèlent multiples : la mauvaise ventilation, linsuffisance de lumière, le risque dinondation par la mer et la législation sanitaire (Public Health Act, 1848).

Le second chapitre porte sur lanalyse de lintérieur de la maison mitoyenne jumelée dublinoise. On pense à la Vie mode demploi de Georges Pérec (1978). Ce passage est un véritable morceau de bravoure sur lévolution des relations sociales irlandaises dans la seconde moitié du xixe siècle qui est resté jusquà présent un territoire totalement inexploré. Lautrice profite de la découverte de plans précis en couleurs (reproduits intégralement dans le cahier central) indiquant les fonctions de chaque pièce des logements à 20-30 années décart (Rathgar Road, 1852 ; Northbrook Road, 1881 et Shrewsbury Road, 1900) pour, par le biais de leur analyse scrupuleuse, dépeindre les rapports multidimensionnels quentretiennent les occupants dune maison, quils soient maîtres ou serviteurs, adultes ou enfants, hommes ou femmes. Comment cohabitent-ils ? Les pièces réservées à chaque catégorie de personnes sont-elles positionnées hiérarchiquement ? La ségrégation entre les maîtres et les gens de service est-elle maintenue ou cède-t-elle devant les besoins du service ? La circulation des individus dans la maison impacte-t-elle la disposition des pièces ? Létage noble est-il conservé et à quelle fin ? De nombreux critères sont passés en revue pour expliquer le positionnement et lusage des différentes pièces (lumière, chaleur, discrétion, confort, bruit, odeur, mobilier, décoration, vaisselle, stockage du charbon, de la nourriture, impact des visites de lextérieur, musique, divertissement, statuts professionnels du maître, religion, moyen de transport…). Pièces de réception, pièces de sommeil, pièces de services possèdent chacune un emplacement bien défini, mais finissent par senchevêtrer. Lautrice complète son analyse picturale par la lecture dune littérature technique dédiée (Robert Kert, The English Gentlemans Country House, 1864 ; Thomas Morris, A House for the Suburbs, 1860)et par une autre de fiction (romans). Elle parachève son analyse par létude des inventaires de maisons après-décès ou vendues aux enchères, comme des prospectus publicitaires vantant les mérites de telle ou telle nouvelle construction.

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Ancré dans la façon dont les maisons du xviiie siècle étaient divisées, cet espace sest adapté constamment à lexpansion banlieusarde de la ville au cours du xixe siècle. Alors que la constitution par paires des pièces de réception est assez commune sous lère victorienne couvrant deux sur les trois baies lumineuses de la façade, les escaliers migrent vers lintérieur de la maison. Lentrée est éclairée par une troisième baie installée sur le côté. Au fond du hall, se trouve un nouvel espace occupé par un garde-manger, un bureau ou une bibliothèque alors que cétait à lorigine une salle destinée au petit déjeuner. Une des grandes transformations de lespace du logement est la répartition hiérarchique entre les étages. Alors que pendant assez longtemps le sous-sol était réservé au service et deux étages à la famille, les étages élevés se sont partagés entre les royaumes privé et public : le niveau où arrive lentrée contient des pièces publiques (salon à lavant et salle à manger à larrière) et au-dessus se répartissent les chambres à coucher. Au début du xxe siècle, la distribution entre la famille et le service est radicalement bouleversée. Lentrée sopérant désormais au niveau de la rue, les services se déplacent au même étage que les pièces dédiées à la famille dans des extensions sur larrière de la maison.

Dans lanalyse de ces évolutions, Susan Galavan démontre les enjeux des divisions de lespace domestique entre trois types de relations sociales : celle entre maîtres et serviteurs, celle entre adultes et enfants et celle entre homme et femme. Le genre apparaît dès la pénétration dans lhabitation. La salle à dîner est le royaume du maître des lieux alors que le salon est celui de sa femme. Les chambres à coucher peuvent également être « genrées » par lapparition dun double vestiaire ou de salles de bains séparées. Dans un premier temps, la répartition des étages en fonction du statut de domestique et de celui de maître est symptomatique. Cependant lapparition de la pièce ou se prend le petit déjeuner à létage de service démontre que les limites ne sont pas clairement définies. Plus tard, le partage du même étage par la famille et les domestiques demande un aménagement prudent du plan. Les quartiers des domestiques sorganisent de leur côté avec leurs propres escaliers et leurs propres pièces dédiées, mais sans jamais trop séloigner des pièces où ils servent les maîtres. Seuls les escaliers demeurent véritablement différenciés.

Le troisième chapitre aborde la question du contrôle de la construction. Quel système de propriété autorise lacte de bâtir des lotissements et comment les infrastructures indispensables à ceux-ci sont-elles financées ? Lanalyse de 245trois exemples différents correspondant chacun à un district possédant ses propres caractéristiques sert ici de base au travail de lautrice : Kingstown, Pembroke et Rathmines. Chaque propriétaire foncier avait une vision particulière de la spéculation. Les deux premiers quartiers étaient gérés par un système classique de propriété immobilière par le biais duquel les propriétaires des domaines, acteurs actifs, souscrivaient des baux de longue durée (99 à 150 ans) afin que des entrepreneurs-promoteurs puissent bâtir et aménager scrupuleusement les terres quils possédaient. Tout devait être prévu et décrit dans les clauses du bail-construction mis en place : les aspects architecturaux et constructifs des bâtiments, mais aussi lorganisation, la réalisation et lentretien des infrastructures. Une part de liberté était laissée au promoteur pour sadapter à de nouvelles conventions à la mode qui pouvaient plaire aux occupants. Les moyens de transport ont joué un rôle déterminant pour la construction des lotissements. On ne construit pas de la même manière si le locataire possède des chevaux, une carriole ou sil utilise les transports en commun (omnibus à cheval ou train). Du fait des directives très précises figurant dans les contrats, une grande uniformité sopère dans la construction des logements, à tel point que dans lest du district de Kingstown on parlait de prototype. Souvent le promoteur principal, tel John Crowthwaite, sous-louait les parcelles dont il était preneur à des promoteurs locaux, transmettant les mêmes contraintes de construction auxquels il était soumis lui-même. Dans le système de propriété classique, il existait plusieurs modalités possibles : dépenser un minimum de 500 livres par maison, et sans doute approuver le projet de lotissement. Au contraire, dans les derniers quartiers – ceux de Rathmines et Ratgar –, les propriétaires avaient un rôle plus passif en octroyant sur leurs terres des baux de beaucoup plus longue durée (jusquà près de 999 années), sans beaucoup de contraintes à légard des plus petits preneurs promoteurs et bâtisseurs qui acquéraient ainsi un contrôle maximal sur la construction. Par conséquent, les promoteurs privés détenaient davantage de marge dans la création des infrastructures quils entreprenaient pour les lotissements quils prenaient en charge. Susan Galavan a ainsi repéré les plus importants, comme Frederick Strokes pour Rathmines, William Carvil pour Rathgar.

La situation géographique du lotissement impacte inévitablement son développement. La vue sur la mer est assez prisée. Dans le district de Pembroke, les baux qui précisent les éléments des futures constructions, accompagnent un déploiement de grande qualité des aménagements élevés 246à louest du site qui possèdent un meilleur drainage du sol en raison de son élévation. Des compensations sont attribuées aux constructeurs renommés, tel Michael Meade, à qui lon octroie une plus grande liberté dans le respect des règles souscrites dans les baux. À qui incombait dinstaller les infrastructures pour ces nouveaux lotissements périurbains ? Le propriétaire sengageait à créer les équipements nécessaires aux constructions : accès routiers et chemins dont il devait assurer lentretien, léclairage, la fourniture deau, etc. Cependant tous ne réagissaient pas ainsi. Certains adoptaient une politique du laisser-faire. Quand le Town Improvement Act fut promulgué en 1834, le contrôle urbain basique pouvait être organisé par une autorité locale, ce que firent Kingstown en 1834, Rathmines en 1847, Rathgar en 1862 et Pembroke en 1863. Les égouts étaient fournis par le district et la ville de manière ad hoc jusquà ce quun système de drainage soit complété plus tard par les faubourgs voisins. Au début, le chef du canton John Vernon soccupa de nommer des commissionnaires chargés de fournir à la commune les infrastructures nécessaires. Le paysage se façonnait à lOuest au gré de laugmentation de la population qui sinstallait. Les spéculateurs immobiliers avaient limpression que tous les moyens de communications étaient en place avant leur arrivée. Cependant, Vernon ne saventura pas sans être certain que les constructions allaient bien être réalisées. Pour lassainissement, la question était plus complexe, car les fosses septiques, étant construites trop proches des puits, névitaient pas de contaminer leau potable. De plus, les systèmes dégout nétaient pas au point. Ce nest que tardivement que les cantons furent principalement responsables de laménagement dun drainage performant pour les eaux usées (en 1877 pour Pembroke et Rathmines). La nature fragmentaire du contrôle urbain se reflète dans les quatre corps administratifs rencontrés en action dans le lotissement dAilesbury Road : le propriétaire lui-même, le canton de Pembroke, le Grand Jury du comté18 et le Dublin Corporation (Gouvernement de la ville)19.

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Comparativement à la rigidité du contrôle du district de Pembroke, les propriétaires fonciers de celui de Kingstown ont pris un rôle moins actif dans la fourniture dinfrastructures sur leur territoire, laissant davantage agir le canton et le promoteur-constructeur. Après la signature de son bail en 1861, le promoteur John Crosthwaite prépara le lotissement avec ses moyens de communication qui devaient être pris en charge et entretenus par le canton, de même que les autres infrastructures, tels léclairage, le tout-à-légout et le nettoyage des rues et des chemins. Tous les services ne furent pas réalisés correctement dans tous les sites urbanisés étant donné lexpansion continue de cette urbanisation. Lautrice rappelle les nombreuses plaintes des habitants à lencontre des préférences faites dans le traitement et la priorité des travaux dinfrastructure réalisés. Le fait que certains commissionnaires étaient également impliqués dans la construction de maisons laissait planer un air de corruption. De même, lusage du macadam à Rathmines, contrairement à lasphalte à Pembroke, laissait peu de place à un bon entretien des routes qui étaient souvent poussiéreuses lété et boueuses lhiver. Le plan général de drainage réalisé en 1879 pour les districts de Rathmines, Rathgar et Pembroke était fondé sur un système de fosses septiques totalement inadéquat, ce qui explique pourquoi les faubourgs de Dublin furent le siège permanent de maladies et dépidémies durant tout le xixe siècle. Ni les règlements sanitaires ni les obligations dinstallation de w.c. privés ne parvinrent à assainir totalement la situation.

Le quatrième chapitre est consacré aux constructeurs, spéculateurs et travailleurs. Susan Galavan sintéresse là aux hommes qui ont participé à la création de toutes ces constructions des faubourgs de Dublin de lère victorienne. En quoi ces personnages qui ont spéculé sur le lotissement des riches parcelles vertes en dehors de Dublin en ont profité ? Sans être de simples entrepreneurs, mais plutôt des promoteurs, ils ont laissé de nombreuses traces dans les archives que lautrice exploite. Elle noublie pas pour autant lautre partie du monde du travail, les manœuvres du bâtiment qui vont être traités pendant toute la période comme un prolétariat sans avenir, un des plus pauvres de toute la Grande-Bretagne.

Les spéculateurs sont issus de plusieurs métiers, pas uniquement du monde du bâtiment. On y trouve des architectes, des marchands de toute sorte, capables dutiliser leur compétence financière, mais surtout leur réseau. Les entreprises de construction, comme Cockburn & Sons 248qui est avant tout marchande de bois, ou son concurrent Joseph Kelly, entrepreneur général, peuvent sinvestir dans la promotion immobilière. En jouant le jeu de la sous-traitance, ils sassurent de travailler à moindre coût pour engranger du profit. Les architectes peuvent également être des spéculateurs importants. En comparaison de lépoque Georgienne durant laquelle lactivité constructive est dominée par les artisans constructeurs, les architectes simpliquent davantage dans la conception victorienne. Cependant, lautrice souligne – via lIrish Builder – que la majorité des édifices du xixe siècle était élevés sans architecte, ni même un maître constructeur. Le travail était souvent confié à un compagnon maçon ou charpentier, voire pire « à un charlatan prétentieux » et incompétent. La construction dune maison des faubourgs dublinois pouvait coûter ainsi £ 300, moitié moins chère que si un architecte était intervenu. La presse professionnelle dénonçait cette façon de travailler à bon marché avec un risque de résultat médiocre. Les archives confirment ce point selon lequel les investisseurs pouvaient être de simples hommes de métiers du bâtiment, mais aussi des membres du clergé, des officiers de larmée, des hommes daffaires, voire des « femmes » !

Susan Galavan met laccent sur le parcours des trois plus importants spéculateurs, aménageurs et bâtisseurs de maison des faubourgs dublinois. Elle souligne leur appartenance à la communauté catholique montante dans la société irlandaise après avoir fait les frais dune discrimination officielle du xviie siècle jusquà la loi émancipatrice de 1829. Michael Meade, William Carvill et John Crosthwaite dont les familles finiront par être liées (en 1850, William Carvill épouse la seule fille de John Crosthwaithe ; en 1870, leur fille Catherine épouse le fils de Michael Meade), ont traversé lère victorienne en développant lesdits faubourgs. Nappartenant pas forcément à lorigine au monde du bâtiment, leur intention fut damasser des biens et de les faire fructifier comme garantie financière de leur propre patrimoine. Meade (1814-1886) apparaît dans les registres en 1840 comme charpentier et constructeur. Après une période dinsolvabilité, il revient aux affaires et pendant la période de famine (1845-1850) sintéresse à la politique dans la défense des droits des catholiques, tout en rejoignant les chantiers de spéculations constructives. Crosthwaith (1794-1884) après avoir construit les Bains royaux de Kingstown acquiert le territoire de Woodspark sur les collines au-dessus de Dublin en 1849. Mais il nest quun intermédiaire dans le 249processus de construction, sous-traitant le travail à des artisans locaux. La même année, Carvill (?-1884) arrive du Canada où il avait dédié sa carrière au commerce maritime et à celui du métal. Il soriente vers limportation de bois de charpente, sassociant avec son frère Georges resté canadien. Meade se constitue une des plus importantes entreprises de construction dIrlande, à côté de ses concurrents Cockburn & Sons. Il partage ses bureaux avec ceux de larchitecte John J. Lyons, fondateur de la revue professionnelle The Dublin Builder. Dans les années 1850, Carvill sinstalle comme marchand de blé, mais établit chez lui une scierie. Meade fera de même après la période de famine qui touche lIrlande. Dans ces années 1860, le domaine de la construction prolifère et les trois spéculateurs en profitent pour faire fructifier leur patrimoine en construisant pour les particuliers pauvres comme pour la population aisée désireuse de se faire construire de somptueuses villas à la vue imprenable, mais aussi pour léglise, les institutions de santé, bref des travaux publics. Les trois spéculateurs disposent dun revenu locatif annuel substantiel : par exemple pour Meade, £ 1 250 pour onze maisons situées dans Merrion Road alors quun médecin en fin de carrière peut gagner environ £ 1 000 par an ; pour Carvill, £ 889 pour 12 maisons à Rostrevor Terrace, équivalent à plus de onze années de salaires dun charpentier qualifié ; Crosthwaite, par le biais de la sous-location, reçoit £ 570 de profit annuel pour le patrimoine quil développe, soit léquivalent de la moitié du salaire annuel dun avocat ! La propriété de logements facilite les mariages entre gens de même rang. De plus, les spéculateurs nhésitent pas à utiliser la garantie hypothécaire pour achever leurs chantiers.

Les fortunes de ces dynasties sont colossales. Cest la génération suivante qui va effectivement en profiter. Joseph Meade hérite de lentreprise de son père, mais surtout devient une figure politique irlandaise essentielle au début du xxe siècle, membre de la Dublin Corporation en 1884, comme échevin, puis pendant deux ans High Sheriff de la ville de Dublin, pour en devenir le maire en 1891-1892. Il obtient de multiples honneurs tant professionnels que politiques.

Les bâtiments construits au cours du xixe siècle dans les faubourgs dublinois nétaient pas faits pour loger la classe ouvrière. Il fut nécessaire de transformer ces habitations en les subdivisant harmonieusement en appartements. La découverte récente des activités philanthropiques de 250Joseph Meade amène lautrice à le considérer comme le propriétaire de nombreux taudis quil acheta entre 1887 et 1892 pour les réorganiser pour la population ouvrière du bâtiment à laquelle elle consacre les deux dernières pages du chapitre20. Leurs conditions de travail sont épouvantables et leur situation critique à tous points de vue. En 1871, 6 500 hommes et 300 femmes la composent. Ces manœuvres sans qualification travaillent pour des salaires de misère, moins élevés que dans toute la Grande-Bretagne, à travail égal, et sont par conséquent souvent en situation de conflit avec les maîtres employeurs. La période de famine et dépidémies, qui couvre lIrlande à partir de 1859 et qui raréfie les chantiers, permet aux charpentiers de Dublin de déclencher une grève. Ils narrivent pas à entraîner avec eux les autres métiers du bâtiment. Ce nest quen 1890 que, comme président de lAssociation des constructeurs, Joseph Meade obtient un accord pour de meilleures conditions de travail (durée) et de salaires pour les métiers de la brique et de la pierre. Six ans plus tard seulement cet accord est étendu aux charpentiers et menuisiers. On tient même compte alors du temps de transport nécessaire à rejoindre le chantier. La durée de travail est considérablement réduite, les salaires augmentés de près de 60 %. Cependant, Susan Galavan persiste à souligner quen 1911, encore 24 000 travailleurs sans qualification habitent toujours de minuscules taudis insalubres.

Le cinquième et dernier chapitre se concentre sur les matériaux de construction. Son titre principal « procédés » (Process) ne nous semble pas totalement adéquat, en termes dhistoire de la construction. Lautrice aurait pu sous ce titre analyser les éléments constructifs : éléments structuraux verticaux et horizontaux dans le moindre détail, techniques dassemblage des poutres, modalités de couverture, moyens délévation des matériaux, échafaudages, etc. Elle analyse les trois matériaux les plus importants du marché : les briques, la pierre et le bois de charpente en traitant leur qualité, leur acheminement du lieu de production au chantier. Nous restons surpris de labsence danalyse du remploi des matériaux, processus qui a toujours existé.

Depuis le xviie siècle, la brique est considérée comme la quintessence des matériaux de façade dublinois, mais elle sert également à la construction 251des fondations, des murs intérieurs, des cheminées, des cloisons, des murs séparatifs de propriété et des drains. La meilleure qualité de briques est la « marl » de couleurs jaunes servant aux façades. La brique grise est le standard britannique, connue pour sa solidité et son endurance, utilisée pour les murs externes, les arches et les piliers. La « place brick » de moindre qualité provenant des parties brûlées du four est utilisée pour les séparations intérieures et guider les alignements de murs. Les briques souvent faites encore à la main jusquà la moitié du xixe siècle sont manufacturées grâce à linstallation dusines dédiées, cependant, la plupart des briques anglaises sont importées, précise le Irish Builder en 1872. La qualité structurelle des briques dépend également de la nature des joints utilisés. Bien que plus faible le joint flamand est préféré au traditionnel britannique en raison de son apparence finale. Pour maximiser la force des briques, les joints sont placés tout autour même à lintérieur des murs, sauf que pour des raisons économiques on omet souvent de le faire. Pour les mêmes raisons, on affaiblit les constructions en brique en coupant les briques pour sauver lapparence, ce qui a fait apparaître quelques problèmes structuraux dans les constructions irlandaises. Quant aux lieux de fabrication des briques, en 1863, on ne relève pas moins de 84 manufactures différentes en Irlande. Cependant, celles-ci doivent être éloignées des lieux dhabitation afin de ne pas polluer lair par des fumées et des odeurs nocives. Si les briques ne sont pas fabriquées sur place, on utilise le transport maritime et les réseaux de canaux (transports en bateaux ou péniches) et les routes (usage de charrettes) pour les acheminer sur les chantiers périurbains. Malgré son usage démodé à Londres dès 1730, la brique continue dêtre utilisée en Irlande comme matériau constructif de base. Au début, la brique britannique de qualité est plus chère que celle fabriquée en Irlande. Les manufactures de briques vont se développer dans ce dernier pays mais ne pourront pas faire face à la demande, laissant limportation dominer le marché. Si la brique est usitée en général pour des murs de façades linéaires, pour les fenêtres incurvées, certaines profilées en arrondi servent pour les linteaux des fenêtres courbes. Si la brique est un matériau résistant au feu, elle est aussi utilisée à titre décoratif comme pavés de carrelage ou auges en céramique. Elle sert également pour les tuyaux dévacuation. Lusage des briques pour les cloisons intérieures est pratique, car elle permet de gagner de lespace, de constituer un élément léger pouvant être élevé 252sur un plancher, au-dessus dun autre mur ou sur une poutre. Lautrice décrit les deux modalités de cloisons quelle a trouvées sur site : soit des « studd partitions » autrement dit des pans de bois finis au plâtre, soit des « bricknogging partitions », cloison à colombage de bois rempli de briques et de plâtre.

La juxtaposition de la pierre et de la brique dans les constructions au xixe siècle différencie Dublin de Londres. Lusage de la pierre dans le soubassement des maisons, dans lescalier frontal, dans les bandeaux de granit ciselé et dans la maçonnerie dangle en pierre séparant les façades de briques, est significatif de larchitecture irlandaise de cette période bien que ces caractéristiques naient pas été généralisées à tous les quartiers et tous les faubourgs. Quand William Carvill commence à construire à Rathgar, il limite lusage de la pierre aux endroits qui sont enclins le plus aux altérations. Il lutilise comme dans les maisons georgiennes dune manière restreinte. Par exemple, pour les murs de soubassement, il se sert dune finition à la chaux imitant la pierre de taille, de même que les angles sont en pierres préfabriquées plutôt quen pierre de taille. Cette dernière a un coût élevé de transport et de taille qui multiplie par quatorze lusage de limitation. La pierre provient de plusieurs carrières qui délivrent des roches de qualités et de couleurs différentes. La pierre la plus chère est le granite de Ballyknockan. La plus abordable provient des carrières de Kilgobbin (Comté de Dublin). Il semble étonnant quaucune archive dentreprises nait été conservée à ce propos. La taille des pierres décoratives sexécute sur le chantier lui-même. Les moellons de pierre sont assemblés à larrière des briques de façades. La catégorie de moellons la moins onéreuse est dénommée « Dublin Calp ». Cette pierre calcaire varie extrêmement en qualité pouvant être dure comme inutilisable. Elle a la capacité de produire de la chaux hydraulique, ce qui fait quutilisée au-dessus du sol, elle peut engendrer des dégâts dhumidité. Employée pour revêtir le sol des routes, elle provoque tant des marécages en hiver que des nuages de poussière en été. Mélangée avec du sable et de leau, elle sert de mortiers, denduits et de plâtre. La disponibilité des matériaux est déterminante pour les spéculateurs qui y voient une source de profits. Les bâtisseurs usent dun compromis entre la présence locale de la pierre et la qualité dont ils ont besoin (tendre/dure) selon le projet de construction envisagée (une maison / un quai) et bien entendu le budget qui leur est alloué.

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Le charpentier joue un rôle central dans la construction et son matériau de prédilection aussi. Celui-ci ne représente pas moins de 30 % du coût du bâtiment. Néanmoins lenvergure des troncs limite de fait les choix opérés par le charpentier. Susan Galavan remarque que les profondeurs des parquets des pièces sont toujours les mêmes basées sur les longueurs maximales des solives (9 x 2 pouces, soit environ 22 x 5 cm). Quand les pièces doivent être plus profondes, on doit utiliser le système des doubles planchers avec des poutres placées sous les solives espacées de 10 pouces. Cest ce que lautrice relève comme la « règle du pouce » du charpentier ou la construction au « doigt mouillé ». Les forêts anglaises ont été épuisées depuis leur utilisation intense au xviiie siècle. Limportation de bois des pays nordiques simpose dautant que la demande grossit exponentiellement au xixe siècle. Cependant, le stock des bois canadiens et américains contribue aussi à répondre à la demande anglaise. Les scieries de Meade qui sadaptent rapidement à la mécanisation via les machines à vapeur, à la nécessité dajouter des ateliers de métal, à répondre à linsécurité des incendies, ne restent pas seules longtemps. Des entreprises concurrentes sinstallent, comme « Martin & Son » au milieu du siècle. William Carvill, que Susan Galavan décrit comme le second grand spéculateur de ces faubourgs de Dublin, nétait-il pas en liaison avec le Canada ? Finalement plusieurs facteurs influencent le choix des matériaux dans les faubourgs de Dublin : la réglementation, sa situation géographique, leur prix, la mode, le poids du marché de la construction, etc.

Dans sa conclusion, Susan Galavan souligne que son livre est une histoire de lexpansion de la ville de Dublin sur ses faubourgs. Il est lhistoire des acteurs : propriétaires, institutions urbaines, spéculateurs, constructeurs, mais tout autant des ouvriers du bâtiment qualifiés ou pas qui ont consacré toute leur vie de misère à un labeur harassant.

Malgré lhistoire classique irlandaise qui a tendance à ne voir que peu de transformations au xixe siècle, le travail de Susan Galavan montre un changement radical concernant laménagement de la ville de Dublin, bien quau tournant du siècle, la ville de Belfast passe devant Dublin en termes dindustrialisation. En 1911, 63 % de la population de Dublin appartient à la classe ouvrière ; seulement un cinquième travaille dans des manufactures et la moitié de la force ouvrière est considérée comme qualifiée. Aujourdhui les logements ouvriers ont été balayés ou 254se sont embourgeoisés. Lautrice nous démontre comment sest opérée cette résidentialisation des constructions. Elle souligne que les maisons bourgeoises se sont développées en en faisant profiter la classe montante de marchands catholiques. La religion devint ainsi moins un identifiant de politiques locales quun facteur de confort suburbain. Les familles catholiques Carvills, Crossthwaites et Meades sont les premières familles à profiter de la libération de la propriété ainsi que de laccès aux charges politiques, rompant avec la thèse classique de la pauvreté chronique des catholiques irlandais.

Quant aux maisons victoriennes, lhorizontalité des terraced houses a été interrompue par des ruptures verticales sur les façades, par la forme des fenêtres, par les entrées surélevées. On a commencé à exploiter les espaces des côtés et créer des ouvertures à larrière des maisons. La sobriété classique a laissé place à un éclectisme victorien avec une multiplication des décorations et de la polychromie. Ces transformations ne sont pas apparues de manière linéaire, mais en fonction de données budgétaires et de situation géographique. Si létude souligne limportance du facteur économique de la spéculation, elle aurait minimisé un aspect important de lère victorienne : la montée en puissance de la professionnalisation des architectes. Sur le fait que la main de larchitecte puisse être visible sur les détails de certaines réalisations, il y aurait beaucoup à dire, étant donné ce qui a été détaillé plus haut dans le livre par Susan Galavan sur le rôle mineur attribué aux architectes en général dans la construction de ces programmes. Le statut de la profession darchitecte reste à écrire malgré létablissement de lInstitut royal des architectes britanniques en 1834 et lémergence dun enseignement universitaire. Il en serait de même avec ce fameux contrôle sur les constructions quil soit souple ou strict selon le quartier choisi. Comment ne peut-il dépendre que du cahier des charges privé des contrats sans aucune contrainte administrative ? Les évolutions architecturales sont une chose. Elles ont été parfaitement démontrées par lautrice. Une autre question est le contrôle réglementaire des constructions en particulier en ce qui concerne les éléments que lon attribuerait à la notion de « service public ».

Lélévation de ces maisons doit beaucoup à la révolution industrielle contextuelle. Si la géologie du terrain sur lequel on bâtit est toujours déterminante, les constructeurs peuvent aller chercher leurs matériaux toujours plus loin. Les techniques constructives permettent dagrandir 255les espaces de réception, les rendant plus fonctionnels. Larchitecture est enfin un moyen de saisir lévolution des rapports sociaux. Davantage que les rapports hommes/femmes ou adultes/enfants, ceux maîtres/serviteurs sont emblématiques. La ségrégation entre les deux catégories sociales finira avec le temps à sestomper. Si à la fin du xixe siècle environ 71 % des familles de classe moyenne dublinoises conservent des serviteurs, la séparation entre les maîtres et leurs serviteurs est beaucoup plus nuancée quil ny paraît. Interroger la pratique à ce sujet plutôt que les habitus figés permet à lautrice dêtre plus réaliste.

Enfin, si la semi-detached house a eu beaucoup de succès, sous lère victorienne, comme étant un compromis entre la terraced house et la villa, cest probablement le même argument qui a permis de voir construire en République irlandaise de 2001 à 2011 autant de ces maisons à côté dappartements.

Ce livre, pour le moins assez bref (164 p.) et excellemment bien illustré, est un travail de recherche remarquable à bien des égards. Sobrement écrit, il analyse une question inédite qui fait lobjet dinterrogations nouvelles dans plusieurs pays en histoire urbaine. Comment se sont formées les extensions des villes21 ? Les sources mobilisées sont exemplaires et complètes, semble-t-il. Sur les 35 000 nouvelles maisons construites sur la période, lautrice justifie parfaitement le choix de trois quartiers et dun certain nombre de maisons dont elle donne une représentation actuelle ou ancienne – elle a donc travaillé sur le terrain – et souvent des plans et contrats retrouvés en archives. Comme architecte, elle interprète ces dessins pour en délivrer au lecteur des croquis en évolution. Elle met demblée son sujet en contexte, ce qui accroît lintérêt du lecteur à légard des réponses quelle délivre, tant sur le plan géographique, économique, politique, technique et social, ce qui permet dinsister sur lapproche pluridisciplinaire du projet. La presse professionnelle est dépouillée très précisément. Nous regrettons que les archives dentreprise du bâtiment naient pas été sauvegardées et – seule question de forme – que les notes soient reléguées à la fin des chapitres et non en bas page, 256ce qui ne facilite pas une lecture savante de louvrage. Ce point est probablement dû à une volonté éditoriale plutôt quà celle de lautrice. Cependant, nous ne manquons pas de noter positivement la présence dun index général bien pratique.

Robert Carvais

1 Mercedes Gómez-Ferrer, Siglos XV al XVII. Vocabulario de arquitectura valenciana, Valence, Ajuntament de Valencia, 2002.

2 Anna Decri, Un cantiere di parole. Glossario dellarchitettura genovese tra Cinque e Seicento, Florence, AllInsegna del Giglio, 2009 (Biblioteca di Archeologia dellArchitettura, 6).

3 Thierry Verdier, Dictionnaire occitan-français des termes darchitecture xvie-xixe siècles, Paris, Les éditions de Paris Max Chaleil, 2013.

4 Gilbert Salmon, Le lexique de la construction aux xiiie, xive et xve siècles daprès les textes français, dialectaux et latins des départements de la Loire, du Rhône, de lAin et de lIsère, Thèse pour le doctorat de 3e cycle présentée devant lUniversité des Sciences Humaines de Strasbourg, 1974.

5 Voir néanmoins : Association ouvrière des Compagnons du Devoir, La plâtrerie, le staff et le stuc. Tome 1, les hommes et leur métier, Paris, France, les Compagnons du devoir, coll. « Encyclopédie des métiers », 1984, 330 p. ; Association ouvrière des Compagnons du Devoir, La plâtrerie, le staff et le stuc. Tome 2, le savoir-faire, Paris, France, les Compagnons du devoir, coll. « Encyclopédie des métiers », 1994, 564 p ; Groupe de recherche sur le plâtre dans lart, Le plâtre : lart et la matière, Paris, Créaphis, 2001, 381 p. ; Association pour la valorisation du gypse et du plâtre et Groupe de recherche sur le plâtre dans lart, Gypseries : Gipiers des villes, gipiers des champs, Paris, Créaphis, 2005, 205 p.

6 À ce titre, un programme de recherche mené par le Cercle des Partenaires du Patrimoine (CPP) et le LRMH est dédié aux enduits de façade en plâtre. Il se termine en décembre 2018.

7 Luca Boiardi, Maria Regina Tedeschini et Riccardo Gulli, « History and technique of an Italian wooden floor system based on reeds and gypsum plaster frames : the case of Reggio Emilia », inNuts & Bolts of Construction History, Picard, Paris, 2012, p. 549.

8 Représenté notamment par le Musée du Plâtre de Cormeilles-en-Parisis et le Groupe de Recherche du Plâtre dans lArt (GRPA).

9 « Plâtre architectural intérieur, histoires, pratiques professionnelles et restaurations récentes », journée détude, 13 octobre 2017, Médiathèque de lArchitecture et du Patrimoine, Charenton-le-Pont.

10 Pour en savoir plus : le LRMH et le groupement REMPART Île-de-France organisent un colloque « Le Plâtre en Construction » à la Bergerie Nationale de Rambouillet du 26 février 2018 au 1er mars 2019.

11 Voir : Hoffsummer Patrick (dir.), Les charpentes du xie au xixe siècle. Typologie et évolution en France du Nord et en Belgique, Paris, Centre des Monuments Nationaux / Monum, Éditions du patrimoine (Cahiers du Patrimoine, 62), 2002, 375 p. ; Épaud Frédéric, De la charpente romane à la charpente gothique en Normandie : évolution des techniques et des structures de charpenterie du xiie au xiiie siècles, Caen, CRAHM, 2007, 613 p. ; Hoffsummer Patrick, Les charpentes du xie au xixe siècle : grand Ouest de la France : typologie et évolution analyse de la documentation de la Médiathèque de larchitecture et du patrimoine, Turnhout, Brepols, 2011, 385 p.

12 Voir notamment : Aumard Sylvain, « Nouvelles perspectives détudes sur les tuiles médiévales : recherches sur les toitures de monuments en Bourgogne du Nord », dans On the road again, lEurope en mouvement, Actes du 4e congrès international darchéologie médiévale et moderne [INHA, Paris, 3-8 septembre 2007], en ligne sur http://medieval-europe-paris-2007.univ-paris1.fr/S.Aumard.pdf ; Ibid., « Pour une archéologie des couvertures : une problématique en renouvellement », dans Patrick Hoffsummer et Jérôme Eeckout (dir.), Matériaux de larchitecture et toits de lEurope. Mise en œuvre dune méthodologie partagée, Namur, Institut du patrimoine Wallon, 2008, p. 165-174 ; Ibid., « Larchéologie des couvertures médiévales : pourquoi ? comment ? », en ligne sur http://reseautca.hypotheses.org/journees-actualite/resumes-des-journees-detude/larcheologie-des-couvertures-medievales-pourquoi-comment

13 Châtenet Monique, Gady Alexandre, Toits dEurope. Formes, structures, décors et usages du toit à lépoque moderne, xve-xviie siècle, Actes de colloque [8e Rencontres darchitectures européennes, Paris, 12-14 juin 2013], Paris, Picard (De architectura. Colloques, 16), 2016, 247 p.

14 Le vite de matematici, édition par E. Nenci, Milan, 1998.

15 Voir notamment la monographie de A. Serrai, Bernardino Baldi. La vita, le opere, la biblioteca, Milan, 2002 et les ouvrages collectifs Bernardino Baldi (1553-1617) studioso rinascimentale : poesia, storia, linguistica, meccanica, architettura, E. Nenci dir., Milan, 2005 et Seminario di studi su Bernardino Baldi urbinate (1553-1617), G. Cerboni dir., Urbin, 2006.

16 Q. XVI. Leonardo, Galileo e il caso Baldi : Magonza, 26 marzo 1621, Venise, 2004.

17 Susan Galavan aurait pu trouver dautres points de comparaison dans Peter Guillery, The Small house in Eighteenth-century London. A social and Architectural History, New Heaven and London, The Paul Mellon Centre for Studies in British Art / English Heritage, Yale University Press, 2004.

18 Cette institution, active depuis le Moyen Âge, fonctionne principalement comme une institution de gouvernement local au niveau du comté. Elle se nommait ainsi car les grands jurés devaient présenter leurs propositions de travaux publics et les budgets correspondant devant un juge pour les valider. La plupart dentre eux étaient des propriétaires protestants et aisés. Ce système commença à être plus représentatif à partir du Municipal Corporations Act de 1840 et fut définitivement remplacé par des County Councils élus démocratiquement par le Local Government Act en 1898, en ce qui concerne ses fonctions administratives.

19 Il était composé du Lord Mayor, Aldermen and Burgesses (Maire, échevins et bourgeois) de la ville du Dublin.

20 Nous sommes heureux que lautrice ait pu étoffer cette question dans la présente revue à travers son article « Labour reform on the construction site in Dublin : Building workers and their employers, 1859–1896 », supra, p. 139-157.

21 Florence Bourillon et Annie Fourcaut (dir.), Agrandir Paris. 1860-1970, Paris, Publications de la Sorbonne, Comité dhistoire de la ville de Paris, 2012 ; Aline Lemonnier-Lemercier, Les Embellissements du Havre au xviiie siècle. Projets, réalisations, 1719-1830, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013 ; Julien Puget, Les embellissements dAix et de Marseille. Droits, espace et fabrique de la ville aux xviie et xviiie siècles, Rennes, PUR, 2018.