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Classiques Garnier

Le texte et les éditions d'Adolphe

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Adolphe. Anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu
  • Pages : CXI à CXVIII
  • Réimpression de l’édition de : 1985
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 425
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782812414695
  • ISBN : 978-2-8124-1469-5
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1469-5.p.0117
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/04/2014
  • Langue : Français
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LE TEXTE ET LES ÉDITIONS D'ADOLPHE

I. — Le texte.

i° Le manuscrit original ^'Adolphe, dont la plupart des éditions contestent l'existence, existe effec¬ tivement. Déposé à la Bibliothèque Cantonale et Uni¬ versitaire de Lausanne (et non à celle de Genève comme on l'a dit par erreur), il se compose de 155 feuillets. Il a figuré à Vexposition organisée pour le centenaire de la mort de Benjamin Constant, et une plaquette commè- morative en a reproduit alors le titre et un feuillet conte¬ nant la version primitive de la fin de l'« Avis de l'Édi¬ teur ». Mais, conformément aux conventions de dépôt, la communication de ce manuscrit est demeurée réservée. Grâce à la bienveillance de la baronne Constant de Rebec que, veuve du dépositaire, la présente édition est en mesure de parler, pour la première fois, de ce manuscrit, dont un de nos confrères prépare une édition en Suisse, et dont le contenu, par Iappréhension de nouveautés bouleversantes, a suscité et continue de susciter bien des

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curiosités et mainte nostalgie. Pour ramener les unes et les autres à leur juste proportion, nous pouvons dire que, si ce manuscrit original présente un asse^ grand nombre de variantes, en partie autographes, celles-ci concernent la forme, et non le fond du récit ; nous ajouterons que, pour la plupart, ces variantes se retrouvent également dans : 2° La copie Monamy (descendant par alliance et héritier de Charles de Rebecque, frère de Benjamin Constant), titrée de la main de Constant « Œuvres manuscrites, Tome premier, 1810 », revue par lui, £/ dW G. Rudler, jw édition critique, <2 collationnè et reproduit les variantes. Con comprendra cependant pourquoi, existe un manuscrit original, il ne m'a point paru que je puisse suivre dans mon apparat critique le code des précédents éditeurs, et que je désigne en conséquence par la lettre C ( Copie) — et non par M — le manuscrit Monamy.

II. — Les Éditions.

i° Adolphe, donné à Timpression le 30 avril 1816, et payé ultérieurement 70 louis par Colburn, a paru à Londres et à Paris, en juin 1816 (à Paris : Journal de la Librairie du 22 juin). A Londres avec le titre suivant : Adolphe ; Anecdote Trouvée dans les Papiers d'un Inconnu, et Publiée Par M. Benjamin de

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Constant. | Londres : | Che^ Colburn, Libraire, Paris : | Che^ Trottel et Wurt%. | 1816. A Paris, ce titre : Adolphe, Anecdote Trouvée Dans les Papiers d'un Inconnu, | Et Publiée | Par I M. Benjamin de Constant. — Paris, | Che^ Treut tel et Wùrt rue de Bourbon, 17. Londres, | //. Colburn, Bookseller, 50 Conduit Street New-Bond. | 1816. Ckr dfooc éditions ont toutes deux 228 pages, mais dont 183 seulement coïncident ; en outre, elles marquent certaines différences sensibles dans l'orthographe, /<2 ponctuation, l'accentuation. Elles ont paru presque simultanément, /^/7 non simultanément. Entre elles, laquelle constitue réellement l'édition originale ? G". Rudler, après une minutieuse étude des deux textes et des circonstances de la publication, conclu en faveur de l'édition de Londres. F. Vandèrem se plut à contrebattre ses arguments par d'autres. Après cette longue discussion — ^///, <2// demeurant, intéresse surtout les bibliophiles, aucune des menues diffé¬ rences entre les deux textes ne touche à l'essentiel — je ne puis faire autrement, <2// nouvel examen, ^ d'opter pour l'édition de Londres. Tout y conduit : la vraisemblance, /<?j* circonstances, documents connus, /tfj akz/tfj-, ?/ certains détails techniques. Si le bon sens, contrairement à l'affirmation de Descartes, n'était pas souvent la chose du monde la moins partagée, il sauterait aux yeux que B. Constant, à Londres depuis janvier 1816, ^/// pouvait alors, fortes raisons politiques, risquer à Paris,

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a tout naturellement opté pour une impression dont il pouvait s'occuper sur place, — et aux moindres frais, dès lors qu'il serait peut-être obligé de se résigner à éditer à compte d'auteur... Quand, le 30 avril 1816, il écrit : « Donné mon livre à l'impression », c'est à Londres qu'il le donne, et c'est à Colburn qu'il demande d'y mettre le nom de sa firme. Quand il note dans un mémento un passage à revoir, il écrit : « Revoir dans ce que j'ai donné à Colburn... » Une lettre de Constant à Colburn, en anglais, retrouvée, et traduite par M. S/oog, libraire à New-York, s'exprime ainsi : M. Constant présente ses respects à M. Colburn et l'informe qu'il lui envoie aujourd'hui la dernière épreuve corrigée et qu'il suppose que la petite publi¬ cation sera terminée demain. Il désire que la mise en vente commence au plus tard samedi, car il a l'intention de s'embarquer pour la Hollande la semaine prochaine et désire se rendre compte comment cela marchera. De même, il désire savoir si M. Colburn entrepren¬ drait la publication d'un autre de ses ouvrages, sur des sujets politiques, à peu près de la même longueur, et qui créera, pense-t-il, un grand intérêt de curiosité. Il a l'intention de le publier à ses propres frais, mais en raison du voyage prolongé qu'il va faire il désire éviter les ennuis d'en surveiller (lui-même) la publi¬ cation. Il prie M. Colburn de n'en parler à qui que ce soit. 27 mai, à Queen's Building en face de Brompton Row. Quand, après la publication et le premier succès de son petit roman, Constant obtient enfin, à la fin de juin, 70 louis de droits d'auteur, c'est avec Colburn qu'il conclut un « arrangement », et il n'est nulle part question

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de droits quelconques touchés de WùrtEnfin, du point de vue technique, G. Rudler a relevé dans l'édition de Londres un certain nombre de passages dont le texte est conforme à celui de la copie, alors que le texte de P édition de Paris est amendé. Différentes lettres nous prouvent d'autre part que c'est de Londres, et non de Paris, qu'amis et public français attendaient la venue du roman. Le beau-père de Charles de Constant, Ac hard, fixé à Londres, écrit à son gendre, qui le répète à Rosalie : J'oubliais de te dire que M. Achard nous dit que Benjamin va faire imprimer un roman en outre d'un ouvrage politique qui doit servir d'apologie à sa conduite. (12 février 1816). Nos lettres de Londres nous disent que Benjamin fait imprimer son roman. Mais elles n'ajoutent rien sur son compte. (25 mars). C'est seulement le 17 juin qu'il est question d'une impression à Paris. Pourquoi ? Tout simplement parce que, pour éviter à la fois des droits de douane et certaines difficultés éventuelles avec les tribunaux politiques, les éditions Colburn étaient relayées sur le continent par des éditeurs français : Treuttel et WùrtDelaunay, etc., que Colburn, en accord avec l'auteur, qui revoyait au besoin son texte, mettait de compte à demi dans l'opération commencée par lui. * * Une preuve par analogie nous en est fournie par le cas du « Rome, Naples et Florence », de Stendhal, paru simultanément, lui aussi, l'année suivante (1817), — à Londres chez Colburn, et

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Ajoutons que deux particularités bibliographiques, non signalées jusqu'ici, conprment elles aussi la priorité de rédition Colburn. C'est ainsi que la moitié des exem¬ plaires de l'édition dite « de Paris » porte, comme dans l'édition de Londres (avec la faute orthographique « Trot- tel » rectifiée) : « Londres, Colburn ; Paris, etc. » (Londres, en tête). De même z° La seconde édition, de la même année 1816, fictive, malgré la mention traditionnelle « Revue, corrigée et augmentée », où l' « l'Éditeur » <2 seulement été remplacé par une Préface nouvelle, ^ d'abord été donnée à Colburn, comme le prouve une lettre à Wùrt alors de passage à Londres, et adressée « jw/zj"

à Paris chez Delaunay. L'édition de Londres étant rarissime, tandis que celle de Paris se rencontre assez aisément, l'on a conclu à la priorité de cette dernière, alors que, sitôt une étude attentive, la preuve du contraire éclate : c'est ainsi que l'auteur, amoureux de l'anonymat, — tant pour éprouver d'abord le succès que, dans ce cas particulier, par appréhension politique et par haine de la réaction bourbonienne, — n'a pas signé l'édition de Londres, puis a signé celle de Paris. C'est ainsi que Stendhal, dont l'on sait qu'il travaillait toujours à resserrer son style, avait d'abord écrit la première phrase de sa Préface sous la forme suivante : Il ne faut pas chercher d'art dans cet ouvrage ; c'est une esquisse que la nature seule a dictée, puis condensé son idée en une affirmation lapidaire : Cette esquisse est un ouvrage naturel. Un peu plus loin, dans l'édition de Londres une faute d'impression rendait une phrase inintelligible : La musique est le seul naturel : elle a été rectifiée dans l'édition de Paris : La musique est le seul art naturel. Quelques pages encore, et l'édition de Paris concorde avec celle de Londres pour donner de l'expression très simple : Milan est la ville d'Europe qui a les plus belles rues

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de M. Colburn » : « ... Ce n'était même qu'à ma prière que M. Colburn F envoyait | la préface , et fy renonce... » Là encore, sur le titre recomposé, la mention de Londres précède celle de Paris. Cest déclarer aussitôt la priorité commerciale au lecteur le moins averti. 3° Première traduction anglaise. Elle comporte à la fois la Préface à la « seconde édition » (c'est même d'après cette traduction qu'avant la découverte de deux exemplaires de cette édition, l'on avait eu connaissance de cette Préface in-extenso), et se présente ainsi : Adolphe : | An anecdote | found among the papers of an unknown person, an published | by | M. Benjamin de Constant. | London : | printed for H. Colburn, Conduit Street. 1816. Cette édition a dû paraître à la fin d'août 1816.

une traduction anglaise en note (« The most comfortable streets ») qui n'avait d'utilité qu'à l'occasion d'une édition parue à l'étranger. Je pourrais multiplier les exemples (noms en toutes lettres dans l'édition anglaise remplacés par prudence dans l'édition de Paris par des initiales, précisions plus hardies, etc.). Concluons par la preuve la plus frappante : dans l'édition anglaise, il était ques¬ tion, comme dans la française, delà manufacture d'un M. Taissaire, à Troyes, brûlée par les Anglais. Or, dans l'édition française, et dans elle seule, figure une espèce de note de dernière heure, additive à l'Appendice, qui commence ainsi : J'apprends que la belle manufacture de M. Taissaire à Troie's. dont les métiers avaient été brisés, s'est relevée plus florissante que jamais... etc. Dans ce cas, comme dans celui d'Adolphe — et de manière plus frappante encore, puisque les différences de texte sont notables, et que la conviction en faveur de l'édition de Paris est absolue dans toutes les bibliographies ! — il s'agit d'une édition anglaise, relayée, mais non précédée, par l'édition française.

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cxviii LE TEXTE ET LES ÉDITIONS 4° Troisième édition. 1824, che% Brissot-Thivars (août 1824J, avec une Préface en partie inédite, et une addition au chapitre VIII. C'est cette édition, la dernière parue de P aveu de Pau¬ teur , et avec des additions voulues par lui, dont le texte sert de hase à celui de la présente édition.