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Classiques Garnier

[Introduction de la troisième partie]

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Lannée 1881 peut être considérée comme le point de départ dune nouvelle époque car elle introduisit de nouveaux acteurs dans larène des ventes publiques parisiennes. En mars, un nouvel expert, Georges Petit (1856-1920), orchestra la vente après décès de John Waterloo Wilson. Fils de Francis Petit, il avait repris le commerce de son père quatre ans plus tôt. En 1881, il marqua les esprits en achetant, lors de la vente Wilson, LAngélus, de Jean-François Millet, pour 160 000 francs hors frais1 ; des travaux étaient alors en cours, aux chantiers de la Madeleine, pour construire une nouvelle galerie, véritable palais des arts avec lequel Petit allait révolutionner le marché de lart parisien. Quelques mois plus tard eut lieu la première vente dun nouveau commissaire-priseur, né au même moment que lhôtel Drouot en 1852 : Paul Louis Chevallier (1852-1908), ancien clerc de Charles Pillet, succéda à ce dernier le 5 novembre 18812. Sur le plan économique, lannée 1881 fut également exceptionnelle : le chiffre daffaires des commissaires-priseurs, qui sétait stabilisé entre 1875 et 1880, bondit de 44 % en 1881 (annexe I et fig. 3), sous leffet de trois ventes exceptionnelles3, avant de retrouver doucement son niveau de 1880, en 1885. Le krach de la banque de lUnion générale, en 1882, sil entraîna avec lui celui de la Bourse4, neut pas un impact aussi brutal sur lensemble des ventes aux enchères publiques parisiennes. Au contraire, lannée 1882 marqua louverture de la « Salle Petit », qui apporta un nouveau souffle au marché de lart.

Georges Petit, en effet, simposa comme un marchand-entrepreneur incontournable, à partir de 1881-1882 et modifia en profondeur la valorisation des objets mis aux enchères, par linvention de ce que nous pourrions appeler le « modèle Georges Petit », fondé sur la concentration des « procédés de fabrication » dune vente publique : la tenue des vacations 330dans une galerie luxueuse, la publication dun catalogue-beau livre et sur la reproduction des œuvres facilitée par les procédés photomécaniques (septième chapitre). Ce modèle segmenta les ventes aux enchères de tableaux, dessins et sculpture, entraînant léviction des jeunes artistes (huitième chapitre) mais transforma, dans un même temps, les « bibelots » extraeuropéens en « objets dart », grâce également à laction des collectionneurs-connoisseurs qui modifièrent le regard porté sur ces derniers.

1 Lugt 40851, lot 170.

2 Archives nationales, dossier de nomination de Paul Chevallier, BB/9/1603.

3 AdP, quitus de lannée 1881, D1E3 198. La vente après décès de John Waterloo Wilson (Lugt 40851) produisit un total de 2 032 425 francs, celle du Baron de Beurnonville (Lugt 41077) 2 171 495 francs, et celle de la collection de Léopold Double (Lugt 41161), 2 413 766 francs.

4 Jean Bouvier, Le Krach de lUnion générale (1878-1885), Paris, Presses universitaires de France, 1960.