Résumés et présentations des auteurs
- Type de publication : Article de revue
- Revue : ElFe XX-XXI
2015, n° 5. Études de littérature de langue française des xxe et xxie siècles. Approches de l’animal - Pages : 235 à 241
- Revue : ELFe XX-XXI
Article de revue : Précédent 15/15
Résumés et présentations
des auteurs
Yuna Visentin, « La critique de la métaphorisation de l’animal chez Lévinas et Derrida »
Yuna Visentin est ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, agrégée de lettres modernes et doctorante contractuelle. Elle prépare actuellement une thèse intitulée « L’Expérience littéraire dans l’œuvre de Benjamin, Kafka et Lévinas ».
Lévinas et Derrida décrivent leur rencontre avec un animal concret. Y apparaissent une critique de la représentation métaphorique de l’animal et le glissement vers la littérature du discours philosophique. La contribution examine ces récits et les confronte aux univers théoriques des deux auteurs. L’article interroge ensuite la possibilité d’une lecture littéraire de ces deux textes. Enfin il est montré comment l’hybridation de nos conceptions de l’humain va de pair avec l’hybridation du langage et des discours.
Lévinas and Derrida describe their encounter with a specific animal and from this there emerges a critique of the metaphorical representation of the animal and a shift towards the literature of philosophical discourse. This contribution examines these accounts against the background of the theoretical domains of the two authors. The article then questions the possibility of a literary reading of the two texts, showing, finally, how the hybridization of our conceptions of the human goes hand in hand with the hybridization of language and discourse.
Esra Aykin, « Un autre regard. Jean-Christophe Bailly, une poétique de la contemplation (Le Versant animal, Le Parti pris des animaux) »
Esra Aykin prépare actuellement un doctorat en études cinématographiques à l’université Paris Est – Créteil – Val-de-Marne sur l’esthétique de la nostalgie chez Angelopoulos, Cacoyannis, Cocteau, Kieslowski, Ruiz, Sokourov, Tarkovski et Wenders. La question animale constitue pour elle une autre source essentielle d’intérêt et de recherche.
Dans ses deux essais poétiques Le Versant animal et Le Parti pris des animaux, J.-C. Bailly interroge cette frontière tracée entre d’un côté l’homme et de l’autre l’animal. Le regard de la rencontre avec tant d’univers intérieurs constitue le cœur de sa réflexion. Par lui, l’homme peut mesurer qu’il n’est pas seul à regarder le monde et entrevoir d’autres façons de l’habiter. C’est sur le mode méditatif qu’advient la rencontre véritable avec les animaux. Sans eux, c’est l’âme et la poésie du monde qui se perdent.
In his two poetic essays, Le Versant animal and Le Parti pris des animaux, J.-C. Bailly questions the boundary that has been drawn between man and animal. At its core, his thought concerns a vision of the meeting place between multiple interior universes. For Bailly, humankind can grasp the fact that it is not alone in contemplating the world and glimpse other ways of living in it. Our true encounter with animals comes by way of meditation; without them, we lose the soul and the poetry of the world.
Romain Bionda, « Le règne de la machine de F. T. Marinetti : une fable sans animaux ? Pour une écocritique du futurisme »
Romain Bionda est assistant diplômé à la section de français de l’université de Lausanne. Il prépare une thèse sous la direction de Danielle Chaperon sur l’irreprésentable au théâtre et dirige le numéro 19 de la revue en ligne Fabula-LhT : « Les conditions du théâtre. Le théâtralisable et le théâtralisé ».
On ne prête en général pas attention aux nombreuses métaphores et comparaisons animales présentes dans le prologue du premier manifeste du futurisme. C’est pourtant par analogie au règne animal que Marinetti élabore et poétise le règne de la machine ainsi que celui de l’homme. L’homme se mécanise tandis que la machine s’humanise, ou s’animalise. La machine devenue être vivant entre alors en concurrence directe avec l’animal. Elle acquiert le statut d’organisme qui légitime sa place dans l’écosystème.
We do not generally pay much attention to the many animal metaphors and comparisons contained in the prologue to the first manifesto of futurism. However, analogies with the animal kingdom allow Marinetti to formulate and poeticize the reign of the machine, and also that of mankind. Man mechanizes himself while the machine humanizes—or animalizes—itself. The machine that has become a living being then enters into direct competition with the animal. It takes on the status of organism, thereby legitimating its place in the ecosystem.
Zoé Marty, « De l’origine de King Kong. Historiographie et esthétique d’un mythe »
Zoé Marty, actuellement étudiante en histoire de l’art à l’université Paris-Sorbonne, est diplômée des premier et deuxième cycles de l’École du Louvre. Elle a rédigé un mémoire sur les images de procès dans le cinéma de Fritz Lang et un second traitant de la représentation des animaux comme symboles et symptômes de l’angoisse dans le cinéma et les beaux-arts.
Depuis 1933, année de la sortie de King Kong au cinéma, le film a eu de nombreux échos. Kong, le monstre simiesque comme son habitat, sont autant d’images à mettre en rapport avec des œuvres allant du xviiie au xxe siècle. Le surgissement de la figure de King-Kong est une mise en mouvement d’un mythe qui s’est fait une place dans l’imaginaire collectif. Les différentes réinterprétations cinématographiques du mythe en changent pourtant la signification. De monstre onirique, le gorille devient un animal singulier.
Since 1993, the year King Kong came out in the cinema, the film has given rise to many echos. Kong, the simian monster and his habitat, are so many images to be placed in relation to works from the eighteenth to the twentieth century. The emergence of the figure of King-Kong sets in motion a myth established in the collective imagination, but the various cinematographic reinterpretations of the myth change its meaning. Starting out as a dream monster, the gorilla has become a very special animal.
Françoise Bombard, « Fonction et statut de l’animal chez Jean Giraudoux »
Françoise Bombard est professeur agrégée et docteur ès lettres. Sa thèse est parue sous le titre « Décalages et dissonances. Les objets dans le théâtre de Jean Giraudoux ». Outre la littérature française et francophone, elle s’intéresse à l’histoire des arts. Elle a écrit des articles sur Crommelynck, Giraudoux, Kacimi, Schehadé, la musique de scène et participe à la rédaction du Dictionnaire Giraudoux.
Les animaux sont légion sous la plume de Giraudoux, admirateur de La Fontaine. Il n’échappe pas dans ses premiers romans et dans son théâtre à une vision anthropomorphique. En tant qu’objet littéraire, l’animal est en effet un matériau pour métaphores et jeux d’esprit. Cependant, Giraudoux dénonce les traitements infâmants infligés aux bêtes et la cruauté humaine. L’anthropocentrisme s’efface, l’écrivain trouvant dans la présence des bêtes qui incarnent une réalité, une magie qui nourrit l’inspiration poétique.
In Giraudoux’s writings (he was an admirer of La Fontaine) animals are legion. An anthropomorphic perspective runs through his early novels and his dramatic works.
As a literary object, the animal is indeed the raw material of metaphors and witticisms. However, Giraudoux denounces the shameful treatment of animals and human cruelty towards them. When the writer finds himself in the presence of animals, his anthropocentrism vanishes in the face of their embodied reality, a magic that nourishes poetic inspiration.
Chantal Dhennin-Lalart, « Les animaux de Léon Bocquet »
Chantal Dhennin-Lalart est professeur agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine. Elle est rattachée au laboratoire HLLI à ULCO, université Charles-de-Gaulle – Lille 3. Elle a notamment publié Illies, lieu de mémoire de la Grande Guerre (Clermont-Ferrand, 2007).
La plongée de Léon Bocquet dans le régionalisme s’accompagne d’un intérêt évident pour sa région d’origine, le Nord. À l’intérieur du microcosme campagnard du roman de 1924, apparaissent des animaux. Animaux décrits avec rigueur et précision, ou présentés comme des parangons des comportements humains, animaux-fétiches, animaux servant de panacée en médecine, toutes sortes d’animaux envahissent Le Fardeau des jours. Cette contribution examine, avec cet ouvrage, le bouillonnement intellectuel des années 1920.
Léon Bocquet’s immersion in regionalism goes along with an evident interest in the North, his region of origin. Within the rural microcosm of his 1924 novel, animals appear: animals rigorously and precisely described, animals used as panaceas in medicine; animals of every kind abound in Le Fardeau des jours. This contribution draws upon the novel to examine the intellectual vibrancy of the 1920s.
Alain Schaffner, « Cogito Pergaud sum. Les études de psychologie animale de Louis Pergaud »
Alain Schaffner est professeur à l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3 (UMR THALIM). Ses travaux portent sur le roman et le romanesque au xxe siècle (Albert Cohen, Alexandre Vialatte, etc.), les littératures à contraintes, la littérature et les sciences de la vie. Il a récemment publié Albert Cohen. Le grandiose et le dérisoire (Zoé, 2014).
Dans ses chroniques animales publiées en 1923 sous le titre La Vie des bêtes, Louis Pergaud se livre à un plaidoyer en faveur de l’observation des animaux sauvages ou domestiques. Puis il prend la peine de réfuter les idées reçues sur le comportement animal. Enfin, il poursuit sa réflexion jusqu’à remettre en cause l’existence d’un « propre de l’homme » au profit d’une continuité
restaurée du monde animal. En cela Pergaud est un précurseur des théoriciens actuels qui annoncent « la fin de l’exception humaine ».
In his animal chronicles published in 1923 under the title La Vie des bêtes, Louis Pergaud makes the case for observing wild and domestic animals. Then he moves on to refuting received ideas about animal behavior. Finally, his thinking leads him to call into question the existence of a “uniquely human nature” in favor of a reinstated continuity with the animal world. In this, Pergaud is a precursor of contemporary theorists who proclaim “the end of human exceptionalism”.
Alain Romestaing, « Vers une conscience animale de la mort »
Alain Romestaing est maître de conférences à l’université Paris-Descartes. Il a publié Jean Giono, le corps à l’œuvre (Paris, 2009) et a été responsable du programme ANR Animots pour l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3. Ses travaux actuels portent sur la mort des animaux dans la littérature.
La sensibilité à la condition animale a beaucoup évolué en France au xixe siècle, sur fond d’un changement épistémique provoqué par la théorie darwinienne et le développement de la biologie. Le xxe siècle hérite de cette conscience d’une proximité que la Grande Guerre exacerbe. Certains écrivains ne se contentent plus de mettre en scène le drame de la mort d’animaux individualisés. De Pergaud à Giono, en passant par Genevoix ou Colette, ils postulent de la part de ces derniers une véritable conscience de la mort.
Sensibility towards the animal condition evolved considerably in France in the nineteenth century, due to epistemic change brought about by Darwinian theory and the development of biology. The twentieth century inherited this awareness of human closeness to the animal world and it was enhanced by the Great War. Certain writers no longer limited themselves to depicting the drama of the death of individualized animals. From Pergaud to Giono, by way of Genevoix and Colette, they ascribe to animals a genuine awareness of death.
Nicolas Picard, « La joie des bêtes »
Nicolas Picard est professeur agrégé. Il rédige actuellement une thèse de doctorat sur les mondes animaux dans la littérature de l’entre-deux guerres à l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3.
La joie des bêtes est un motif littéraire que l’on trouve dans un large corpus de textes qui met au jour deux procédés d’écriture des émotions animales. Ils rendent possible la constitution d’un savoir zoologique rigoureux : l’empathie comportementale et l’anthropomorphisme. Ce motif joue un rôle narratif et diégétique et interroge les limites de la subjectivité des bêtes. Il présente enfin la relation au monde par l’intériorité comme une dimension fondamentale de la vie qui configure l’existence des bêtes.
The happiness of animals is a literary motif one finds throughout a large body of texts that reveal two modes of writing about animal emotions : behavioral empathy and anthropomorphism. Between them, they make it possible to amass rigorous zoological knowledge. This motif plays a narrative and diegetic role and investigates the limits of animals’ subjectivity. Ultimately it presents the relation to the world through an inner life as a fundamental dimension of animal existence.
Pierre Citti, « La Fable des animaux selon Jules Supervielle »
Pierre Citti, professeur émérite à l’université de Montpellier, est spécialiste du symbolisme européen à la fin du xixe siècle. Parmi de nombreux travaux, il a notamment publié Contre la décadence (Paris, 1984) et Histoire de l’intelligence, 1880-1914 (Main, 1998).
Les bêtes de Supervielle galopent, nagent et volent car elles habitent « la fable du monde ». Sans doute la survenue des animaux depuis la fin du xixe siècle dans la littérature est un trait d’époque. Cette apparition marque une nouvelle sorte d’attention à la vie et une nouvelle attitude en face du phénomène humain. C’est la note propre de Supervielle que de dépouiller le vieil homme pour revêtir l’animal inconnu. De ramener l’existence, par excellence humaine, à la vie des vivants par excellence, les animaux.
Supervielle’s beasts gallop, swim and fly because they inhabit “la fable du monde” (the world’s fable). The occurrence of animals in literature since the end of the nineteenth century is undoubtedly a characteristic feature of the period. Their appearance marks a new kind of attention to life and a new attitude towards the human phenomenon. Supervielle’s personal touch was to disrobe old mankind in order to endow the unknown animal, to reduce existence that is human par excellence to the life of living beings par excellence: the animals.
Entretiens
Anne Simon, « La zoopoétique : un engagement proprement poétique en études animales »
Anne Simon est chargée de recherche au CNRS (CRAL/EHESS). Ses nombreux travaux, dont l’ouvrage Proust ou le réel retrouvé (Paris, 2000), portent sur l’œuvre de Proust et sur la question de l’animalité. Porteuse du programme ANR Animots, elle a dirigé deux numéros spéciaux : L’Esprit créateur, « Facing Animals / Face aux bêtes » (Paris, 2011) et Contemporary French and Francophone Studies, « Humain/Animal » (Paris, 2012).
Isabelle Sorente, « Cette magie sympathique »
Isabelle Sorente est polytechnicienne, pilote et écrivain.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-05949-3
- EAN : 9782406059493
- ISSN : 2262-3450
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05949-3.p.0235
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/07/2016
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français