Éditorial
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Constellation Cendrars
2022, n° 6. varia - Auteurs : Le Quellec Cottier (Christine), Leroy (Claude)
- Pages : 11 à 14
- Revue : Constellation Cendrars
ÉDITORIAL
Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais quand elles volent en escadrille ? Ces derniers temps les signes de regain se multiplient autour du nom de Blaise Cendrars. Avec un grand soulagement, les amis du poète ont appris que les obstacles qui, après la disparition de Miriam Cendrars, s’étaient fâcheusement accumulés autour de sa succession, sont enfin levés et que l’avenir de l’œuvre – l’essentiel – est assuré. Tout ce qui fait vivre l’œuvre du poète qui réunit nos associations jumelles peut se relancer sans entraves juridiques, les manifestations, les expositions, les traductions, les adaptations et, bien entendu, les publications.
Dans la tourmente provoquée par la pandémie, Constellation Cendrars a maintenu le cap. En plaçant sa cinquième livraison sous l’enseigne de la musique, notre revue a rendu hommage à l’autre vocation de Freddy Sauser, un amour du clavier brutalement interrompu par la guerre et pourtant perpétué sous tant d’autres formes dans les livres de Blaise Cendrars. En raison des difficultés du moment, les rencontres sous le signe du bourlingueur se sont inévitablement espacées, mais leur fil n’a jamais été rompu. À La Charité-sur-Loire s’est tenu, on s’en souvient, un festival au nom complice organisé autour du mot « Bourlinguer », tandis que la commune du Tremblay-sur-Mauldre, chère au voyageur qui faisait escale dans sa maison des champs, lui a consacré, du 1er au 3 avril, ses « Premières Journées Blaise Cendrars » qui réunissaient conférences et spectacles. De toute évidence, leur succès, sous la direction de Jacques Fournier, en appelle d’autres.
Peu à peu, la vie de nos associations a repris son cours régulier. À Berne, le CEBC a renoué avec un rite annuel en tenant l’indispensable séance plénière dont le descriptif détaillé figure un peu plus loin. Avec pour invité l’écrivain Jean-Paul Delfino, passionné de Cendrars qu’il met volontiers en scène dans ses romans. De son côté, l’AIBC a enfin 12pu se réunir en assemblée générale. Claude Leroy ayant achevé son mandat, c’est Marie-Paule Berranger qui a été élue présidente, comme on le verra plus loin. Est-il besoin de rappeler à nos diligents lecteurs combien ses travaux sur la poésie moderne et contemporaine, le surréalisme et Cendrars font autorité ? Quant au séminaire « Constellation Cendrars », malmené par la crise sanitaire, il a repris ses travaux à Paris. Le cycle des conférences sur « L’écrivain et ses éditeurs » a pu enfin se boucler et le présent numéro publie les contributions de Jehanne Denogent, Bastien Mouchet, Fabien Dubosson, Jean-Carlo Flückiger et Damiano De Pieri, qui viennent compléter celles que recueillait notre quatrième livraison. Pour les deux prochaines années, Marie-Paule Berranger et Myriam Boucharenc, qui dirigent le séminaire, lancent un nouveau programme de recherches sous le titre « Faire création de tout. Cendrars multimédial ». C’est ouvrir un vaste chantier à la mesure de l’homme-orchestre que rêvait d’être Cendrars. Au-delà des modes, des engouements et des cloisonnements, il sera resté fidèle à un désir de modernité dont, plus encore qu’un mot fétiche, il a fait son totem de créateur. Telle est la bonne nouvelle : en 2022, le trio d’activités qui unit nos deux associations s’est relancé ; la rencontre annuelle du CEBC à Berne, le séminaire organisé par l’AIBC à Paris et la publication d’une revue partagée. Autour de ces trois pôles, gravitent les autres initiatives des amis de Cendrars.
Au sommaire de ce numéro, figure la présentation de deux œuvres fantômes de Cendrars, grand expert en la matière, La Rumeur du monde (qui sera peut-être enfin publiée) et Le Poids du monde (à la chasse de laquelle on invite nos lecteurs à se lancer). Jean-Carlo Flückiger ravive le souvenir du fascinant et sulfureux Conrad Moricand, qui dressa le portrait astrologique de son ami Cendrars. À la lecture de Dan Yack, Erik Bullot, familier de Riez, s’interroge sur la place autobiographique ou cryptographique de ce village dans la vie de Raymone et l’imaginaire de Cendrars.
Parmi les signes les plus prometteurs de regain, relevons la multiplication des thèses universitaires qui se consacrent, entièrement ou partiellement, à l’œuvre du poète. Avec elles, c’est une troisième génération de chercheurs qui maintient à vif la présence de Blaise Cendrars dans l’actualité tout en renouvelant sa connaissance. Il faut remonter aux années 1970-1980 pour voir se former une première vague de 13« cendrarsiens » à la recherche d’une appellation (on hésitait alors avec « cendrariens »). Faute d’éditions disponibles, Cendrars était à cette époque un « objet » universitaire non identifié. Nombre de ses textes qui n’avaient jamais été réédités étaient à peu près inconnus. Trop sensible au personnage, l’histoire littéraire et la critique n’accordaient à son œuvre qu’une attention aussi distraite que mal documentée. La première publication des Œuvres complètes chez Denoël, en huit volumes, fut une révélation. Éveillant un intérêt international, elle a lancé la recherche universitaire en France comme en Suisse, aux États-Unis comme en Italie. En 1968-1969, deux volumes dans la nouvelle collection Poésie/Gallimard ont diffusé cet élan. Á cette première génération de chercheurs est revenu la tâche de fonder et aussi de légitimer les études cendrarsiennes. Une deuxième édition d’Œuvres complètes a suivi au Club Français du livre, enrichie de préfaces et de témoignages. Surtout, un numéro hors-série d’Inédits Secrets ouvrait une fenêtre sur le monde inconnu des archives de l’écrivain. Tout s’accélère. L’Association internationale Blaise Cendrars est créée aux USA, l’ouverture des archives de Berne permet un développement considérable des travaux, soutenus et encadrés par la création du CEBC, le groupe « Études et travaux sur Cendrars » se réunit chaque année à Nanterre. Revues spécialisées, colloques, manifestations se multiplient. Peu à peu, Cendrars prend dans l’histoire de la littérature moderne la place de premier plan que la tradition critique ne lui accordait qu’avec parcimonie. Dans cette mutation d’image, il faut souligner le rôle à maints égards déterminant de Miriam Cendrars, fille et biographe du poète, au côté des chercheurs. Les travaux des pionniers et de leurs premiers successeurs ont conduit à la mise au point des éditions TADA et de la Pléiade. À la disposition d’une troisième génération de chercheurs, elles offrent de précieux outils, un peu massifs et encombrants peut-être, mais sans entraver leur créativité.
Et puisqu’un poète vit de la vie de ses livres et du commerce renouvelé qu’ils entretiennent avec leurs lecteurs, comment ne pas saluer, à la fin de ce panorama, les projets parallèles que lancent les deux principaux éditeurs de Cendrars ? Gallimard annonce pour l’automne la publication d’Aujourd’hui en Folio/Essais et de Trop c’est trop en Folio. Quant à Denoël, sa nouvelle directrice, Dorothée Cunéo, a mis en chantier une édition actualisée de la collection TADA, dont les trois 14premiers volumes sont prévus pour la rentrée. D’autres publications et notamment des éditions en fac-similé sont à l’étude. Oui, décidément, bel envol d’hirondelles…
Christine Le Quellec Cottier
Directrice du CEBC
Berne et Lausanne
Claude Leroy
Président de l’AIBC
Paris
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14080-1
- EAN : 9782406140801
- ISSN : 2557-7360
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14080-1.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 28/09/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : AIBC, CEBC, relance, séminaire, thèses, éditions, Gallimard, Denoël.