Note sur les choix de traduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Capital et profit. Cahiers XVI-XVII des manuscrits de 1861-1863
- Pages : 21 à 22
- Collection : Écrits sur l'économie, n° 3
- Série : 1, n° 3
Note sur les choix
de traduction
Notre traduction s’appuie principalement sur l’édition MEGA². Toutefois, nous avons consulté le manuscrit original mis à notre disposition par l’Institut international d’histoire sociale (IISH) d’Amsterdam tantôt pour corriger des erreurs manifestes de transcription de la MEGA², tantôt pour justifier d’autres choix de traduction. Ces modifications sont signalées par une note renvoyant en annexe à une reproduction numérique du fragment du manuscrit en question. De plus, comme à chaque fois que Marx se livre à une série de calculs servant à illustrer la dynamique des rapports entre variables économiques, le manuscrit contient un certain nombre d’erreurs que nous avons tâché de signaler et de corriger en note. Enfin, certaines pages de ce manuscrit, en particulier celles où Marx développe ses opérations arithmétiques, ont subi des dommages occasionnant des lacunes. Celles-ci sont signalées dans le texte tantôt par des points entre crochets, tantôt par des mots entre crochets lorsqu’ils se déduisent aisément du reste de la phrase. De la même façon, nous avons comblé un certain nombre d’ellipses qu’induit naturellement le rythme d’écriture de Marx.
Nous avons fait le choix de traduire ‘Mehrwerth’ par ‘plus-value’, bien que ‘survaleur’ se soit imposée dans le marxisme francophone depuis la traduction de J.-P. Lefebvre de la quatrième édition allemande du livre I du Capital. D’abord, rappelons que Marx, qui maîtrisait le français, n’a semble-t-il jamais contesté ce choix lorsqu’il révisa les épreuves de l’édition française de 1872 établie par Joseph Roy. D’après Lefebvre, ce choix pouvait se justifier à cette époque : le mot existait en français, ce qui rendait la lecture du Capital plus familière au public francophone, et n’avait pas encore été dévoyé par son usage comptable ou financier. Il s’agirait donc aujourd’hui de restituer dans la langue française à la fois la création linguistique propre à Marx, le réseau
sémantique auquel il est relié (‘surtravail’, ‘surproduit’, etc.), et sa cohérence avec les traductions anglaise, russe, italienne, etc.1. Bizarrement, Lefebvre ne trouve rien à redire à la traduction italienne, plus-valore, à laquelle il estime que ‘survaleur’ correspond mieux que ‘plus-value’. Or, à la différence de Hegel par exemple, Marx crée rarement des néologismes, bien qu’il invente des catégories nouvelles telles que ‘capital constant’ et ‘capital variable’, ou ‘composition organique du capital’. C’est même une question de méthode : la critique de l’économie politique, avant tout, s’empare des catégories économiques existantes pour leur conférer un sens nouveau, une réalité nouvelle, et les faire entrer dans des rapports cachés. Si Marx a créé le mot ‘Mehrwerth’, c’est d’abord qu’il n’existait pas dans la langue économique allemande, comme le confirme dans ce manuscrit l’usage du néologisme ‘Surpluswerth’ tiré de surplus value, courant dans la littérature anglaise, comme l’était ‘plus-value’ ou même ‘plus-valeur’ en français. Ensuite, le réseau sémantique auquel songe Lefebvre plaiderait plutôt en faveur de ‘plus-value’ que de ‘survaleur’. Littéralement, ‘Mehrwerth’, ‘Mehrarbeit’, ‘Mehrprodukt’, se traduisent par ‘plus-valeur’, ‘plus-travail’, ‘plus-produit’. En outre, dans ce manuscrit comme dans Le Capital, Marx use indifféremment des expressions ‘Überarbeit’ et ‘Mehrarbeit’, écrit ‘Überproduktion’ pour ‘surproduction’, mais ‘Mehrprodukt’ qu’on traduit par ‘surproduit’. En revanche, jamais il n’écrit ‘Überwerth’. Lefebvre pense que Roy aurait traduit ‘Mehrwerth’ par ‘plus-value’, et ‘Mehrarbeit’ et ‘Mehrprodukt’ par ‘surtravail’ et ‘surproduit’, parce que le premier existait en français alors que les deux autres n’y avaient pas d’équivalent. Mais c’est bien ‘surtravail’ et ‘surproduit’ qui s’écartent de l’allemand, et au contraire ‘plus-value’ qui traduit fidèlement le préfixe ‘Mehr’ dans ‘Mehrwerth’.
1 Le Capital, Livre I, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983, p. xliii-xlvi.
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-8124-3901-8
- EAN : 9782812439018
- ISSN : 2261-0995
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3901-8.p.0021
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/03/2016
- Langue : Français