7Adieux à un Ami.Bonjour, « Médée ». Je suis venu te retrouver dans la moire du passé loin-tain où s'écoula notre jeunesse, relisant avec émotion lespages, modestes dans leur présentation, de la Creuse Lit-téraire et du Limousin Littéraire dont la qualité cependantappela l'attention d'une presse jouissant d'une plus amplenotoriété que la nôtre. Une qualité signalée, par exemple,dans la défunte Gazette des Lettres et qui en devait l'es-sentiel, bien plus qu'aux miennes, aux vertus de ta plumeet de ton talent. J'ai retrouvé l'évocation d'un « Tristan, Poète del'Amour » dont l'hommage à lui adressé, affectueux et cri-tique, prélude à la naissance de l'æuvre et des nombreusespublications que tu lui as si heureusement consacrées. Modestement, tu ne t'es pas attribué le mérite exclusifde son retour en grâce, citant les travaux de JacquesMadeleine (Textes français modernes 1909); Les plusbelles pages de Tristan L'Hermite, Van Bever (Mercure deFrance, 1909); Les Amours et autres poésies choisies,Pierre Carno (Garnier, 1925); « Le Promenoir des deuxamants », poèmes choisis par Max-Pol Fouchet (Alger,Revue Fontaine, 1945). Mais tu en es essentiellernent l'in-citateur, l'initiateur. N'est-ce pas à toi, aussi, que nous devons la publica-tion d'inédits de Raymond Christoflour, Gabriel Audisio,Hervé Bazin, Pierre de Boisdeffre, Pierre Bouchardon,René Guy Cadou, Georges-Emmanuel Clancier, Jean-Louis Curtis, Luc Decaunes, Luc Estang, Maurice Fom-beure, Marcel Jouhandeau, Robert Margerit, HenriPourrat, Michel Ragon, Jean Rousselot, Pierre Seghers ?...Est-il d'autre part nécessaire de rappeler.l'ampleur de testravaux, ton « Dictionnaire des Auteurs Creusois », tesméticuleuses recherches d'archives, tes nombreuses etdocumentées publications ? Entre 1943 et 1945, dans ton douloureux exil en Alle-magne, tu as chanté en vers ta nostalgie et tes regretsd'être si loin de ta Creuse natale, de ses eaux vives, de sadouceur agreste et de ses horizons. Édité aux Presses duMassif Central, le recueil de la « Compagnie des Ombres »
7 8a reçu la consécration du Prix Maurice Rollinat décernéen 1946 pour la première fois. Concurremment à la Presse,Roger Denux, dans sa chronique littéraire de l'École Libé-ratrice, en révéla l'événement, saluant la publication d'unepoésie familière, de cette même savoureuse et savante sim-plicité qui fait le charme d'un Francis Jammes, d'une poé-sie sachant aussi, parfois, trouver l'accent humain, amer etdoux, des adieux de la bergère de Charles Péguy à laMeuse endormeuse. Discrétion ? Pudeur ? Tu as trop peu, je crois, oeuvré enpoésie. Et nous pouvons le regretter. Citerai-je de toiquelques vers ? « La voix qui exaltait l'amour, la voix s'est tue »Et puis : « Grande paix à tous ceux qui dorment sous la terre« Les larmes des vivants n'émeuvent pas les morts » Adieu, Ami. Yvan Germain