Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers Tristan Corbière
2019, n° 2. Chanté, déchanté - Auteurs : Lair (Samuel), Viselli (Antonio), Houzé (Benoît)
- Pages : 335 à 359
- Revue : Cahiers Tristan Corbière
COMPTES RENDUS
Tristan Corbière en son temps, Revue d’histoire littéraire de la France, mars 2018, 118e année, no 1, p. 3-148.
Il faut louer Yann Mortelette et Jean-Luc Steinmetz d’avoir pris l’initiative de ce colloque consacré au poète morlaisien, organisé à l’Université de Brest les 3 et 4 mars 2017 ; il relève d’une initiative qui, si elle s’inscrit dans un évident mouvement de relecture ou de lecture de l’œuvre de Tristan Corbière, n’en révèle pas moins l’immensité du champ poétique, esthétique, biographique qui se présente encore aujourd’hui aux chercheurs.
C’est ainsi sur le mode prospectif que le biographe de Corbière, Jean-Luc Steinmetz, donne les grandes lignes d’une impulsion susceptible de faire suite à ses propres travaux, pourtant réputés définitifs ; « Corbière en vue : perspectives de recherches » ouvre un nombre considérable de pistes qui sont autant de fenêtres dans l’opacité des zones d’ombre qui dérobent à notre connaissance la vie du poète, notamment. L’auteur n’est jamais loin du mode polémique – une certaine inertie des chercheurs comme une indifférence certaine des municipalités concernées sont plaisamment mises en cause afin d’expliquer le piétinement des résultats sur le terrain rebattu des investigations. Mais qui laisse sous-entendre une désapprobation doit en toute honnêteté suggérer des axes de résolution ; ceux de Steinmetz incitent de facto à la reprise des recherches : dépouillement systématique de la presse morlaisienne comme des organes parisiens où Tristan Corbière donna de la copie ; exploitation des archives de Quimper, sollicitation des fonds privés – et il faut ici reconnaître l’apport de l’étude fraîchement parue d’Armelle de Lafforest sur Corbière au château de Bagatelle – active et vigilante lecture d’œuvres mineures, signées de témoins ou d’intimes, comme La Jupe de Léo Trézenik, ou majeures comme Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger, attendu que Corbière s’est indéniablement murgérisé ; reprise de l’enquête autour de 336Rodolphe de Battine et de l’énigmatique Herminie ; exploitation de la piste dorénavant ouverte d’un séjour de Corbière à Douarnenez, dans une proximité qui reste à évaluer auprès du peintre Lansyer ou de Heredia. Jean-Luc Steinmetz se montre ici semeur inspiré, reste à ses successeurs à aider à la germination de telles suggestions.
Inventeur de l’Album Louis Noir, Benoît Houzé prête attention à l’objet dans la création corbiérienne, au sein de la poétique d’un auteur qui assurément jongle avec la plasticité du terme artiste. Le lien de réciprocité ou de bijectivité entre ironie et art ne trouve nulle part à s’illustrer de façon plus emblématique que dans les objets de création, au sein des deux grandes œuvres principales que sont Les Amours jaunes et Roscoff. Si la valorisation de la matérialité du texte s’inscrit certes dans un mouvement de désidéalisation – et à ce titre l’on pourrait prendre la mesure des écarts et des convergences avec l’esthétique mallarméenne, qui s’offre à cet égard comme un paradigme, si l’on songe que les deux artistes sont contemporains – elle se donne aussi à lire dans la beauté obvie de l’ouvrage qui paraît chez Glady, « “hors-série” absolu », grouillant de fautes voulues. Corbière cherche manifestement à accroître une volonté de présence qui, dans Roscoff, affleure à travers les procédés de surenchère, de superlativisation, de redoublement des catégories, tous choix qui constituent l’ouvrage en Album des albums.
Auteur d’une récente édition des Amours jaunes dans la collection GF chez Flammarion, Jean-Pierre Bertrand s’appuie sur les sept occurrences du mot chic dans le recueil, manière d’hapax, pour y déceler les éléments miniatures d’une poétique, attendu que « l’équivoque substantielle du mot “chic” » est de nature à aiguillonner la curiosité de Corbière. Propre à inverser les valeurs esthétiques, le chic est « plus affaire d’existence que d’art », et à ce titre doit intégrer le corps d’une poésie en quoi s’incarnent la haine de l’art et la soumission la plus grande à l’originalité du dire. Jean-Pierre Bertrand souligne les résonances inattendues entre les occurrences truffant le recueil et l’arsenal rhétorique exploité par la critique des Amours jaunes, qui font de Jules Laforgue le lecteur le plus disponible au chic corbiérien.
Le parti pris par Yann Mortelette est à la fois exigeant et guidé par la nécessité ; la marginalité incontestable de Tristan Corbière n’est pas l’isolement, et le serpent de mer d’un poète coupé de l’actualité poétique de son temps a fait long feu ; faits à l’appui, l’auteur démontre 337le caractère hautement probable d’une rencontre de Tristan Corbière et de Heredia, Lansyer, Mallarmé, Breton, à Douarnenez, à la fin de l’année 1873. Par surcroît, l’expérience intime qu’a développée Heredia de Morlaix et de sa région accrédite, au plan biographique, l’hypothèse d’une connaissance de l’œuvre de Tristan Corbière, à tout le moins de son existence, sans doute maîtrisée et appréciée par l’auteur des Trophées. De son côté, Corbière n’ignore rien des productions du Parnasse contemporain ; citations, pastiches ou innutrition, il est difficile d’évaluer précisément la distance que Corbière tient avec l’œuvre de Leconte de Lisle ou de Théophile Gautier ; mais la cause est entendue : à l’origine de ces jeux figure bien souvent la volonté de désidéaliser les clichés amoureux et les codes poétiques académiques, par exemple. La démystification de la gloire Hugo, quant à elle, est plus complexe, qui cache mal la fascination qu’exerce sur l’auteur du « Crapaud » le recueil des Contemplations.
Henri Scepi fait un pas de côté, en montrant l’évidente pertinence d’un dépassement de l’antagonisme Corbière contre Laforgue, séculairement véhiculé par une tradition critique conditionnée par les écrits de Laforgue même ; plus que d’imitation ou d’innutrition, il importe de saisir le phénomène de lecture de Corbière par l’auteur des Complaintes comme celle qui crée à ce dernier un double, un esprit fraternel. Remontant fidèlement la généalogie des éléments critiques qui font apparaître l’antériorité plus que la parenté des deux poètes, Henri Scepi inventorie les aspects d’un climat d’admiration (Trézenik, Pol Kalig) de l’œuvre de Corbière, qui n’est pas exempt d’un esprit partisan dont pâtit Laforgue, et dont la notion du trait contre le procédé fonctionne comme l’argument rhétorique massue. Pris dans l’engrenage de la surenchère, le poète se voit condamné à radicaliser les écarts avec un artiste qui partageait vraisemblablement plus d’une affinité esthétique avec lui. Les notes préparatoires à l’essai sur Corbière envisagé et esquissé par Laforgue isolent majoritairement le portrait d’un écrivain irréductible à tout effort de classification, inventeur d’un art qui lui appartient résolument en propre.
D’un Uruguayen l’autre (tant il semble que l’œuvre du Breton Corbière soit consubstantielle à la pensée de Saint-Pol Roux, « Bretagne est univers ») : après Laforgue, le comte Isidore Ducasse fait l’objet d’un rapprochement avec Tristan Corbière, dans une synthèse menée par Kevin Saliou, par-delà les éléments favorables à la construction d’une mythologie – existences contemporaines, disparition prématurée, œuvres rares et sans audience. 338Un consensus critique paraît aujourd’hui se faire autour de l’œuvre et de la personne des deux poètes, qui récuse résolument l’adéquation du terme de poète maudit, diffusé par Verlaine, pour Corbière, et par Bloy, s’agissant de Lautréamont. Usant de l’ironie et de l’autodérision, auteurs d’une œuvre marquée du sceau du nihilisme, convoquant cependant des thèmes chers aux romantiques comme l’irruption du fantastique ou l’espace océanique, ils sont sans conteste créateurs d’une poétique cohérente, prise dans une logique de dépoétisation, paradoxalement guidée par une volonté de renouer avec le réel dans ce qu’il a de plus concret : « Corbière et Ducasse font de l’art tout en s’attachant à sa négation ». L’approche biographique est convaincante, tous deux étant des fils à papa ; leur implication dans l’audience à donner à leurs œuvres respectives diverge sensiblement : Ducasse s’efforce de réussir sa carrière, cependant que Corbière répugne à condescendre au goût vulgaire du public et aux divers jeux éditoriaux.
Nous manquons assurément de place pour rendre compte de façon exhaustive de cet ensemble fort complet, réparti selon quatre approches : Corbière devant ses contemporains (Jean-Luc Steinmetz, Samuel Lair, Benoît Houzé, Jean-Pierre Bertrand), Corbière devant les écrivains de son temps (François Roudaut, Sophie Gondolle, Jean Balcou, Yann Mortelette), Réceptions critiques (Henri Scepi, Kevin Saliou, Iris Gérault, Jean-Louis Meunier), Corbière et les Bretons (Pascal Rannou, Joëlle Édon-Le Goff), enfin.
Samuel Lair
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Lorella Martinelli, Retorica e argomentazione nelle Amours jaunes di Tristan Corbière. Rome : Caroccieditore, 2017.
Depuis la redécouverte de l’album Roscoff, l’œuvre de Tristan Corbière se présente davantage sous le signe du renversement et de la caricature où s’entremêlent paysages, sensibilité poétique et parodie. Ce dernier 339aspect se révèle être un des éléments quintessentiels du fait poétique corbiérien dans les Amours jaunes selon Lorella Martinelli, auteure de Retorica e argomentazione nelle Amours jaunes di Tristan Corbière, publié chez Carocci en 2017. Servant à la fois d’introduction au recueil de poésie de Corbière pour le public italien et de référence également aux universitaires et aux spécialistes de littérature française, cette étude, conçue en trois parties, entrelace biographie et analyses textuelles-sémiotiques détaillées. Une bibliographie très utile clôt le livre. La structure tripartite de l’ouvrage suit le fil thématique du renversement, ouvrant sur la première section intitulée « Une poétique à l’envers1 » qui prépare l’argumentation rhétorique exposée dans « Les structures du discours poétiques : antithèse et négation », pour terminer sur « Pastiche et parodie dans le microcycle italien », cette dernière étant sans doute la section la plus novatrice de l’ouvrage de Martinelli.
Dans ce livre rédigé dans un style accessible et précis, souvent même poétique, Martinelli présente le poète maudit et l’histoire critique qui l’étudie de manière ciblée et variée sans pour autant prétendre à l’exhaustivité ni privilégier tel critique ou tel biographe. Les échos que l’on peut entendre entre l’approche de Martinelli et celle de Katherine Lunn-Rockliffe dans Tristan Corbière and the Poetics of Irony (Clarendon Press, 2006), montrent que l’œuvre de Corbière dépasse les frontières linguistiques et engage à des lectures plurielles. L’on pourrait envisager dans l’avenir des comparaisons fructueuses entre les diverses interprétations de la poétique corbiérienne au-delà des Alpes, des Pyrénées et de la Manche.
L’organisation et l’argumentation de Retorica e argomentazione nelle Amours jaunes di Tristan Corbière suit une continuité logique fondée sur le substrat thématique et subjectif de l’auto-dérision– du je(u) poétique – dans l’autoportrait et l’écriture du moi de Corbière ainsi que l’aspect argumentatif de sa poésie : l’anti-lyrisme et l’anti-romantisme. Ces deux axes se manifestent par le biais de la parodie et du pastiche qui portent en eux le dynamisme du renversement, de l’envers et de la contradiction. Malgré cette fluidité d’exemples et d’arguments, le lecteur aurait bénéficié d’une conclusion générale qui aurait synthétisé les trois sections et élargi le champ d’étude vers d’autres exemples, notamment vers l’album Roscoff.
340De Roscoff à Naples
Sur les traces de la critique, Martinelli souligne l’importance du pastiche comme poétique et pratique de subversion, voire de performance, une pratique qui atteint son apogée dans le microcycle italien mais qui existe déjà dans les bribes de vers de jeunesse chez le poète maladif. Avant d’examiner les textes qui façonnent le microcycle italien au sein de « Raccrocs », l’auteure de cet ouvrage prépare son lectorat à la découverte d’une dissonance chez le poète iconoclaste par le biais d’exemples de renversement chez un « [p]oète à la personnalité labyrinthique » (p. 13). Dans cette première section s’esquisse le portrait du poète « arlequin-ragoût », « mélange adultère de tout », image grotesque et carnavalesque du poète maudit et valétudinaire qui se crée et se cache – grâce à de nombreux déguisements – et qui s’écrit en récrivant ceux qui le précèdent : de Dante à La Fontaine, à Musset et à Lamartine. Abondent ici intertextes bariolés et sociolectes variés, de l’argot au langage marin, en passant par un français macaronique – dans une polyphonie cacophonique –, un univers fantastique et dissonant déchiffrable grâce à une clef : celle du « mélange » selon Martinelli qui propose de lire le « mélange comme pastiche » (p. 11), notion poétique aussi bien qu’« actualisation anthropomorphique de l’instance autoriale » (p. 65).
Cette clef ouvrirait les cachots qui recèlent des éléments biographique, linguistique et poético-rhétorique de Corbière, en commençant par les particularités linguistiques – tels que « matelotage » et « amateloter » – qui rapprochent le langage de Tristan de celui de l’auteur du Négrier : une « sédimentation géomorphologique » (p. 16) selon Martinelli qui rassemble de manière polyphonique le substrat marin breton et le français de la Martinique et du Gabon présent dans les récits de Corbière-père. La même logique du mélange explique l’intertextualité parodique. Finalement, Martinelli cible l’ironie de l’autoportrait dans « Épitaphe », « Le poète contumace » et « Le crapaud » où se renversent vices et vertus, des exemples qui poussent au paroxysme le carnavalesque et l’humiliation de la figure de l’auteur, voire de la notion même d’autorité, déjà analysées vis-à-vis du père-écrivain. Martinelli offre ensuite un résumé des sept sections des Amours jaunes et une analyse de sa structure oblique : l’influence des travaux de Pascal Rannou et Katherine Lunn-Rockliffe sont sensibles à ce moment de l’ouvrage. Cette mise au point 341es fondamentale pour un public moins au fait de la pose et des masques que porte le poète dans Les Amours jaunes à la recherche d’un nouveau sens du langage (« ricavare un nuovosignificato », p. 37).
La deuxième section, « Les structures du discours poétique : antithèse et négation », est à la fois constituée d’analyses de texte fondées sur des aspects poétiques et bio-bibliographiques, et de rappel des topoi incontournables de la critique corbiérienne : l’ombre du père, le poète en herbe et ses écrits au lycée – notamment la riche analyse du poème « La Véritable complainte d’Auguste Berthelon » –, le titre du recueil – le jaune ainsi que l’amour –, Armida-Josephina Cucchiani, le poète maudit, dandy et dégoûté, ainsi que la figure de l’ankou. À l’intersection de ces éléments se crée l’artiste-pasticheur avec « un sous-texte tragique et nihiliste » (p. 42) qui « accentue en même temps le dialogisme interne de la parole poétique » ainsi que la polyphonie intertextuelle d’une parole poétique qui ne lui appartient pas uniquement (p. 62). C’est également une poétique que Martinelli projette vers l’avenir, où le poète serait confronté à « l’incapacité de supporter la lutte pour l’existence », un sentiment que Corbière partagera d’ailleurs avec des auteurs du xxe siècle tels que Beckett et Ionesco (p. 63).
Martinelli dédie un tiers de son ouvrage au Corbière italien, ce qui souligne l’importance de cette identité qui s’ajoute à la dichotomie identitaire imposée par Verlaine dans Les Poètes maudits (le Breton et le Parisien). L’Italie, et plus particulièrement Naples et la péninsule sorrentine, occupent une place essentielle dans la vision pastichante et caricaturale du monde corbiérien, d’une part parce qu’il y a séjourné à deux reprises, accompagné de peintres français, d’autre part parce que l’Italie représente dans sa collection de citations et de pastiches un séjour obligé lors du Grand Tour du xixe siècle. Ce pays, nous rappelle Martinelli, l’a cependant laissé tantôt dégoûté, tantôt anesthésié par son kitsch et son tourisme. Le Grand Tour de Corbière se convertit plutôt en « rapsodie burlesque » (p. 81). Du fait de son « aversion pour le romantisme larmoyant » (p. 79) et de son penchant pour la « déformation caricaturale » (p. 80), le poète breton s’en prend de manière virulente à Lamartine. Martinelli consacre une importante analyse au poème-pastiche « Le fils de Lamartine et de Graziella » soulignant, entre autres, le renversement de la virginité de Graziella, qui fait écho au poème « Libertà » au centre du recueil. L’Italie de Corbière serait donc 342l’Italie renversée de Musset et de Lamartine : « déformée, démoniaque, sulfurée » avec des paysages « épidermiquement hostiles » (p. 80). Se regroupent dans le microcycle de six poèmes italiens dans « Raccrocs » « une langue métissée de paraphrases, des allusions ironiques, des calques et jeux de mots » (p. 83) ainsi qu’une écriture onirique qui confond le réel et l’imaginaire : les images idéalisées lors de son enfance se heurtent aux clichés reproduits et vendus aux touristes.
Dans le théâtre des Amours jaunes, l’Italie – et surtout Naples – joue un rôle à la fois crucial et tragique chez le poète-pasticheur qui récrit lui-même la devise « Voir Naples et puis mourir ». Martinelli nous rappelle que Naples est justement « l’espace dans lequel toute scène publique se transforme en spectacle et où l’humanité se présente comme sur une scène de théâtre, où, en même temps que les vices et les vertus, se joue le côté grotesque et macabre de la sociabilité » (p. 93).
L’ouvrage critique de Lorella Martinelli, Retorica e argomentazione nelle Amours jaunes di Tristan Corbière est susceptible d’attirer l’attention du public italien et des savants et universitaires internationaux. Il est certes digne de l’intérêt que nous portons tous à la vie et à l’œuvre du poète breton.
Antonio Viselli
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Tristan Corbière, Les Amours jaunes, éd. Jean-Pierre Bertrand, Paris, GF-Flammarion, 2018.
La dernière édition critique parue des Amours jaunes est remarquable à plus d’un titre. C’est d’abord un livre agréable à voir et à ouvrir : la couverture rompt opportunément avec l’iconographie corbiérienne, pour nous mettre face à une énigme picturale à la Magritte – un bateau flottant dans une bouteille à la mer… sans mer – qui nous semble une excellente 343porte ouverte sur l’œuvre ; les pages sont correctement collées, ce qui n’est plus le cas dans d’autres collections de poésie en livre de poche ; le nom « Corbière » domine la page, en grandes lettres blanches, et, pour la première fois – à notre connaissance – dans l’histoire des éditions corbiériennes, sans le prénom pseudonymique, comme s’il était devenu « un grand » – un auteur, tout simplement ? – mais aussi, et cet aspect nous semble assez libérateur, comme si l’on n’avait pas forcément besoin d’être à Tristan et à toi avec l’auteur pour lire son œuvre.
Le choix de ne publier que Les Amours jaunes, et aucun des textes qui, donnés en revue ou dont on a retrouvé les manuscrits, entourent le recueil, nous semble judicieux – on revient à l’acte de publication de l’auteur, à sa forme-livre – et cohérent avec la présentation décrite ci-dessus et la teneur de la préface (voir ci-après). Jean-Pierre Bertrand livre un livre. (L’appareil critique, très conséquent, ne dilue pas cette impression, peut-être grâce à la composition très claire de l’ouvrage – présentation, recueil annoté, dossier, glossaire). Or le livre fut précisément, au moins autant que le poème, et sans doute davantage que l’album, la grande forme-sens de référence pour Corbière. Le dispositif éditorial choisi permet donc, nous semble-t-il, par comparaison à celui d’éditions plus complètes, un meilleur accès au geste poétique corbiérien.
« Corbière » sans « Tristan », et sans de magnifiques textes hors-recueil, mais édité avec une fidélité sans exemple – d’après les quelques recherches que nous avons faites pour ce compte rendu – à l’édition originale du recueil2, et donc rendu un peu plus à sa personnalité poétique, à son idiosyncrasie. Jean-Pierre Bertrand a en effet fait le choix de ne pas considérer l’édition originale des Amours jaunes comme un document imparfait, à améliorer dans son orthographe ou sa typographie, mais comme une œuvre éditoriale dont le rééditeur doit en premier lieu tenter de restituer le maximum d’aspects, avec une attention particulière aux détails. Nous n’avons certes pas sous les yeux un facsimile de l’édition Glady – dont les vignettes et le rythme paginal, souvent assez signifiants, ne se retrouvent pas dans l’édition Bertrand. Le texte original n’est pas photographié, mais bien transcrit d’une édition de luxe des années 1870 vers l’exotique support d’un livre de 344poche critique de 2018. Il faut saluer la réussite d’une entreprise au fond si périlleuse.
On ne sait presque rien des circonstances de la confection du recueil : il est possible que le poète l’ait suivie de très près et que les étrangetés de présentation, de ponctuation, d’accentuation, de typographie ou même de métrique aient été, sinon « pensées » une à une dans une sorte de « formisme » inversé qui cadrerait mal avec ce que l’on sait de Corbière et ce que l’on lit de lui, du moins acceptées en bloc, sciemment ou orgueilleusement non corrigées, voire invitées dans le texte. Elles participent, comme dans de nombreux manuscrits d’apparat corbiériens, d’une stratégie de captation du regard du lecteur, appelé à rester à fleur de texte, à fleur de voix. On trouve d’ailleurs parfois dans l’édition Bertrand, grâce au retour opéré à l’édition originale, des excentricités très signifiantes, comme ces points de suspension doublés dans « Grand Opéra », qui n’avaient plus été rendus depuis les éditions Le Goffic d’avant-guerre : « Et dans les siècles des siècles… … Comme c’est long ! » Ailleurs, c’est la typographie parapoétique, d’ordinaire règne du soin et de la symétrie, qui est sujette à événements curieux, comme dans cette ligne de points parsemée de virgules, dans « Frère et sœur jumeaux » : « ……….,……….,…….,… ». La restitution des petites capitales au(x) premier(s) mot(s) de chaque poème (la variabilité du nombre de mots concernés semblant indiquer, ici encore, de ponctuelles – et indécidables – intentions d’auteur plutôt qu’une inattention de correcteurs), est souvent d’un effet… frappant (« Bâtard de Créole et Breton » ; « Ô croisée ensommeillée ! », « N’entends-tu pas ? – Sang et guitare ! »). Elle n’avait, avant Jean-Pierre Bertrand, été proposée que par l’édition Aragon et Bonin. Cette pratique n’est pourtant pas ornementale dans l’édition originale, mais bien utilisée pour des effets de sens et de voix : ainsi, on retrouve les petites majuscules au milieu d’un poème, après une ligne de points signifiant le silence de l’interlocutrice face au poète, qui doit « reprendre la voix » (« Grand Opéra », v. 19).
Sans sacraliser tout signe, sans tomber dans le fétichisme du princeps, sans penser que tout écart fait profondément sens, on peut considérer qu’il vaut souvent mieux livrer ce texte à son état brut, imprimé par l’auteur, hérissé de fautes et de ponctuation curieuse3.
345Cette exigence textuelle entre en bel équilibre avec une générosité éditoriale, qui cherche à offrir ce texte singulier à un public qu’on imagine pouvoir être lycéen autant qu’universitaire. Symptomatiquement, la biographie, l’influence littéraire du père ou l’activité picturale du poète – autant d’éléments passionnants mais propices à faire un peu écran entre le lecteur et le recueil – sont peu présentes dans la préface, qui se propose plutôt de caractériser la poétique du livre et de la placer dans un contexte et une évolution littéraires. Le « dossier », qui décline différents témoignages de réception, jusqu’à des « échos » fortuits mais très signifiants dans d’autres œuvres poétiques, semble suivre le même objectif d’ouverture de lecture. C’est bien l’acte de lecture, avant la personne de l’auteur – prise dans cet acte plutôt que le soutenant –, qui est le souci de cette édition. En témoigne encore le très-nécessaire « glossaire » final, jamais proposé jusqu’ici, où l’argot des boulevards extérieurs côtoie le langage des marins et les mots d’artistes, et dont l’ampleur (une vingtaine de pages) témoigne de la richesse lexicale du recueil.
Benoît Houzé
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Armelle de Lafforest, En-quête à Bagatelle sur Tristan Corbière (1845-1875), L’Harmattan, 156 p., 2018.
En 1947, Jean de Trigon confie à sa correspondance la place qu’il pressentait devoir être assignée à Christine Puyo, tante de Tristan Corbière, dans l’existence de météorite du poète : « Seule la future Mme Puyo, la douce petite cousine, avait su par sa chaste tendresse et ses affections, 346apprivoiser et attendrir le poète. Ce fut pour lui la ‘petite source’ qui rafraîchit et calme. C’est à mentionner comme la fleur bleue de la vie de l’amer Tristan ! » Certes un raccourci a fait de la tante une cousine, mais le propos intéressait, qui situe en bonne place pour la compréhension de l’œuvre l’élucidation des liens qui unirent Tristan à Christine, la femme de son oncle Edmond Puyo.
Exploitant pleinement certaines pièces originales – une lettre inédite de Tristan Corbière, le carnet où Christine Puyo reporte ses pensées, une lettre de Jacques de Perthes, directeur des douanes en 1817 – Armelle de Lafforest croise ici deux approches critiques, souvent présentées comme exclusives l’une de l’autre, quand il s’agit d’aborder l’œuvre de Corbière : les dominantes historique, temporelle, d’un côté, et géographique, de l’autre. L’inscription familiale et le coudoiement des générations, tout comme l’ancrage morlaisien, paraissent se conjoindre en cet espace privilégié du château de Bagatelle. S’exerçant sur l’auteur des Amours jaunes, il existe sans conteste une imprégnation par l’environnement familier, autant que par le milieu breton tout entier. Frotté au contact rude de la souffrance et des décevantes mais prévisibles fins de non-recevoir que lui oppose sa tante Christine, Tristan n’a guère que la consolation de l’écriture, lettres et poésie, pour prolonger et donner forme à la quête affective dont il pressent que Christine pourrait être l’horizon. Exprimant l’inexorable non implicitement proféré par Christine à Tristan, l’étude d’Armelle de Lafforest ajouterait-elle une forme supplémentaire de malédiction sur l’auteur des Amours jaunes ? Non point, elle fait la lumière sur la tendresse que reçoit le poète au sein d’une famille aimante, rappelle l’attachement du père pour le fils, montre le château de Bagatelle, propriété de Christine et Edmond Puyo, comme à la fois le lieu propice aux rencontres familiales et l’espace où peuvent s’épanouir les aspirations artistiques des uns et se formuler les débats politiques qui occupent les autres. La publication de lettres inédites de Tristan à sa tante prend tout son sens. À la croisée de l’esthétique, du politique et du biographique, le rappel des liens entretenus avec Michel Bouquet, par exemple, peintre de plusieurs générations antérieures à Tristan Corbière, participe de la petite histoire de l’art, contribution que n’altère pas son incontestable dimension comique.
Préfacé par Jacques-Philippe Saint-Gérand, professeur de linguistique française à l’Université Blaise-Pascal, illustré d’une iconographie 347abondante et souvent de première main, l’ouvrage d’Armelle de Lafforest participe sans conteste de la forte activité éditoriale autour de Tristan Corbière, en 2018.
Samuel Lair
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VENTES
Vente d ’ une importante collection corbiérienne
En octobre 2018, la société Sotheby’s a organisé une vente d’éditions originales et autographes du xixe siècle, issue de la bibliothèque d’un célèbre libraire parisien, dans laquelle furent dispersés sept importants lots corbiériens4. Nous proposons ici un compte rendu de la présentation de ces objets dans le catalogue de vente, accompagné de quelques remarques.
La photographie de Corbière sous laquelle le jeune homme a écrit les curieux vers moqueurs retranscrits par l’édition « Pléiade » (« Sous une photographie de Corbière ») constituait le premier lot corbiérien de la vente5. C’est l’occasion de remarquer que le texte noté sous cette photographie, qui peut faire penser à un plagiat par anticipation de Queneau, et que le catalogue présente comme une « sorte de comptine », est en fait l’adaptation du refrain d’une chanson de music-hall qui connut un très grand succès dans les années 1860. La chanson originale, « Fallait pas qu’y aille », sous-titrée « Ronde du sultan Belboula » (un personnage fictif issu d’un burlesque colonial aux très gros sabots) dans la partition originale6, fut créée pour une revue de l’Alcazar (salle du quartier des 348théâtres de boulevard), à Paris, fin 1863 ou début 1864. Elle fut très rapidement reprise par des chansonniers et des vaudevillistes (Clairville, Marot, Deschamps) et devint une « scie7 » (son refrain surtout, qui est la partie que reprend Corbière) suffisamment marquante pour que son titre dégénère en éphémère « dicton populaire8 » – ou plutôt en une sorte de tic collectif de langage, à chaque évocation d’une déconvenue. Elle raconte, au milieu d’onomatopées à connotations diverses, les déconvenues du sultan voulant posséder une femme de son harem9. Nous donnons ici la partition du refrain, avec les « paroles » de Corbière10 (voir fig. 1).
La vente comportait deux lettres de collège. La première n’était pas inédite (Edouard-Joachim à son père, le 23 octobre 1859, publiée dans l’édition « Pléiade »). Dans la seconde, on retrouve tous les éléments de la correspondance du collège : plaintes mélancomiques sur la vie d’interne, espoirs de sortie, évocation de la vie au Launay – avec cette fois l’anecdote d’un concert sur lequel on aimerait avoir davantage de précisions. La photographie du catalogue permet de retranscrire l’essentiel de sa première page :
Mardi après-midi le 7 février 1860
Cher papa
aujourd’hui je n’ai pas le temps de t’écrire une longue lettre car il ne me reste plus que trois quart d’heure d’ici la fin de l’étude. J’espérais avoir aujourd’hui mes trois lettres de la maison et voilà qu’il n’y en a pas. Ma foi tant mieux car comme c’est demain que j’ai mon farouche professeur d’histoire mes lettres feront compensation. Nous composerons ce soir en narration, et c’est là qu’est ma chance, mais je suis sur de ne pas en faire une fameuse et de n’avoir qu’une place très ordinaire car en voulant trop bien faire je m’en vais m’enfoncer. Cependant si je pouvais être premier c’est moi qui serait content de t’envoyer ma place, car on a un petit morceau de papier imprimé où on vous met votre affaire, mais c’est impossible. Je ne suis pas né pour ça – ainsi il ne faut plus 349en parler. Voici le jour de sortie qui approche et après demain à cette heure ci je serai chez les Bazin. Mon professeur d’histoire ne s’est pas aperçu que j’avais abrégé des trois quarts le terrible pensum qu’il m’avait donné. Ça m’étonne car il a l’œil bon surtout pour moi. Le concert des [montagnards ?] était plus joli que je m’y attendais. C’était tout à fait amusant. Ils étaient huit et il y en avait deux qui étaient de vrais géants. Ils auraient bien mangé des crêpes sur la tête de Mr Kermoasan et avalé bon papa. […] Les deux grands ont des voix de bœuf et je n’en ai jamais entendu de si grosses.
Nous donnons la partie de la description du catalogue qui concerne les deux autres pages de cette lettre :
Il parle ensuite de sa santé, puis : « Aujourd’hui je suis affamé car j’étais le dernier servi et il ne restait que des morceaux de viande que je n’ai pas pu manger. Mais dis à maman de ne pas avoir peur car demain je vais prendre ma revanche et après-demain donc ! » Il demande des nouvelles des siens, et s’enquiert : « Et mon cheval commence-t-il a être moins fringant. Au moins pour Pâques il sera bon ou s’il est aussi méchant je monterai tout de même dessus. Car, pense quelle bonne affaire si je pouvais me casser une jambe ou un bras peut-être que je ne retournerais plus au lycée d’ici les vacances. C’est ça qui serait chouette. » Il est ennuyé, car il vient d’apprendre que « l’année prochaine en seconde, on aura toujours le même professeur d’histoire. Ça m’a presque aussi foudroyé que les pensums qu’il distribue assez volontiers à ses élèves et connaissances. Je ne sais pas comment je serais assez fort pour le porter sur le dos deux années de suite. » Heureusement, le carnaval approche, et « il y a sortie le mardi-gras et le jeudi suivant. » Il a été obligé de « mettre ma tunique d’uniforme, car mes manches de chemise étaient beaucoup trop longues et trop larges et elles me tombaient sur les mains ce qui était très gênant. » Mais il doit terminer, « car l’étude va finir », et il embrasse tout le monde et signe « Ton fils qui t’aime bien ».
La vente se poursuivait par la présentation de deux feuillets autographes probablement issus de l’ancienne collection de Jean de Trigon (dont provient, avec plus de certitude, la photographie avec l’inscription de « Fallait pas qu’y aille », de Trigon ayant inclus son facsimile dans un ouvrage de 195011), elle-même dérivée des papiers des Vacher-Corbière, dont de Trigon était proche12. Ces manuscrits sont des états de « Un Riche en Bretagne » et « Vieux frère et sœur jumeaux13 » (« Frère et sœur 350jumeaux », dans le recueil) antérieurs aux Amours jaunes mais probablement postérieurs à l’Album Louis Noir (comme pourrait sans doute le montrer une étude stylistique14) : ils proviennent donc possiblement des « tiroirs » du Corbière du début des années 1870, voire du travail d’écriture-réécriture suscité par le projet de publier un livre.
Contrairement aux experts de la vente, nous estimons que René Martineau a très probablement eu sous les yeux ces feuillets, et non d’autres, pour ses retranscriptions de 1904 des deux poèmes15. Les différences entre les transcriptions Martineau et celles que nous pouvons tirer des photographies des rectos des feuillets dans le catalogue ne sont jamais lexicales, et relativement faibles sur le plan de la ponctuation – Martineau avait l’habitude de peu respecter la ponctuation des autographes de Corbière16. Les lacunes dans la transcription Martineau d’« Un Riche en Bretagne » sont indiquées par le critique par des lignes de points, et cette transcription lacunaire se retrouve, non seulement pour la deuxième strophe de « Vieux frère et sœurs jumeaux », mais dans plusieurs autres textes transcrits par Martineau en 1904 : ces manques, manifestement dus à une volonté de ne pas transcrire intégralement les manuscrits, ne témoignent donc pas de la consultation d’un autographe différent de celui mis en vente en 2018.
Nous donnons ici les textes des rectos de chacun de ces deux feuillets, seuls visibles dans le catalogue. Cela permet de combler les lacunes (deux quatrains pour « Un Riche en Bretagne », un pour « Vieux frère et sœur jumeaux ») laissées par Martineau, et de rétablir, sur ces segments de poèmes, la ponctuation du manuscrit.
Un Riche en Bretagne
Savez-vous ce que c’est qu’un vieux pauvre en Bretagne,
Vous, pouilleux de pavé, sans eau pure et sans ciel. –
Lui, c’est un philosophe-errant dans la campagne,
351Son pain noir est bien sec, mais pas beurré de fiel,
Et, quand il n’en a pas, il va dans une crêche,
Une vache lui prête un peu de paille fraîche,
Il s’endort, rêvassant pour demain un Bon-Dieu,
Et, le matin, se lève en bayant au ciel bleu.
Son bissac sur le dos, il va de ferme en ferme,
Et, jamais, à son pas, la porte ne se ferme ;
Il ne tend pas la main, il entre à la maison,
Il allume sa pipe en soufflant un tison
Voilà tout – Quand on a quelque chose, on lui donne,
Il rit et se secoue alors, tousse et rognonne
un Pater en latin, et, la canne à la main
Il reprend sa tournée en disant : a demain.
Le gros chien de la cour le lêche et le caresse,
Avec ça l’on peut bien se passer de maîtresse,
et, qui sait ?.. dans les champs quelquefois la beauté
Peut s’amuser à faire aussi la charité…
Vieux frère et sœur jumeaux
Ils étaient tous deux – seuls – oubliés là par l’âge.
Ils cheminaient toujours tous les deux à longs pas,
Longs et poilus tous deux, l’air piteux et sauvage,
Et deux pauvres regards qui ne regardaient pas.
Ils allaient devant eux, essuyant les risées,
Leur parapluie aussi – vert avec un grand bec –
Serrés l’un contre l’autre et muets, sans pensées….
Eh-bien, je les aimais – Leur parapluie avec.
Ils avaient tous les deux servi dans les gendarmes,
La sœur à la marmite, et l’autre sous les armes ;
Sa sœur le débottait, astiquait les boutons.
Elle avait la moustache et l’autre les chevrons.
Un dimanche de Mai que tout avait une âme,
Qu’un Dieu bon respirait dans le paradis bleu,
Je flânais dans les bois – seul – seul avec la femme
Que j’aimais – pauvre diable – Et qui s’en doutait peu.
Un exceptionnel exemplaire des Amours jaunes en papier jonquille (neuf seulement furent imprimés sur ce papier), jusqu’ici inconnu, et important entre tous puisqu’il est destiné au père de Tristan Corbière, fut également présenté à la vente. Il comporte, imprimé en haut de la page de titre, la mention, jusqu’ici inconnue des critiques : « Exemplaire 352de M. Édouard Corbière / T. C. ». La présentation du catalogue n’indique pas de numéro d’exemplaire17, ni de dédicace – alors que René Martineau prêtait à Tristan Corbière, sur l’exemplaire destiné à son père, la dédicace autographe suivante : « À l’auteur de l’auteur de ce livre18 ». On ne connaît que deux autres exemplaires singularisés par une mention imprimée : celui d’Aimé Vacher, lui aussi en papier jonquille, qui porte, au même endroit, la mention « Exemplaire de Gendre19 », et, plus curieusement, un exemplaire dédié à un certain Albert de la Salle (mention imprimée : « Exemplaire d’Albert de la Salle / Tristan Corbière »), écrivain et journaliste20.
Enfin, l’exemplaire des Amours jaunes portant la dédicace à Francisque Sarcey, déjà connue (« A Monsieur / Francisque Sarcey / l’auteur / Tristan Corbière »), a également été vendu21.
Les archives de Léon Vanier sur Tristan Corbière
Premier éditeur posthume de Tristan Corbière (1891), Léon Vanier a mené quelques recherches pour rédiger sa préface, qu’il a agrémentée de détails biographiques et de trois textes tirés de l’Album Louis Noir. La librairie Giraud-Badin (Paris), a mis en vente fin 2017 des papiers relatifs aux travaux d’édition de Vanier et de son successeur Albert Messein, parmi lesquels figurait un dossier Corbière, rassemblant 12 feuillets de « Correspondance des héritiers de Tristan Corbière avec les éditeurs Léon 353Vanier et Albert Messein ». Grâce à la consultation de ce dossier par Benoît Dufau, nous pouvons ici rendre compte de son contenu. Limité à la correspondance avec la famille (on aurait espéré trouver des traces de contacts entre Vanier et les frères Glady, ou avec Louis Noir ou d’autres connaissances du poète), cet ensemble ne révèle pas d’information cruciale. Nous en extrayons cependant deux documents. Tout d’abord, la citation complète de la lettre de la mère de Tristan évoquant son fils, reprise assez fidèlement mais avec des coupures et un ajout dans la préface Vanier. Cette lettre fut en réalité écrite par Aspasie Corbière à un parent éloigné22 que Vanier avait d’abord contacté pour trouver trace de la famille du poète. C’est ce parent qui cite donc, dans une lettre à Léon Vanier datée du 19 février 1891, Aspasie en ces termes :
Je n’ai pas répondu à votre lettre, toute aimable, parce que je voulais prendre moi-même des renseignements que je ne connaissais pas. Ayant eu la douleur de perdre ce fils dont vous me parlez, un an environ après la publication de son livre, je n’avais jamais recherché le nom de son éditeur. C’est en 1873 ou 1874 qu’il a dû être imprimé, l’auteur mourut en 1875 à l’âge de 30 ans. Il s’appelait Édouard comme son père, mais il lui fallait un nom plus excentrique comme lui-même, et il écrivait sous le pseudonyme de Tristan Corbière. Je n’ai pas un seul volume des Amours jaunes ! seulement mon gendre possède une édition de luxe sur parchemin, et c’est tout ce que nous avons. Je sais qu’on en a tiré 500 exemplaires, imprimerie d’Alcan Levy 61 rue Lafayette et qu’on les vendait 7fr 50. L’éditeur des Amours jaunes par Tristan Corbière est Glady frères librairie du xixe siècle rue de la bourse 10. Voilà les renseignements que j’ai recherché pour vous et dont votre ami pourra tirer le parti qui lui conviendra.
Quant à notre parentée [sic] les meilleurs renseignements que je puisse vous donner, c’est de vous envoyer une biographie de mon mari qui est mort à 80 ans23, après une vie bien remplie comme vous le verrez. Notre fils aurait pu faire notre gloire, s’il n’avait été entraîné, flatté, gâté dans le monde des artistes à Paris ! Les dessinateurs, les peintres24 estimaient tout ce qu’il faisait. Ses improvisations, ses caricatures lui donnaient ses entrées partout. Il est mort d’une fluxion de poitrine, qu’il a prétendu guérir, dans la rue à Paris par un grand froid d’hiver ! Il nous a fallu le perdre et son malheureux père ne lui a survécu que quelques mois !
354Le nom de Corbière a donc disparu avec eux car il ne reste qu’une fille et six petits enfants. Elle se nomme Madame Le Vacher et ajoute Corbière pour conserver le plus longtemps possible le souvenir de son père dont elle est fière à juste titre.
Les renseignements étaient maigres, et aucun document – photographie, dessin ou manuscrit – n’était évoqué. Aspasie, comme le remarquera plus tard Jean Vacher-Corbière, devait être dévastée par la perte de ses deux fils et de son mari25. Mais en mai puis en septembre de la même année, Vanier reçu deux lettres d’Aimé Vacher, beau-frère du poète, sans doute plus apte à comprendre l’intérêt de la démarche éditoriale. La première noue le contact, suite à un courrier de Vanier à Aspasie :
Ne soyez pas surpris, Monsieur, que Madame Corbière n’ait point encore répondu à votre lettre du 17. Quand elle recevait cette lettre où vous lui parlez de ressusciter l’œuvre de son regretté fils, elle était mourante. Un traitement énergique l’a rappelée à la vie, mais elle n’en reste pas moins gravement atteinte et hors d’état d’écrire.
Je le fais donc en son lieu et place, et j’ai qualité pour cela, ayant épousé sa fille, enfant unique désormais. Je peux donc vous dire que nous vous autorisons à reproduire les Amours jaunes. Mais monsieur l’ingénieur Corbière s’est trompé en vous parlant de documents inédits26. Il en a existé c’est vrai. Mais son frère, mort depuis, les a dispersés de telle sorte que nous ne savons où les retrouver. Le portrait joint à votre lettre est très suffisamment exact27. Mr Sutter-Laumann28 pourra peut-être vous fournir quelques renseignements intéressants.
Croyez, je vous prie Monsieur, à mes sentiments les plus distingués.
A Le Vacher Morlaix ce 26 mai 1891.
Suite à la réception de l’édition Vanier, Aimé répond par l’envoi d’un manuscrit :
355Monsieur, je suis fort sensible à votre gracieuse attention.
– Permettez-moi de la reconnaître quelque peu en vous envoyant un autographe de mon regretté beau-frère. C’est l’épilogue de son volume, premier jet29.
– J’aurais désiré que la préface fut transmise avant impression pour quelques rectifications ou augmentations à son côté biographique. Enfin le public n’y regarde pas de si près.
– Et le portrait dont vous m’avez envoyé une épreuve ? Vous n’avez donc pu le mettre en tête du volume ?
– Je souhaite bonne chance à cette réédition qui semble arriver au bon moment.
Et je vous prie, Monsieur, d’agréer l’expression de mes sentiments les plus distingués.
A Le Vacher Morlaix le 8 7bre 1891.
Enfin, dans six lettres datant du début des années 1950 adressées à Albert Messein, Jean Vacher-Corbière explique son projet de livre sur son oncle, en réaction aux études de Tristan Tzara et Jean Rousselot.
Un poète maudit « spirituel » et « agréable » :
une lettre de 1870 mentionnant Tristan Corbière
Nous devons à Yann Mortelette le signalement du passage en vente d’une lettre du peintre Jean-Louis Hamon, écrite de Capri en 1870 et mentionnant Tristan Corbière. Elle est adressée à un certain Quement. Nous en donnons ici quelques passages, dont nous avons pu vérifier le texte sur photographie :
Capri 16 mars 1870
Mon cher Quement
Notre ami Michel m’écrit une nouvelle bien triste et bien désolante pour toi. La lettre de Michel me navre le cœur. La perte de ta femme que tu aimais tant. Je me souviens autrefois combien tu avais d’émotion, combien tu étais heureux. Ne crois pas que je vais te donner des consolations. Tu n’as qu’une chose à faire c’est de te jeter dans les bras de tes amis et de pleurer avec eux. […] Si tu savais pour te parler un peu de moi la souffrance que donne l’ambition et la gloire c’est affreux j’ai vu tomber bien des projets j’ai vu s’épanouir bien des illusions, j’ai végété dans une affreuse misère […]. Je suis en train dans ce moment de partir pour Naples et Rome où je vais rester 15 jours30. Je suis avec Corbière le fils de celui qui a le morlaisien de Morlaix au Havre. Il est ici 356depuis 3 mois31. Il est très spirituel [et] agréable. Je vais donc voir le concile et l’infaillibilité du pape. De là j’irai à St Raphaël près de Nice retrouver ma sœur.
Une lettre d ’ Édouard Corbière à son imprimeur
La librairie parisienne « Traces écrites » possède actuellement dans son catalogue une lettre d’Édouard Corbière à son imprimeur Lesne-Dalouin, le 28 novembre 1833, au sujet des épreuves du Prisonnier de guerre qui paraîtra l’année suivante. Nous citons un extrait de la présentation du catalogue :
[Corbière] n’a reçu que 25 pages d’épreuves un mois plus tôt, qu’il a aussitôt renvoyées, mais depuis, plus rien ; il demande des explications car « c’est un ouvrage auquel je tiens par des considérations que vous êtes à même d’apprécier et d’excuser ». « Le Prisonnier de Guerre dont je suis l’auteur et jusqu’ici encore du moins le propriétaire, devait paraître le 15 décembre : cette époque qui convenait à la vente de l’ouvrage, a été dépassée quoique j’eusse envoyé tout le manuscrit bien avant ce terme. Maintenant, je voudrais savoir, et ceci en confidence, quelle peut être la cause du retard qu’a éprouvé l’impression du volume. Comme j’ai tout lieu de craindre que cette cause ne dépende de Mr Magen lui-même [l’éditeur de l’ouvrage], je voudrais être fixé du moins sur ce motif qui m’intéresse surtout comme auteur […] ». Il rouvre sa lettre pour rajouter un post scriptum car il vient de recevoir les épreuves tant désirées, jusqu’à la page 42. « J’ai remarqué qu’à la page 40, ligne 21, on a omis une phrase qui doit se trouver sur la copie : voici au reste la phrase à rétablir, soit qu’elle ait été oubliée sur le manuscrit par le copiste, ou dans l’épreuve par le compositeur : Un de nos amis, entraîné par cette agréable illusion, voulut compléter l’erreur, et il se mit à nous raconter un conte de faux-pont, comme au bon temps de notre vie d’aspirant […] ». Il donne encore des instructions pour les épreuves suivantes. En-tête du Journal du Havre. Adresses et marques postales au dos32.
Deux tableaux de Gaston Lafenestre
Notons enfin le passage en vente de deux tableaux de Gaston Lafenestre. Le premier fut proposé en mars 2018 par une société de vente londonienne (Leighton Fine Art) sur un site bien connu d’enchères en lignes. C’est un nouvel exemple du talent du peintre comme paysagiste côtier. Sur une 357toile de 48 x 88 cm se déploie un paysage qui pourrait être breton : une plage sur laquelle gît une barque, quelques mouettes, trois silhouettes humaines au loin, l’horizon étant barrée par une colline verte, sous un beau ciel aux diverses teintes de gris. La signature (Lafenestre) se trouve en bas à droite du tableau. Ce tableau pourrait nourrir l’hypothèse de Jean-Luc Steinmetz selon laquelle, s’il y eut une influence lafenestrienne sur l’album Louis Noir (directement par la main du peintre, ou indirectement par sa présence auprès de Corbière au moment de l’élaboration de l’œuvre), elle pourrait s’exprimer par « une gamme de teintes : des mauves, des roses, des bruns, des verts, auxquels Tristan ne nous avait pas habitué33 ».
L’autre tableau, moins remarquable, fut mis en vente le 8 décembre 2018 à Sarrebruck. On retrouve cette fois les moutons chers au peintre : cette petite œuvre (19 x 24 cm, huile sur papier sur toile) représente un bélier, un mouton et un agneau dans un coin d’étable34. La signature (G. Lafenestre) se trouve en bas à droite du tableau.
Benoît Houzé
Fig. 1 – Air de « Fallait pas qu ’ y aille » avec les paroles du poème de Corbière, transcription Benoît Houzé d ’ après la partition Fallait pas qu ’ y aille ,
Paris, Arsène Goubert, s. d. [ circa 1863 ] .
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ON CHERCHE DES ŒUVRES
Il est possible que d’importants manuscrits corbiériens restent à découvrir. Deux pistes paraissent être aujourd’hui particulièrement à explorer.
La plus intéressante n’a jusqu’ici jamais été évoquée dans la littérature critique. Elle se trouve indiquée dans les versions préparatoires du texte de Tristan Tzara sur les « inédits de Tristan Corbière35 », documents que nous avons récemment pu consulter à la bibliothèque Jacques Doucet. Tzara a fait paraître son texte suite à la publication, par Ida Levi, dans une revue universitaire britannique (French Studies), de plusieurs textes tracés par Corbière sur les pages de l’exemplaire d’auteur des Amours jaunes36. Dans les notes que nous avons pu consulter, Tzara affirme avoir lui aussi pu consulter l’exemplaire d’auteur, trop brièvement pour en copier des textes. Mais, contrairement à Ida Levi, il fait mention d’une liasse de manuscrits insérée dans ce livre : « Nous savons maintenant, écrit Tzara, que ce document infiniment précieux [i. e. l’exemplaire d’auteur des Amours jaunes] contient, intercalé entre les pages du livre, 42 feuillets écrits de la main de Tristan Corbière ».
Quarante-deux feuillets, c’est presque autant que le corpus manuscrit corbiérien connu de nos jours. Une autre version préparatoire reprend cette affirmation pharamineuse, qui ne sera étrangement pas reprise dans le texte publié. Ayant nous-même pu consulter l’exemplaire d’auteur des Amours jaunes, nous pouvons assurer qu’il ne contient aujourd’hui pas une telle liasse, d’ailleurs non mentionnée dans le catalogue de sa dernière vente en date (1995).
Comment interpréter la disparition de l’évocation de la liasse dans le texte publié par Tzara ? L’exemplaire d’auteur des Amours jaunes appartient à l’époque au célèbre libraire et collectionneur Henri Matarasso. 359Tzara s’est-il trompé dans ses notes préparatoires et a-t-il écarté cette erreur de son texte publié, ou bien Matarasso (ou Tzara lui-même) a-t-il finalement souhaité garder cette information confidentielle ? La précision numérale (42 feuillets) paraît écarter l’idée d’un malentendu avec le propriétaire sur la nature du document. Par ailleurs, Tzara ne confond pas ces feuillets avec les inscriptions portées par Corbière sur les pages de son exemplaire personnel, comme le montre la deuxième version préparatoire, qui maintient la référence aux 42 feuillets tout en décrivant, de façon séparée, les textes tracés sur l’exemplaire lui-même.
Il est donc probable que ces feuillets ont existé. À la même époque, d’ailleurs, un autre chercheur semble faire mention d’un ensemble semblable : lorsque Micha Grin publie, en 1950, le magnifique poème « À mon chien Tristan », il précise l’avoir copié chez « un amateur » à Paris37, parmi des « notes » qui semblent être des variantes des Amours jaunes. Rappelons que Matarasso possédait au moins un feuillet (aujourd’hui introuvable et jamais reproduit38) de « l’album des communards », dont on ne connaît qu’un seul autre feuillet39. Des recherches autour de la collection « Corbière » de Matarasso, sa constitution, son extension et son devenir paraissent donc plus que jamais nécessaires.
Notons également la vente en 2001 d’un ensemble de manuscrits corbiériens figurant dans un lot verlainien40. Là encore, il n’a pour le moment pas été possible d’identifier le propriétaire actuel de ces précieux documents.
1 Toutes les citations de l’ouvrage dans ce compte rendu sont le fruit de notre traduction.
2 On peut rapprocher les partis pris de Jean-Pierre Bertrand de ceux d’Elisabeth Aragon et Claude Bonnin (Les Amours jaunes, Toulouse, PUM, 1992), qui corrigent cependant davantage l’orthographe et la ponctuation.
3 Il serait fastidieux et inutile de relever les différences ponctuelles qui subsistent tout de même, malgré le parti pris de Jean-Pierre Bertrand, entre son édition et le texte des Amours jaunes : notons simplement l’usage par Corbière, et très rare à l’époque en poésie, de caractères gras. Les deux occurrences de cette pratique que nous avons identifiées dans l’édition originale concernent des mentions de prix : le « 30 » du v. 38 d’« À une Rose » (« – À 30 Cent. » – cette typographie avait été adoptée par les éditions Vanier, Messein et PUM) et les deux premiers chiffres (mais pas le troisième !…) du prix de Graziella (« 1 fr. 25 le vol. », épigraphe du « Fils de Lamartine et de Graziella »).
4 Bibliothèque R. & B. L., éditions originales et autographes du xixe siècle (1840-1898), [catalogue de vente du mardi 9 octobre 2018], Sotheby’s, 2018.
5 Cette photographie s’est vendue 18 750 euros.
6 Fallait pas qu ’ y aille, Paris, Arsène Goubert, s. d. La couverture montre l’acteur dans son rôle de sultan bouffe, et précise : « Ronde du Sultan Belboula / Chantée par Joseph Kelm / Aux Concerts de l’Alcazar / Paroles de R. Doyen et J. Kelm / Musique de J. Marc Chautagne ».
7 C’est ainsi que le refrain de la chanson est encore qualifié, en 1901, dans une brève mais intéressante note sur l’histoire moderne des « mots-scie » publiée dans les Annales politiques et littéraires (17 février 1901, p. 102-103).
8 Selon une publication de 1913 (Maurice Dreyfous, Ce qu’il me reste à dire, Paris, Paul Ollendorff, 1913, p. 171).
9 On trouvera la partition numérisée de cette chanson dans la base des bibliothèques spécialisées de Paris (https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0001743062/v0001, page consultée le 31 décembre 2018).
10 Les paroles originales sont : « Aïe ! aïe ! aïe ! Aïe ! aïe ! aïe ! / Aïe ! aïe ! aïe ! Aïe ! aïe ! aïe ! / V’là c’que c’est / C’est bien fait ! / Fallait pas qu’y aille ! / Fallait pas qu’y aille ! / V’là c’que c’est / C’est bien fait ! / Fallait pas qu’y aille / C’est bien fait ! ».
11 Jean de Trigon, Tristan Corbière, Paris, Le Cercle du Livre, p. 37 [n. p.]., s.d. [1950].
12 Voir, dans le présent numéro, la tentative de mise au point sur cet ensemble de manuscrit jadis possédé par Jean de Trigon, et dispersé après-guerre, dans l’article « Nouvelle édition de trois manuscrits corbiériens », p. 257-258.
13 Ces deux feuillets ont été respectivement vendus 40 000 et 22 500 euros.
14 Ou métrique, dans la lignée de celle que propose Dominique Billy en filigrane de l’article publié dans le présent numéro (« Corbière et le vers libéré de ‘Journal de Bord’ », p. 83-111).
15 René Martineau, Tristan Corbière, essai de biographie et de bibliographie, Paris, Mercure de France, 1904, p. 103-105.
16 Comme le montrent par exemple les nombreuses différences sur ce plan entre sa transcription de la « Véritable complainte d’Auguste Berthelon » (Tristan Corbière, Paris, Le Divan, 1925, p. 112-113) et la nôtre (« Naissances d’une œuvre : deux parodies de chansons par Tristan Corbière », dans Le Chemin des correspondances et le champ poétique. À la mémoire de Michael Pakenham, coll. dir. Steve Murphy, Classiques Garnier, 2016, p. 351-370), d’après un même autographe provenant de la collection de Jules Chenantais.
17 Certains exemplaires ont pourtant été numérotés : voir Jean-Louis Debauve, « Autour de la publication des Amours jaunes », La Nouvelle Tour de feu, [no spécial, dir. Michel Dansel], Corbeil-Essonnes, no 11-12-13, printemps-été-automne 1985, p. 61.
18 René Martineau, Tristan Corbière, Paris, Le Divan, 1925, p. 77. Il n’est pas exclu que « Corbière l’ancien » se soit vu offrir deux exemplaires. Autre hypothèse, plus fantaisiste : l’« Édouard Corbière » de la dédicace serait Tristan Corbière lui-même – qui, comme le rappelle sa mère dans une lettre que nous citons dans la suite de ce compte rendu des ventes, « s’appelait Édouard » dans la famille (et non Edouard-Joachim) – le père se voyant offrir un autre exemplaire.
19 Et non « exemplaire de mon gendre », comme plusieurs critiques l’ont indiqué. Nous avons pu vérifier cette mention dans la collection Vacher-Corbière. Jean Vacher-Corbière a plusieurs fois souligné, pour contrer les interprétation freudiennes de Tzara et Rousselot, que « Gendre » était le surnom d’Aimé Vacher dans la famille : il ne fallait dont pas voir dans cette mention, selon lui, une fantaisie œdipienne de Tristan.
20 Voir Jean-Louis Debauve, art. cité, p. 61.
21 Cet exemplaire provient d’une vente de la collection Sacha Guitry (25 mars 1976), et précédemment encore d’une vente Le Petit de 1917 (Jean-Louis Debauve, art. cité, p. 61). Il a trouvé, en octobre 2018, acheteur pour 3 000 euros.
22 Un certain M. Corbière, ingénieur de l’exploitation des plâtrières du Sud-Est, à Saint-Jean-de-Maurienne.
23 La suite de la lettre de l’ingénieur Corbière à Vanier indique que le texte envoyé est la notice biographique de P. Levot.
24 Ici, la préface Vanier, qui cite cet extrait de la lettre, ajoute : « (il fréquenta entre autres : Desboutins, Hamon, Besnard) ».
25 Tristan est mort en mars 1875, Édouard en septembre de la même année ; Edmond, devenu, selon les termes de Jean Vacher Corbière, « un pauvre garçon complètement dénué de force morale », mourut « de dipsomanie » en 1887, à 32 ans (Tristan Corbière, portrait de famille, Monte-Carlo, Regain, 1955, p. 50).
26 La lettre conservée de l’ingénieur à Vanier n’indique pas l’existence de tels documents. Le correspondant de Vanier se propose simplement de demander à la famille de Morlaix s’ils en possèdent.
27 Ce portrait était probablement celui qui avait orné la notice Corbière des Poètes maudits de Verlaine (Tristan Corbière « en dandy ») : c’était là, en principe, le seul portrait connu de Corbière à l’époque.
28 Journaliste et romancier, Sutter-Laumann avait publié deux articles sur Tristan Corbière dans le quotidien La Justice en 1887. Voir Samuel Lair, « Sutter-Laumann, lecteur des Amours jaunes en 1887 », dans Le Chemin des correspondances et le champ poétique. À la mémoire de Michael Pakenhan, coll. dir. Steve Murphy, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 371-383.
29 Cet autographe sera publié en facsimilé dans l’édition Messein – successeur de Vanier – de 1931.
30 Hamon effectuera ce voyage avec Corbière (voir Jean-Luc Steinmetz, Tristan Corbière, Une vie à-peu-près, Paris, Fayard, 2011, p. 310). À Rome, ils rencontreront Paul Chenavard, et le trio remontera à Saint-Raphaël en mai après un passage à Gênes (ibid., p. 320-322).
31 C’est en effet à la toute fin de 1869 que Corbière est arrivé à l’hôtel Pagano de Capri, destination de son premier voyage en Italie (voir Jean-Luc Steinmetz, op. cit., p. 300-301).
32 Présentation publiée à l’adresse : http://www.traces-ecrites.com/document/edouard-corbiere-reclame-les-epreuves-de-son-nouveau-roman-le-prisonnier-de-guerre/, page consultée le 30 décembre 2018.
33 Jean-Luc Steinmetz, op. cit., p. 284.
34 Vente « Art, Antiques, Collectibles » du 8 décembre 2018, AUKTIONSHAUS SAARBRÜCKEN, Saarbrücken, lot no 500128.
35 Tristan Tzara, « Des inédits de Tristan Corbière » et « Trois inédits de Tristan Corbière », versions préparatoires de l’article « Trois inédits de Tristan Corbière » (Les Lettres françaises, 15 novembre 1951, p. 1-5), bibliothèque Jacques Doucet, fonds Tristan Tzara, TZR 191 et TZR192.
36 « New light on Tristan Corbière », French Studies, vol. V, no 3, juillet 1951, p. 233-244.
37 « Un inédit de Corbière », Pour l’art, Lausanne, no 11, 3e année, p. 10-13.
38 Ce feuillet est décrit dans Albert Sonnenfeld, L’œuvre poétique de Tristan Corbière, Princeton-Paris, PUP-PUF, 1960, p. 42-43.
39 Voir Tristan Corbière,Poète, en dépit de ses vers, [Catalogue de l’exposition 1995 à Morlaix], Morlaix, Musée des Jacobins, 1995, p. 38.
40 Bibliothèque Kieffer, Livres anciens et modernes, [vente du 12 octobre 2001, Piasa, Paris], lot 224, dont la description mentionne, parmi divers documents verlainiens, « Un dossier de dix documents manuscrits de Tristan Corbière ».
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09833-1
- EAN : 9782406098331
- ISSN : 2608-5895
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09833-1.p.0335
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/12/2019
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français