Avant-propos
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers Louis Dumur
2017, n° 4. Louis Dumur revuiste - Author: Jacob (François)
- Pages: 9 to 11
- Journal: Louis Dumur Studies
AVANT-PROPOS
Louis Dumur s’est rendu très visible ces derniers temps. Ce ne sont en effet pas moins de trois expositions qui lui ont été consacrées et ont permis, grâce à un programme de médiation adaptée et un accompagnement éditorial de qualité, de brosser le portrait de cet écrivain dont bien des critiques de l’époque reconnaissaient la grandeur mais aussi le côté gênant.
Car Louis Dumur dérange. Il dérange d’abord nos habitudes et notre confort de pensée, en nous forçant à nous interroger sur nos propres choix et sur les motivations de nos comportements : la question de la neutralité suisse, celle de la distinction du religieux et du politique, évidemment centrale au moment de la séparation des Églises et de l’État, celle encore de la nature des peuples qui le fait d’abord revenir à Rousseau avant de s’attirer, de manière plus surprenante, les sympathies de l’Action Française, sont autant d’éléments qui plaident certes pour l’authenticité, la franchise et l’humanité du personnage mais confirment qu’il peut, aujourd’hui encore, troubler quelques consciences.
Trois expositions, donc. La première fut, dans l’ordre chronologique, celle que nous a proposée Gilbert Coutaz, directeur des Archives cantonales vaudoises, et qui s’est étendue sur une année tout entière, du 24 janvier 2017 à la fin décembre : « Paris a enlevé un fils à sa famille. Louis Dumur (1863-1933), homme de lettres d’origine vaudoise et grand témoin de son époque » a été rythmée de plusieurs tables rondes durant lesquelles nous avons pu entendre Alain Clavien, Bruno Curatolo, Françoise Dubosson, Marc Élie, Jean-François Fayet, Nicolas Gex, Jean-Jacques Langendorf, Pascal Lécroart et Olivier Meuwly. Vint ensuite l’exposition conçue et proposée par Sabine Maffre, conservatrice de la bibliothèque Carnegie de Reims. Intitulée « De Genève à Reims : la collection Louis Dumur », elle s’est étendue du 16 novembre 2017 au 6 janvier 2018 et a permis de mieux comprendre le devenir des collections dumuriennes conservées dans la capitale rémoise. Ce sont enfin Françoise Dubosson 10et le signataire du présent avant-propos qui ont conçu, aux Archives d’État de Genève, sous le regard bienveillant de Pierre Fluckiger et avec la complicité de Nicolas Robel, une exposition consacrée aux relations parfois tumultueuses de Louis Dumur à la République de Genève : « Genève à cœur et à cri : Louis Dumur, un enfant des Tranchées ». Le point de départ s’en situera le jour-anniversaire de la mort de l’auteur (28 mars 2018) et le point d’arrivée le jour-anniversaire de sa naissance (5 janvier 2019). Le cinquième numéro des Cahiers Louis Dumur sera du reste consacré à la Genève de Dumur et offrira un intéressant écho à la publication de la trilogie genevoise aux éditions Slatkine, publication pourvue d’un abondant dossier avec, en particulier, quelques dessins inédits de Gustave Wendt.
Il nous est entre-temps apparu urgent de consacrer un premier numéro de ces Cahiers à la question des revues auxquelles a participé Dumur ou dont il s’est lui-même fait l’écho. Depuis les petites revues symbolistes des années 1890 jusqu’à ce paquebot que devient rapidement le Mercure de France, en passant par des collaborations plus surprenantes dans des organes de presse tout à fait inattendus (comme le montre, dans ce numéro, l’article très suggestif de Nicolas Gex), la matière s’annonce à la fois très dense et très complexe. Nous ne ferons donc, dans ces quelques pages, qu’esquisser quelques traits et brosser, d’un pinceau hâtif, les contours d’une problématique que l’œuvre de Dumur a le mérite de mettre en lumière : quelles sont les relations des revues dites « littéraires » à la presse de plus fort tirage ? Comment s’établit le passage de la publication en revues à la publication en volume ? Quel lien le monde politique entretient-il avec cet univers naissant des revues ? N’assiste-t-on pas, toutes proportions gardées et au-delà du simple anachronisme, à une révolution comparable, dans le domaine de la communication, à celle que nous vivons aujourd’hui ?
Nous disposons heureusement, en ce début de troisième millénaire, de nouveaux outils théoriques pour mieux comprendre les aventures éditoriales du siècle précédent. C’est ainsi que toute bonne bibliothèque se doit de posséder les deux gros volumes du Dictionnaire des revues littéraires au xxe siècle (sobrement sous-titré : « Domaine français ») orchestré par Bruno Curatolo et publié en 2014 aux éditions Honoré Champion. Dumur y est très présent, non pas seulement comme co-fondateur du Mercure de France, mais bien comme acteur privilégié d’un domaine dont il 11a compris, dès le départ, les implications naissantes. C’est encore ainsi que se développe, entre les différents partenaires patrimoniaux intéressés par Louis Dumur et le centre ELLIADD de l’Université de Franche-Comté, une plateforme susceptible de rendre compte des circonstances qui ont entouré la création d’Un estomac d’Autriche, sur lequel nous reviendrons prochainement. Et que penser de ce projet théâtral qui a vu s’associer un écrivain français (Luc Jorand) et un musicien romand (Jean-Marie Curti) pour faire de ce même Estomac d’Autriche une comédie musicale ?
Louis Dumur, on le voit, est bien vivant et a encore, cent ans après, des choses à dire. La route sera longue et les découvertes assurément nombreuses. Nous n’en sommes, et c’est tant mieux, qu’au commencement.
François Jacob
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07852-4
- EAN: 9782406078524
- ISSN: 2427-8084
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07852-4.p.0009
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-26-2018
- Periodicity: Annual
- Language: French