Compte rendu
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers d’études nodiéristes
2017 – 2, n° 4. Charles Nodier et la presse de son temps - Auteur : Vacelet (Sébastien)
- Pages : 179 à 187
- Revue : Cahiers d'études nodiéristes
Jean-Pierre Pécau (scénario), Igor Kordey (dessin), Chris Chuckry (couleur) : trilogie Empire, [Paris], Delcourt, 2007, coffret de 3 B.D., 32.5 X 24 cm. No ISBN : 978-2-7560-1197-4. 25,50 € (réédition en 2016).
Vol. I. Le Général fantôme, 56 p., No ISBN : 978-2-75600172-2.
Vol. II. Lady Shelley, 48 p., No ISBN : 978-2-75600306-1.
Vol. III. Opération Suzerain, 56 p., No ISBN : 978-2-75600937-7.
Charles Nodier agent secret de l’Empire !
Quel drôle de type, ce Charles Nodier. Voici une bande dessinée sous la forme d’une trilogie qui ne manquera pas de retenir l’attention de tous les lecteurs et d’éveiller la curiosité de la communauté nodiériste et, plus globalement, de ceux s’intéressant au Ier Empire. Non seulement notre ami Nodier en est l’un des deux protagonistes mais c’est au titre de personnage de fiction qu’il s’y trouve enrôlé ! Empire est effectivement un cycle de trois épisodes où l’on découvre un scénario général reposant sur ce que son créateur, Jean-Pierre Pécau, nomme fort justement une « uchronie napoléonienne1 ». De quoi s’agit-il ? D’une réécriture de l’Histoire du Premier Empire. Les auteurs prennent en effet au mot une épigraphe des Mémoires de Sainte-Hélène citée en quatrième de couverture du coffret et de chacun des volumes pour en faire la situation initiale de leur série : « J’aurais atteint Constantinople et les Indes : j’eusse changé la face du monde. » Et effectivement, les auteurs s’en donnent à cœur joie et changent, pour notre plus grand divertissement, la face du monde… et le destin déjà passablement romanesque de Charles Nodier.
« 1799. L’armée française prend Saint-Jean-D’Acre [sic] en Palestine. Bonaparte remonte vers le nord et s’empare de l’empire ottoman [sic] puis des Indes anglaises2 ». À lire ce postulat de départ d’un Bonaparte ayant conquis, suite à la campagne d’Égypte, presque la totalité des 180Indes orientales (l’action prend place en 1815 à un moment où seul le Bengale, toujours tenu par les Anglais, résiste encore aux Français), les approximations relatives au mauvais usage de la majuscule dans ce petit programme uchronique nous paraissent, à dire vrai et sans mauvais esprit, bien plus regrettables que cette volonté de prendre des distances avec une autre majuscule, celle de l’Histoire des manuels scolaires. Et pour trois raisons. Premièrement parce que Jean-Pierre Pécau, par ailleurs lui-même historien, se revendique du courant de l’Histoire alternative et renseigne son lecteur de façon aussi claire qu’honnête sur ses intentions en quatrième de couverture. Ces prises de liberté à l’égard de la chronologie ne sauraient lui être reprochées, à quelque niveau que ce soit, puisque c’est une loi du genre. Deuxièmement parce qu’en choisissant cette voie d’une Histoire contrefactuelle, le scénariste d’Empire construit une intrigue qui, depuis le Napoléon et la conquête du monde de Louis Geoffroy (1836), contemporain de Nodier, s’inscrit dans une tradition littéraire puis paralittéraire de réécriture de l’Histoire légitimant sa démarche. Troisièmement enfin, en raison du fait que J.-P. Pécau met en œuvre les prévisions que Charles Nodier exposa lui-même dans « La Prophétie contre Albion » pour Les Essais d’un jeune barde (1804) puisque, nouvelle Carthage, Albion « aurait bientôt à se soumettre au nouveau Scipion3 ! »
« Agent spécial de Savary4 » : Charles Nodier, contre toute attente, nous est ainsi présenté au service du ministre de la police de Napoléon mais son portrait le dévoile également, pêle-mêle, comme « écrivain, amateur d’ésotérisme et de phénomènes étranges, espion et érudit » révélant un « esprit libre et fantasque5 ». Comment Nodier, pourtant historiquement farouche opposant à Napoléon Bonaparte, a-t-il bien pu se faire débaucher par l’administration impériale pour mener à bien les missions d’agent secret qui lui sont confiées, même sous couvert de fiction ? Il faut attendre la page 35 du tome I de la série, Le Général fantôme, et le détour d’une conversation nocturne à Bombay en compagnie de Saint-Elme, officier français né aux Indes et compagnon d’armes de Nodier tout dévoué au succès de l’Empereur, pour voir ce suspens rompu et ce mystère résolu :
181– […] le ministre de l’Intérieur m’a fait certaines propositions que je n’étais pas en mesure de refuser.
– Et qui étaient ?
– Entrer à son service ou en prison.
– ? !
– […] j’ai toujours eu la fâcheuse tendance à [sic] me placer du mauvais côté de la barricade… Sous l’Ancien régime, j’ai fondé un club jacobin, sous la Révolution, j’ai fait l’éloge du roi et sous l’Empire j’ai regretté la Révolution… tout ça en quelques libelles, articles et chansons qui n’ont pas eu l’heur de plaire aux Tuileries6…
Le scénariste s’appuie habilement sur le vide biographique qui entoure la vie de Nodier lors de son escapade clandestine dans le Jura en 1805, conséquence de la diffusion de la Napoléone, virulente diatribe contre Bonaparte, alors Premier Consul, puis de son emprisonnement à Paris et enfin de son confinement contraint à Besançon dont Nodier, trop épris de sa liberté de mouvement, s’affranchit en se cachant dans la région d’Arbois. L’imprudent polémiste relate lui-même cette période de clandestinité et de captivité dans la Préface de son Examen critique des dictionnaires de langue française (1828) :
Un mandat d’arrêt […] a pesé sur moi pendant quatre ans […]. J’étais loin des matériaux de mon grand travail ; mais la pensée m’en poursuivait dans les bois, dans les ravins, dans les fondrières, et j’ai failli cent fois être saisi par un gendarme à l’instant où je cherchais à saisir une étymologie7.
La trilogie Empire s’ouvre sur un Charles Nodier plus vrai que nature : sous ses allures de dandy, cheveux dans le vent, corps dégingandé et pistolet à la ceinture, les traits du visage de Nodier sont inspirés du portrait anonyme conservé au Musée Carnavalet8. L’apparence physique de Nodier, telle qu’elle est représentée, paraît assez réussie, en dépit de la difficulté qu’il y avait à saisir la physionomie protéiforme qui fut la sienne9. Si l’image donne corps et vie à l’homme qu’il fut, et de 182façon assez troublante pour tout lecteur aimant et croyant connaître un tant soit peu Nodier, les premiers mots qui sont les siens, évoquant les « Djinns10 », sont également de nature à bien caractériser cette personnalité hors du commun croyant aux phénomènes paranormaux, et à introduire le lecteur à cette atmosphère d’exotisme romantique qui donnera ses couleurs à l’ensemble de la série. On regrettera tout de même qu’à cette question adressée par Saint-Elme à Nodier (« Un caractère indépendant, hein ? »), le scénariste fasse rétorquer à ce dernier : « Je suis Franc-comtois, la patrie de Mandrin… », fameux contrebandier en réalité originaire… du Dauphiné11 ! Mais ne soyons point trop sévère : tel qu’il est campé par J.-P. Pécau et croqué par Igor Kordey, Nodier apparaît bien, et ce n’est pas le moindre mérite des trois B.D. qui nous occupent, tel qu’il aurait pu être : un personnage enjoué, ingénieux et avisé, parfois obstiné, fort cultivé, à la gesticulation expressive et au verbe haut. Bref, un Nodier au conditionnel, pour le dire d’une formule, s’insérant parfaitement dans ce monde utopiste de la réécriture de l’Histoire napoléonienne. Les trois volumes d’Empire ne viendront à aucun moment démentir ces premières impressions sur l’espion hors du commun qu’est devenu Ch. Nodier par le biais de la fiction imagée.
Le premier volume, Le Général fantôme, s’ouvre in medias res sur la spectaculaire intervention du « 13e cuirassé » de « l’artillerie automobile » française12. La puissance de feu des canons, montés sur des chars à vapeur eux-mêmes mus par des chaudières à charbon, vient à la rescousse du courageux capitaine Saint-Elme et de ses troupes pourtant promis à une 183cuisante défaite13. Les premières pages précisent d’entrée le genre de la série puisque ces inventions techniques relèvent du steampunk, fil rouge esthétique de la série. Ici, c’est bien l’ère industrielle de machines à vapeur qui vient perturber les repères chronologiques et le cours des choses. Cet appui inespéré a tôt fait de déloger les assaillants ennemis que sont les Afghans. Nodier sort de l’un des engins et fait la connaissance de Saint-Elme, qu’il ne quittera plus dans les trois volumes de cette série. Ensemble, ils embarquent à bord du Revenant, le vaisseau à vapeur du capitaine Surcouf filant à « 9 nœuds14 » en direction de Bombay, siège du commandement français des Indes. Ils y rejoignent Savary qui leur expose la situation. À la frontière ouest du Bengale, un mystérieux officier anglais inconnu des services de renseignement français a éradiqué, contre toute attente, la progression et l’ambition de l’armée impériale dans leur conquête des Indes orientales. Les Anglais semblent reprendre la main : les territoires fraichement conquis par les Français pourraient ainsi rapidement retourner sous le giron de la coupole britannique. Pour contrecarrer les plans de ce général imprévisible et surtout invisible, Savary dépêche Saint-Elme, l’un de ses meilleurs agents, et Nodier, spécialiste de l’occulte, pour tirer cette affaire au clair : ce n’est pas tant l’identité que la nature réelle du général fantôme que ces deux héros doivent mettre au jour, avant de neutraliser ce dangereux ennemi sur lequel les rumeurs les plus folles courent. Nodier croit même probable qu’il s’agisse d’une « intelligence artificielle » comparable à celle créée par le Dr. Frankenstein15. S’il ne croit pas si bien dire, Nodier est encore loin d’imaginer que ce n’est pas une créature monstrueuse qui l’attend mais sa créatrice elle-même, Lady Shelley, qui donne son nom au second opus de la série.
184Dans ce deuxième épisode, Lady Shelley, les deux espions français découvrent qui est vraiment cet inquiétant général signant les victoires du camp adverse. Se substituant à deux espions anglais, Saint-Elme et Nodier réussissent à pénétrer le commandement ennemi. Celui qui fait l’objet de leur recherche leur est alors enfin présenté par Miss Mary Shelley en personne :
Messieurs, je vous présente Coloseus, ou « le Général », comme l’ont surnommé les militaires qui n’ont jamais beaucoup d’imagination… […] Voyez… Toutes vos cartes mécanographiques sont passées durant la nuit, le colosse a une nouvelle mémoire, beaucoup plus performante que la précédente. […] Grâce à une invention française. Un Lyonnais, Jacquard, les a conçues pour automatiser ses métiers à tisser, nous les avons adaptées pour notre machine analytique. Ce que vous contemplez c’est un cerveau mécanique capable d’effectuer les 4 opérations de base plus un certain nombre d’autres. Celui-ci est bien moins puissant que le modèle I construit à Cambridge par Charles Babbage16.
Mais l’affaire tourne mal suite à un interrogatoire surprise pour tester la machine qui voit Saint-Elme se trahir. Au moment où ils sont démasqués, Nodier et Saint-Elme informent alors le lecteur sur ce qu’ils viennent de découvrir :
– Je vous ai déjà parlé de ce Jacquard… Une fois en Angleterre, il a très bien pu rencontrer ce Babbage que je ne connais pas, un mathématicien si j’ai bien compris. Sa machine semble être capable de faire des calculs très rapidement et de retrouver des informations dans un genre de catalogue…
– Des calculs dans un catalogue… comme un joueur d’échecs ayant à sa disposition toutes les parties jouées, vous comprenez maintenant comment il arrive à battre l’Empereur ? Bon dieu, c’est un général mécanique ayant toute la stratégie de tous les généraux du monde à sa disposition17.
185Prisonniers, les deux agents français doivent fuir dans les montagnes de l’Himalaya à bord d’un étrange véhicule, une imposante roue automotrice fonctionnant à « l’huile de roche18 » pouvant transporter un conducteur et un passager assis superposés en son centre. Bientôt hors de portée de ceux qui tentent de les rattraper puis en panne de combustible, Nodier et Saint-Elme sont recueillis dans une lamaserie mais leurs espoirs sont de courte durée. L’épisode se clôt en effet sur une attaque surprise venue du ciel et leur capture par d’inquiétants automates parachutés depuis un gigantesque dirigeable19.
Le troisième album, Opération Suzerain, nous donne les clés de ce nouveau rebondissement. Le dirigeable n’est pas la propriété des Anglais mais de la Sainte-Russie cherchant à s’informer sur les cartes utilisées par Coloseus, le général fantôme anglais, et que Nodier et son compère étaient censés transporter. Alors qu’ils sont invités à rejoindre le poste de commandement de l’aéronef, Nodier reconnaît en Jospeh de Maistre, présent à bord, l’« oupire20 » qui le terrorise depuis l’enfance ! Nodier relate à Saint-Elme différents épisodes de sa vie où, du Tribunal révolutionnaire du Doubs présidé par son père jusqu’à ses aventures de journaliste dans les Provinces Illyriennes, il eut à croiser ce sombre personnage. Cette courte intrigue dans l’intrigue, sous couvert d’une analepse très bien rendue visuellement, permet de mieux cerner la personnalité de Nodier, de faire écho aux « métaphores obsédantes21 » présentes dans son œuvre, même si sa biographie, là encore sans surprise, s’affranchit parfois de la chronologie22. La figure du contre-révolutionnaire Joseph 186de Maistre (qui a effectivement séjourné en Russie et s’est entiché d’ésotérisme selon l’Histoire officielle), suspectée par l’agent secret Nodier de vampirisme, ne manque pas de piquant, et son portrait, particulièrement réussi, contribue à l’intérêt même d’un volume par ailleurs très rythmé, largement dédié aux batailles aériennes, navales et terrestres. Libérés justement par l’attaque d’une curieuse embarcation volante menée par Surcouf, Saint-Elme et Nodier devront rejoindre les lignes amies pour sauver les Indes françaises de la progression de leurs ennemis23. L’appareil devant se détourner, victime d’avarie, Nodier et son acolyte font halte à Najipur, où les attend une course de véhicules automoteurs, esthétiquement proche de l’univers des jeux vidéo, en contrepartie de batteries nécessaires à la poursuite de leur voyage24. Le succès de l’opération Suzerain dépendra de l’ingéniosité de Nodier et du scénariste de ce tome troisième : Savary, depuis Bombay, doit avoir accès aux informations transmises par notre héros pour mettre en déroute Wellington et contrecarrer la flotte anglaise.
La série Empire ne manque pas de charme et le lecteur néophyte trouvera de quoi passer un moment agréable en la découvrant, tant l’habileté du scénariste et le talent du dessinateur ont partie liée dans cette réussite. De nombreuses planches sont effectivement somptueuses et particulièrement bien pensées. Le spécialiste de Nodier et des études romantiques s’agacera-t-il d’une chronologie nodiériste passablement malmenée, en dépit des précautions des auteurs et des rappels que nous avons faits ici, inhérents à la loi du genre de l’uchronie ? Ce n’est pas si sûr tant Nodier lui-même, et le spécialiste ne l’ignore pas, fut le premier 187à prendre ses distances avec sa propre biographie et s’est plu tout au long de sa carrière à semer le trouble sur certains épisodes de sa vie. Voilà qui, en soi, légitimait le projet de ces trois volumes et la poursuite de la série : le tome III annonçait au moment de sa parution, en 2007, un quatrième épisode à la série. Or, neuf ans après la parution du tome III, les éditions Delcourt viennent juste, au moment où ce compte rendu est encore sous presse, de donner une suite aux aventures uchroniques de l’agent secret Charles Nodier. Voilà qui justifiait cette petite mise au point sur les trois premiers volumes, dont le superbe coffret est réédité pour l’occasion, avant que nous soyons en mesure de vous donner très prochainement notre avis sur ce nouvel opus de la série, Le Sculpteur de chair (disponible depuis juin 2016).
Sébastien Vacelet
Lycée franco-argentin Jean-Mermoz (Buenos Aires)
1 Voir cette interview de J.-P. Pécau en ligne. URL : http://www.actusf.com/spip/Interview-de-Jean-Pierre-Pecau.html
2 Présentation en 4e de couverture de chacun des 3 vol.
3 Cité par G. Zaragoza, Charles Nodier, le dériseur sensé, Paris, Klincksieck, 1992, p. 92.
4 4e de couverture de chacun des 3 vol.
5 Ibid.
6 Le Général fantôme, éd. citée, p. 35.
7 C. Nodier, Examen critique des dictionnaires de langue française, Paris, Delangle, 1828, p. 6. – Cette période coïncide avec la rédaction du Dictionnaire des onomatopées françaises publié en 1808 et dédié « À Monsieur Oudet, Bibliothécaire de la Police générale ». Les relations de Nodier avec l’administration impériale sont, il est vrai, paradoxalement troubles à cette époque comme le prouvent ses contacts avec M. de Roujoux, Sous-préfet de Dole, et plus encore son amitié durable avec Jean de Bry, Préfet du Doubs.
8 C’est l’un des plus courants : on en trouve de nombreuses reproductions en ligne.
9 Sur le sujet, voir C. Galantaris : « Note sur [le] physique multiforme de Charles Nodier », in Fragmentos no 31 (textes réunis par J.-R. Dahan), Florianópolis, juil.-déc. 2006, p. 19-42 [en ligne]. URL : http://www.periodicos.ufsc.br/index.php/fragmentos/article/viewFile/8396/7874
10 Le Général fantôme, éd. citée, p. 6. – L’article « Djinn » du Dictionnaire historique de la langue française (Paris, Le Robert, 2006) précise que le mot « a été popularisé par le célèbre poème de V. Hugo, les Djinns (en 1829, Les Orientales, xxviii) ».
11 Ibid., p. 35. – Cette maladresse est d’autant plus dommageable qu’il eût pourtant été facile de voir Nodier se réclamer de Lacuzon, le Rob Roy de la Franche-Comté sur lequel Nodier envisagea d’écrire, en collaboration avec Victor Hugo, un roman historique à la façon de Walter Scott. Sur la question, voir : J. Larat, La Tradition et l’exotisme dans l’œuvre de Charles Nodier, Genève, Slatkine Reprints, 1973, p. 208. À la décharge du dialoguiste de la B.D., on relèvera qu’il est vrai que Mandrin reste un nom qui n’est pas tout à fait ignoré du grand public de nos jours, alors que celui de Lacuzon est complètement tombé dans l’oubli : plusieurs sites internet sont entièrement dédiés au premier, aucun au second.
12 Ibid., p. 5.
13 La technique de la machine à vapeur est maîtrisée dès la deuxième moitié du xviiie siècle, notamment grâce aux travaux de l’Écossais James Watt. En revanche, le char de combat en tant que réalité militaire est naturellement anachronique, même si des précédents théoriques et expérimentaux existent (char de Vinci), mais, on l’aura compris, c’est ici une loi du genre qui impose ce genre d’incongruités.
14 Le Général fantôme, éd. citée, p. 9. – Soit environ 16 km/h. La navigation à vapeur existe à cette époque, mais la marine française n’utilisera pas de voiliers mixtes équipés d’une propulsion à vapeur avant 1820. Le Revenant, un trois-mâts, fut effectivement l’une des corvettes commandées par Surcouf.
15 Ibid., p. 21. – La chronologie est, là aussi, volontairement malmenée : le roman de Mary Shelley (1797-1851) n’est publié qu’en 1818 en Angleterre. La première traduction française date de 1821. Mais rappelons que le principe de l’uchronie permet ce genre de télescopage.
16 Lady Shelley, éd. citée, p. 26.
17 Ibid., p. 28. – Quelques précisions : on doit effectivement à Jacquard (1752-1834), dès 1801, l’automatisation du métier à tisser. Le mathématicien Charles Babbage (1791-1871) s’en inspira réellement pour concevoir sa « machine analytique », telle qu’elle a existé et se trouve fidèlement dessinée et décrite dans cet extrait, fonctionnant à partir de cartes perforées. L’historien Pierre Mounier-Kuhn relève que cette « machine analytique est l’ancêtre des calculateurs programmables qui ont été utilisés largement dans la seconde moitié du xxe siècle, jusqu’à la généralisation des ordinateurs », en soulignant que « les pouvoirs publics anglais » comprirent très tôt l’enjeu de telles recherches, et « décid[èrent] de financer les projets du mathématicien ». (Art. « Machine analytique de Babbage », Encyclopædia Universalis [en ligne] : http://www.universalis.fr/encyclopedie/machine-analytique-de-babbage/). Les recherches de Babbage, qui, on l’aura compris, préfigurent la science informatique du xxe siècle, n’auront cours qu’à partir de 1822.
18 Ibid., p. 41. – C’est-à-dire du pétrole, comme le suppose l’étymologie latine de ce mot. L’exploitation et l’utilisation industrielles n’ont pas cours avant la deuxième moitié du xixe siècle. Le véhicule décrit est bien sûr hautement improbable en 1815, il ne résulte que de l’imaginaire du scénariste et du dessinateur.
19 Des automates déjà très évolués existent dès le xviiie siècle, tels ceux de Jacques de Vaucanson, évoqués par le personnage de Nodier au début du tome III (voir p. 6). C’est également à cette période qu’apparaît le principe du parachute, au sens moderne du terme, contemporain des premiers aérostats. Il faut attendre les premières années du xixe siècle pour voir émerger l’idée d’un aéroplane dirigeable. En revanche, le premier aérostat mû par une machine à vapeur, dû à Henri Giffard, ne prend son envol qu’en 1852.
20 Voir p. 9 et sqq. – Le mot, d’origine russe, désigne un vampire, créature à laquelle Nodier s’intéressa particulièrement.
21 L’expression est, faut-il le rappeler, de Charles Mauron.
22 Le séjour de Nodier à Laybach eut lieu en 1813 quand la B.D. le situe dix ans plus tôt (voir p. 13).
23 Le vaisseau de Surcouf n’est pas sans rappeler La Reine de Saba dans La Fée aux Miettes qui s’apparentait lui aussi à un aéronef : « La Reine de Saba est un steamer, donc un bateau à vapeur, mais il dispose de voiles qui lui permettent de planer “comme un vautour” ou de filer comme “une hirondelle”, ces voiles d’ailleurs taillées en ailes d’oiseau font de La Reine de Saba un vaisseau aérien, et il dispose d’aérostats et de “bouches démesurées” qui doivent souffler de l’air ce qui en fait un aéronef. » G. Zaragoza, « Une langue fantastique pour La Fée aux Miettes ? », in Cahiers d’études nodiéristes no 2, Nodier et la Langue – La langue de Nodier, sous la dir. de Virginie Tellier, Neuilly-lès-Dijon, 2014, p. 201.
24 Les liens entre le genre du steampunk et la science-fiction sont ténus : la course des « rockets » dans cet épisode (p. 33 et sqq.) n’est pas sans rappeler celle des « podracers » présente dans le film Star Wars, épisode I : La Menace fantôme de George Lucas (1999). Dans les deux cas, c’est l’avarie de l’aéronef qui impose cette halte et la participation à cette compétition. De son résultat, sous couvert de paris engagés sur cette course, dépend l’acquisition des pièces nécessaires à l’appareil pour qu’il puisse poursuivre sa route.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06982-9
- EAN : 9782406069829
- ISSN : 2556-2371
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06982-9.p.0179
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/06/2017
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français