Avant-propos
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société Paul Claudel
2016 – 1, n° 218. varia - Auteur : Millet-Gérard (Dominique)
- Pages : 11 à 12
- Revue : Bulletin de la Société Paul Claudel
AVANT-PROPOS
Les circonstances aidant, nous avons voulu présenter ici un ensemble que l’on pourra lire comme un complément à la Correspondance de Paul Claudel avec les ecclésiastiques de son temps1. Des lettres en effet ont ressurgi depuis cette publication, et il nous a semblé que le Bulletin de la Société Paul Claudel était le meilleur lieu pour les accueillir et les faire connaître. Il s’agit de trois correspondants, deux prêtres diocésains, l’un professeur à l’Institut catholique de Paris et futur prélat de Sa Sainteté, et l’autre simple curé dans son diocèse d’Avignon ; le troisième, un jésuite, le P. Auguste Valensin. Du premier nous avions les lettres à Claudel, déjà publiées, mais il nous manquait les réponses ; celles du (et au) second ont été retrouvées et identifiées grâce au zèle sans faille de Marie-Ève Benoteau-Alexandre ; enfin celles adressées par Claudel au troisième se trouvaient aux archives jésuites de Vanves : mais il nous manque encore les réponses du P. Valensin. On n’en a jamais fini avec les correspondances, et on peut toujours s’attendre à de nouvelles surprises.
Ces lettres sont assez tardives et de sujets divers ; l’échange avec le P. Valensin se concentre sur quelques mois de l’année 1935 et concerne des affaires privées ; les deux autres sont strictement contemporains, entre 1944 et 1946 ; ils traitent de la matière biblique, qui est devenue l’intérêt majeur du poète : Psaumes pour l’abbé Théolas, exégèse spirituelle pour l’abbé Combes. Nous sommes alors plongés au cœur de cette passion pour le texte sacré qui s’est emparée de Claudel, passion de le lire, de le réécrire, de s’enquérir des interprétations traditionnelles pour mieux à son tour le comprendre, le pénétrer, en goûter toute la saveur.
Nous y avons joint deux articles qui peuvent apporter quelque éclairage sur la manière dont Claudel était perçu, sur le vif, par le clergé qui lui était contemporain. Le premier angle d’approche est celui du théâtre, plus précisément de ce Soulier de Satin dont l’impact a été si
fort lorsqu’il a été représenté pendant la guerre ; nous donnons ici un certain nombre de témoignages de l’écho qu’il suscite chez des prêtres qui le lisent, l’entendent à la radio, plus rarement le voient ou même le jouent ; on verra à quel point le poète prend sa place naturellemet au centre de cette catholicité qu’il entend servir, et comment son esthétique, pourtant surprenante à plus d’un titre, est spontanément perçue comme faisant corps avec la doctrine qu’elle illustre. Ce n’est que dans les hautes sphères que les choses se sclérosent quelque peu ; l’étiquette vaticane, et les intrigues des Monsignori – nihil novi sub sole – auront raison du projet périlleux de représentation de L’Annonce faite à Marie en présence du Souverain Pontife, mais point de l’admiration aussi sincère que discrète que Pie XII porte à Claudel, chaleureusement rendue par le poète à ce grand pape.
Dominique Millet-Gérard
Université Paris-Sorbonne
1 Éditée par Dominique Millet-Gérard, 3 volumes, Champion, 2005 et 2008 (désormais Corr. I, Corr. II/1 et Corr. II/2).