L’édition vénitienne de la Theologia naturalis de 1581 et Montaigne
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2018 – 2, n° 68. varia - Auteur : Bettoni (Anna)
- Pages : 33 à 60
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
L’Édition vÉnitiEnne
de la Theologia naturalis
de 1581 et Montaigne
Les études sur Montaigne ne sont normalement pas concernées par la publication à Venise, en 1581, d’une édition de la Theologia naturalis de Raimond Sebond. Le soin que son imprimeur, Francesco Ziletti, avait mis à sa réalisation intéresse moins les recherches montaignistes que l’histoire de la théologie, l’analyse de la réception des textes scolastiques et l’histoire du livre, notamment dans le contexte vénitien. Peu semble importer que Francesco Ziletti pourvut cette Theologia naturalis de vers liminaires « au Lecteur » et d’une longue Préface1 qui pût remplacer le prologue interdit tout s’approchant de son niveau en tant que discours théologique ; peu semblent importer la révision même du texte – qui souffrait de quatre décennies d’absence du monde de l’imprimé et était finalement “à nouveau revu avec le plus grand soin” –, le choix innovateur des caractères romains pour un livre qui avait jusque-là vu le jour en caractères gothiques, l’élégance de leur dessin, prévue expressément parce qu’il la méritait :
operæpretium facturum me esse existimavi, si hunc doctissimi, et subtilissimi Theologi ac Philosophi, Medicinæ Doctoris sua tempestate clarissimi, Raymundi de Sabunde, Naturalis Theologi et nomine inscriptum librum, in hoc genere singularem, olim quidem typis iam editum, sed novissimè cura nostra recognitum, elegantiori characterum forma recudendum prælo nostro subiicerem2.
34L’attention consacrée par l’imprimeur aux manchettes, qui sont en italique, l’italique également des titres, les quelques lettrines, l’ornement des bandeaux, tout ce qui en fait une édition soignée pourraient ne pas concerner les études montaignistes. Même un très grand érudit comme Michel Simonin mettait de côté un épisode qui se situait au-delà de l’histoire de Montaigne, dans un temps futur bien après l’entreprise de traduction, et après les Essais et l’« Apologie de Raimon Sebond » : la vitesse qui caractérisait son regard pénétrant laissait sur le bord du chemin une édition qui aurait vu « le jour à Venise en 1581 “apud F. Zeletum <sic>”, sans le prologue3 ».
Les intérêts des montaignistes portent sur le texte de Sebond ayant servi pour sa traduction de 1569 et s’arrêtent évidemment aux manuscrits et aux éditions qui circulaient dans le réseau des « gens de savoir », des « hommes doctes », des « personnes sainctes, et ayans quelque particuliere inspiration de la sagesse divine4 » dont faisaient partie les Montaigne, père et fils, et du vivant de Pierre Eyquem. Réseau bordelais, aux liens toulousains que l’on sait, ouvert sur le reste du monde et bénéficiant d’échanges avec l’Italie, et notamment avec Venise5, il se composait de « lecteurs et propagateurs de textes antiques et de textes sacrés6 ». Mais si l’on s’intéresse au Sebond que Montaigne pouvait avoir sous les yeux, il faut envisager ce réseau avec des dates précises : soit, au plus tard, les premiers mois de 1568, soit carrément 1546. Le privilège à Gilles Gourbin pour l’impression de La Théologie naturelle avait été accordé le 27 octobre 1568, la dédicace du traducteur à son père avait 35été probablement antidatée, comme l’explique Jean Balsamo, au 18 juin de la même année7, sans compter que la légende du rôle essentiel de Pierre Bunel dans la remise d’une « Theologia naturalis ; siue, Liber creaturarum magistri Raimondi de Sebonde8 » dans les mains de Pierre Eyquem a toujours sa vraisemblance9, le séjour de Bunel à Montaigne ne pouvant se situer qu’entre 1538 et 1546, et probablement « au printemps 154210 ». Les recherches que la philologie, l’histoire littéraire, l’histoire du livre mènent dans ce but portent sur l’importante « transformation littéraire qu’a connue le texte de Sebond » dans sa transmission jusqu’à Montaigne11. Elles doivent se confronter à ce qu’Olivier Millet définit comme un « changement de registre, et plus largement d’univers de discours12 » entre Sebond et Montaigne, à celle que Jean Céard voit comme l’introduction probable de corrections et de gloses, dans la source que Montaigne utilisait13. Elles privilégient l’hypothèse d’un manuscrit, parce qu’aucun état du texte édité avant l’entreprise de traduction ne semble correspondre au français de Montaigne ; parce qu’on reste à l’écoute de l’incipit de l’« Apologie » et de cet oubli qui nous est raconté où le livre aurait disparu longtemps, « soubs un tas d’autres papiers abandonnez14 » ; et que la pratique du manuscrit réalisé d’après 36une édition est connue dans la diffusion de la Theologia naturalis15. Depuis la Thèse de Mireille Habert, ces recherches prennent désormais en considération le « troisième état » du texte de Sebond16, représenté dans l’édition de l’imprimeur flamand Rychardus Paffroed de Deventer (vers 1480) et dans les éditions qui en découlent – toutes, et dès les deux strasbourgeoises de Martinus Flach (1496 et 1501) qui introduisent les manchettes, repères importants tout au long du texte17. Que l’on parle 37de « troisième état » du texte, d’une « troisième rédaction » qui serait « à entendre moins comme une référence à la chronologie et à l’histoire du texte que comme la désignation d’un éloignement manifeste » par rapport à la leçon du manuscrit 747 de Toulouse, ou de deux rédactions seulement, « le texte de l’édition de Guillaume Balsarin étant parfaitement fidèle au manuscrit original18 », il demeure que l’édition vénitienne de 1581, malgré son troisième état certain du texte – et corrigé, en plus –, ne peut pas être prise en considération et n’est justement pas mentionnée par Mireille Habert.
Certaines études françaises sur Sebond (Sebon, de Sabunde, Ramon Sibiuda…) souffrent par ailleurs d’une imprécision contenue dans le travail essentiel – et toujours de référence – de Friedrich Stegmüller. Dans son introduction au fac-similé de l’édition de Sulzbach de 1852 de la Theologia naturalis, enrichie de son édition critique du « Prologus » et du 1er chapitre de Sebond, l’illustre professeur de dogmatique de Fribourg-en-Brisgau, pionnier infatigable de la théologie médiévale19, recensait le volume vénitien de 1581 par son faux titre. Il donnait le juste relief à cette édition, best seller de son époque dont Stegmüller détaillait le contenu et indiquait 13 exemplaires : ce qui était beaucoup, dans la mesure où il ne disposait pas d’internet et ne prenait en considération aucune bibliothèque vénitienne. Il ne décrivait pourtant pas la Theologia de Francesco Ziletti sur la base de son frontispice, mais sur la base du titre qui vient à la suite des 40 pages liminaires et qui est imprimé en haut du f. 1ro, en tête du premier chapitre. Elle devenait donc dans le recensement de Stegmüller une “toute simple”
Theologia naturalis. Quae creaturarum speculationem complectitur, necnon hominis officium erga Deum et proximum mira arte comprehendit20,
alors qu’elle se présente en réalité comme
38Theologia Naturalis Raymundi de Sabunde Hispani viri subtilissimi : Seu verius Thesaurus divinarum considerationum ex Naturæ fontibus haustarum, tum Theologis, tum Philosophis, atque universis scientiarum artiumque studiosis plurimum profuturus : Quod cognoscere licebit ex luculenta quam hic præmisimus præfatione ad Amplissimum virum D. Ioannem Donatum Senatorem Venetum.
En fixant en quelque sorte l’erreur, la bibliographie qu’Alain Guy établit pour le volume des Études montaignistes sur l’« Apologie de Raimond Sebond » et la Théologie naturelle (1990)21 contribua ensuite à faire connaître cette édition par ce faux titre dépourvu de tout pouvoir d’attraction pour des études philologiques et littéraires. Il aurait également été sans pouvoir d’attraction pour les lecteurs de l’époque, s’il avait été choisi en 1581 pour la page de titre. L’édition d’une « Théologie naturelle de Raimond Sebond, qui embrasse l’étude entière des créatures et, d’une manière admirable, explique aussi le devoir de l’homme face à Dieu et à son prochain22 », se serait située dans la tradition des lecteurs des années 1540 du texte. Elle n’aurait pas marqué – au moins au niveau paratextuel – sa différence, son nouveau contexte, son sens. Alors que la formule faisant partie de son appareil titulaire a une fonction importante de slogan : elle aurait sa place dans la bande amovible des livres modernes23, comme une annexe de la couverture qui indique la nouveauté de l’édition. Elle ne présente plus – ou plus seulement – un livre des créatures. Elle présente un « trésor », qu’a produit un auteur espagnol bien désigné par l’épithète topique de « très subtil », et qu’on destine alors à un public encore plus précisément désigné par le slogan. Ce trésor réunirait des réflexions théologiques, soit « les considérations divines puisées aux sources de la nature ». Les théologiens notamment, mais aussi les philosophes et ensuite tous ceux qui désirent fréquenter les arts et les sciences – tous ceux qui aiment les arts et les sciences – pourront énormément profiter de ce trésor. Ils le connaîtront, en abordant le livre, par le prologue lumineux (écrit à la lumière du jour et que l’Index ne saurait voiler) que l’imprimeur a rédigé en forme de dédicace. Et le dédicataire est 39un Vénitien qui compte : le sénateur de la Sérenissime Giovanni Donà, ancien « sage sur l’hérésie24 ».
L’imprécision qui finit par cacher la bonne forme – signe peut-être d’un projet éditorial – dans laquelle la Theologia naturalis de Ziletti avait été mise sur le marché du livre, n’est pas présente dans les travaux des spécialistes espagnols, tels José Maria Gomez-Heras, par exemple. Tout en mettant en relief la fortune du texte dans l’Europe de l’imprimé, depuis les incunables lyonnais et flamands jusqu’au xixe siècle, ces derniers privilégient pourtant la longue histoire des manuscrits de la Theologia naturalis25, qui jouent un rôle plus important dans la culture espagnole. Francesco Ziletti devait attendre les remarques des libraires antiquaires et l’attention d’un lecteur assidu de leurs catalogues comme Jean Balsamo, pour voir une certaine gloire finalement attribuée à son édition. Sur la base des indications contenues dans le manuel d’Antonio Palau y Dulcet26, le catalogue de la Librairie lucernoise Gilhofer & Ranschburg de 1995 décrivait dans le détail un exemplaire de la Theologia naturalis vénitienne. Il soulignait la date de 1581 par une belle hypothèse, qui impliquait alors Montaigne, de passage à Venise au début du mois de novembre 1580.
Que ce fût le résultat d’une recherche et d’une réflexion sur le contexte vénitien où le volume prenait naissance, ou la mise en place d’une stratégie qui pût susciter l’intérêt des collectionneurs et des spécialistes, ou les deux choses sans doute en même temps, la question était posée de façon explicite :
40Was it a mere coincidence that the work had been published in 1581 when Montaigne was travelling through Italy and that a new edition of his translation was published in the same year27 ?
Cette hypothèse a été présentée en 2008 par Balsamo, mise en discussion comme « extravagante28 », et la gloire montaigniste qui pouvait en dériver pour l’entreprise de Francesco Ziletti a donc été de courte durée. Il reste que l’imprimeur vénitien avait reconnu dans le texte de Sebond des mérites, que pouvaient lui avoir suggérés les horizons d’attente de son (petit) monde. C’était à la première personne du verbe qu’il avait considéré dans sa préface la valeur de l’investissement à faire pour cette édition – « operæpretium facturum me esse existimavi29 » –. Une intention éditoriale dirigeait son travail en 1581.
La Theologia de Sebond rentrait dans un projet reconnaissable : elle faisait partie de la production libraire qui était nécessaire aux discussions théologiques de ces années post-tridentines. Saint Thomas semblait ne plus valoir contre l’humanisme et, lors du Concile, les mêmes théologiens catholiques avaient souvent préféré s’appuyer sur l’Écriture et sur les Pères grecs, pour contester les positions humanistes et protestantes. Ils avaient choisi « des auctoritates reconnues par leurs adversaires30 » et souvent écarté le recours à la Summa. En dehors du Concile et surtout 41après sa clôture, l’école philosophique padouane et la culture vénitienne au sens large mettaient le doigt sur les faiblesses de la scolastique, sur ses inconvénients et finalement son inutilité. Sa défense avait été prise dans une forme particulièrement précise par le dominicain Girolamo Vielmi en novembre 1554, au moment de sa nomination à l’université de Padoue, sur la chaire de théologie in via Thomæ31. Lecteur et promoteur du texte de Sebond, il était justement qualifié d’excellent théologien, de magister et de précepteur dans l’ex-dono d’un exemplaire vénitien de l’édition d’Antonius Koberger (Nuremberg, 1502) de la Theologia naturalis32.
Légué au couvent des saints Jean et Paul de Venise, où Girolamo Vielmi s’était retiré depuis 157833, cet exemplaire – un grand in-4o– témoigne de l’utilisation qui était aussi faite de Sebond dans la formation des jeunes générations, tel le « Petr[us] Martyr[…] Frachet[us] » destinataire du don. La défense de la scolastique que Vielmi entreprit en 1554, prononcée contre les Érasmiens, et plus en général contre l’affectation d’un humanisme érudit et exclusif, contre un retour forcé aux textes sacrés qui voulût faire table rase de toute réflexion explicative, était à sa manière une apologie de Sebond. Elle rendait compte de la valeur et des possibilités d’une théologie naturelle à l’époque de la contre-réforme et laissait voir les raisons d’une recommandation de lecture de la Theologia naturalis, faite aux élèves du magister théologien – fussent-ils les étudiants des Artes à Padoue (dans les années 1554-1560), ou les frères dominicains du couvent vénitien (dans les années 1578-1582)34.
42Contre les calomniateurs – « obtrectatores35 » –, Girolamo Vielmi revenait surtout sur le rôle du théologien : contre ceux qui pouvaient accuser la scolastique de réduire la théologie à une physique, par l’attention excessive qu’elle consacrait aux créatures – « ad creaturas pertransiens36 » – et presque par son inattention à Dieu, qui n’y était traité que « brevissime et plane », il expliquait le devoir de reconnaître le créateur dans les créatures, le principe premier dans les images multiples qui le reflètent. Celle que ces accusateurs condamnaient comme une théorie naturelle, bien éloignée de la théologie – « non tam Theologia quam naturalis Theoria dicenda videatur37 » –, était en revanche selon Vielmi l’observation patiente de toutes les créatures et de leurs secrets à l’aide de la lumière révélatrice de la parole de Dieu. Cette observation menait alors à Dieu naturellement (par la voie de la nature) et pouvait se définir comme une contemplation divine, théologique à plein titre :
Iam vero nequaquam naturalis Theoria, sed divina hæc contemplatio dici meretur, quæ divino lumine illustrata creaturas ad Deum tanquam subiectum perpetuo refert38.
Sa défense apparente d’une théorie naturelle du discours sur Dieu était en réalité la défense d’une contemplation de Dieu par la lecture du livre 43des créatures. Elle utilisait les arguments et les lieux communs de la scolastique. Mais dans les années 1560 – après la mise à l’Index de Sebond, et ensuite, en 1564, du seul prologue de la Theologia naturalis –, elle avait aussi une fonction plus abstraite de remplacement des discours interdits : elle témoigne de l’actualité du discours théologique « naturel » dans la culture de ce dernier tiers du xvie siècle sur les terres de la Sérénissime. Les traces d’une lecture du fameux prologue de Sebond disent la présence des idées du théologien espagnol dans cette culture. Leur fortune était européenne, à l’époque : mais à Venise, dans le cadre des activités des imprimeurs, ces traces indiquent aussi les chances que la Theologia naturalis pouvait avoir sur le marché du livre, elles constituent une sorte d’indice des attentes.
Dans le contexte de ces attentes, la formule que Francesco Ziletti choisit pour le titre de son Sebond identifie presque concrètement une clientèle sûre. Les théologiens, les philosophes et ceux qui désirent fréquenter les arts et les sciences – « tum Theologis, tum Philosophis, atque universis scientiarum artiumque studiosis39 » – jouissent de la plus haute considération de la part de l’imprimeur. Une partie de son catalogue de 1581 leur est destinée et ils n’atteignent pas seulement la place prestigieuse du frontispice du livre dans la Theologia naturalis. Les philosophes, les théologiens et tous les amateurs de la véritable contemplation40 paraissent par exemple dans la réimpression, en cette année 1581, du livre d’Antonio Mocenigo sur l’immortalité de l’âme. Le titre de sa première édition, sortie en 1568 de l’atelier de Bolognino Zaltieri, était encore une fois un titre dépourvu de slogans éditoriaux, De Transitu hominis ad Deum Liber primus : in quo singulæ quæstiones de Anima lucidissime explicantur41. En acquérant les droits pour sa réimpression, Ziletti le destinait savamment, par contre, à cette clientèle 44qu’une étude de marché désormais pouvait définir. Parmi d’autres, à la même époque, le livre de Mocenigo démontrait l’« Arcanum42 » d’une immortalité qui savait descendre sur terre, montrait que l’intelligence de l’homme est presque divine et abstraite43, expliquait en quoi consiste l’âme du monde44 et en quoi l’esprit de l’âme du monde45. Il avait déjà mérité en 1568 un magnifique format in-folio46. Il le méritait à nouveau, identique, en 1581, par les meilleurs soins de Ziletti, qui le pourvoyait de toutes les attentions matérielles et du juste slogan titulaire. Dans l’établissement d’une sorte de série de son catalogue, Ziletti profitait aussi savamment, dans le titre de sa réimpression, de l’adjectif topique de « très subtil », qu’il attribuait aux questions qui étaient traitées par Antonio Mocenigo, « subtilissimæ », comme l’étaient à l’époque toutes les questions théologiques et tous les théologiens, Sebond, « Hispani viri subtilissimi » tout d’abord. Son
M. Antonii Mocenici, Patricii veneti, De Anima, eiusque divino ad Deum raptu Liber primus : in quo subtilissimæ quæstiones, et valde ad hæc tempora accomodatæ, tractantur. Philosophis, theologis, omnibusque veræ contemplationis amatoribus, opus pernecessarium
allait donc de pair avec sa
Theologia Naturalis Raymundi de Sabunde Hispani viri subtilissimi : Seu verius Thesaurus divinarum considerationum ex Naturæ fontibus haustarum, tum Theologis, tum Philosophis, atque universis scientiarum artiumque studiosis plurimum profuturus.
La remise en vigueur de ces deux ouvrages avait son fondement dans un milieu culturel qu’animait plus que jamais le sentiment du don de la 45raison, fait à l’homme par la nature. « Prudentissima de suoi doni sopra gli huomini dispensatrice47 », cette nature avait l’habitude d’y être magnifiée, comme la magnifiait par exemple en 1581 (et chez Ziletti) Girolamo Catena, car elle avait fait « gli animi […] liberi, et di ragion partecipi48 ».
Les éloges que les théologiens, les philosophes, les amateurs de la véritable contemplation et des sciences pouvaient lire d’elle chez Mocenigo et les éloges qu’ils pouvaient lire d’elle chez Sebond se faisaient pendant, dans un catalogue qui comprenait, en 1581, des ouvrages aussi laborieux, du point de vue typographique, que l’in-folio du Tractatus de fluviorum alluvionibus de Battista Aymo49, ou celui des Psaumes commentés par Bartolomeo Botta50. La présence des éditions de Mocenigo et de Sebond souligne le rôle d’un imprimeur qui savait investir, et s’investir, également, pour indiquer la direction que ses livres devaient prendre. Dans la direction des théologiens, des philosophes et des amants des sciences, il assumait alors la responsabilité d’ouvrir par sa longue « Præfatio » son édition de Sebond : il assumait en quelque sorte la responsabilité de la lecture que son propre public pouvait faire de la Theologia naturalis. Il se faisait le passeur de cette théologie espagnole, scolastique et en partie interdite : en forme de dédicace au sénateur Giovanni Donà, il signait une préface qui porte la marque évidente de la lecture, par son auteur, du « Prologus » de Sebond.
Francesco Ziletti l’avait certainement eu sous les yeux, avant de l’expurger, de découper peut-être la page qui le contenait, effacer le texte à l’encre épaisse pour pouvoir garder sans risques de désagréments le livre dans son atelier, comme base de son édition, source à rééditer. Les exemplaires des éditions antérieures à la sienne – les incunables in-folio, le grand in-4o de Nuremberg de 1502, les in-8o lyonnais –, présents et consultables aujourd’hui dans les bibliothèques de Venise et Padoue, obéissent tous à cette censure du prologue, à une exception près. L’expurgation se laisse voir sous les formes les plus ingénieuses – faite à 46l’aide de ciseaux, de colle, d’encre, rarement par des mises en garde plus discrètes et moins mutilantes, telle la note manuscrite sur la page de titre de l’exemplaire la princeps que possède la Bibliothèque Universitaire de Padoue : sans que rien ne soit raturé, cette note dit que l’ouvrage est lisible, mais « Introductio est prohibita et caute legenda, quia nimium defert naturæ viribus, et sapit pelagianismum51 ». L’incunable de Martinus Flach que possède la même bibliothèque et qui appartient à l’ancien fonds du couvent des Ermites de saint Augustin (« Bibliothec[æ] Eremitani Patavij52 ») présente par exemple la double censure : la mise en garde manuscrite sur la page de titre, « caute legen[dum]53 », et en tout cas la suppression de la page contenant le prologue, le feuillet a, coupé avec précaution, sans abîmer le cahier qui tient dans sa couture et demeure pour le reste intact. Le grand in-4o de Koberger ayant appartenu au couvent des saints Jean et Paul de Venise (« Con[vent]us S[anctorum] Io[hannis] et Pauli de Ven[etiis]54 »), et qui est aujourd’hui à la Nazionale Marciana, témoigne aussi d’un travail méticuleux de la main expurgeante : celle-ci se serait appliquée à détruire le f. [A7], contenant le prologue tout au long des deux colonnes du recto et jusqu’au trois quarts du verso. Nécessité était de sauver le dernier quart du verso du feuillet, où le texte « Sequitur radix, origo, principium et fundamentum istius scientiæ. Titulus I » commençait : « Quia homo naturaliter semper quærit certitudinem et evidentiam claram… ». Le découpage du feuillet s’arrête donc à ce bout de papier, le dernier 47quart de la seconde colonne du verso, qui reste normalement relié à son cahier. Le texte du « Titulus I » est laissé à la lecture. Mais le bout de recto, qui aurait donné à lire un extrait du prologue, est raturé à l’encre par des zigzags, qui sont si minutieux et si insistants sur les lignes du texte, qu’ils passent au verso et ne laissent presque plus lire ce début de chapitre, « Quia homo naturaliter semper quærit… », avec son titre.
Par contre, la main qui découpa les feuillets, colla des bouts de papiers blancs, et des feuillets du livre entre eux dans l’exemplaire vénitien de l’in-8o lyonnais de Jacobus Myt (1526) avait été moins minutieuse. Elle avait au moins laissé lisible le titre du prologue, avec « Incipit Theologia naturalis… » dans la bande supérieure du f. a ij ro, collée, sans être arrachée au cahier, au recto du f. a iij. Le reste du f. a ij avait disparu, bien découpé, mais la page blanche collée sur le f. a iij ro ne suffisait pas à cacher entièrement le prologue, dont les derniers mots se lisaient en haut du f. a iij vo, avant l’incipit du texte55. Seul est complet, dans les bibliothèques de Padoue et Venise, l’exemplaire de l’édition lyonnaise de 1540 que possède l’Universitaire de Padoue et que caractérisent, comme ex-libris, des initiales manuscrites, « D.A.M56. » : peut-être a-t-il appartenu à un personnage privé, qui avait pu ne pas le faire sortir de sa bibliothèque personnelle, ou à quelques membres des communautés allemande ou grecque ou juive, qui ne reconnaissaient pas la valeur de l’Index. Il s’agit d’ailleurs d’une des premières éditions pourvues d’un frontispice monumental : le format in-8o n’avait pas empêché l’imprimeur lyonnais (qui n’est pas mentionné) de proposer une belle gravure d’ouverture, d’imprimer le titre en caractères rouges et noirs, et surtout romains, alors que le livre, à l’intérieur, continuait à être en caractères gothiques, comme dans toutes ces éditions. Le prologue, avec ses dix manchettes (« Materia libri », « Utilitas libri », « Necessitas libri », « Sufficientia libri », « Modus huius scientie », « Exterior utilitas libri », « Duo libri nobis dati », « Differentia librorum istorum », « Addiscentis 48qualitas », « Quidditas huius scientie57 »), occupe plus que trois pages, sans la moindre censure, et ce n’est qu’un témoignage parmi d’autres des possibilités de conservation qu’avaient normalement à l’époque, sur le territoire de la Sérénissime, les textes mis à l’Index. Francesco Ziletti l’avait sûrement lu, ce prologue. Et encore les pages découpées de son texte de base – fût-ce le grand in-4o de Nuremberg, une autre édition, ou un manuscrit – pouvaient plus aisément que le livre occuper de la place sur sa table d’écrivain : d’imprimeur libraire, certes, mais surtout d’homme de culture qui rédigeait.
Comme c’était souvent le cas dans le monde de l’imprimé, le catalogue de Ziletti reflétait une parfaite maîtrise de la culture au milieu de laquelle l’imprimeur vivait. Son prologue à lui – sa « Præfatio » – offrait à Giovanni Donà en toute connaissance de cause le livre d’une philosophie théologique : cette « Præfatio » ne saurait être lue comme une réécriture du « Prologus » de Sebond. Elle situe la Theologia naturalis dans le contexte d’une philosophie théologique, que l’on ne nommait théologie naturelle que dans le registre scolastique ayant appartenu à son auteur. Au contraire, cette science était bien de la philosophie. « Istam scientiam », écrivait Sebond58 ; « humanarumne an divinarum rerum scien49tiam », écrit Ziletti59 – Montaigne avait souvent traduit par « doctrine », dans son texte de la « Preface de l’Autheur60 » – :
ita ut sane Philosophiæ Theologicæ, vel, ut author ipse voluit, Naturalis Theologiæ nomen, tractatio hæc iure optimo possidere mereatur61.
50Sans être une réécriture, la préface de Ziletti joue pourtant le rôle d’une compensation par rapport à la condamnation de 1564. Elle peut être lue comme l’écriture d’une liberté : d’une justice qui devait être rendue au prologue original de Sebond. On a parfois considéré que Montaigne, en traduisant le « Prologus » pour sa Théologie naturelle de 1569, puis le révisant pour l’édition de 1581, pouvait ne pas être au courant de la condamnation de 155962 et ensuite de la mise à l’Index de Rome de 156463. Ce n’était pas le cas de Francesco Ziletti, qui n’était pas seulement un protagoniste dans le monde du livre soumis aux Index. Ziletti était aussi l’imprimeur d’une des éditions les plus complètes – très soignée, en plus – des Canones, et decreta du Concile de Trente, sortie de ses presses en 1579 avec l’Index qui normalement en faisait partie, et qui suivait le texte multiforme du Concile : 16 feuillets pourvus de leur page de titre indépendante contenaient les interdictions de première classe, celles des auteurs « certorum », et celles des « incertorum64 ». La Theologia naturalis y était bien indiquée à la lettre « R » de « Raymundi de Sabunde », auteur certain dont on ne condamnait désormais que le seul « prologus in Theologiam naturalem65 ». Dans une petite préface qui s’insérait, in limine à cet ouvrage, parmi les grandes dédicaces au Cardinal Morone, Ziletti avait averti ses lecteurs pieux de la nécessité du Concile aussi bien que 51de l’Index, et de leurs vertus curatives, éclairant une époque qui avait été beaucoup trop obscurcie par des « impii », ennemis de l’humanité :
impii homines, imò inimici hominum ministri, sanam doctrinam non sustinentes, et inter sese dissidentes, falsissimas opiniones, maximeque diversas hęreses suscitaverant, catholicam fidem obscuraverant, santissimos ritus perturbaverant, honestissimos mores corruperant, legemque tuam, Domine, dissipaverant : quando clarissimus dies illuxit, quo Deus […] Concilium Tridentinum […] indici, celebrari, ac perfici iussit. […] Quod adeo feliciter […] perfectum esse videmus66.
Tel était Francesco Ziletti, un professionnel habile, véritable product developer, connaisseur des ressources d’une publicité qui était faite au seuil des livres. Il savait mettre sur le marché dans la meilleure forme son édition du Concile de Trente. Il savait profiter du marché du livre que demandaient les philosophes, les théologiens professionnels, ou les simples amateurs de la véritable contemplation (selon la formule du titre de Mocenigo), et que demandaient les maîtres théologiens, les philosophes déjà formés, et tous ceux qui devaient encore s’instruire, désireux d’entreprendre le chemin des sciences et des arts (selon la formule du titre de Sebond). Il était avant tout un homme de l’imprimé : il connaissait le rôle que son produit pouvait jouer dans la société et ses éditions démontrent qu’un projet sous-tendait le développement de son entreprise, et que ce projet était la forme même de son indépendance intellectuelle. Il se conformait aux condamnations de l’Index et n’imprimait pas le prologue de Sebond en 1581 dans son édition de la Theologia naturalis : « Prolog fehlt », enregistrait alors Friedrich Stegmüller en 1966 dans son classement67 ; « sans le prologue », lit-on dans la liste d’éditions que dresse l’Index de J. M. De Bujanda (1990)68 ; « sans le prologue », disait-M. Simonin dans son étude déjà citée (1990), après 52avoir consulté l’exemplaire de la BnF, évidemment le Z Payen 60469 ; « le prologue [de Sebond] est dans toutes les éditions jusqu’en 1581 », précise Céard (1993)70. Mais c’est Alain Guy qui – même s’il est imprécis dans la transcription du titre – va plutôt dans notre sens, quand il indique non pas l’absence du « Prologus » dans l’édition de Ziletti, mais la présence d’une « préface de ce dernier71 ». Francesco Ziletti donne à lire dans sa préface justement une présence et non pas une absence, voire une censure. C’est bien la trace de son indépendance intellectuelle : parce que c’est la trace du « Prologus » interdit.
Sous l’autorité des Lettres de saint Paul aux Colossiens et aux Romains, qui constituent la référence explicite de cette « Præfatio » et garantissent l’orthodoxie de l’imprimeur, quelques-unes des images qui tissaient le fil du discours de Sebond retrouvent leur place. Elles peuvent être moins des lieux communs – ou plus spécifiquement des modes de locution communs –, que la marque d’une lecture : elles disent la volonté de continuer ce discours, de le faire passer à travers les portes que la censure laissait entrouvertes.
L’aveuglement de l’homme, « caecus72 » face à l’univers des créatures chez Sebond, est lu par Ziletti et en quelque sorte répété comme la condition existentielle des hommes, qui « caecutierint73 » face à l’univers divin. La lumière qui est celle du second livre, « Scripturae74 », chez Sebond, nécessaire aux aveugles, est la « lux evangelica75 », seule capable d’ouvrir les yeux au genre humain – « humano generi76 » –. L’intelligence 53subtile des philosophes de la nature n’aurait jamais suffi77 – cela est admis –, mais un parcours privilégié de connaissance est à reconnaître, selon Ziletti, « in nostro Raymundo quem hic edimus, ita pulchre et affabre ut in nullo alio nostræ tempestatis Theologo78 ». Le prologue de Sebond avait indiqué ce parcours par la définition même de sa science, la théologie naturelle : « vilis » à l’apparence « quia incipit in rebus minimis79 ». Le résultat le plus élevé qui soit devenait manifeste à la fin de la déduction, soit du très long chemin parcouru :
sed tamen in fine sequitur fructus infinitus et notitiae nobilissimae de homine et de Deo. Quia quanto magis incipit in rebus humilibus, tanto magis ascendit ad altissima et ardua80.
Ziletti l’indique – ou le répète – comme le parcours déductif « a minimis ad altiora sensim progrediendo81 ». Le livre qu’il édite est le moteur qui conduit au résultat, « ad maximarum tandem rerum contemplationem, hominum mentes deducit82 ». Sa publicité du livre, soit de la théologie naturelle, porte bien évidemment sur l’admiration qu’il faut accorder à cette « humanarumne an divinarum rerum scientiam83 », sur l’enthousiasme, au sens propre, qu’elle suscite. Et le contenu de la Theologia naturalis 54se laisse lire dans la triple argumentation qui donne le détail de cet enthousiasme : « sive rerum ubertatem ac varietatem », « sive argumentorum veluti phalanges quasdam inexpugnabiles, et eorum pulcherrimam seriem », « sive etiam in penetrandis et veluti e nucleo extundendis abditis rerum divinarum sensibus, et sublimium abstrusarumque rerum veris indagandis causis84 ».
Il ne faudrait donc pas dire que la Theologia vénitienne a été éditée en 1581 « sans le prologue85 ». Il faudrait dire qu’elle a été éditée sans le prologue de Sebond, mais avec le prologue d’un imprimeur italien, en latin, qui se fait son paladin, le défenseur de l’œuvre, le vengeur des peines qu’elle a subies. À la limite, et par l’un des nombreux paradoxes qui caractérisent l’histoire du livre, le malentendu qui a été à l’origine des censures matérielles de la « Præfatio » de Ziletti nous aide à comprendre ce rôle chevaleresque qu’avait assumé son entreprise. Dans des contextes socio-culturels où Ziletti n’était pas vraiment connu (donc ailleurs qu’à Venise et Padoue où tous savaient que Ziletti n’était pas Raimond Sebond), il arrivait qu’on censurât sa « Præfatio » par excès de zèle, en mutilant le livre comme on le faisait normalement pour les éditions antérieures, pourvues du prologue mis à l’Index. C’est ce que l’on voit dans les deux exemplaires de cette Theologia naturalis qui sont à la bibliothèque municipale « Planettiana » de Jesi, dans celui qui est à la municipale « Passerini Landi » de Piacenza, dans deux des trois exemplaires de la Nationale Centrale de Rome et dans celui que possède la Vallicelliana, pourvu d’un ex-libris de Pierre Morin, dans deux exemplaires bolognais… et très vraisemblablement dans beaucoup d’autres qui avaient surtout circulé dans les États de l’Église86. Le combat pour 55défendre le seuil du livre avait en quelque sorte un adversaire inflexible, soumis un peu à l’aveuglette aux indications de lecture qui venaient de l’autorité ecclésiastique. Le protecteur de ce seuil et le vengeur du livre devait être alors un personnage plus fort, plus flexible et plus indépendant que cet adversaire.
On comprend que Francesco Ziletti ait choisi comme dédicataire Giovanni Donà. Il adresse son ‘nouveau’ prologue du livre à son « dignum […] patronum ac vindicem87 » : Giovanni Donà protège la Theologia naturalis et la venge de la mutilation de son prologue original à partir d’une position très élevée, dans le combat. Il était sénateur, en 1581, mais au cours de sa longue carrière au service de la Sérénissime il avait aussi été l’un des trois « Savi sopra eresia », chargé à deux reprises par le gouvernement du contrôle de la censure. Ce contrôle s’exerçait à Venise dans un sens objectif, que Ziletti rappelle dans sa préface comme « summam illam » « potestatem […] censoriam88 » : c’était la charge apparemment inverse de 56contrôler que la censure, l’Inquisition, l’Index, l’Église ne contredisent pas trop les prérogatives essentielles de la liberté vénitienne.
Figure de pointe de l’anticléricalisme de la Sérénissime, Giovanni Donà avait été formellement identifié dès 1569 dans les Nunziature di Venezia du cardinal Facchinetti comme « huomo ordinariamente contrario all’ecclesiastici89 ». Dans sa fonction de chef du Conseil des Dix, il s’était opposé en 1578 aux autorités pontificales en refusant de livrer au pape Cornelio Sozzini, qui était enfermé dans les prisons de Venise90. Dans l’année universitaire 1580/1581 il était « Riformatore dello studio di Padova91 », soit l’un des trois responsables annuels du contrôle vénitien sur l’université de Padoue, sur ses « Dottorati », sur ses enseignants, sur leurs salaires et leurs enseignements. Au cours de l’automne 1580, au moment de cette coïncidence entre une édition de Sebond qui se projette et se prépare dans l’atelier de Francesco Ziletti et le fameux passage de Montaigne par Venise, Giovanni Donà était au sommet de la hiérarchie des garants de la liberté vénitienne dans la formation des jeunes générations. Il avait le même âge que l’ambassadeur de Henri III qui était à cette époque à Venise, le diplomate libéral Arnaud du Ferrier, juriste et humaniste faisant partie du grand réseau des « personnes de doctrine et de piété92 ». La présence de Giovanni Donà dans le milieu de 57l’ambassade du roi de France et ses fréquentations du cénacle hétérodoxe qui se réunissait autour d’Arnaud du Ferrier sont connues.
Les actes d’un procès que l’Inquisition instruisit contre un réformé italien, Endimio Calandra, ancien secrétaire du cardinal Ercole Gonzague, le décrivent comme un chercheur ou chasseur de livres, qui profitait de ce cénacle franco-italien pour entrer en possession d’ouvrages interdits. Il avait pu, par exemple, s’acheter une traduction de Sleidan en italien, justement grâce à Endimio Calandra, qui avait habité à Venise à l’époque de la première ambassade de Du Ferrier, entre 1565 et 1566. D’après les actes du procès, lors d’une rencontre dans la demeure de l’ambassadeur au palais Michiel, Giovanni Donà aurait dit qu’il avait le droit « di legger ogni libro » : les services qu’il demandait pour ses lectures étaient vite satisfaits93. Le palais Michiel semble avoir recouvert la fonction d’un lieu privilégié, car dans ce cadre des prérogatives juridiques favorisaient les échanges entre les hôtes de l’ambassadeur, fussent-ils des hôtes de marque ou des habitués plus ordinaires. Ces hôtes et ces habitués pouvaient s’appeler François Perrot, Philippe Canaye de Fresne, Philippe de Mornay, Endimio Calandra, Giovanni Donà ou autre : ils formaient un petit monde qui reflétait les sympathies de l’ambassadeur Du Ferrier pour « les innovations calviniennes94 ». Mais ils situent surtout le « Riformatore dello Studio », Giovanni Donà, dans le même contexte qui accueillit Charles d’Estissac et Montaigne à Venise le 6 novembre 1580, sous le 58signe de cette « bonne chère95 » que Du Ferrier faisait à ses hôtes et que Montaigne a mise à l’honneur dans son Journal.
C’était un petit monde bien relié à la grande circulation des livres, dans l’Europe de ce dernier tiers du xvie siècle : qu’un Sleidan aux origines strasbourgeoises et traduit en italien en 1557 pût y transiter96 ne représente qu’une des innombrables pièces de la mosaïque, qui réunissait les sujets d’un roi, les membres d’une République, leur culture mise au service de la paix civile, ou d’une paix européenne, ‘politique’ au sens large. Des liens secondaires, comme celui que pouvaient entretenir l’ambassadeur Du Ferrier et Montaigne en tant qu’auteurs qui avaient publié chez le même imprimeur bordelais – Simon Millanges –, l’un, en 1577, sa traduction d’Athénagore, l’autre en 1580 ses Essais, ne comptaient probablement pas davantage, mais ils donnent le sens de cette mosaïque97. Des livres, des exemplars, des manuscrits prêts à être imprimés, des hommes, des chevaux, des courriers parcouraient les routes d’une Europe, ou d’une France-Italie que des étapes sures, des repères fixes jalonnaient et rendaient moins grande. L’ambassade de Venise était l’un de ces repères, prêt à accueillir (par exemple Giovanni Donà, ou Montaigne) et prêt faire partir vers l’extérieur ce qu’elle avait accueilli (par exemple une Theologia naturalis, dont un traducteur des pères de l’Église comme Du Ferrier savait comprendre l’importance et qui aurait pu être suggérée à l’imprimeur vénitien par Giovanni Donà).
Resterait alors à faire un travail sur le texte de la Theologia naturalis vénitienne et sur la traduction de Montaigne, pour absurde que cela pût sembler au premier abord. L’édition vénitienne paraît quarante ans après le séjour de Pierre Bunel à Montaigne, treize ans après la date que Montaigne a choisie pour sa dédicace de la Théologie naturelle, douze ans après la première édition chez Chaudière, Gourbin et Sonnius, et on n’analyse certainement pas une traduction à rebours, dans la chronologie qui va de la source à la traduction. Mais l’édition de Ziletti est 59aussi l’un des résultats de cette transformation dont parle Olivier Millet et qu’a connue le texte de Sebond. La Theologia naturalis était quand même un best-seller de son époque, au moins jusqu’aux années 1540, et la richesse de l’annotation manuscrite dans les exemplaires antérieurs à 1581 que nous pouvons consulter un peu partout, en Europe, témoigne d’une envie de commentaire, ou de correction, ou simplement d’étude que le texte continuait à susciter. L’édition de Ziletti pourrait avoir été réalisée à partir d’une édition beaucoup corrigée, beaucoup annotée, glosée même – ou à partir d’un manuscrit – qui reproduisait la transformation que la Theologia naturalis avait connue pendant ces quarante ans. La date de 1581 représenterait le moment d’un aboutissement de cette transformation aussi bien pour le texte en latin publié à Venise, que pour le texte français, revu pour la seconde édition de la traduction de Montaigne. Une comparaison entre l’édition de Ziletti et la Théologie naturelle de Montaigne, qui analyserait la langue, les usages lexicaux, les variantes du style et qui se fonderait sur les deux textes de 1581, pourrait donner lieu à des surprises.
Les dates ne sont pas inutiles d’ailleurs, pour formuler des hypothèses : Montaigne fréquente le palais Michiel, où réside Du Ferrier et que fréquente Giovanni Donà, les 6 et 7 novembre 1580. Son édition revue de la Théologie naturelle et la Theologia de Ziletti paraissent quelques mois plus tard. Montaigne aurait pu avoir dans son bagage, avec son exemplaire de son édition de 1569, corrigée et à remettre bientôt aux imprimeurs parisiens, sa source latine aussi, annotée, à utiliser pour ses propres contrôles avant la réédition. Il aurait pu laisser désormais cette source à Venise, pour alléger son bagage, et parce qu’en tout cas elle ne lui était plus d’aucune utilité, parce que son travail de révision était achevé et qu’il profitait des courriers institutionnels et sûrs, qui partaient de chez l’ambassadeur pour Paris – et il y en a un qui part justement le jour même du départ de Montaigne de Venise98 –, pour envoyer à 60Paris son exemplaire de 1569, prêt à être mis à nouveau sous presse avec toutes ses corrections, pendant que son Sebond en latin restait à Venise. Son propre Sebond en latin aurait pu arriver par Giovanni Donà dans les mains de Francesco Ziletti, et celui-ci aurait pu en profiter, sur une suggestion de l’ancien « sage sur l’hérésie », pour insérer l’ouvrage du subtil espagnol dans son projet en faveur d’une philosophie théologique, soit en faveur du public des philosophes et théologiens, maîtres et élèves, padouans. C’était un public friand de livres. Des suggestions pour des rééditions qui lui seraient destinées pouvaient être précieuses, surtout si un original déjà glosé, légèrement modernisé était à disposition – même si le but de cet original avait été d’un autre genre, et qu’il avait servi à une traduction française.
Une comparaison qui entrerait dans le détail pourrait soutenir l’hypothèse que les trois activités que nous avons évoquées – le travail du glossateur, le travail du traducteur et celui de l’imprimeur vénitien – avaient produit la même forme textuelle : une forme moderne, alors, et de moins en moins redevable aux structures scolastiques, fût-ce le texte latin ou français. Si cet exemplaire d’une Theologia naturalis ayant servi à Montaigne pour traduire et à Ziletti pour imprimer était ensuite repéré, il y aurait une hypothèse en moins et une preuve philologique en plus.
Anna Bettoni
Università degli studi di Padova
1 « Hexasticon ad Lectorem » et « Ad amplissimum virum, doctrina et eloquentia præstantissimum D. Ioannem Donatum Bernardi F[ilium] Senatorem Clarissimum, imprimis mihi observandum, Præfatio », dans Theologia Naturalis Raymundi de Sabunde Hispani viri subtilissimi : Seu verius Thesaurus divinarum considerationum ex Naturæ fontibus haustarum, tum Theologis, tum Philosophis, atque universis scientiarum artiumque studiosis plurimum profuturus : Quod cognoscere licebit ex luculenta quam hic præmisimus præfatione ad Amplissimum virum D. Ioannem Donatum Senatorem Venetum, Venise, Francesco Ziletti, 1581, f. [a]vo et a2ro-[7]vo. Nous abrégeons dorénavant par Theologia Naturalis, Venise.
2 F. Ziletti, « Ad amplissimum virum, doctrina et eloquentia præstantissimum D. Ioannem Donatum…, Præfatio », dans Theologia Naturalis, Venise, f. a[5] ro. Trad. : « je considérai qu’il valait la peine de le faire, voire de mettre sous nos propres presses, en le recomposant grâce à une forme de caractères typographiques plus belle et plus élégante, ce livre du très docte et très subtil Théologien et Philosophe, Docteur en Médecine très célèbre à son époque, Raymond de Sebond, Théologien Naturel, [ce livre] inscrit à son nom, singulier dans son genre, certes déjà imprimé autrefois, mais tout récemment et à nouveau revu avec notre plus grand soin ».
3 Michel Simonin, « La préhistoire de l’Apologie de Raimond Sebond », dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond ». De la Theologia à la Théologie, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, Paris, Champion, 1990, p. 87.
4 Montaigne, Les Essais, II, xii, éd. J. Balsamo, M. Magnien, C. Magnien-Simonin, A. Legros, Paris, Gallimard, 2007, p. 458.
5 Nous nous référons à Georges de Selve et au travail de Michel Magnien, « Dolet éditeur de Georges de Selve et le rôle de Pierre Bunel : un évangélisme cicéronien ? », dans Études sur Étienne Dolet. Le théâtre au xvie siècle. Le Forez, le Lyonnais et l’histoire du livre, publiées à la mémoire de Cl. Longeon, éditées par G.-A. Pérouse, Genève, Droz, 1993, p. 103-119.
6 M. Magnien, « Dolet éditeur de Georges de Selve… », art. cité, p. 119.
7 Cf. Jean Balsamo, « Un gentilhomme et sa Théologie », dans « Dieu à nostre commerce et société ». Montaigne et la théologie, études publiées sous la dir. de Ph. Desan, Genève, Droz, 2008, p. 122 (voir également la bibliographie que Balsamo a établie « des éditions de la Théologie naturelle publiées du vivant de Montaigne », ibid., p. 124-126).
8 Montaigne, Les Essais, II, xii, op. cit., p. 458.
9 « Notre vigilance critique doit s’exercer – écrivait Simonin dans “La préhistoire de l’Apologie de Raimond Sebond” – et, à l’opposé de tous ceux qui ont cru authentique cette version de la préhistoire de la traduction de Sebond, la tenir pour suspecte, quitte, au terme de l’enquête, à lui reconnaître quelque vraisemblance » (M. Simonin, « La préhistoire de l’Apologie… », art. cité, p. 96).
10 Voir la notice de J. Balsamo qui analyse II, xii, dans Montaigne, Les Essais, op. cit., p. 1555, et la note 4, p. 1565.
11 Olivier Millet, « Le langage de la théologie : latin médiéval et éloquence humaniste dans la traduction française de la Théologie naturelle », dans « Dieu à nostre commerce et société ». Montaigne et la théologie, études publiées sous la direction de Philippe Desan, Genève, Droz, 2008, p. 154.
12 Ibidem.
13 Cf. Jean Céard, « Montaigne traducteur de Raimond Sebond : positions et propositions », Montaigne Studies, V, 1993 (Montaigne traducteur. Montaigne voyageur, guest Editor Fr. Rigolot), p. 24.
14 Montaigne, Les Essais, II, xii, op. cit., p. 459. « On peut même penser que, si le livre de Sebond a pu s’égarer “soubs un tas d’autres papiers abandonnez”, c’est que c’était un manuscrit, qui pouvait être assez mince » (J. Céard, art. cité, p. 24).
15 Cf. J. Céard, ibid., p. 25 et la description du ms 10592 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich par Alain Guy, « Bibliographie. 1. La Theologia naturalis », dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond ». De la Theologia à la Théologie, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, Paris, Champion, 1990, Études montaignistes, VI, p. 303.
16 Mireille Habert, Montaigne traducteur de la Théologie naturelle. Plaisantes et sainctes imaginations, Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 34-35, 86, et passim (la Thèse de M. Habert date de janvier 2002 : Le système des gauchissement dans la traduction par Montaigne du Liber creaturarum de Raymond Sebond, sous la direction d’André Tournon, Université d’Aix-Marseille / Université de Provence, 2002 ; voir aussi l’étude, bien antérieure, de M. Habert, « L’inscription du sujet dans la traduction par Montaigne de la Theologia Naturalis », Montaigne Studies, V, 1993, p. 27-48). En 2007, dans sa notice sur II, xii, J. Balsamo a par ailleurs formulé l’hypothèse d’une traduction établie « sur un texte […] proche de la première édition lyonnaise » de Sebond (Montaigne, Les Essais, op. cit., p. 1555). En 1996, dans son livre Montaigne et Sebond. L’art de la traduction (et aussi plus tard dans d’autres travaux) Philip Hendrick a par contre soutenu l’indifférence d’une identification de la source de Montaigne, « la question de la fidélité littérale à l’original » n’étant pas considérée comme prioritaire dans une étude fondée sur la créativité du traducteur (Ph. Hendrick, Montaigne et Sebond. L’art de la traduction, Paris, Champion, 1996, p. 9 et passim). On attend de lire la mise au point qui sera faite par Alberto Frigo, dans son édition critique de la traduction de Montaigne (textes latin et français en regard), en préparation pour la collection des Essais philosophiques sur Montaigne et son temps, chez les Classiques Garnier.
17 Cf. l’introduction de Friedrich Stegmüller, dans Raimundus Sabundus, Theologia naturalis seu liber creaturarum, Faksimile-Neudruck der Ausgabe Sulzbach 1852, mit literargeschichtlicher Einfürung und kritischer Edition des Prologs und des Titutlus I von Fr. Stegmüller, Stuttgart-Bad Cannstatt, F. Frommann, 1966, p. 11*-13*. Il faudrait s’arrêter sur l’introduction des manchettes, dans un livre si dense comme le Liber creaturarum sive de homine, devenu depuis l’édition Paffroed Theologia naturalis sive Liber creaturarum, specialiter de homine (voir M. Habert, Montaigne traducteur…, op. cit., p. 91-98) : qu’il suffise ici de rappeler qu’elles étaient imprimées en caractères du même corps que le texte, toujours à majuscule initiale, et que leur lecture suivie donnait une possibilité ultérieure de réception du texte. Beaucoup d’exemplaires annotés que nous avons analysés présentent dans les marges un travail ‘mnémotechnique’ manuscrit justement d’une manchette imprimée à l’autre, ce qui créait dans les marges entièrement remplies une sorte de texte parallèle, lisible presque indépendemment du texte de Sebond : voir l’exemplaire de l’édition Martinus Flach de 1496 ayant appartenu au couvent des Ermites de saint Augustin de Padoue et sur lequel nous reviendrons ci-dessous (Theologia naturalis sive liber creaturarum specialiter de homine et de natura eius inquantum homo…, [Argentinæ, Martinus Flach, 21 janvier 1496], exemplaire de Padoue, B.U., Sec. xv, 582).
18 M. Habert, Montaigne traducteur…, op. cit., p. 36.
19 Voir Aloisius Madre – Helmut Riedlinger, Bibliographie de Friedrich Stegmüller, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1972, 22 p. Friedrich Stegmüller était né en 1902 et nous a laissé quelques centaines de travaux (dont les éditions fondamentales de Raymond Lulle), depuis sa Thèse en 1928 sur Die Prädestinationslehre der Scholastik, jusqu’à la date de son décès, en 1981.
20 R. Sabundus, Theologia naturalis, mit kritischer Edition… von Fr. Stegmüller, op. cit., p. 14*-15*. Cf. Theologia Naturalis, Venise, f. 1ro, soit le f. Aro (en fait : « Theologia naturalis, Raymundi de Sabunde, quae Creaturarum speculationem complectitur : Necnon Hominis officium erga Deum, et Proximum mira arte comprehendit »), alors que le frontispice est évidemment le premier feuillet (des 20 ff. liminaires), f. [a] ro.
21 Bibliographie d’A. Guy, dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond »…, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, op. cit., p. 304.
22 Nous mettons des guillemets à notre traduction-paraphrase du faux titre de cette édition.
23 Voir naturellement Gérard Genette, Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987, p. 32 (mais aussi p. 30, 81, 99 et passim).
24 Notre paraphrase du titre de cette Theologia naturalis fait enfin allusion à une des nombreuses charges que Giovanni Donà (1509-1592) recouvrit pour le gouvernement de la République de Venise au cours de son importante carrière politique : il avait été « Savio sopra eresia » à deux reprises, en 1554 et en 1563 (voir Paul F. Grendler, « The “Tre Savii sopra eresia” 1547-1605 : a prosopographical study », Studi veneziani, nouvelle série, III, 1979, p. 319-321 et Giuseppe Gullino, « Donà (Donati, Donato), Giovanni », in Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto dell’Enciclopedia italiana, 1960-, t. XL, p. 732-734).
25 Cf. José Maria Gomez-Heras, « El Liber Creaturarum de R. Sabunde. Estudio bibliográfico », Cuadernos salmantinos de filosofia, 3, 1976, p. 237-272 et l’excellente mise au point de Jaume de Puig I Oliver, « Deu anys d’estudis sobre Ramon Sibiuda », Arxiu de Textos Catalans Antics, 1, 1982, p. 277-289 (où l’on trouvera de nombreuses suggestions bibliographiques, et par exemple la mention de la note d’Albert Labarre, « Variantes de trois incunables », Gutenberg-Jahrbuch, 1979, p. 96).
26 Antonio Palau y Dulcet, Manual del librero hispanoamericano. Bibliografia general española e hispanoamericana desde la invencion de la imprenta hasta nuestros tiempos…, Barcelona, Libreria Palau, 19662, t. xviii (Rost-Samz), p. 215-219.
27 Trad. : « S’agissait-il d’une simple coïncidence si l’œuvre avait été publiée en 1581, alors que Montaigne voyageait en Italie, et qu’une nouvelle édition de sa traduction était publiée la même année ? » C’est J. Balsamo qui a signalé ce catalogue dans son étude « Un gentilhomme et sa Théologie », art. cité, p. 109, note 18. Voir : Gilhofer & Ranschburg GmbH, Antiquariat, Rare Books and Manuscripts, Occasional List, Lucerne, 1995, no 107 (« Sabunde, Raimundus de (d. 1436). Theologia naturalis. (20), 400 leaves. With the printer’s mark on the title-page. Contemporary limp vellum, a few leaves at beginning a bit browned, some light dampstains but a good copy. Venice, Francesco Ziletti, 1581. Only edition published in Italy during the 16th century […] »). Nous tenons à remercier vivement Mme Serena Keller, de la librairie Gilhofer & Ranschburg, qui a eu l’amabilité de nous transmettre la notice de leur Occasional List de 1995 concernant cette édition vénitienne « published at the instigation of Montaigne ? » (d’après le titre de la notice, ibidem).
28 « Le livre [la Theologia naturalis] en tout cas, sous différents avatars, continuait à connaître une diffusion européenne. Une dernière édition, sans le prologue, fut publiée à Venise, chez Francesco Ziletti ; certains critiques ont cru devoir formuler l’hypothèse extravagante d’une publication à l’initiative de Montaigne, qui séjournait alors en Italie » (J. Balsamo, « Un gentilhomme et sa Théologie », art. cité, p. 109).
29 F. Ziletti, « Ad amplissimum virum, doctrina et eloquentia præstantissimum D. Ioannem Donatum…, Præfatio », dans Theologia Naturalis, Venise, f. a[5] ro (voir la note 2 ci-dessus).
30 Alain Tallon, La France et le Concile de Trente (1518-1563), Rome, École française de Rome, 1997, p. 746.
31 Voir Antonino Poppi, « Una difesa della teologia scolastica contro gli erasmiani. La prolusione di Girolamo Vielmi al corso di Teologia in via Thomæ (1554) », dans Studi di storia religiosa padovana dal Medioevo ai nostri giorni. Miscellanea in onore di mons. Ireneo Daniele, a cura di F. G. B. Trolese, Padooue, Istituto per la storia ecclesiastica padovana, 1997, p. 187-204 et Paolo Preto, « Il vescovo Gerolamo Vielmi e gli inizi della riforma tridentina a Padova », Rivista di Storia della Chiesa in Italia, XX, 1966, p. 8-33.
32 « F[ratris] Petri Martyris Fracheti Rhodigini, dono reverendi et eccellentissimi <sic> theologi magistri Hieronymi Vielmi praeceptoris observandissimi » (ex-libris et ex-dono dans Theologia naturalis sive liber creaturar[um] specialiter de homine et de natura eius inquantum homo, et de his q[uæ] sunt ei necessaria ad cognoscendum seip[su]m et deum et omne debitum ad q[uod] ho[mo] tenet[ur] et obligatur tam deo q[uam] pr[ox]imo, [f. R6ro : « Impressus Nuremberge per Antonium Koberger », 23 septembre 1502], exemplaire de Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Rari 351, f. [A]ro. Nous reviendrons sur cet exemplaire, voir ci-dessous la note 54.
33 Voir A. Poppi, « Una difesa della teologia scolastica… », art. cité, p. 189.
34 Vielmi occupa la chaire de Théologie in via Thomæ à Padoue entre 1554 et 1560 ; il fut appelé ensuite à Rome par Pie IV, et ses cours romains le virent aussi maître théologien de jeunes cardinaux destinés à un futur prstigieux, dont par exemple Charles Borromée ; il participa en 1563 aux dernières sessions du Concile de Trente ; fut nommé à nouveau à l’université de Padoue en 1565, sur la chaire de Saintes Écritures ; eut l’archévêché de Cittanova en Istrie en 1570 ; et se retira enfin à Venise en 1578. Sa mort date de 1582 (cf. Giambattista Soravia, Le Chiese di Venezia, Venezia, Francesco Andreola, 1822, p. 83). Ce qui nous intéresse particulièrement est l’histoire éditoriale de son apologie de la scolastique, parce que la date de sa prononciation à l’inauguration de son cours à Padoue, en novembre 1554, peut paraître trop éloignée des années 1570-1580, qui constituent ici notre contexte de référence. En fait, après la première édition de 1555 (Hieronimus Vielmus, Oratio apologetica qua sacram et divinam theologiam Patavii publice auspicantur, pro temporis angustiis utcumque sacræ et scholasticæ theologiæ obtrectacoribus respondit, Venise, [Giovanni Griffio], 1555), cette apologie fut rééditée en 1564 et en 1575 (Hieronimus Vielmus, Oratio apologetica adversus obtrectatores Theologiæ, præsertim Scholasticæ, in Id., De D. Thomæ Aquinatis scriptis, Padoue, Lorenzo Pasquati, 1564, f. 80ro-95vo et in Id., De Sex diebus conditi liber […], Venise, Giunta, 1575, p. 441-452).
35 Nous utilisons l’édition de 1564 (qu’on répère très facilement dans les bibliothèques) de cette Oratio apologetica adversus obtrectatores Theologiæ, præsertim Scholasticæ, in H. Vielmus, De D. Thomæ Aquinatis scriptis, Padoue, L. Pasquati, 1564.
36 H. Vielmus, Oratio apologetica…, op. cit., f. 82ro, comme la citation qui suit.
37 Ibidem.
38 Ibid., 87ro. Trad. : « Et en réalité elle mérite de n’etre nullement définie comme une Théorie naturelle, mais comme une contemplation divine, qui, à l’aide de la lumière divine, ramène perpetuellement les créatures à Dieu, comme s’il était tout proche ».
39 D’après le titre que nous venons de citer (Theologia Naturalis… Seu verius Thesaurus divinarum considerationum ex Naturæ fontibus haustarum, tum Theologis, tum Philosophis, atque universis scientiarum artiumque studiosis plurimum profuturus…).
40 Voir le titre de Marco Antonio Mocenigo, De Anima, eiusque divino ad Deum raptu Liber primus : in quo subtilissimæ quæstiones, et valde ad hæc tempora accomodatæ, tractantur. Philosophis, theologis, omnibusque veræ contemplationis amatoribus, opus pernecessarium, Venise, Francesco Ziletti, 1581, in-folio.
41 M. A. Mocenigo, De Transitu hominis ad Deum Liber primus : in quo singulæ quæstiones de Anima lucidissime explicantur. Cum privilegio, Venise, Bolognino Zaltieri, 1568, in-folio. Dans l’édition de Ziletti de 1581 (De Anima […]. Philosophis, theologis, omnibusque veræ contemplationis amatoribus, opus pernecessarium, op. cit.) seule la page de titre a été modifiée, le reste du livre étant une réimpression de l’édition Zaltieri de 1568 et le titre intérieur (à la p. 1, après les liminaires, soit au f. Aro) restant De Transitu hominis ad Deum.
42 M. A. Mocenigo, De Transitu hominis ad Deum …, op. cit., f. †2 vo. La foliotation est identique dans l’édition de Ziletti de 1581 (De Anima, eiusque divino ad Deum raptu…, op. cit.).
43 « Divina pœnitus, et abstracta sit » (M. A. Mocenigo, De Transitu hominis ad Deum …, op. cit., p. 136-142).
44 « Decima opinio de agente causa transitus ; quod sit anima mundi » (ibid., p. 439-447).
45 « Quod sit spiritus animæ mundi », « Undecima opinio […] » (ibid., p. 447-450).
46 Voir Diana Settepanella, Le edizioni del xvi secolo conservate nella Biblioteca statale del Monumento nazionale dell’Abbazia di S. Giustina in Padova : catalogo alfabetico per autore, Tesi di laurea specialistica in Scienze del libro, della biblioteca e dell’archivio, Università degli studi di Pisa, 2011/12, sous la direction de Mme Le Professeur Cristina Moro, p. 111 (exemplaire CN48 de Mocenigo, De transitu…, op. cit. : 295x203 mm.). Nous remercions vivement Mlle Settepanella et le Rev. p. Giulio Pagnoni o.s.b. pour leur précieuse collaboration à notre recherche.
47 Girolamo Catena, Discorso […] sopra la traduttione delle scienze, et d’altre facultà, Venise, F. Ziletti, 1581, f. B[1]ro. Trad. : « Très prudente ravitailleuse de ses dons aux hommes ».
48 Ibidem. Trad. : « les esprits libres, et fournis à plein titre de raison ».
49 Battista Aymo, Tractatus de fluviorum alluvionibus, deque iis, quæ ex alluvione nascuntur commodis, et incommodis, Venise, F. Ziletti, 1581, in-folio, ill., tables repliées h.t., dédié à Octave Farnèse.
50 Psalmi Davidis, latinis versibus redditi a Bartolomæo Botta, […]ab eodem commentarijs locupletissimis illustrati, Venise, F. Ziletti, 1581, in-folio (distribution des commentaires en encadrement, autour de chaque psaume, imprimé pour Matteo de Fortis, libraire romain).
51 Liber Creaturarum sive de homine compositus a reverendo raymundo Sebeydem, [Lyon, Iohannes Siber, ca. 1484-1487], exemplaire de Padoue, B.U., Sec. xv, 852, f. a ro. Trad. : « L’Introduction est interdite et à lire avec précaution, parce qu’elle concède trop aux forces de la nature, et qu’elle sent le pélagianisme ».
52 Theologia naturalis sive liber creaturarum specialiter de homine et de natura eius inquantum homo et de his quæ sunt ei necessaria ad conoscendum seipsum et deum et omne debitum ad quod homo tenetur et obligatur tam deo quam proximo, [Argentinæ, Martinus Flach, 21 janvier 1496], exemplaire de Padoue, B.U., Sec. xv, 582, f. [1]ro.
53 Ibidem. Trad. : « à lire avec précaution ».
54 Theologia naturalis sive liber creaturar[um] specialiter de homine et de natura eius inquantum homo, op. cit. (exemplaire déjà cité à la note 32 : Venise, Marciana, Rari 351), f. [A]ro. Deux remerciements s’imposent, les deux vivissimes et de la même importance : M. Carlo Campana, de la Biblioteca Nazionale Marciana, a eu l’amabilité d’autoriser une reproduction partielle de cet exemplaire, pour que je puisse mieux y travailler, mieux lire les ex-libris, mieux comprendre le découpage et l’expurgation du prologue ; M. Francesco Piovan, du Centro per la Storia dell’Università di Padova, a lu avec moi ex-libris et notes manuscrites et, à partir de l’ex-dono de Girolamo Vielmi, m’a ouvert tout l’horizon des études théologiques padouanes dans le dernier tiers du xvie siècle. Sans ces aides, je ne serais pas arrivée bien loin, et ma gratitude reconnaît ici le sens de notre travail.
55 Theologia naturalis, sive liber creaturarum specialiter de ho[m]i[n]e. Et de his q[uæ] sunt ei necessaria ad cognoscendum seipsum et deu[m] et omne debitu[m] ad quod homo tenetur et obligatur tam deo q[uam] proximo, [f. H7vo : « Impressus Lugd[uni] per Iacobus Myt », 15 mai 1526], exemplaire de Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, 49.c.173.
56 Liber creaturarum. Theologia naturalis, sive liber creaturarum specialiter de homine, et de natura eius inquantum homo, et de his, quę sunt ei necessaria ad cognoscendum seipsum et Deum et omne debitu[m], ad quod homo tenetur, et obligatur tam Deo, quam proximo, [f. 247vo : « Impressus Lugduni 1540 »], exemplaire de Padoue, B.U., 32.b.201, f. [1]vo.
57 Ibid., ff. a ij ro-a iij vo (trad. : « Le sujet du livre. L’utilité du livre. La nécessité du livre. La suffisance du livre. Le mode de cette science. L’utilité extérieure du livre. Les deux livres qui nous ont été donnés. La différence entre ces deux livres. La qualité de l’apprentissage. La substance de cette science ») ; cf. les variantes de ces manchettes dans les notes « in marg. » de l’édition R. Sabundus, Theologia naturalis, mit kritischer Edition… von Fr. Stegmüller, op. cit., p. 26*-39*.
58 R. Sabundus, Theologia naturalis, mit kritischer Edition… von Fr. Stegmüller, op. cit., p. 34*. Parmi les nombreuses études sur la langue de la Theologia naturalis, nous signalons naturellement les travaux d’Alain Guy (voir aussi la bibliograhie qu’il établit dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond »…, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, op. cit., p. 301-319, et son article « La Theologia naturalis en son temps : structure, portée, origines », ibid., p. 14-47), mais nous empruntons l’idée de ‘registre scolastique’ à Olivier Millet, « Le langage de la théologie… », art. cité, p. 139-155. Malgré les critiques qu’elle a reçues, nous avons beacoup aimé l’analyse de Pou i Rius, que cite dans le détail Jaume de Puig I Oliver (« Deu anys d’estudis sobre Ramon Sibiuda », art. cité, p. 279-280) : « El Liber Creaturarum és una obra teológica, en la qual Ramon Sibiuda confon amb facilitat els dominis de la filosofia i de la teologia ; per aquesta i per altres causes el seu llibre inspira profundes reserves. Però l’atenció de Ramon Sibiuda a l’home, la seva antropologia insistent en fan un home actual, un precedent llunyà de Teilhard de Chardin i de la “declaració dels drets de la persona humanaˮ. Sibiuda és un pensador solitari en un temps de transició, i la seva originalitat rau en el mètode : “l’antropologia de Sibiuda és una filosofia historificadaˮ. El Liber Creaturarum no crearà escola, però s’inscriu en els corrents de l’humanisme i el Renaixement que han de venir » (Pou i Rius, Thèse Orientación y método filosófico en los pensadores renacentistas de la Corona de Aragón, sous la direction de Miguel Batllori ; ensuite Id., « La Antropología del Liber Creaturarum de Ramón Sibiuda », dans Analecta Sacra Tarraconensia, XLII, 1969, p. 211-270 et Id., Orientación y métodos filosóficos en los pensadores renacentistas de la Corona de Aragón, Barcelona 1970).
59 Trad. : « science des choses [qu’il faut voir si elles sont] humaines ou divines » (F. Ziletti, « Ad amplissimum virum, doctrina et eloquentia præstantissimum D. Ioannem Donatum…, Præfatio », dans Theologia Naturalis, Venise, f. a4 ro).
60 Notre texte de référence est l’exemplaire padouan de l’édition Sonnius de 1581, que signale aussi Jean Balsamo (« Un gentilhomme et sa Théologie », art. cité, p. 125) : La theologie naturelle de Raymond Sebon, traduicte nouvellement en françois par messire Michel, Seigneur de Montaigne, Chevalier de l’ordre du Roy, et Gentilhomme ordinaire de sa chambre, Paris, Michel Sonnius, 1581, exemplaire de Padoue, Séminaire, Rossa.Sup.App-2.4-3). On sait que la « Preface de l’Autheur » y occupe les ff. 1ro-3vo. Voir l’analyse qu’en fait Mireille Habert dans ses pages consacrées aux « Seuils de l’ouvrage : le prologue » (M. Habert, Montaigne traducteur…, op. cit., p. 46-52) et Philip Hendrick (qui cite aussi le travail classique de Joseph Coppin), Montaigne et Sebond. L’art de la traduction, Paris, Champion, 1996, p. 97-98, 110.
61 F. Ziletti, « Præfatio », dans Theologia Naturalis, Venise, f. a4 vo (trad. : « ce traité est bien digne de posséder de plein droit le nom de Philosophie Théologique, ou, comme son auteur le voulut, celui de Théologie Naturelle »), où le texte continue : « Quid ni enim hanc dicamus Philosophiam ? siquidem, ut veteres illi censuere sapientes, ipsa aliud nihil est, quam humanarum et divinarum rerum scientia, ambabus necessitudinis quodam vinculo inter se sic cohærentibus, ut alteram ab alterius complexu haud rectè unquam divelli posse, sapientissimi quique semper iudicarint : quo fit etiam ut maximus ille Plato qui omnium inter summos illos Philosophos unus, utranque hanc præclarè coniunxit Philosophiæ partem, hac potissimum de causa, iam inde à priscis illis temporibus divini nomen meritò sit consecutus. Huc igitur accedant, et in manus hunc sumere non erubescant Logici, et ex rebus divinis Logices usuum, Theologi quoque, ut Theologiæ docendæ methodum ex Logicis, Philosophi denique, atque universi cultiorum literarum studiosi, ut sinceram Philosophiam, ut divinarum inquam rerum ex Naturalibus, et humanarum ex divinis, præclaram cognitionem, et veram eas docendi rationem, haurire perfectius discant » (f. a4 vo-[5] ro ; trad. : « Pourquoi au fait ne pas la définir comme une Philosophie ? Si vraiment, comme l’affirmaient ces vieux savants, elle n’est rien d’autre qu’une science des choses humaines et divines, étant les deux choses strictement conjointes entre elles par un lien de nécessité, tous les plus savants jugeront toujours qu’aucune ne peut être séparée de droit de sa relation avec l’autre : d’après cela il arrive aussi que ce très grand Platon, qui est l’unique et premier entre les plus grands Philosophes, conjugua magistralement chacune des deux parties de la Philosophie, d’où le nom de divin en suivit par mérite dès les premiers temps. Qu’à cela donc parviennent les Logiciens, et qu’ils n’aient honte de prendre dans leurs mains cet emploi même de la Logique découlant des choses divines, et que les Théologiens aussi, comme méthode d’enseigner la Théologie d’après la Logique, et même les Philosophes, et tous ceux qui étudient les plus belles lettres, apprennent à assumer le plus parfaitement possible la Philosophie sincère, c’est-à-dire la conscience fondamentale des choses divines d’après le Naturelles, et des choses humaines d’après les divines, et qu’ils apprennent à l’assumer aussi comme la véritable raison d’enseigner ces choses »).
62 Condamnation bien connue de l’ouvrage (Index de l’Inquisition espagnole. 1551, 1554, 1559, par J. M. de Bujanda, Genève, Droz, 1984, no 603).
63 Condamnation du seul « Prologus » (Index de Rome. 1557, 1559, 1564. Les premiers index romains et l’index du Concile de Trente, par J. M. de Bujanda, Genève, Droz, 1990, no 892 ; voir le classique M. Scaduto, « Laìnez e l’Indice del 1559. Lullo, Sabunde, Savonarola, Erasmo », Archivium Historicum Societatis Iesu, XXIV, 1955, p. 6-8). Dans son analyse des prétendues modifications introduites par Montaigne dans sa traduction du « Prologus », Jean Céard se demande : « est-on bien sûr que Montaigne savait que ce Prologue était censuré ? » (J. Céard, « Montaigne, traducteur… », art. cité, p. 25).
64 Index librorum prohibitorum, cum regulis confectis per Patres, à Tridentina Synodo delectos : Santissimi Domini Pii IIII. Pontificis Maximi authoritate comprobatus, Venise, Francesco Ziletti, 1579, in-8o, 16ff. non ch. reliés à la suite des Canones, et decreta sacrosanti œcumenici et generalis Concilii Tridentini. Sub Paulo III, Iulio III et Pio IIII Pontificibus Max[imis] […], Venise, F. Ziletti, 1579, in-8o (contenant évidemment toutes les oraisons des « Legati » des états européens, dont parmi les « Oratores Christianissimi Galliarum Regis » on retrouve Louis de Lanssac, Arnaud du Ferrier, Guy du Faur de Pibrac, Philippe du Bec… : cf. ff. Y[1]vo-Y[6]vo ; voir la collection Concilium Tridentinum. Diariorum, actorum, epistolarum, tractatum nova collectio, Herder, Fribourg-en-Brisgau, 1901-1985, 13voll.).
65 Index librorum prohibitorum…, op. cit., f. Ee[7]ro.
66 F. Ziletti, « Typographus piis lectoribus S. D. », dans Canones, et decreta sacrosanti œcumenici et generalis Concilii…, op. cit., f. A3vo. Trad. : « Les hommes impies, ou plutôt les ministres ennemis des hommes, en niant leur soutien à la saine doctrine et se disputant entre eux, suscitèrent des opinions très fausses et des hérésies extrèmement diverses, obscurcirent la foi catholique, brouillèrent les rites très saints, corrompirent les mœurs très honnêtes, et dissipèrent, ô Seigneur, ta loi : lorsque le jour le plus clair resplendit, dans lequel Dieu commanda de convoquer, de cèlébrer et de mener à bon terme le Concile de Trente, qu’enfin nous voyons heureusement achevé ».
67 « Le Prologue manque » (R. Sabundus, Theologia naturalis, mit kritischer Edition… von Fr. Stegmüller, op. cit., p. 14*).
68 Index de Rome. 1557, 1559, 1564…, par J. M. de Bujanda, op. cit., no 892, p. 669.
69 « Ex. à la BN de Paris » dit la note 12 (M. Simonin, « La préhistoire de l’Apologie… », art. cité, p. 87n) et le Z Payen 604 est le seul qui est au catalogue. De façon parfaitement légitime mais significative, ce volume n’est pas étudié par Marcella Leopizzi dans son Michel de Montaigne chez le docteur Payen. Description des lettres et des ouvrages concernant Montaigne dans le Fonds Payen de la Bibliothèque nationale de France, préf. de Giovanni Dotoli, Fasano-Paris, Schena-Éditions Lanore, 2007, justement parce que cette édition vénitienne semble être trop éloignée pour des intérêts montaignistes. Cf. ibid., p. 31, où M. Leopizzi explique qu’elle a recensé « les exemplaires du Fonds Payen dont les titres font […] référence à Montaigne ».
70 J. Céard, « Montaigne, traducteur… », art. cité, p. 23.
71 A. Guy, « Bibliographie. 1. La Theologia naturalis », dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond »…, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, op. cit., p. 304.
72 « Aveugle » (R. Sabundus, Theologia naturalis, mit kritischer Edition… von Fr. Stegmüller, op. cit., p. 36*).
73 « Seraient aveuglés » (F. Ziletti, « Præfatio », dans Theologia Naturalis, Venise, f. a2 vo).
74 « De l’Écriture » (Sabundus, Theologia naturalis, op. cit., p. 36*).
75 « Lumière de l’Évangile » (Ziletti, « Præfatio », op. cit., f. a2 ro).
76 Ibidem.
77 « Cum Ethnicorum Philosophorum […] varii varia ex proprio ingenii acumine sint commenti […] » (ibidem).
78 « Chez notre Raymond, que nous publions ici, [et chez qui on reconnait un discours] d’une telle beauté et d’une telle maîtrise que chez aucun autre Théologien de notre époque » (ibid., f. a3 vo).
79 « Vile », « parce qu’elle débute dans les choses les plus petites » (Sabundus, Theologia naturalis, op. cit., p. 33*).
80 « Mais pourtant le fruit infini et les connaissances très nobles sur l’homme et sur Dieu en sont enfin le résultat, parce que plus on débute dans les choses humbles, plus on s’élève aux très hautes et ardues » (ibid., p. 34*). Ce genre de citations de passages célèbres peuvent paraître inutiles, mais nous croyons qu’elles aident à retrouver la trace – soit lexicale, soit topique – de référence commune entre le texte latin original et son écho lointain, dans cette Venise fin-de-siècle. Nous préférons donc ne pas alourdir notre étude par la mention des importantes analyses que le prologue de Sebond a méritées, le long des siècles, mais nous sommes particulièrement redévables au travail de Jaume de Puig, « L’impensable rationnel dans le Liber creaturarum de Raimon Sebond. Notes au titre I », dans Montaigne, « Apologie de Raimond Sebond »…, études réunies sous la dir. de Cl. Blum, op. cit., p. 69-84, dont nous avons aussi beaucoup utilisé la bibliographie, note 1, p. 69.
81 « Qui avance graduellement, en évoluant peu à peu, des choses les plus petites aux plus élevées » (Ziletti, « Præfatio », op. cit., f. a4 ro).
82 « Il conduit par déduction les esprits des hommes à la contemplation des choses les plus grandes » (ibidem).
83 « Science des choses [qu’il faut voir si elles sont] humaines ou divines » (ibidem).
84 « Soit l’abondance et la variété des choses », « soit des sortes de phalanges inexpugnables d’arguments, et leur très belle série », « soit aussi par les sens secrets des choses divines à pénétrer et à sortir de leur noyau, et par les véritables causes à rechercher, des choses sublimes et obscures » (ibidem, où la conclusion disait justement l’admiration : « in eo admirari debeas », « tu dois t’émerveiller de lui »).
85 M. Simonin, art. cité (voir notre note 3).
86 Voir les exemplaires de Jesi, conv.2. 1104 et conv.2. 1105 ; de Piacenza, cc.xii.60 ; de la Nationale Centrale de Rome, 204.12.A. 14 et 14.35.H. 15 ; de la Vallicelliana (à l’Oratoire des Philippins à Rome), s.bor c.i.65 ; de la Bibliothèque des Collections d’Art et d’Histoire de San Giorgio in Poggiale (Bologne), Fondation CaRisBo, Silvani 200.5550 ; de la Biblioteca provinciale dei frati minori Cappuccini, toujours à Bologne. Notre exemplaire de référence, qui est par contre complet, est celui de la Bibliothèque Universitaire de Padoue, 40.c.196 : theologia / naturalis / Raymundi de Sabunde Hi- / spani viri subtilissimi : / Seu verius / thesavrvs divinarvm / considerationum ex Naturæ fontibus hau- / starum, tùm Theologis, tùm Philoso- / phis, atqȝ uniuersis scientiarum / artiumqȝ studiosis pluri- / mùm profuturus : / Quod cognoscere licebit ex luculenta quam / hic præmissimus præfatione / Ad / Amplissimum uirum D. Ioannem Donatum / Senatorem Venetum. // [marque à la comète entourée des sept étoiles ; devise de provenance horacienne « inter omnes »] // venetiis, / Apud Franciscum Ziletum. / m d lxxxi., in-8o, 20ff. (a8, b8, c4) + 400ff. (A8-Ddd8), explicit au f. 400ro, bas de page (le vo est blanc) : « venetiis, / Apud Franciscum Zilettum. 1581 ». Voir Emerenziana Vaccaro, Le marche dei tipografi ed editori italiani del secolo xvi nella Biblioteca Angelica di Roma, Florence, Olschki, 1983, fig. 525-526 ; Giuseppina Zappella, Le marche dei tipografi e degli editori italiani del Cinquecento, Milan, Editrice Bibliografica, 1986, fig. 376 ; t. I, no lxv a ; t. ii, p. 124 ; Francesco Ascarelli – Marco Menato, La tipografia del ‘500 in Italia, Firenze, Olschki, 1989, p. 221, 389-390, « Veneto : Venezia », « 1549-1595 : Ziletti. Famiglia di tipografi bresciani »). Nous avons également utilisé les exemplaires de la Nazionale Braidense de Milan (F.02.186), de la Civica Bertoliana de Vicence (S22. 4.5 et S5. 7.10) et de la Nazionale Marciana de Venise (157.c.123). Mais on repère cette Theologia naturalis de Ziletti avec une telle facilité, dans les bibliothèques publiques et sur le marché du livre ancien, qu’il n’est pas significatif, dans une réflexion comme la nôtre, de se référer à un exemplaire. Le catalogue italien EDIT16, qui est continuellement mis à jour et enrichi, en mentionne actuellement 42 exemplaires, presque partout en Italie, depuis l’Apostolique Vaticane, ou la bibliothèque de la Pontificia Università Urbaniana, ou la Nationale Centrale, l’Angélique, la Vallicelliana ou l’Alexandrine à Rome jusqu’à la petite Antoinienne de Padoue, ou la Municipale « Angelo Mai » de Bergame, la Bibliothèque Régionale de Messine ou la Municipale « Luciano Benincasa » d’Ancone, sans compter Naples, Florence, Pérouse… Nous avons mentionné l’exemplaire du fonds Payen (Z Payen 604), mais toute enquête dans les catalogues en ligne donne des résultats positifs, et un exemplaire de la bibliothèque de l’Universidad Complutense de Madrid a d’ailleurs été mis à disposition de google.books et est lisible en ligne.
87 Son « digne protecteur et vengeur » (Ziletti, « Præfatio », op. cit., f. [5] vo).
88 « Ce solennel pouvoir de censeur » (ibid., f. [6] vo).
89 « Homme ordinairement contraire aux ecclésiastiques » (Nunziature di Venezia, t. IX, 26 mars 1569-21 mai 1571, a cura di Aldo Stella, Rome, Istituto storico italiano per l’Età moderna e contemporanea, 1972, p. 91-92).
90 Cornelio Sozzini avait été dénoncé à l’Inquisition vénitienne le 17 novembre 1574 comme personne « molto infetta di fede » : voir la biographie de son frère Fausto Sozzini, savamment reconstruite par Paolo Nardi, Maestri e allievi giuristi nell’Università di Siena : saggi biografici, Milano, Giuffré, 2009, p. 172, note 68 ; et Aldo Stella, « Tra alchimia ed eresia : Cornelio Sozzini e gli alchimisti trevigiani », in Amicitiae causa : scritti in memoria di Mons. Luigi Pesce, a cura di Paolo Pecorari Treviso, Ateneo di Treviso, 2001, p. 175-202.
91 Voir G. Gullino, « Donà (Donati, Donato), Giovanni », in Dizionario biografico…, op. cit., p. 733.
92 Voir Arnaud du Ferrier, dédicace à Pierre du Faur de Saint-Jory, dans Athénagore, Deux opuscules […], contenant une Apologie pour les Chrestiens, aux Empereurs Antonin et Commode, et un traité de la Resurrection des morts : l’un et l’autre mis nouvellement de Grec en François, avec quelques observations, par Arnaud Du Ferrier j[uris]c[onsulte], Bordeaux, Simon Millanges, 1577, f. 29vo, mais la formule « homme de doctrine et de piété » était topique, utilisée pour définir les humanistes-juristes “politiques” ou plus souvent réformés. Nous nous permettons de renvoyer à notre étude « Il viaggio di Duplessis-Mornay nei Mémoires di Charlotte Arbaleste : riflessioni sul senso di un lessico », dans Les pas d’Orphée. Scritti in onore di Mario Richter, a cura di Maria Emanuela Raffi, Padoue, Unipress, 2005, p. 71-86. Sur Du Ferrier voir notamment Édouard Frémy, Un ambassadeur libéral sous Charles IX et Henri III. Ambassades à Venise d’Arnaud du Ferrier d’après sa correspondance inédite (1563-1567, 1570-1582), Paris, Leroux, 1880 ; Fleury Vindry, Les ambassadeurs français permanents au xvie siècle, Paris, H. Champion, 1903, p. 41 ; Alain Tallon, La France et le Concile de Trente (1518-1563), Rome, École française de Rome, 1997, passim ; Id., « Diplomate et “politique” : Arnaud du Ferrier », dans De Michel de L’Hospital à l’Édit de Nantes. Politique et religion face aux Églises, sous la dir. de Thierry Wanegffelen, Clermont-Ferrand, Presses Univ. Blaise Pascal, 2002, p. 305-333 ; et notre étude « Duplessis-Mornay et la “famille” de l’ambassade d’Arnaud du Ferrier à Venise », dans Albineana, 18 (2006) : Servir Dieu, le Roi et l’État. Philippe Duplessis-Mornay (1549-1623), Actes du Colloque de Saumur, réunis par Hugues Daussy et Véronique Ferrer, p. 381-407.
93 Les « gentilhuomini havevano licenza di legger ogni libro » (Confessio d’Endimio Calandra, 17 mars 1568, éd. critique dans Sergio Pagano, Il processo di Endimio Calandra e l’Inquisizione a Mantova nel 1567-1568, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1991, p. 228. Trad. : les « gentilshommes avaient licence de lire n’importe quel livre »). Voir notre étude « Arnaud du Ferrier et les Français de Venise à l’époque de la peste de 1576 », dans Chemins de l’exil. Havres de paix. Migrations d’hommes et d’idées au xvie siècle, Actes du Colloque de Tours (cesr, 8-9 novembre 2007), réunis par J. Balsamo et Chiara Lastraioli, Paris, Champion, 2010, p. 261-288.
94 Montaigne, Journal de voyage, éd. par Fausta Garavini, Paris, Gallimard, 1983, p. 162.
95 Ibidem.
96 Nous avons analysé cet aspect dans notre « Arnaud du Ferrier et les Français de Venise… », art. cité, p. 270 : les Commentarii, ò vero Historie di Gio[vanni] Sleidano, ne le quali si tratta de lo stato della repub[lica] e de la religione christiana, e di tutte le guerre e altre cose notabili, che sono occorse nell’Europa da l’anno mdxvii insino al lv. Tradotte nuovamente in lingua Toscana, avaient paru à Venise chez Giordano Ziletti, le père de Francesco, en 1557, mais s.n.t.
97 Arnaud du Ferrier avait envoyé sa traduction d’Athénagore à Millanges depuis Venise : voir A. Bettoni, « Arnaud du Ferrier et les Français de Venise… », art. cité, p. 278, et ci-dessus la note 92.
98 L’ambassadeur Arnaud du Ferrier n’écrivit apparemment pas à la cour pendant les jours où le jeune Charles d’Estissac et Montaigne étaient à Venise : la copie de sa correspondance (Paris, BnF, Collection des Cinq Cents de Colbert, mss 366-368) présente deux dernières lettres au roi et à la reine à la date du 28 octobre 1580 (Cinq Cents de Colbert, ms 368, f. 153-161), et ensuite deux lettres au roi et à la reine qui sont datées du même jour où D’Estissac et Montaigne quittent Venise, le 11 novembre (ibid., f. 162-169). La lettre « Au Roy. Du 11e novembre 1580 » est notamment très longue et détaille toutes les nouvelles que Du Ferrier avait pu apprendre sur le siège de La Fère, ce qui témoignerait de renseignements récents, donc des conversations avec ses hôtes de marque les jours précédents (voir ibid., f. 162-166).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09085-4
- EAN : 9782406090854
- ISSN : 2261-897X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09085-4.p.0033
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/03/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français