Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : À quoi bon la littérature ? Réponses à travers les siècles, de Rabelais à Bonnefoy
- Pages : 357 à 361
- Collection : Rencontres, n° 407
Résumés
Olivier Pot, « L’énigme de la littérature ou l’éloge du “gai savoir”. Le “Prologue” du Gargantua de Rabelais »
Le Prologue du Gargantua a toujours déconcerté. Il ironise sur la pratique de l’allégorèse biblique tout en invitant ses lecteurs à méditer sur la « substantifique moelle » de l’œuvre. La résolution de cette aporie relèverait de l’affirmation d’une « communauté interprétative » en même temps que de la valorisation d’un « cogito gustatif ». « Manière laïque, non cléricale, mais très-religieuse toujours » (Montaigne) de lire, penser et philosopher, qui n’est rien moins pour nous que l’invention de la littérature.
Patrick Labarthe, « L’Illusion comique ou Corneille et le statut socio-moral de l’illusion »
L’« étrange monstre » qu’est L’Illusion comique propose une apologie du théâtre, où le mage Alcandre rejoint le Prospéro de The Tempest de Shakespeare. L’œuvre est étudiée à partir de la scène 6 de l’acte V, quand Pridamant découvre les vertus, les mécanismes et la légitimité socio-morale de l’illusion théâtrale. L’article montre ainsi comment cette pièce, qui est un voyage au pays de la fiction vécue comme le relais d’une conquête de soi, est aussi un voyage à travers les styles.
Ursula Bähler, « Le Traité de l’origine des romans de Pierre-Daniel Huet. Une apologie ambiguë du roman moderne »
La lecture traditionnelle du Traité de l’origine des romans comme « apologie du roman » se révèle réductrice à la lumière d’une analyse qui se fonde sur la structure du texte : alors que le ‘récit encadré’ souligne les bienfaits de la lecture de ces « précepteurs muets » que sont les romans réguliers et purifiés, le ‘récit-cadre’ inscrit la naissance du genre romanesque dans une narration à échos bibliques nettement misogynes qui pèse sur l’ensemble des réflexions de Huet et dont le roman sort tout sauf indemne.
358Karin Westerwelle, « Entre exposition et dissimulation des passions. La “Préface” de Phèdre de Jean Racine »
Dans sa préface de Phèdre, Racine évite de parler directement des passions de l’homme, du mal et du libre arbitre. Le lecteur de la « Préface » assiste à une transposition qui, au lieu d’exposer le contenu (la matière) de la pièce et son contexte, en accentue la forme (la manière). Le problème de la connaissance humaine se pose dans la dialectique suivante : ne peut-on haïr le vice que parce qu’on en connaît la difformité ?
Michèle Crogiez Labarthe, « La première Promenade des Rêveries du promeneur solitaire. Invocation à la lecture ou Rousseau lecteur de lui-même »
Malgré ses dénégations à cet égard, Rousseau a toujours cherché la gloire littéraire. La célébrité venue, il a pu mesurer les risques d’incompréhension inhérents à la médiatisation par les mots. Trouvant la consolation de cette difficulté en se faisant lecteur de lui-même, il a espéré le même rapport, d’identification, de la part de son lecteur. Ses constatations sur l’actualisation du bonheur que permet la littérature, destinées à l’origine à son seul usage, font la singularité de sa voix.
Reto Zöllner, « L’écrivain et son miroir concentrique. La “Préface” de La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac »
S’inscrivant dans la controverse sur l’exigence éthique à laquelle doit obéir la littérature, Balzac récuse la fausse « affinité » entre auteur et narrateur. Face à la polémique autour de La Physiologie du mariage, il met en exergue le but de la littérature : « reproduire la nature par la pensée ». La métaphore du miroir concentrique sert au préfacier à illustrer cet objectif. L’œuvre d’art se fonde, selon lui, sur une réalité transfigurée, exactement observée, mais aussi sagement enrichie par l’imagination.
Peter Fröhlicher, « Construire l’ethos de l’engagement. La “Préface” du Dernier Jour d’un condamné de Victor Hugo »
Destinée à confirmer l’utilité sociale du Dernier Jour d’un condamné, la préface de 1832 évoque la conversion morale du « poëte » en intellectuel abolitionniste, tout en constituant de manière parallèle l’ethos du lecteur censé 359adhérer d’emblée aux mêmes valeurs que le romancier. La figure du lecteur devenu auteur virtuel – « car qui n’a fait ou rêvé dans son esprit le Dernier Jour d’un condamné ? » – apparaît comme un élément clé de la poétique hugolienne du roman esquissée dans cette préface.
Maxence Mosseron, « Un sermon laïque sur la liberté de l’artiste. La “Préface” de Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier »
Cette analyse de la « Préface » de Mademoiselle de Maupin propose une lecture qui complète la vocation pamphlétaire du texte à l’encontre de la critique journalistique de l’époque, d’obédience catholique et utilitariste, en revendiquant le titre de manifeste esthétique. Gautier réplique violemment aux moralistes à l’esprit étriqué et défend, par le recours à l’exemple figuratif et l’analogie avec Michel-Ange, l’absolue nécessité d’une création entièrement libre, qui d’emblée excède toute critique normée.
Denis Bertrand, « La littérature justifiée. Le Roman expérimental d’Émile Zola »
Adossé à Claude Bernard, le plaidoyer de Zola pour le roman expérimental est un transfert de la physiologie – pour le médecin – à la sociologie – pour le romancier. Cet article interroge ce qu’implique cette transposition pour éclairer le statut problématique, chez Zola, de l’écriture et du « style ». Cette discussion, longuement différée et vite évacuée, intervient dans les marges de la réflexion, révélant une tension entre discours scientifique et discours littéraire sur un horizon de légitimité.
Bertrand Marchal, « “Crise de vers” de Mallarmé ou comment commencer ? »
Cette communication étudie les huit premiers paragraphes de « Crise de vers » pour montrer comment Mallarmé, avant d’aborder son sujet d’un point de vue technique (la crise de vers stricto sensu), procède à une mise en place poétique, c’est-à-dire métaphorique, de ce manifeste très célèbre, et repérer les enjeux que suggère une telle mise en place quant à la conception même de la littérature.
360Markus Messling, « “Devenir humain” » après la fureur anthropophage. « Les Manifestes du surréalisme d’André Breton »
Comment une société bourgeoise qui se voulait fondée sur la rationalité avait-elle pu produire la machine de mort qui allait engloutir toute une génération ? Dès ses débuts, à la sortie de la Grande Guerre, le surréalisme naît d’une anthropologie pessimiste. Dans le champ magnétique généré par la psychanalyse et le matérialisme marxiste, le surréalisme d’André Breton cherche à établir une politique de l’esthétique qui puisse « expulser l’homme de lui-même » afin de changer entièrement la vie.
Rita Catrina Imboden, « La poésie, “une nécessité de la condition de l’homme”. La Fonction poétique de Pierre Reverdy »
Pierre Reverdy réunit ses réflexions poétologiques dans un essai : La Fonction poétique, écrit en 1948 pour une diffusion à la radio et publié deux ans plus tard dans le Mercure de France. Cet article montre comment les idées de Reverdy sur la fonction de la poésie et du poète dans la société se confrontent aux conceptions esthétiques du discours social de l’époque et par quelles stratégies discursives le poète essaie de persuader l’auditeur / le lecteur de la valeur essentielle et existentielle de la poésie.
Marie Burkhardt, « Beckett face à En attendant Godot. Une leçon de lecture, malgré tout »
Dans un texte présenté comme lettre, mais supposé présentation promotionnelle d’une pièce à venir encore inconnue, Samuel Beckett prétend être incapable de répondre à la question qui lui aurait été posée, à savoir que pense-t-il du théâtre ? Pourtant, au-delà des apparences et de la dénégation, en déjouant les codes, ce texte programmatique livre des pistes de réflexion sur les enjeux de la littérature, ainsi que le rôle et la place du lecteur-spectateur et de l’auteur.
Markus Lenz, « La lourde liberté de l’écrivain. Les Discours de Suède d’Albert Camus »
Dans ses deux discours suédois à l’occasion de la remise du prix Nobel en 1957, Albert Camus a discuté le rôle de la littérature en tant qu’acte réflexif. 361Il soulève la question de savoir comment l’écrivain peut accomplir sa tâche, quand par temps de violence l’ambivalence poétique de tout acte d’écriture littéraire pourrait être également conçue comme esthétisation de la misère humaine. L’article suit les lignes d’argumentation du lauréat au profit d’une littérature entre engagement aveugle et réflexion sans effet.
Christina Vogel, « Claude Simon, Discours de Stockholm. Un parti pris poïétique »
Dans son Discours de Stockholm, Claude Simon interroge le « faire » de l’écrivain et se demande « faire avec quoi ? » En alléguant la célèbre réponse donnée par Valéry aux questions « Pourquoi écrivez-vous ? Qu’avez-vous à dire ? », Simon assume la posture de celui qui affirma : « je n’ai pas voulu dire mais voulu faire et c’est cette intention de faire qui a voulu ce que j’ai dit ». Cette étude examine les enjeux du poïein que Simon invoque et dont il tente de spécifier la nature.
Wolfgang Asholt, « Yves Ramey, “L’écrivain expulsé du paysage” et le roman de l’extrême contemporain »
L’œuvre d’Yves Ravey répond à la question « À quoi bon la littérature ? » en situant la littérature contemporaine entre le souvenir et la mémoire d’un xxe siècle extrême (« L’écrivain expulsé du paysage »). Les essais, les pièces de théâtre et les romans développent un ‘savoir de la banalité’ de la catastrophe, celle qui a eu lieu et celle d’aujourd’hui. Ils donnent accès à un savoir de la vie face à « des repères devenus flottants et trompeurs » et représentent une littérature de l’exigence.
Odile Bombarde, « Entre espérance et lucidité, la poésie selon Yves Bonnefoy »
Dans un texte de 2014, une distinction radicale est établie entre poésie et littérature. Bonnefoy met en relation plusieurs poèmes de Baudelaire avec les problématiques existentielles de l’auteur, résolues par la forme poétique. Rencontrer une œuvre poétique, c’est rencontrer un autre être dans les questions sérieuses qu’il s’est posées. La poésie, lieu d’une élucidation du rapport à soi et au monde, a un pouvoir salvateur. Cette idée de la poésie préside aussi à la création poétique de Bonnefoy.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-07465-6
- EAN : 9782406074656
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07465-6.p.0357
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/10/2019
- Langue : Français