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Extrait / Chronique de la Régence et du règne de Louis XV


ANNÉE 1726 – AVRIL

Le 12 de ce mois, a été pendu par sentence du Châtelet, confirmée par arrêt, le cuisinier de M. de Guerchois, conseiller d’État, qui avait écrit à son maître par lettre anonyme, de mettre un sac de louis sur une fenêtre de la rue, sinon qu’on l’assassinerait. On ne se cachait pas de cela dans la maison, on posta du monde dans la rue pour l’espionner, on mit ensuite un sac de gros sols. Le cuisinier, qui entendait parler de ces détours, écrivit trois lettres différentes à M. de Guerchois, disant qu’on l’avait manqué un tel jour, revenant de souper, sur le Pont-Neuf, parce qu’il était bien accompagné ; mais que tôt ou tard il n’échapperait pas s’il ne satisfaisait. Il était difficile de découvrir l’auteur de la lettre. Je ne sais par quelle fatalité on s’avisa de donner congé au cuisinier. Madame de Guerchois le payant, lui demanda quittance, il eut la bêtise d’en donner une ; elle fut frappée de la ressemblance de l’écriture avec celle des lettres ; elle s’en rendit plus certaine ; on fit arrêter le cuisinier, lequel a été pendu.

Le peuple et bien d’autres gens ont trouvé ce jugement rigoureux, de faire perdre la vie à un homme qui n’a ni tué ni volé, et qui n’avait jamais fait une mauvaise action. La populace même en a marqué son ressentiment, en cassant les vitres de M. de Guerchois, qui demeure dans la rue Pavée, et le cuisinier a été pendu au bout de la rue, sur le quai des Augustins.

Mais tout considéré, comme le cas est nouveau, on a bien fait de le pendre pour donner l’exemple, surtout parce que c’est un domestique et qu’on ne peut trop acheter la tranquillité publique.


* Extrait tiré de « Chronique de la Régence et du règne de Louis XV. Tome I. 1718-1726 », Edmond Jean François Barbier.